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04/07/2024 | FRANCE | N°23/01496

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 04 juillet 2024, 23/01496


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01496 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKRP
NAC : 70B

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 04 juillet 2024






















DEMANDERESSE

Société SEDRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Fabrice SAUBERT de la SCP GAILLARD - SAUBERT, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DÉFENDEUR

Monsieur [P] [H]
[A

dresse 2]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Thomas GUYONNARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



*****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution :...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01496 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKRP
NAC : 70B

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 04 juillet 2024

DEMANDERESSE

Société SEDRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Fabrice SAUBERT de la SCP GAILLARD - SAUBERT, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDEUR

Monsieur [P] [H]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Thomas GUYONNARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

*****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution :Cécile VIGNAT, Vice-présidente
Greffier :Dévi POUNIANDY

Audience publique du 02 mai 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jugement contradictoire du 04 juillet 2024, en premier ressort.

Prononcé par mise à disposition par Madame Cécile VIGNAT, Vice-présidente, assistée de Mme Dévi POUNIANDY, Greffière

Copie exécutoire délivrée le 04/07/2024 à : Maître Fabrice SAUBERT, Me Thomas GUYONNARD
Expédition délivrée le 04/07/2024 à : M. [H], SEDRE

EXPOSE DU LITIGE :

Par ordonnance de référé en date du 6 mai 2021, le président du tribunal judiciaire de Saint-Denis a notamment ordonné, sur assignation de la Société d’Equipement du Département de la Réunion (ci-après la SEDRE), à Monsieur [P] [H] de procéder à ses frais à la démolition des ouvrages sans usage d’habitation entrepris récemment à côté de sa maison, savoir la pose de plots, pilotis et dalle béton, ainsi que de libérer la parcelle située [Adresse 6], cadastrée CX [Cadastre 1] de ses conteneurs, de la clôture réalisée avec des poteaux en fer, de la balançoire ainsi que des tas de déchets de toute nature, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Cette ordonnance a été signifiée à Monsieur [P] [H] par acte de commissaire de justice en date du 14 septembre 2021. Aucun appel n’a été interjeté à l’encontre de cette ordonnance.

Par acte de commissaire de justice en date du 28 avril 2023, la SEDRE a fait citer Monsieur [P] [H] à l’audience du 25 mai 2023 devant le juge de l’exécution de ce tribunal aux fins de voir :
- liquider l’astreinte fixée par l’ordonnance de référé du 16 mai 2021 signifiée le 14 septembre 2021
- condamner Monsieur [P] [H] à payer à la SEDRE la somme de 47.600 €
- fixer une nouvelle astreinte définitive de 200 € par jour pendant deux mois qui commencera à courir dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir
- condamner Monsieur [P] [H] à verser à la SEDRE la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Après plusieurs renvois, cette affaire a été évoquée à l’audience du 2 mai 2024.

Les parties sont représentées par leurs conseils respectifs.

Aux termes de ses conclusions en réplique et récapitulatives, la société SEDRE maintient l’intégralité de ses demandes initiales.

Aux termes de ses conclusions, Monsieur [P] [H] demande au juge de l’exécution de débouter la SEDRE de l’ensemble de ses demandes, de réduire à de justes proportions l’astreinte à liquider et de débouter la SEDRE de sa demande de nouvelle astreinte définitive, de juger que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et que les dépens seront partagés entre les parties.

Au soutien de ses prétentions, la SEDRE rappelle avoir acquis la parcelle CX [Cadastre 1] [Adresse 6] dans le quartier de [Adresse 5] ([Localité 7]), parcelle destinée à un aménagement urbain à vocation sociale mais sur laquelle Monsieur [P] [H], voisin immédiat, a installé des conteneurs sur des pilotis en béton, entreposé du matériel, installé une balançoire et construit une clôture barbelée. Monsieur [P] [H] n’a jamais exécuté l’ordonnance du 6 mai 2021et retiré les installations et aménagements effectués. La SEDRE rappelle que Monsieur [P] [H] porte atteinte à son droit de propriété qui a un caractère fondamental. La SEDRE s’estime en conséquence bien fondée dans sa demande de liquidation de l’astreinte prononcée et la fixation d’une nouvelle astreinte.

En défense, Monsieur [P] [H] rappelle que dans la liquidation de l’astreinte, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte qu’elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu’elle poursuit. Monsieur [P] [H] souligne la mauvaise foi de la SEDRE qui n’a jamais procédé à la délimitation de sa parcelle malgré ses demandes réitérées et cela alors qu’il occupe ce terrain depuis 4 générations. L’absence de délimitation de la parcelle de la SEDRE ne permet pas de justifier l’origine de l’astreinte. Par ailleurs, l’astreinte liquidée à la somme de 47.600 € est manifestement disproportionnée par rapport à l’enjeu en présence à savoir un terrain de quelques pilotis, d’un trampoline et d’un container.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs conclusions et pièces conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 1er juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la liquidation de l’astreinte provisoire

L’article L 131-3 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l’astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l’a ordonnée reste saisi de l’affaire ou s’en est expressément réservé le pouvoir.

Selon l’article L 131-2 du même code, l’astreinte est indépendante des dommages et intérêts.

L'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.

Selon l’article L 131-4 de ce code, le montant de l’astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter, la charge de la preuve de la constatation de l'inexécution ou de l'exécution tardive incombant en principe à la partie qui demande cette liquidation, le débiteur de l'obligation étant en revanche tenu de justifier de ce que l'obligation prescrite a été correctement exécutée, étant précisé qu'il appartient au juge de l'exécution d'apprécier les difficultés auxquelles a pu être confronté le débiteur de l'astreinte et le cas échéant l'existence d'une cause étrangère.

Selon les termes de l’article R. 131-1 du code des procédures d’exécution, l’astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

L'astreinte, qui est indépendante des dommages-intérêts, a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution.

La SEDRE sollicite la liquidation de l’astreinte fixée par l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saint-Denis en date du 06 mai 2021 à la somme de 47.600 €.

Aux termes de l’ordonnance en date du 6 mai 2021, le juge des référés a assorti l’obligation imposée à Monsieur [P] [H] de procéder à la démolition des ouvrages sans usage d’habitation entrepris récemment à côté de sa maison, savoir la pose de plots, pilotis et dalle béton, ainsi que de libérer la parcelle située [Adresse 6], cadastrée CX [Cadastre 1] de ses conteneurs, de la clôture réalisée avec des poteaux en fer, de la balançoire ainsi que des tas de déchets de toute nature, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente ordonnance et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

L’ordonnance a été signifiée le 14 septembre 2021.

Aux termes du procès-verbal de constat établi le 18 janvier 2023 par Maître [E] [M], commissaire de justice, force est de constater que des containers sont présents sur la parcelle de la SEDRE reposant sur des pilotis en bétons, que la parcelle est clôturée mais que cette clôture n’a pas été réalisée par la SEDRE et qu’il n’y a pas de clôture séparative entre les parcelles de la SEDRE et celle de Monsieur [P] [H]. Les photographies produites par le commissaire de justice permettent de constater la présence sur la parcelle d’un trampoline et d’une balançoire.

Sans produire la moindre pièce, Monsieur [P] [H] soutient que la SEDRE n’a jamais procédé à la délimitation de sa parcelle.

Il y a lieu de constater que la propriété de la SEDRE sur la parcelle litigieuse n’a jamais été contestée par Monsieur [P] [H] qui n’a d’ailleurs engagé aucune action pétitoire. Monsieur [P] [H] est en réalité occupant sans droit ni titre sans être en mesure de justifier de sa propriété sur la parcelle sur laquelle sa maison est édifiée. La SEDRE souligne de plus, sans être contredite sur ce point par Monsieur [P] [H], que les pourparlers en vue du rachat de la parcelle sur laquelle sa maison est édifiée sont toujours en cours depuis plusieurs années.

En l'espèce, l’obligation mise à la charge de Monsieur [P] [H] étant une obligation de faire, c’est à lui qu’il appartient de démontrer qu’il s’est exécuté ce qu’il ne fait pas.

Ce qui est manifeste à l’examen du dossier, c’est la volonté de Monsieur [P] [H] de se soustraire à l’exécution d’une décision de justice aujourd’hui définitive lui imposant de retirer les ouvrages illégalement construits sur la parcelle de la SEDRE, notamment les pilots en béton sur lesquels sont posés des containers, au mépris du droit de propriété de cette dernière.

Il en résulte que la demande de liquidation de l’astreinte sollicitée par la SEDRE est bien fondée dans son principe.

S’agissant du quantum de l’astreinte, il convient cependant de préciser que dans la liquidation de l’astreinte, le juge doit vérifier qu’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l’astreinte et l’enjeu du litige, sans pour autant autoriser le juge à prendre en considération les facultés financières du débiteur de l’astreinte.

Ainsi, le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que l’astreinte porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu’elle poursuit.

En l’espèce, il convient de rappeler que la SEDRE a fait l’acquisition de plusieurs terrains dans le cadre d’une opération de résorption de l’habitat insalubre. La parcelle lui appartenant et sur laquelle Monsieur [P] [H] s’est illégalement installé l’empêche de poursuivre son aménagement urbain à vocation sociale.

Monsieur [P] [H] soutient que l’enjeu du litige serait minime puisqu’il s’agirait de débarrasser le terrain de quelques pilotis , d’un trampoline et d’un container. Si tel était le cas, il convient de s’interroger sur les raisons de l’inexécution par Monsieur [P] [H] de son obligation de faire depuis plus de trois ans.

Force est de constater que Monsieur [P] [H] ne démontre pas que l’enjeu du litige serait nettement inférieur au montant de l’astreinte aujourd’hui réclamé par la SEDRE pour pouvoir disposer du terrain dont elle est propriétaire.

La liquidation de l’astreinte, telle que fixée par l’ordonnance de référé du 6 mai 2021 n’apparaît pas disproportionnée par rapport à l’enjeu du litige, sachant que la SEDRE est privée de la propriété de sa parcelle depuis plusieurs années, étant rappelé que le droit de propriété est un droit fondamental et à valeur constitutionnelle.

En conséquence, compte tenu de l’absence totale d’exécution de Monsieur [P] [H], l’astreinte d’un montant de 100 € par jour de retard sera liquidée à la somme de 47.600 € correspondant aux 476 jours s’étant écoulés entre le 29 septembre 2021 et le 18 janvier 2023.

Monsieur [P] [H] sera donc condamné à payer à la SEDRE la somme de 47.600 € en liquidation de l'astreinte provisoire.

Sur le prononcé d’une nouvelle astreinte provisoire

Selon l’article L 131-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, le juge de l’exécution peut assortir d’une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.

L’inexécution par Monsieur [P] [H] de son obligation de faire justifie que soit reconduite l’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance du 6 mai 2021 en la maintenant à la somme de 100 € par jour de retard, passé un délai de deux mois suivant la notification du présent jugement et sur une période de 200 jours.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [P] [H], partie succombante, sera condamné aux dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SEDRE les frais qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts. Il y a lieu de condamner Monsieur [P] [H] à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le juge de l'exécution statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire en premier ressort :

Liquide l'astreinte mise à la charge de Monsieur [P] [H] par l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion en date du 06 mai 2021 à la somme de 47.600 € représentant la liquidation sur la période allant du 29 septembre 2021au 18 janvier 2023.

Condamne Monsieur [P] [H] à payer à la SEDRE la somme de 47.600 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Reconduit l’astreinte provisoire fixée par l’ordonnance de référé du tribunal judiciaire de Saint Denis de la Réunion en date du 06 mai 2021 en la fixant à la somme de 100 € par jour de retard et sur une durée de 200 jours passé le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement avec obligation pour Monsieur [P] [H] de procéder à ses frais à la démolition des ouvrages sans usage d’habitation entrepris récemment à côté de sa maison, savoir la pose de plots, pilotis et dalle béton, ainsi que de libérer la parcelle située [Adresse 6], cadastrée CX [Cadastre 1] de ses conteneurs, de la clôture réalisée avec des poteaux en fer, de la balançoire ainsi que des tas de déchets de toute nature.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne Monsieur [P] [H] aux dépens,

Condamne Monsieur [P] [H] à payer la SEDRE la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01496
Date de la décision : 04/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-04;23.01496 ?
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