RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
CHAMBRE DES REFERES
AFFAIRE N° RG 24/00051 - N° Portalis DB3Z-W-B7I-GTCB
NAC : 28Z
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
AUDIENCE DU 27 Juin 2024
DEMANDEUR
M. [B] [U]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Rep/assistant : Maître Thierry CODET de la SELARL CODET CHOPIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DEFENDERESSE
Mme [Y] [T] épouse [F]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Rep/assistant : Me Marion RIESS-VALERIUS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
LORS DES DÉBATS :
Président : Sophie PARAT
Greffier : Marina GARCIA
Audience Publique du : 30 Mai 2024
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Ordonnance prononcée le 27 Juin 2024 , par décision contradictoire en premier ressort, et par mise à disposition au greffe de la juridiction par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente, assistée de Madame Marina GARCIA, Greffier
Copie exécutoire délivrée le :
Copie certifiée conforme à Maître CODET et Maître RIESS VALERIUS délivrée le :
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 9 septembre 2010, le divorce de Monsieur [B] [U] et Madame [Y] [T] a été prononcé.
Par jugement du 3 juin 2016, le juge aux affaires familiales a fixé notamment le montant de l’indemnité d’occupation due par Madame [T] à l’indivision post-communautaire à 1 600 euros par mois à compter du 18 avril 2007, ainsi que les créances de chacun des époux sur l’indivision post-communautaire.
L’acte de partage notarié reçu le 12 septembre 2017 par Maître [G] [X] a été annulé par arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis du 21 décembre 2022. Dans ce même arrêt, la cour d’appel a rejeté, comme étant nouvelle, la demande de provision formulée par Monsieur [U].
Par acte de commissaire de justice en date du 26 janvier 2024, Monsieur [B] [U] a fait assigner Madame [Y] [T] épouse [F] devant la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, statuant en matière de référé, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile afin d’obtenir une provision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 9 avril 2024, il demande à la juridiction de :
Condamner Madame [Y] [T] épouse [F] à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 156 800 euros à titre de provision sur les sommes à lui revenir, d’un montant supérieur, après partage de l’indivision post-communautaire existante entre eux ;Condamner Madame [Y] [T] épouse [F] à payer à Monsieur [B] [U] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ;Condamner Madame [Y] [T] épouse [F] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, il soutient, en se fondant sur l’article 835 du code de procédure civile, que l’existence de l’obligation n’est pas contestable en ce que le montant de l’indemnité d’occupation due par Madame [T] à l’indivision, jusqu’à la liquidation définitive, a été fixée par le jugement de liquidation partage de 2016. Il expose que depuis l’annulation par la cour d’appel de l’acte de partage de 2017, et la désignation d’un nouveau notaire, les parties n’ont pas encore été convoquées, de sorte qu’aucun acte de partage n’a été signé. Il considère les moyens de défense qui lui sont opposés comme infondés et inopérants, en arguant que le compte de liquidation a été fixé par un jugement et que sa demande serait recevable, même sur le fondement de l’article 815-11 du code civil.
Aux termes de ses conclusions notifiées électroniquement le 30 avril 2024, Madame [Y] [T] épouse [F] demande à la juridiction de :
A titre principal :Débouter Monsieur [U] de l’ensemble de ses demandes et conclusions,
Se déclarer incompétent pour juger les demandes formées en vertu de l’article 815-11 du code civil,
A titre subsidiaire :Condamner Monsieur [U] à payer à Madame [T] la somme de 26 900 euros au titre des travaux,
Condamner Monsieur [U] à payer à Madame [T] la somme de 143 381 euros au titre du remboursement des prêts,
En tout état de cause :Condamner Monsieur [U] au paiement à Madame [T] de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que seule l’indivision est créancière d’une indemnité d’occupation vis-à-vis de Madame [T], et que la demande, fondée sur l’article 835 du code de procédure civile, ne saurait prospérer. Elle soutient encore que, puisque le demandeur semble modifier le fondement juridique de sa demande, au profit de l’article 815-11 du code civil, le président du tribunal statuant en référé est incompétent pour en connaître, l’article 1380 du code de procédure civile donnant compétence au président statuant selon la procédure accélérée au fond.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il convient de se référer à l’assignation et aux conclusions des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
A l’issue de l’audience du 30 mai 2024, le juge des référés a indiqué que la décision serait prononcée le 27 juin 2024, par mise à disposition au greffe de la juridiction.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’exception d’incompétence
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier.
Aux termes de l’article 815-10 du code civil : « Sont de plein droit indivis, par l'effet d'une subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des biens indivis, ainsi que les biens acquis, avec le consentement de l'ensemble des indivisaires, en emploi ou remploi des biens indivis.
Les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.
Aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.
Chaque indivisaire a droit aux bénéfices provenant des biens indivis et supporte les pertes proportionnellement à ses droits dans l'indivision. »
Aux termes de l’article 815-11 du même code : « Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir. »
Enfin, aux termes de l’article 1380 du code de procédure civile, les demandes formées en application de l’article 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.
En l’espèce, si la demande est fondée sur l’article 835 du code de procédure civile, qui est le texte général permettant au président du tribunal judiciaire d’octroyer une provision en référé, lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, en réalité cette demande de provision ne saurait prospérer sur ce fondement. En effet, Monsieur [U] n’est pas directement créancier de l’indemnité d’occupation due par Madame [T] pour son occupation privative de leur bien indivis : seule l’indivision post-communautaire est créancière de cette indemnité d’occupation. En outre, il ne peut non plus être retenu qu’il serait créancier, de façon non sérieusement contestable, de la moitié de cette indemnité d’occupation, en tant que titulaire de la moitié des droits indivis : en effet, le jugement du 3 juin 2016 a fixé, non seulement le montant de l’indemnité d’occupation due par Madame [T] à l’indivision, mais également le montant des créances des époux sur l’indivision, à savoir pour Madame [T] 26 900 euros à raison des travaux d’amélioration sur le bien indivis, 143 381 euros à raison du financement du bien indivis et pour Monsieur [U] 6 445 euros à raison du financement du bien indivis. Le montant de la soulte qui sera due par Madame [T] à Monsieur [U] au terme des comptes de l’indivision est à ce jour sérieusement contestable. La demande, en ce qu’elle est fondée sur l’article 835 du code de procédure civile, sera donc rejetée.
Même en envisageant la demande comme étant fondée sur l’article 815-11 du code civil, et tendant alors à obtenir une répartition provisionnelle des bénéfices de l’indivision (3ème alinéa de l’article, en gras dans les conclusions du demandeur), la présente juridiction n’est pas compétente pour en connaître, l’article 1380 du code de procédure civile donnant compétence au président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond.
Il y aura donc lieu de nous déclarer incompétent et de renvoyer le dossier au président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond.
Les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
Nous, Sophie PARAT, juge des référés,
REJETONS la demande de provision en ce qu’elle est fondée sur l’article 835 du code de procédure civile ;
NOUS DECLARONS incompétent pour statuer sur la demande de provision fondée sur l’article 815-11 du code civil, au profit du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ;
DISONS que le dossier de la procédure sera transmis à la présidente du tribunal judiciaire de Saint-Denis statuant selon la procédure accélérée au fond, à défaut d’appel dans le délai, conformément aux dispositions de l’article 82 du code de procédure civile ;
RESERVONS les dépens ;
RAPPELONS que la présente ordonnance bénéfice de plein droit de l'exécution provisoire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT