RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/00755 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-F72L
NAC : 50G
JUGEMENT CIVIL
DU 07 MAI 2024
DEMANDEURS
M. [B] [J] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Mélanie RAYMOND, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Mme [H] [T] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 4]
Rep/assistant : Me Mélanie RAYMOND, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉFENDEURS
M. [W] [U] [K]
[Adresse 3]
[Localité 8]
Rep/assistant : Me Bernard VON PINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
S.A.S. CAFPI prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 2]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Copie exécutoire délivrée le : 07.05.2024
CCC délivrée le :
à Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, Me Mélanie RAYMOND, Me Bernard VON PINE
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Le Tribunal était composé de :
Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière
LORS DES DÉBATS
L’affaire a été évoquée à l’audience du 28 Mars 2024.
LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ
A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 07 Mai 2024.
JUGEMENT : Contradictoire, du 07 Mai 2024 , en premier ressort
Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière
En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
EXPOSE DU LITIGE
Le 15 juin 2021 Mr [B] [K], Mme [H] [C] et Mr [W] [K] ont signé une promesse de vente portant sur l'acquisition d'une maison sise [Adresse 6], à [Localité 8] moyennant le prix de 185.000 €. La promesse de vente était conclue en prévoyant entre autres la sollicitation par Mr [W] [K] d'un prêt d'un montant de 185 000 € pour une durée de 300 mois au taux de 1,7% assortie d'une clause d'immobilisation d'un montant de 18 500 €.
Mr [K] ayant notifié par l'intermédiaire de son courtier, la société CAFPI , aux vendeurs, trois refus de prêt conduisant à renoncer à son engagement d'achat, les vendeurs, arguant du fait que les offres de prêt ne répondent pas aux caractéristiques du prêt prévues dans la promesse de vente ou n'ont pas été déposées dans les délais, ont demandé le versement de l'indemnité d'immobilisation, ce qu'a refusé Mr [K] .
Par exploit délivré le 22 mars 2022, ils l'ont assigné devant ce tribunal pour demander le règlement de l'indemnité d'immobilisation et à défaut pour demander sa condamnation à réparer le préjudice subi du fait de l'absence injustifiée, dans les délais, des refus de prêt.
Le 16 septembre 2022, Mr [W] [K] a assigné en intervention forcée la société CAFPI et les affaires ont été jointes.
Dans leurs dernières conclusions enregistrées le 21 mars 2023, Mr [B] [K] et Mme [H] [C] demandent, au visa des articles 1124, 1178, 1304-3 et 1240 du code civil, au tribunal de :
- CONDAMNER Monsieur [W] [K] à leur verser la somme de 18.500 € au titre de l’indemnité d’immobilisation ;
A titre subsidiaire :
- CONDAMNER Monsieur [K] [W] à leur verser la somme de 18.500 € en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de notification dans les délais de la non-obtention du prêt sollicité pour la réalisation de la vente ;
En tout état de cause :
- DEBOUTER Monsieur [W] [K] et la société CAFPI de leurs demandes ;
- CONDAMNER solidairement Monsieur [W] [K] et la société CAFPI à leur verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Ils soutiennent, à titre principal, que la condition suspensive est réalisée et que l'absence de levée de l'option est imputable à Mr [K] ; qu'à la date contractuellement prévue par la promesse de vente, soit le 15 septembre 2021, il ne les avait pas avisés de l'acceptation ou du refus des demandes de prêt ; qu'il n'a pas davantage justifié des refus de prêt dans les huit jours suivant la réception de la mise en demeure envoyée par le notaire le 21 octobre 2021 ; qu'il ne démontre pas avoir demandé un prêt conforme aux caractéristiques du prêt mentionné dans la promesse de vente ; que les refus du prêt lui sont imputables en ce qu'il a contracté un prêt de 16 000 € en même temps qu'il a sollicité un prêt immobilier ; qu'ils sont étrangers aux rapports liant Mr [K] à la CAFPI ;
Ils ajoutent, à titre subsidiaire, que la faute commise par Mr [K] , qui ne les a pas prévenus dans les délais prévus, des refus de prêt, leur cause un préjudice équivalent au montant de l'indemnisation ; Ils sollicitent également que la décision soit assortie de l'exécution provisoire.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 6 octobre 2003, Monsieur [W] [K] demande au tribunal de rejeter les demandes des requérants et d'ordonner l'exécution provisoire ; à titre subsidiaire de condamner la société CAFPI à le garantir des condamnations prononcées à son encontre et de la condamner à lui verser la somme de 5000 € à titre de dommages-intérêts et de condamner tout succombant à lui verser la somme de 5000 € au titre des frais irrépétibles.
Il fait valoir qu'il n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité civile ; qu'il a accompli toutes les démarches en vue d'obtenir un prêt en signant, notamment, le 29 juillet 2021 un mandat de recherche de financement avec la société CAFPI ; que les requérants ne rapportent pas la preuve d'un préjudice réel et certain et sont de mauvaise foi en ce qu'ils affirment, fallacieusement, qu'il a souscrit un prêt d'un montant de 16 000 € sans la moindre preuve ; que la faute commise par la société CAFPI l'exonère de toute responsabilité à l'égard des vendeurs ; que la responsabilité de cette société est engagée en ce qu'elle a manqué à son obligation principale, à son obligation de diligence, à son obligation de rendre compte et à son devoir de loyauté ; que Monsieur [V], mandataire de la CAFPI, connaissait ses besoins et connaissait les critères du prêt recherché; qu'il lui appartenait donc de lui proposer des offres correspondant à ses besoins conformément aux caractéristiques du prêt exigé dans la promesse de vente ; que les refus opposés par les banques sont imputables à Monsieur [V] qui ne l'a pas informé du refus de la BRED émis le 10 août 2021 le privant ainsi de la possibilité d'en informer les vendeurs et ce alors qu'il connaissait la date d'expiration de la promesse de vente ; que ces manquements contractuels lui causent un préjudice évalué au montant de l'indemnité d'immobilisation.
Dans ses dernières conclusions le 05 décembre 2023 la société CAFPI demande au tribunal de débouter Mr [W] [K] de ses demandes, de condamner tout succombant à lui verser la somme de 3500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Elle fait valoir que sa responsabilité ne peut pas être engagée dans la mesure où elle a parfaitement exécuté ses obligations et n'a commis aucun manquement ; que les clauses de la promesse de vente lui sont inopposables ; qu'elle a parfaitement exécuté son obligation principale en respectant les termes de son mandat ; qu'elle sollicitée trois demandes de crédit auprès de deux établissements financiers distincts démontrant ainsi les diligences réalisées ; qu'elle a informé Mr [K] du refus de la BRED en date du 10 août 2021 par téléphone ; que celui-ci a consenti à déposer une deuxième offre de prêt auprès de cet établissement, ce qu'elle fait le 02 septembre 2021 ; qu'elle a exécuté de manière loyale son mandat ; que les termes de la promesse de vente lui sont inopposables en raison de l'effet relatif des contrats et des termes du mandat ; que les vendeurs sollicitent la condamnation de Mr [W] [K] pour violation des stipulations de la promesse qui lui sont inopposables ; que la demande de dommages et intérêts présentée par ce dernier au titre d'un prétendu préjudice moral ne peut qu'être rejetée en l'absence de faute ; Elle ajoute, à titre subsidiaire, que Mr [K] ne peut pas être condamné au paiement d'une indemnité de mobilisation ou à des dommages-intérêts puisque nonobstant les diligences effectuées, son crédit aurait été de toute façon refusé ; qu'il doit ainsi pouvoir récupérer le montant de l'indemnité d'immobilisation versé ; à titre subsidiaire, il n'a commis aucune faute et les vendeurs ne démontrent aucun préjudice.
Pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024 et l'affaire a été mise en délibéré au 7 mai 2024.
MOTIFS
Sur la réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt.
Vu l'article 1178 du Code civil ;
Il appartient au bénéficiaire d'une promesse de vente de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente.
Il ressort des explications et des pièces produites que le 15 juin 2021 Mr [B] [K], Mme [H] [C] et Mr [W] [K] ont signé une promesse de vente d'un bien immobilier , assortie d'une clause suspensive d'obtention d'un prêt par le bénéficiaire de la promesse qui était rédigée ainsi :
« montant maximal de la somme empruntée 185 000 €/ durée maximale de remboursement 300 mois / taux nominal d'intérêt maximal 1,7 % l'an (hors assurance ) . »
La promesse prévoyait également que : « la condition suspensive sera réalisée en cas d'obtention par le bénéficiaire d'une plusieurs offres écrites de prêt aux conditions sus indiquées au plus tard le 15 septembre 2021. »
Mr [W] [K] n'a justifié ni de l'acceptation ni du refus d'une offre de prêt à la date du 15 septembre 2021 et en dépit des courriers adressés les 21 et 26 octobre 2021 par le notaire instrumentaire et par la compagnie d'assurance des vendeurs, il n'a réagi que le 4 novembre 2021 par l'intermédiaire de la société CAFPI qui écrivait au notaire que les deux demandes de prêt adressées à la BRED et et celle adressée à la SOFIDER avaient été refusées.
L'examen de ces demandes de financement révèle qu'aucune ne correspondait aux caractéristiques de la promesse puisque, d'une part, le montant des financements sollicités était inférieur au montant maximal prévu dans la promesse et que, d'autre part, les taux demandés étaient soit inférieurs au taux maximal prévu dans la promesse ( BRED 1,5 % ) , soit supérieur ( 1,85 % SOFIDER ).
Ce seul constat démontre que Mr [W] [K] n'a pas sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente.
La société CAFPI soutient que l'indemnité d'immobilisation n'est pas due par l'intéressé dès lors que son crédit aurait été, de toute façon, refusé en raison de ses faibles capacités financières, mais elle ne démontre pas qu'un prêt, fut il d'un montant de 185.000 € , au taux de 1,7 % l'an, excédait les possibilités financières de Mr [K] .
Ainsi, faute pour le bénéficiaire d'avoir demandé un prêt conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse de vente, la condition suspensive est réputée accomplie par application de l'article 1178 du code civil.
En conséquence, Mr [W] [K] devra verser à Mr [B] [K] et Mme [H] [C] la somme de 18 500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation.
Sur la responsabilité de la société CAFPI.
Le 29 juillet 2021, Mr [K] a signé avec la CAFPI un mandat de recherche de financement pour l'obtention à son profit d'un prêt « de 185.000 € sur 300 mois avec une mensualité maximale souhaitée s'élevant à 977 € ».
La société CAFPI établit avoir déposé à la BRED le 2 août 2021 une demande de prêt pour un montant de 177.081 € sur 300 mois au taux de 1,5 % puis une demande le 2 septembre 2021 pour un montant de 170 255 € sur une durée de 300 mois au taux de 1,5 % fixe. Elle justifie avoir déposé le 3 septembre 2021 à la SOFIDER une demande de prêt pour un montant de 177 000 € sur une durée de 300 mois au taux de 1,85 %. Toutes ont été refusées.
Il est établi que ces demandes de financement correspondaient aux caractéristiques sollicitées dans le mandat de recherche - la société CAFPI n'étant pas liée par les termes de la promesse de vente – et qu'elles ont été transmises avec célérité; que la société CAFPI a réagi rapidement en transmettant, dès le 02 septembre 2021, à la BRED, une seconde demande de financement après le refus du 10 août 2021.
Il est également établi que bien qu'ayant signé la promesse de vente le 15 juin 2021, Mr [K] n'explique pas les raisons pour lesquelles il a attendu le 29 juillet 2021 pour signer un mandat de recherche alors que la société CAFPI démontre avoir accompli les diligences requises dans des délais contraints.
Mr [K] prétend ne pas avoir été informé par la CAFPI du refus exprimé par la BRED le 10 aout 2021 mais en consentant à présenter, via le courtier, une seconde offre de prêt à cette banque dès le 02 septembre 2021, il avait été nécessairement informé de ce refus .
Mr [K] n'établit pas davantage le défaut de loyauté de la société CAFPI qui n'était pas tenue par la date d'expiration de la promesse de vente et dont il n'est pas établi qu'elle a eu connaissance, avant le 10 août 2021, du refus de financement de la BRED.
Il se déduit de ce qui précède qu'il n'établit pas les manquements contractuels reprochés à son courtier. Il sera en conséquence débouté de son appel en garantie.
Il sera également débouté de sa demande en réparation du préjudice moral qui n'est ni motivée, ni justifiée.
Sur les mesures de jugement.
Succombant, Mr [W] [K] sera condamné aux dépens.
L'équité commande de le condamner à payer à Mr [B] [K] et Mme [H] [C] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter ce dernier de sa demande fondée de ce chef. L'équité commande également de le condamner à payer à la société CAFPI la somme de 1800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il est rappelé que la décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu par mise à disposition et susceptible d'appel
CONDAMNE Mr [W] [K] à payer à Mr [B] [K] et à Mme [H] [C] la somme de 18.500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation ,
DEBOUTE Mr [W] [K] de son appel en garantie dirigé contre la société CAFPI ,
REJETTE toutes les autres demandes ,
CONDAMNE Mr [W] [K] à payer à Mr [B] [K] et à Mme [H] [C] la somme de 2000 € et à la société CAFPI la somme de 1800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit;
CONDAMNE Mr [W] [K] aux dépens.
La greffière la Juge