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02/05/2024 | FRANCE | N°23/03457

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 02 mai 2024, 23/03457


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/03457 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GPSJ
NAC : 78F

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 02 mai 2024






















DEMANDEUR

Monsieur [E] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Alicia BUSTO de la SELARL CHICAUD ET PREVOST OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Yann PREVOST, avocat au bar

reau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION substitué par Me Amina GARNAULT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DÉFENDERESSE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE
[Adresse 1]
[L...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/03457 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GPSJ
NAC : 78F

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 02 mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [E] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Alicia BUSTO de la SELARL CHICAUD ET PREVOST OCEAN INDIEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Yann PREVOST, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION substitué par Me Amina GARNAULT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSE

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE
[Adresse 1]
[Localité 4] (MAYOTTE)
Rep/assistant : Maître Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

*****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution :Cécile VIGNAT, Vice-présidente
Greffier :Dévi POUNIANDY

Audience publique du 04 avril 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jugement contradictoire du 02 mai 2024, en premier ressort.

Prononcé par mise à disposition par Madame Cécile VIGNAT, Vice-présidente, assisté de Mme Dévi POUNIANDY, Greffière

Copie exécutoire délivrée le 02/05/2024 à : Maître Alicia BUSTO, Maître Philippe BARRE
Expédition délivrée le 02/05/2024 à : la CGSS et M. [R]

EXPOSE DU LITIGE

Se prévalant d’une contrainte n°2658120 en date du 28 février 2023 de 130.204 € signifiée à étude le 15juin 2023, la Caisse Générale de la Sécurité Sociale de la Réunion (ci-après CGSS) a fait procéder à l’encontre de Monsieur [E] [R] à une saisie-attribution en date du 1er septembre 2023 entre les mains de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Réunion pour un montant total en principal, intérêts et frais de 131.446,21 €.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à Monsieur [E] [R] par acte de commissaire de justice du 5 septembre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 05 octobre 2023, Monsieur [E] [R] a fait citer la CGSS devant le juge de l’exécution de ce tribunal aux fins de voir :
- A titre principal : ordonner la mainlevée de la saisie attribution réalisée le 1er septembre 2023 à la requête de l’URSSAF et de la CGSS pour la somme de 1.381,17 € sur le compte de Monsieur [E] [R] et condamner l’URSSAF et la CGSS à lui payer la somme de 1.000€ à titre de dommages et intérêts.
- A titre subsidiaire : considérant l’opposition à la contrainte formée par Monsieur [E] [R] sur la créance réclamée par l’URSSAF à son encontre et notamment son moyen visant à dire la créance prescrite par l’effet de l’article L 244-3 du code de la sécurité sociale, surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir concernant l’instance introduite devant le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis
- En tout état de cause : condamner l’URSSAF et la CGSS à verser à Monsieur [E] [R] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Après plusieurs renvois, l’affaire a été évoquée à l’audience du 4 avril 2024.

Les parties sont représentées par leur conseil respectif et s’en rapportent à leurs pièces et conclusions.

Aux termes de ses conclusions en réplique n°2, Monsieur [E] [R] maintient ses demandes principales initiales à l’encontre de la seule CGSS et, à titre subsidiaire, demande au juge de l’exécution de prononcer la nullité absolue de la saisie attribution réalisée à son encontre le 1er septembre 2023 à la requête de la CGSS pour la somme de 1.381,17 € sur son compte de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Réunion . A titre infiniment subsidiaire, Monsieur [E] [R] maintient sa demande de sursis à statuer.

En défense, aux termes des ses conclusions n°2, la CGSS demande au juge de l’exécution de valider la saisie-attribution en date du 1er septembre 2023 pratiquée à l’encontre de Monsieur [E] [R] et dénoncée le 5 septembre 2023 et de le condamner au paiement de l’intégralité des frais liés à la procédure d’exécution. Elle sollicite sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures et observations orales conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 2 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validité du titre exécutoire

Monsieur [E] [R] soutient que la signification de la contrainte en date du 15 juin 2023 a été faite à son ancien domicile alors qu’il avait signalé son changement d’adresse à la CGSS par courrier simple du 12 avril 2023 dont elle avait d’ailleurs tenu compte pour l’envoi de ses courriers postérieurs. Il soutient également que l’huissier n’a pas fait les diligences nécessaires, se contentant de la confirmation du domicile par le voisinage. En conséquence, Monsieur [E] [R] estime que faute d’avoir été signifiée, la contrainte ne peut avoir les effets d’un jugement et la CGSS ne dispose d’aucun titre exécutoire valable.

En défense, la CGSS se prévaut du caractère exécutoire de la contrainte, estimant que la contrainte a été régulièrement signifié au domicile déclaré par Monsieur [E] [R] ainsi que cela résulte de la notification faite par le commissaire de justice et que cette adresse est d’ailleurs identique à celle mentionnée par le requérant dans le cadre de la présente instance et qu’elle est l’adresse à laquelle la dénonciation de la présente saisie-attribution lui a été signifiée.

Aux termes de l'article L.211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent.

Constituent des titres exécutoires, aux termes de l'article L 111-3-6° du code des procédures civiles d'exécution, les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.

En vertu de l'article L.244-9 du code de la sécurité sociale, la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les 15 jours de sa signification, tous les effets d'un jugement.

En l'espèce, la saisie-attribution contestée par Monsieur [E] [R] a été opérée en vertu d’une contrainte n°2658120 en date du 28 février 2023 d’un montant de 130.204 € .

Cette contrainte a été signifiée à Monsieur [E] [R] le 15 juin 2023 par acte d’huissier de justice remis à étude.

S’agissant de la régularité de l’acte d’huissier, il y a lieu de rappeler que selon les dispositions de l’article 654 du code de procédure civile, la signification “doit être faite à personne”. Ce qui signifie que l’huissier (aujourd’hui nommé commissaire de justice) doit en premier lieu trouver personnellement le destinataire de l’acte.
Ce n’est que si la signification à personne s’avère impossible que la signification à domicile ou à résidence peut lui être substituée, ce qui suppose que toutes les diligences pour signifier à personne ont été effectuées.

Il appartient au commissaire de justice de relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer une signification à la personne du destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification en application des articles 655 et 653 du code de procédure civile.

L’acte doit contenir les diverses investigations et circonstances rendant la remise à personne impossible sous peine d’entraîner la nullité de la signification. Le commissaire de justice doit expliquer les raisons concrètes qui ont empêché la signification à personne.

En l’espèce, l’acte de signification de la contrainte du 15 juin 2023 précise que l’huissier de justice s’est rendu au [Adresse 2] à [Localité 6] et après avoir constaté que personne ne répondait à ses appels, a eu confirmation du domicile par le voisinage. L’huissier a laissé un avis de passage mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant et la mention que la copie de l’acte doit être retirée dans les plus brefs délais à son étude.

Si les mentions portées par l’huissier sur l’acte de signification pourraient être considérées comme étant insuffisantes car non corroborées par un élément supplémentaire tel que la présence du nom de Monsieur [E] [R] sur la boîte aux lettres, il convient cependant de souligner :
- que la dénonciation de la saisie-attribution en date du 5 septembre 2023 a bien été faite à cette adresse de Monsieur [E] [R] située sur [Localité 6], le commissaire de justice (anciennement huissier de justice) précisant bien sur l’acte que l’adresse est confirmée par la présence du nom sur la boîte aux lettres et par un commerçant
- que tant dans l’acte introductif de la présente instance que dans ses conclusions, le conseil de Monsieur [E] [R] mentionne bien cette adresse située à [Localité 6] comme étant le domicile de Monsieur [E] [R].

Même si Monsieur [E] [R] justifie avoir indiqué à la CGSS par courrier simple en date du 12 avril 2023 sa nouvelle adresse située au [Adresse 3] à [Localité 5], force est de constater qu’il entretient sciemment une confusion s’agissant de son domicile réel, confusion dont il ne saurait se prévaloir pour éviter de se voir opposer les délais de recours.

En conséquence, et compte tenu des informations contradictoires données par Monsieur [E] [R] s’agissant de son domicile et de la confirmation du domicile situé sur [Localité 6] tant par le commissaire de justice lors de la signification de la contrainte que sur les actes postérieurs et par Monsieur [E] [R] lui-même dans le cadre de cette procédure, il convient de dire que la signification de la contrainte du 28 février 2023 a bien été régulièrement faite au domicile du destinataire de l’acte.

Comme le soutient la CGSS, cette contrainte signifiée le 15 juin 2024, a acquis un caractère définitif en l’absence de saisine du tribunal judiciaire dans le délais impartis par l’article R 133-3 du code de la sécurité sociale.

La contrainte sur laquelle est fondée la présente saisie-attribution contestée vaut titre exécutoire et comporte tous les effets d’un jugement.

Sur la validité de la saisie-attribution

Au soutien de sa demande de nullité de la saisie-attribution, Monsieur [E] [R] expose que le montant en principal réclamé sur le procès-verbal de saisie-attribution, soit 156.555 € ne correspond aucunement au montant visé dans la contrainte du 28 février 2023 à savoir 130.204 €. Ce décompte qui n’est ni juste ni vérifiable entraîne la nullité de la saisie-attribution en application de l’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution.

En défense, la CGSS rappelle que les mentions obligatoires au procès-verbal de saisie-attribution sont limitatives. Le procès-verbal fait état des mêmes sommes que celles visées dans la contrainte à savoir la somme de 130.204 € et a juste précisé les versements réalisés antérieurement.

L’article R 211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le créancier procède à la saisie par acte d’huissier de justice signifié au tiers. Cet acte contient à peine de nullité:
1° L’indication des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social,
2° L’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée,
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation,
4° L’indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu’il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur,
5° La reproduction du premier alinéa de l’article L 211-2, de l’article L 211-3, du troisième alinéa de l’article L 211-4 et des articles R 211-5 et R 211-11.
L’acte indique l’heure à laquelle il a été signifié.

L'article 114 du code de procédure civile dispose qu’aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d'une formalité substantielle ou d' ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

En l’espèce,le procès-verbal de saisie-attribution du 1er septembre 2023 fait bien référence à la contrainte en date du 28 février 2023 et comporte un décompte distinct des sommes dues en principal, intérêts et frais. La contrainte fondant cette saisie-attribution détaille par période les cotisations, pénalités et majorations dues.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [E] [R], le montant du principal figurant sur le procès-verbal de saisie-attribution est identique à celui de la contrainte : l’huissier de justice a rappelé les versements déjà effectués antérieurement à l’établissement de la contrainte soit la somme de 26.351 € ce qui portait le montant total des sommes dues avant ces versements à la somme de 156.555 € et après à la somme de 130.204 €. Les sommes indiquées sur le procès-verbal de saisie-attribution et sur la contrainte sont identiques.

Il en résulte que l’acte contesté comporte toutes les informations utiles permettant de savoir à quelle contrainte les sommes réclamées se rattachent.

Dès lors, la demande de nullité de l’acte de saisie-attribution du 1er septembre 2023 sera rejeté.

La saisie est donc valable en ce qu'elle a été opérée en vertu de la contrainte en date du 28 février 2023 et produira tous ses effets.

Sur la demande de sursis

Il n’y a pas lieu de surseoir à statuer compte tenu des développements précédents.

Sur la demande de dommages et intérêts pour abus de saisie

En vertu de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution le juge de l'exécution
a le pouvoir de condamner le créancier à des dommages intérêts en cas d'abus de saisie.

La saisie-attribution contestée étant fondée sur un titre exécutoire et aucun élément du dossier ne permettant de caractériser l’abus de la CGSS dans la mise en oeuvre de la présente saisie-attribution, il y a lieu de débouter Monsieur [E] [R] de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [E] [R], partie succombante, sera condamné aux dépens.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile. La demande à ce titre de la CGSS sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute Monsieur [E] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

Dit que la saisie-attribution pratiquée par la CGSS le 1er septembre 2023 au préjudice de Monsieur [E] [R] entre les mains de la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Réunion produira tous ses effets,

Dit n’y avoir lieu à sursis à statuer,

Condamne Monsieur [E] [R] aux dépens,

Déboute la CGSS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire en application des dispositions des articles 514 et 514-1 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXECUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/03457
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;23.03457 ?
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