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23/04/2024 | FRANCE | N°23/01364

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 23 avril 2024, 23/01364


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01364 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKPC

NAC : 70A

JUGEMENT CIVIL
DU 23 AVRIL 2024

DEMANDERESSE

Mme [B] [N]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DÉFENDERESSE

Mme [I] [H] [C]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Marion RIESS-VALERIUS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





Copie

exécutoire délivrée le : 23.04.2024
CCC délivrée le :
à Me Pierre HOARAU, Me Marion RIESS-VALERIUS


COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était c...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01364 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKPC

NAC : 70A

JUGEMENT CIVIL
DU 23 AVRIL 2024

DEMANDERESSE

Mme [B] [N]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Pierre HOARAU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSE

Mme [I] [H] [C]
[Adresse 5]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Marion RIESS-VALERIUS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le : 23.04.2024
CCC délivrée le :
à Me Pierre HOARAU, Me Marion RIESS-VALERIUS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 12 Mars 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 23 Avril 2024.

JUGEMENT : Contradictoire, du 23 Avril 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :
EXPOSE DU LITIGE

Par acte d’huissier du 23 novembre 2020, Madame [I] [C] a assigné Madame [B] [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Denis afin de voir ordonner son expulsion.

Le litige porte sur l’occupation d’une parcelle cadastrée AD [Cadastre 4] à [Localité 6], que Madame [C] prétend avoir prêté à sa soeur, Madame [Z] [C] veuve [V], par acte de prêt à usage du 5 novembre 1983.

A titre de moyen de défense face à la demande d’expulsion dont elle fait l’objet, Madame [B] [N], qui est la fille de Madame [Z] [C] veuve [V], fait valoir que la maison qu’elle occupe a été construite par sa mère avec l’accord des propriétaires des terrains concernés (parcelle cadastrée AD [Cadastre 4] appartenant à [I] [C] et parcelle cadastrée AD [Cadastre 3] appartenant à un tiers), qu’elle est devenue la propriété de sa mère qui l’a occupée durant 44 ans, qu’à son décès en 2017, la maison a été transmise à ses héritiers, dont elle fait partie.

Par jugement en date du 19 septembre 2022, le juge des contentieux de la protection de Saint-Denis s’est notamment déclaré incompétent pour statuer sur le moyen de défense soulevé par Madame [B] [N], a désigné la 1ère chambre du tribunal judiciaire pour connaître de la revendication de propriété élevée par Madame [B] [N] sur la maison d’habitation située au [Adresse 5], et a sursis à statuer dans l’attente de la décision de la 1ère chambre du tribunal judiciaire de Saint-Denis.

Le dossier de l’affaire a été transmis au greffe de la 1ère chambre civile le 13 avril 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 10 novembre 2023, Madame [B] [N] demande de:
- Juger que Madame [B] [N] occupe la maison en cause en sa qualité de propriétaire indivis avec l'accord de certains autres indivisaires et qu'elle ne peut être considérée comme une occupante sans droit ni titre.
En conséquence,
- Debouter Madame [I] [C] de l'ensemble de ses demandes.
- La condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que la maison qu’elle occupe aujourd'hui est construite sur la parcelle AD [Cadastre 4] et partie sur la parcelle AD [Cadastre 3], que Madame [I] [C] n’a aucune qualité pour demander son expulsion de la concluante de la maison située sur la parcelle [Cadastre 3], que par ailleurs depuis 1983 Madame [Z] [C] a occupé paisiblement, publiquement et de façon non équivoque la maison qu`elle a construite et qu'elle est donc propriétaire de cette maison par prescription acquisitive à tout le moins. Elle soutient que la prescription acquisitive ayant joué pour la maison permet de contrer le mécanisme de l’accession prévu par l’article 552 du code civil.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 4 septembre 2023, Madame [I] [C] demande à la juridiction de:
- DEBOUTER Mme [N] de l’ensemble de ses arguments, demandes et conclusions;
EN CONSEQUENCE
- JUGER que Mme [C] est propriétaire de la parcelle AD [Cadastre 4] située à [Localité 6] et des constructions y érigées ;
- ORDONNER l’expulsion de Madame [N], tant de sa personne, de ses biens et de tous occupants de son chef des lieux, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé ce délai; si besoin avec l’aide de la force publique,
- CONSTATER qu’une indemnité d’occupation sera due par Mme [B] [N] à Mme [I] [C] depuis le 01/10/2018 jusqu’à la libération effective des lieux,
- LA FIXER à la somme mensuelle de 800 €
- CONDAMNER en outre Mme [B] [N] au paiement de la somme de 4.000,00€ en vertu de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- CONDAMNER Mme [B] [N] aux entiers frais et dépens.
- CONDAMNER Madame [B] [N] à payer les sommes dues à l’huissier de justice en application de l’article 10 du Décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice dans l’hypothèse où le recouvrement des condamnations prononcées du jugement à intervenir devait être réalisé par l’intermédiaire d’un huissier de justice à défaut d’un règlement spontané du débiteur.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que, compte tenu du prêt à usage qu’elle avait consenti à sa soeur en 1983, et de la règle de l’accession posée à l’article 551 du code civil, la maison construite par sa soeur ne saurait être la propriété de sa succession indépendamment de la propriété du sol. Elle considère qu’elle devra, en application de l’article 555 du code civil, indemniser la succession de sa soeur pour la plus value procurée à son bien immobilier par la maison érigée par sa soeur, et précise qu’elle souhaite vendre pour ce faire. Elle soutient que la prescription acquisitive ne peut pas jouer lorsque le possesseur est installé en vertu d’un droit précaire, ce qui était le cas de sa soeur, bénéficiaire d’un prêt à usage. Elle ajoute que l’article 2270 du même code interdit de prescrire contre son titre.

Il sera renvoyé aux écritures des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 12 février 2024 et a autorisé les parties à déposer leurs dossiers le 12 mars 2024. Les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre préliminaire, il sera rappelé que le juge des contentieux de la protection s’est seulement déclaré incompétent pour statuer sur le moyen de défense élevé par Madame [B] [N], qui porte sur la revendication de la propriété de la maison qu’elle occupe et dont il est sollicité son expulsion. Le juge des contentieux de la protection a sursis à statuer le temps que notre juridiction réponde sur ce moyen de défense, relevant de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Une fois le présent jugement transmis, le juge des contentieux de la protection statuera sur les demandes de Madame [I] [C] portant sur l’expulsion de Madame [B] [N] et l’indemnité d’occupation due par celle-ci. L’office de notre juridiction se limite donc à la question de la revendication immobilière. Il n’y aura donc pas à statuer sur les autres prétentions que les parties ont fait figurer dans leurs écritures.

- sur la revendication immobilière de la maison située sur la parcelle AD [Cadastre 4]

Aux termes de l’article 552 du code civil, “la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous.”

La présomption de propriété édictée par cet article au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive (Civ. 3e, 12 juill. 2000, no 97-13.107).

Aux termes de l’article 2261 du code civil, “pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.”

Aux termes de l’article 2262 du même code, “Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.”

Aux termes de l’article 2266 du même code, “ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit.
Ainsi, le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.”

Aux termes de l’article 2267 du même code, “les héritiers de ceux qui tenaient le bien ou le droit à quelqu'un des titres désignés par l'article précédent ne peuvent non plus prescrire.”

Enfin, aux termes de l’article 2270 du code civil, “on ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l'on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession.”

Madame [I] [C] justifie d’un titre de propriété concernant la parcelle cadastrée AD [Cadastre 4], située au lieudit La découverte à [Localité 6], et d’une contenance de 183m², à savoir un acte de partage amiable dressé les11 juin 1974 et 12 février 1975 par Maître [J], notaire à [Localité 7], qui portait sur les parcelles cadastrées antérieurement AD [Cadastre 1] et [Cadastre 2], d’une contenance totale de 594m². Cet acte est confirmé par le relevé cadastral de 2019.

Aux termes d’un acte sous signature privée du 5 novembre 1983, Madame [I] [C] a “autorisé à (sic) [s]a soeur à bâtir sur [s]on terrain n°AD [Cadastre 4] situer (sic) à La Découverte ruelle de la source à [Localité 6] de La Réunion”.

Nul ne conteste que la maison aujourd’hui présente sur cette parcelle y a été construite par Madame [Z] [C].

En sa qualité de propriétaire de la parcelle AD [Cadastre 4], Madame [I] [C] bénéficie de la présomption légale de propriété de la maison que sa soeur y a érigée, en application du mécanisme de l’accession, prévu par l’article 552 précité.

Par application des dispositions de l’article 2270 précité, alors que la mère de Madame [N] ne bénéficiait que d’une simple autorisation de construire une maison sur la parcelle restée la propriété de sa soeur, elle ne saurait avoir usucapé ni la maison ainsi construite, ni le terrain sur lequel elle ne disposait que d’un titre précaire, ayant un objet précis. Ainsi, en l’absence de prescription acquisitive portant sur la maison, la présomption de propriété dont bénéficie la propriétaire du terrain s’applique.

En outre, la mère de madame [N] a également détenu précairement le terrain de Madame [I] [C], au sens de l’article 2266 précité. Par conséquent, en application également de ces dispositions, la mère de Madame [N] n’a jamais pu prescrire par usucapion, ni le terrain sur lequel sa soeur l’avait autorisée à bâtir sa maison, ni la maison qu’elle avait été autorisée à y édifier.

Il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens, l’instance principale ouverte devant le juge des contentieux de la protection ayant vocation à se poursuivre.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

JUGE que Madame [I] [C] est propriétaire de la parcelle cadastrée AD [Cadastre 4] au lieudit La découverte à [Localité 6] et des constructions qui y sont érigées, en particulier la maison actuellement occupée par Madame [B] [N],

RESERVE les dépens de l’instance,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur les autres demandes des parties, qui relèvent de la compétence du juge des contentieux de la protection, saisi du principal,

RAPPELLE qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de procéder à la réinscription de l’affaire au rôle du juge des contentieux de la protection pour poursuivre l’instance principale,

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit,

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01364
Date de la décision : 23/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-23;23.01364 ?
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