La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/04/2024 | FRANCE | N°19/02237

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 23 avril 2024, 19/02237


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 19/02237 - N° Portalis DB3Z-W-B7D-FJH5

NAC : 70D

JUGEMENT CIVIL
DU 23 AVRIL 2024

DEMANDERESSE

Mme [V] [K] [J] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/000319 du 13/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)



DÉFENDERE

SSE

Mme [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Chantal LAGUERRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bé...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 19/02237 - N° Portalis DB3Z-W-B7D-FJH5

NAC : 70D

JUGEMENT CIVIL
DU 23 AVRIL 2024

DEMANDERESSE

Mme [V] [K] [J] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/000319 du 13/03/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

DÉFENDERESSE

Mme [T] [X]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Chantal LAGUERRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/005174 du 29/08/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

Copie exécutoire délivrée le : 23.04.2024
CCC délivrée le :
à Me Vanessa BERTHOLIER-LEMAGNEN, Me Chantal LAGUERRE

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 12 Mars 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 23 Avril 2024.

JUGEMENT : Contradictoire, du 23 Avril 2024 ,en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte authentique de donation-partage en date du 1er octobre 2003, Madame [L] [V] est devenue nu-propriétaire de la parcelle cadastrée AV n°[Cadastre 5], [Adresse 7] à [Adresse 9], à [Localité 8], ensemble les constructions y édifiées consistant en une maison d’habitation en bois et dur sous tôles composée de huit pièces principales, datant de plus de vingt ans. Ses parents en ont gardé l’usufruit.

Madame [X] [T], propriétaire de la parcelle cadastrée AV n°[Cadastre 4], [Adresse 7] à [Adresse 9], à [Localité 8], voisine de la parcelle AV n°[Cadastre 5], a décaissé son terrain le long de la limite séparative avec sa parcelle, en vue d’y faire construire une maison, située en contrebas de la propriété de Madame [L] [V].

Depuis ce décaissement, la terre de la propriété de Madame [L] n’est plus retenue et s’effondre régulièrement, en particulier lors des fortes pluies.

C’est dans ces conditions que par acte du 05/07/2019, Madame [V] [L] a fait assigner Madame [X] [T] devant le tribunal de grande instance de Saint Denis aux fins de :
A TITRE PRINCIPAL :
- CONDAMNER Madame [X] [T] à faire construire un mur de soutènement dans les règles de l’art le long de la limite séparative de propriété avec Madame [L] [V], dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- DIRE que la construction du mur de soutènement sera soumise à une mission complète de suivi des travaux par un bureau d’études techniques qualifié, aux frais de Madame [X] [T], allant de l’étude des sols et l’élaboration des plans, jusqu’à la délivrance d’un certificat de conformité du mur de soutènement, et qu’il en sera justifié à Madame [L] [V] ;
- CONDAMNER Madame [X] [T] à payer à Madame [L] [V] la somme de 4000 euros au titre du préjudice moral subi ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Avant dire droit, VOIR NOMMER tel expert qu'il plaira au Tribunal de désigner avec pour mission de :
- convoquer les parties et entendre les parties en leurs dires, demandes et explications,
- se rendre sur les lieux litigieux et les visiter,
- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles pour l'accomplissement de sa mission,
- examiner les désordres, défauts ou vices éventuels constatés, ainsi que les dommages, et notamment :
- examiner le décaissement réalisé etdire si laterre de la parcelle AV [Cadastre 5] présente un risque d’effondrement,
- déterminer si la borne séparative existante est toujours en place,
- déterminer la perte de superficie subie par la parcelle AV[Cadastre 5],
- entendre tous sachants,
- rechercher si les désordres, défauts ou vices constatés proviennent soit d'une non conformité aux règles de l'art ou aux documents contractuels, soit d'une exécution défectueuse,
- évaluer et indiquer le coût des travaux nécessaires à la réalisation du mur de soutènement et chiffrer, le cas échéant, le coût de la remise en état,
- fournir tous les éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues et évaluer l’ensemble de préjudices subis,

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- CONDAMNER Madame [X] [T] à payer à Madame [L] [V] la somme de 380 euros, au titre du coût du constat d’huissier en date du 26 mars 2019;
- CONDAMNER Madame [X] [T] aux entiers dépens.

Par jugement avant-dire-droit en date du 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a ordonné une mesure d’expertise et désigné Monsieur [N] [C] pour y procéder, avec pour mission notamment d’examiner le mur de soutènement construit par Madame [X] et dire s’il a été construit dans les règles de l’art et présente toutes garanties de sécurité, déterminer si le mur de soutènement construit respecte bien la limite de propriété de Madame [X], ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 14 mars 2022 à 8h 30 et réservé les demandes plus amples des parties ainsi que les dépens.

L’expert judiciaire a établi son rapport le 9 mars 2023. En cnclusion, l’expert note que le mur de soutènement édifié par Madame [T] [B] épouse [X] respecte bien sa limite de propriété avec Madame [V] [L], puisqu’il est entièrement situé à l’intérieur du terrain de Madame [X], que ce mur a été construit dans les règles de l’art et présente toutes les garanties de sécurité.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 9 février 2024, Madame [V] [L] demande au tribunal de:
- CONDAMNER Madame [X] [T] à payer à Madame [L] [V] la somme de 4.000 euros au titre du préjudice moral subi ;
- CONDAMNER Madame [X] [T] à payer à Madame [L] [V] la somme de 380 euros, au titre du coût du constat d’huissier en date du 26 mars 2019;
- CONDAMNER Madame [X] [T] aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que ce n’est qu’en cours de procédure que la défenderesse a fait édifier le mur de soutènement qui lui incombait après ses travaux de décaissement. Elle soutient également que la défenderesse n’a nullement démontré que ce mur avait été édifié dans les règles de l’art. Elle considère que la responsabilité délictuelle de sa voisine est engagée, pour avoir laissé perdurer pendant cinq ans une situation dangereuse en tardant à faire construire le mur de soutènement permettant d’éviter tout risque d’effondrement. Elle allègue d’un préjudice moral consistant dans la crainte des conséquences dommageables de cette situation pour ses proches (ses parents, usufruitiers, et ses neveux) et les démarches à faire pour la gérer.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 23 janvier 2024, Madame [T] [X] demande au tribunal de:
-DEBOUTER Madame [L] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-ET La CONDAMNER aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que l’expertise a permis de confirmer qu’elle avait construit le mur de soutènement, selon les règles de l’art. Elle prétend avoir agi de bonne foi, avoir demandé à sa voisine un délai pour la construction de ce mur, qui représente un coût financier très élevé alors qu’elle et son mari sont sans emploi. Elle soutient que la demanderesse n’a subi aucun préjudice moral

Il sera renvoyé aux écritures des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des moyens et arguments développés au soutien de leurs prétentions.

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 12 février 2024 et a autorisé les parties à déposer leurs dossiers le 12 mars 2024. Les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 23 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

- sur la responsabilité délictuelle de Madame [X]

Aux termes de l’article 1240 du code civil, “tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

En l’espèce, il est établi et non contesté que la défenderesse a tardé à construire le mur de soutènement qui lui incombait, qui permettait de retenir les terres de la parcelle dont la demanderesse est nu-propriétaire. Il n’est pas contesté que des échanges avaient eu lieu en 2017 entre les parties au sujet de la construction de ce mur, et que le mur n’a été construit que dans le courant de l’année 2019, postérieurement à la délivrance de l’assignation.

Aucune des pièces versées aux débats par la demanderesse ne permet d’établir que le décaissement réalisé par Madame [X] remonte à l’année 2014.

Une faute a existé en ce que Madame [X], à qui il revenait de faire construire ce mur après avoir décaissé son terrain, a tardé à le faire, et ce pendant plus de deux années. Si l’édification d’un tel mur est indéniablement coûteuse, d’autant plus pour une famille qui ne vit que grâce aux prestations familiales et sociales, il n’en reste pas moins qu’il faisait partie intégrante de leur projet de construction d’une maison sur leur terrain et que ce coût aurait dû être anticipé. En outre, si la naissance d’un quatrième enfant au début de l’année 2017 et des accidents de santé de l’époux de la défenderesse peuvent expliquer en partie le retard pris pour ces travaux, ces évènements familiaux n’expliquent pas l’intégralité du retard qui s’est étiré sur deux ans et demi.

S’agissant du préjudice causé à la demanderesse, le préjudice moral est indéniable, s’agissant d’une nu-propriétaire qui a dû gérer, à distance, la situation. Il est néanmoins limité car, si la situation pouvait créer un risque de danger en cas de fortes pluies, la limite de propriété sur laquelle le mur a été construit n’est pas bâtie, mais arborée et ne constituait pas un lieu dans lequel les occupants de la parcelle étaient susceptibles de se trouver régulièrement et de chuter notamment.

La somme de 1 000 euros sera allouée à la demanderesse en réparation de son préjudice moral.

La défenderesse, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens, qui ne sauraient comprendre les frais du constat d’huissier dressé le 26 mars 2019.

L’exécution provisoire, qui n’a pas été demandée (alors qu’elle n’est pas de droit, l’instance ayant été introduite avant le 1er janvier 2020), ne sera pas ordonnée d’office, en l’absence de toute urgence à faire exécuter la présente décision, purement indemnitaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE Madame [T] [X] à verser à Madame [V] [L] la somme de 1 000 (mille) euros en réparation de son préjudice moral,

CONDAMNE Madame [T] [X] aux dépens de l’instance, en ce non inclus les frais du constat d’huissier dressé le 26 mars 2019,

REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires des parties,

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19/02237
Date de la décision : 23/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-23;19.02237 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award