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12/04/2024 | FRANCE | N°23/01270

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 12 avril 2024, 23/01270


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01270 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJ3M

NAC : 53B

JUGEMENT CIVIL
DU 12 AVRIL 2024

DEMANDERESSE

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Laurent PHILIBIEN de la SELARL FILAO AVOCATS, avocats au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Rep/assistant : Me Mélodie BAILLIF, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DÉFENDEURS

Mme [

U] [M] [O] épouse [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS, avocats au barreau...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01270 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GJ3M

NAC : 53B

JUGEMENT CIVIL
DU 12 AVRIL 2024

DEMANDERESSE

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Laurent PHILIBIEN de la SELARL FILAO AVOCATS, avocats au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Rep/assistant : Me Mélodie BAILLIF, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDEURS

Mme [U] [M] [O] épouse [L]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

M. [P] [X] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]

Copie exécutoire délivrée le : 12.04.2024
CCC délivrée le :
à Me Mélodie BAILLIF, Maître Laurent PHILIBIEN de la SELARL FILAO AVOCATS, Maître Rechad PATEL de la SELARL PATEL AVOCATS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Wendy THY-TINE, Juge placée près la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion déléguée aux fonctions de juge au Tribunal judiciaire de Saint-Denis selon ordonnance du Premier Président en date du 02 février 2024,
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 11 Mars 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 12 Avril 2024.

JUGEMENT : Réputé contradictoire du 12 Avril 2024 en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Wendy THY-TINE, Juge placée près la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion déléguée aux fonctions de juge au Tribunal judiciaire de Saint-Denis selon ordonnance du Premier Président en date du 02 février 2024,assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre en date du 05 septembre 2007, reçue le 24 septembre 2007 et acceptée le 08 octobre 2007, la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE NORD a consenti à Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] un prêt immobilier pour un montant total de 161 700 euros, remboursable 240 mensualités de 1027,51 euros, assurance comprise.

La SACCEF s’est portée caution des emprunteurs.

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE NORD a été absorbée par la CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE.

A cette occasion, le prêt des consorts [L] sous le n°0171226 a été enregistré sous la référence n°0001429937.

Selon offre du 23 janvier 2014, reçue le 29 janvier 2014 et acceptée le 12 février 2014, un avenant a été conclu entre les parties, désignant la COMPAGNIE EUROPENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS venant aux droits de la SACCEF, suivant opération de fusion absorption.

Selon offre du 16 février 2016, reçue le 23 février 2016 et acceptée le 05 mars 2016, un nouvel avenant a été signé entre les parties, prévoyant le report des échéances sur douze mois, avec maintien des garanties initiales.

Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] ayant cessé de faire face à leur obligation de remboursement, la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE les a mis en demeure de régler la somme de 4128,20 euros, par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 juillet 2022, distribué en retour à l’expéditeur le 19 août 2022, avec la mention “pli avisé et non réclamé” concernant Monsieur [P] [L] et distribué à personne contre signature le 09 août 2022 à Madame [U] [L] née [O].

Cette mise en demeure étant restée infructueuse, la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE a notifié aux emprunteurs par courrier en date du 07 octobre 2022, le prononcé de la déchéance du terme et les a mis en demeure de régler la somme de 55 829,42 euros, sous quinzaine, rappelant qu’à défaut, des poursuites seront exercées par la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS.

Par courrier en date du 29 novembre 2022, la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE a mis en demeure la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, en qualité de caution solidaire, de lui régler la créance des consorts [L].

Par courriers en date du 20 décembre 2022, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a informé les consorts [L] de la mise en jeu de son engagement en qualité de caution solidaire auprès de la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE.

Selon quittance en date du 19 janvier 2023, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a réglé à la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE la somme totale de 52 579,90 euros.

Par courriers en date du 31 janvier 2023, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, par l’intermédiaire de son conseil, a mis en demeure les consorts [L] de lui régler la somme de 52 579,90 euros.

Cette mise en demeure étant restée vaine, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS a par actes du 12 avril 2023, fait assigner Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] devant le Tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion aux fins de voir:
- Condamner solidairement Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] à lui payer la somme de 52 579,90 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2023, date du réglement et ce jusqu’à parfait paiement
- Condamner solidairement Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] à lui payer la somme de 3393 euros au titre des frais exposés, subsidiairement au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
- Débouter Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] d’une éventuelle demande de délai de paiement
- Ordonner la capitalisation des intérêts
- Condamner solidairement Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] aux entiers dépens
- Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Par ordonnance du 12 février 2024, le Juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et fixé la date de dépôt des dossiers au 11 mars 2024.

Dans ses dernières écritures, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, représentée par son conseil, demande à la juridiction de céans de :
- La recevoir en son action et l’en dire bien fondée
- Condamner solidairement Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] à lui payer la somme de 52 579,90 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2022 date du réglement et ce jusqu’à parfait règlement
- Condamner solidairement Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] à lui payer la somme de 3393 euros au titre des frais exposés, subsidiairement au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
- Débouter Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] d’une éventuelle demande de délai de paiement
- Ordonner la capitalisation des intérêts
- Condamner solidairement Madame [U] [M] [O] épouse [L] et Monsieur [P] [X] [L] aux entiers dépens
- Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Au visa de l’article 2305 du code civil, la demanderesse soutient disposer d’un recours personnel, de sorte que les emprunteurs ne peuvent lui opposer les exceptions qu’ils auraient pu opposer au créancier. Elle rappelle avoir réglé la somme de 52 579,90 euros au créancier, compte tenu de la défaillance des emprunteurs, après les avoir avertis de la mise en jeu de son engagement en qualité de caution solidaire., et s’estime dès lors fondée à solliciter le remboursement de cette somme. En réponse aux moyens de la défenderesse, au visa de l’article 2308 du code civil, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, rétorque que les conditions relatives à la perte de son recours personnel, sont cumulatives et non remplies en l’espèce, la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE l’ayant poursuivi en paiement, les débiteurs ayant été avertis par courriers à leur dernière adresse connue, et ces derniers ne disposant d’aucun moyen d’éteindre leur dette au moment du paiement. Elle soulève par ailleurs l’inopposabilité de la convention de divorce à son égard et s’oppose à la demande de délais de paiement de la défenderesse, celle-ci ayant déjà pu bénéficier de larges délais pour se libérer de sa dette.

Dans ses dernières conclusions, Madame [U] [L] née [O], représentée par son conseil, demande à la juridiction de céans de:
A titre principal,
- Débouter la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions pour perte de son recours à son égard
A titre subsidiaire,
- Déclarer que Monsieur [L] est le débiteur exclusif à l’égard de la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
- Condamner exclusivement Monsieur [L] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS les sommes qui lui sont éventuellement dues
A titre très subsidiaire,
- Déclarer recevable la demande de Madame [L] à appeler Monsieur [L] en garantie de la totalité des condamnations qui pourraient être mises à sa charge
- Condamner Monsieur [L] à relever et garantir Madame [O] de toutes condamnations qui pourraient être mises à sa charge
- Accorder des délais de paiement à Madame [L] consistant en un report de 24 mois
A titre infiniment subsidiaire,
- Condamner Monsieur [L] à payer à Madame [O] la somme de 52 579,90 euros et des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2023
En tout état de cause,
- Ecarter l’exécution provisoire du présent jugement
- Condamner Monsieur [L] à lui payer la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel correspondant aux versements effectués pour tenter de régulariser l’impayé
- Condamner Monsieur [L] à lui payer la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel correspondant aux prélèvements sur son salaire
- Condamner Monsieur [L] à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi
- Condamner Monsieur [L] à lui payer la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Au visa de l’article 2308 du code civil, la défenderesse soulève la perte du recours de la caution à son encontre, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS ne l’ayant pas averti du paiement de la créance, ayant envoyé plusieurs courriers à une adresse, à laquelle elle ne réside plus depuis le 15 août 2021, alors qu’elle disposait de son adresse effective par l’intermédiaire de la caisse d’épargne île de France et dans le cadre d’un autre dossier. Elle ajoute qu’elle aurait pu soulever contre le créanier principal le défaut d’envoi de l’offre de crédit par voie postale, aucun élément ne permettant de s’assurer du respect du délai de dix jours entre l’offre et l’acceptation ainsi que le défaut d’acceptation de l’offre par voie postale, de sorte que la caution l’a privée de la possibilité de voir sa dette éteinte. A titre subsidiaire, elle se prévaut d’une convention de divorce en date du 23 février 2021 pour solliciter la condamnation exclusive de Monsieur [L]. A titre très subsidiaire, elle demande à ce que Monsieur [L] soit condamné à la relever et garantir de toute condamnation à son encontre et sollicite un délai de paiement de 24 mois. Enfin, elle sollicite la condamnation de Monsieur [L] en réparation de ses préjudices.

Régulièrement cité, Monsieur [P] [L] n’a pas constitué avocat.

L’affaire a été mise en délibéré et la date de son prononcé par mise à disposition au greffe fixée au 12 avril 2024.

MOTIFS

Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’aux termes de l’article 472 du code de procédure civile, « Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. »

En application de ces dispositions, le juge doit notamment vérifier la régularité de sa saisine à l’égard des parties non comparantes.

Sur la régularité de la saisine de ce tribunal à l’égard de la partie non comparante

Il résulte de la combinaison des articles 14, 471 et 655 à 659 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que lorsqu'une partie, citée à comparaître par acte d'huissier de justice, ne comparaît pas, le juge, tenu de s’assurer de ce que cette partie a été régulièrement appelée, doit vérifier que l'acte fait mention des diligences prévues, selon les cas, aux articles 655 à 659 susvisés ; et qu'à défaut pour l'acte de satisfaire à ces exigences, le juge ordonne une nouvelle citation de la partie défaillante (en ce sens : Civ. 2, 1er octobre 2020, n° 18-23.210).

L’article 656 du code de procédure civile prévoit, dans sa première partie, que “Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.”

L’article 659 du code de procédure civile prévoit, que “lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte.Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification.
Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.”

Force est de constater en l’espèce que le procès-verbal d’assignation mentionne précisément les diligences opérées par le commissaire de justice pour vérifier l’exactitude du domicile des destinataires (transport sur les lieux, confirmation de son absence par les nouveaux occupants, déclaration de [O] [U] [M] épouse [L] indiquant que ce dernier ne serait plus à la Réunion mais à [Localité 7] sans autre précision, aucun autre renseignement n’a pu être fourni, l’intéressé ne figurant pas dans l’annuaire).

Par suite, le tribunal est régulièrement saisi à l’égard de Monsieur [P] [L] non comparant.

Sur la demande principale en paiement

Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa version en vigueur au moment de la conclusion du contrat, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”.

L’article 37 de l’ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des suretés dispose que les cautionnements conclus avant le 1er janvier 2022 sont soumis à la loi ancienne.

Sur la déchéance du recours

Aux termes de l’article 2308 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, la caution qui a payé une première fois, n'a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois lorsqu'elle ne l'a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier.
Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte; sauf son action en répétition contre le créancier.

En l’espèce, Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] ne justifient pas d’un second paiement, de sorte qu’il s’agit de vérifier le bien fondé de l’application des dispositions de l’alinéa 2 du texte susvisé.

Il résulte desdites dispositions que la déchéance du recours n’est encourue que si trois conditions cumulatives sont réunies à savoir l’absence d’avertissement du débiteur, le paiement sans poursuite et la preuve par le débiteur de ce qu’il possédait un moyen de faire déclarer la dette éteinte.

- S’agissant de la poursuite en paiement :

La COMPAGNIE EUROPENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS justifie avoir reçu un courrier en date du 29 novembre 2022 de la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE, le mettant en demeure de procéder au réglement du prêt en référence, en qualité de caution solidaire, les mises en demeure adressées à Madame et Monsieur [L] n’ayant pas abouti.

Ayant été poursuivie en paiement par la banque, cette condition ne saurait être considérée comme remplie.

- S’agissant de l’avertissement du débiteur :

En l’espèce, la COMPAGNIE EUROPENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS justifie avoir adressé deux courriers d’avertissement à chacun des débiteurs par lettres recommandées avec accusé de réception en date du 20 décembre 2022, soit avant de procéder au paiement.

Si, les deux courriers ont été retournés avec la mention “défaut d’accès ou d’adressage”, les démarches d’avertissement ont été réalisées.

Il ressort des pièces versées par la défenderesse que la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS lui a adressé l’avis de réglement à une adresse erronnée, alors qu’elle avait connaissance de son adresse effective dans le cadre d’un autre dossier.

Pour autant, cette seule condition ne saurait suffire à déchoir la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de son recours personnel envers les débiteurs principaux.

- S’agissant du moyen de faire déclarer la dette éteinte :

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, il résulte des pièces versées aux débats et notamment de la page 5 du contrat intitulé “récepissé de réception d’offre de prêt” et d’une copie d’enveloppe adressée à la banque, que Madame et Monsieur [L] ont certifié avoir reçu par voie postale l’offre de prêt litigieuse le 24 septembre 2007 et ont transmis leur acceptation du 08 octobre 2007, par courrier reçu le 16 octobre 2007, soit dans le respect du délai de dix jours.

En tout état de cause, seule la déchéance du droit aux intérêts est encourue en cas de non respect des formalités et la défenderesse se garde en l’espèce de démontrer en quoi une telle déchéance du droit aux intérêts aurait été de nature à éteindre sa dette.

De la même manière, la nullité du contrat aurait eu pour conséquence l’obligation pour les emprunteurs de restituer le capital prêté, déduction faite des échéances déjà payées et non l’extinction de la dette au sens de l’article 2308 du code civil.

Dès lors, cette condition ne saurait être considérée comme remplie.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments, que les conditions cumulatives de l’article 2308 du code civil ne sont pas réunies, de sorte que la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS dispose bien d’un recours personnel contre les débiteurs principaux.

Sur la créance de la demanderesse

L’article 2305 du code civil dispose que « la caution qui a payé a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l'insu du débiteur.
Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n'a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle ».

En l’espèce, la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS justifie de sa créance, ayant procédé au paiement de la somme de 52 579,90 euros auprès de la CAISSE D’EPARGNE ILE DE FRANCE en lieu et place des consorts [L], en produisant la mise en demeure de la banque valant poursuite en paiement ainsi que la quittance en date du 19 janvier 2023 attestant du versement de ladite somme en qualité de caution solidaire au titre du prêt d’un montant initial de 161 700 euros et les mises en demeure adressées aux débiteurs solidaires en vue du remboursement de cette somme.

Sur l’inopposabilité de la convention de divorce à la banque

Il est constant que la convention des époux, engagés solidairement au paiement d’un prêt consenti par la banque, attribuant à l’un des époux la charge de rembourser le solde dudit prêt, ne peut avoir pour effet, en l'absence d'accord du créancier, d'éteindre la dette de l'un des conjoints et n'a de force obligatoire que dans leurs rapports réciproques.

D’ailleurs, en l’espèce, la convention de divorce en date du 23 février 2021 précise clairement que les dispositions relatives au réglement du solde des prêts immobiliers en cours par Monsieur [L] “ne sont pas opposables à la banque et/ou à l’établissement de crédit et qu’en cas de défailance d’un des emprunteurs la banque peut agir contre l’un ou l’autre des emprunteurs pour recouvrir la totalité du prêt majoré des éventels intérêts et pénalités”.

Ainsi, la convention passée entre les époux concernant leurs biens n'a de force obligatoire que dans leurs rapports réciproques et ne peut remettre en cause les droits acquis des tiers du fait de la solidarité.

Dès lors, en l'absence de désolidarisation, il ne saurait être fait droit à la demande de Madame [U] [L] tendant à la condamnation exclusive de Monsieur [P] [L] en remboursement de la somme réclamée, s’agissant d’une dette contractée solidairement.

Sur la condamnation en paiement

En conséquence, compte tenu de ce qui précède, la créance de LA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, étant justifiée et solidaire, il conviendra de condamner solidairement Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] à verser à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 52 579,90 euros, avec intérêts au taux légal, pouvant être capitalisés, et courant à compter du 1er février 2023, date de mise en demeure en vue du remboursement.

Les consorts [L] seront également condamnés solidairement à verser à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 3393 euros au titre des frais d’avocat dont il est justifié par une facture émise le 23 mars 2023.

Sur les délais de paiement

Conformément à l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette. La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l’espèce, Madame [U] [L] née [O] sollicite des délais de paiement de 24 mois.

Si elle justifie de sa situation financière, il ressort des éléments versés aux débats qu’elle n’apparait toutefois pas en capacité de se libérer de la dette en 24 mois, l’importance de la créance supposant le versement de mensualités à hauteur de 2190 euros, soit un montant supérieur aux échéances initialement prévues dans le cadre du prêt, qu’elle n’a pu honorer depuis le 5 avril 2022.

En conséquence, Madame [U] [L] née [O] sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes de Madame [L] née [O] à l’encontre de Monsieur [L]

Sur l’appel en garantie

En l’espèce, il résulte d’une convention sous signature privée contresignée par avocats en date du 23 février 2021 déposée devant Notaire que les époux [L] ont consenti mutuellement à leur divorce. Dans le cadre de cette convention, les époux ont convenu que Monsieur [L] prendra à sa charge les quatre prêts immobiliers en cours, en procédant au réglement des échéances mensuelles et ce jusqu’à apurement total desdits crédits, la convention faisant expressément référence au prêt immobilier n°1429937 souscrit auprès de la CAISSE D’EPARGNE avec échéances mensuelles de 1241,98 euros.

Il ressort de ce document que Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] co-obligés envers la banque et la caution, ont, par convention, modifié en ce qui concerne leurs rapports entre eux, la charge finale du crédit en cause en décidant qu'elle devait reposer sur Monsieur [P] [L] seul.

Dès lors, il conviendra de condamner Monsieur [P] [L] à garantir Madame [U] [L] née [O] des effets des condamnations prononcées contre elle par l’effet de la présente décision.

Sur les dommages et intérêts

Madame [U] [L] née [O] sollicite la réparation d’un préjudice matériel et d’un préjudice moral.

Les éléments dénoncés au titre des circonstances du divorce ne sauraient être pris en compte en l’espèce.

En revanche, s’agissant du prêt litigieux et de la créance due à la caution, il apparait clairement que Monsieur [P] [L] n’a pas respecté ses engagements au titre de la convention de divorce du 23 février 2021, sa défaillance depuis le 05 avril 2022 ayant entraîné la mise en jeu de la caution et la poursuite en paiement à leur encontre.

Ce faisant, Monsieur [P] [L] a nécessairement causé un préjudice moral à Madame [U] [L] née [O], qu’il conviendra d’évaluer à la somme de 2000 euros.
Madame [U] [L] sera déboutée pour le surplus.

Sur les autres demandes

Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Succombant à l’instance, Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] seront solidairement condamnés aux dépens.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Monsieur [P] [L] sera condamné à verser à Madame [U] [L] née [O] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire de droit

Enfin, il sera rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit, aucun élément de l’espèce justifiant de faire droit à la demande de la défenderesse.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE solidairement Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] à verser à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 52 579,90 euros, avec intérêts au taux légal pouvant être capitalisés et courant à compter du 1er février 2023,

CONDAMNE solidairement Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] à verser à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 3393 euros au titre de ses frais,

CONDAMNE Monsieur [P] [L] à garantir Madame [U] [L] née [O] des condamnations prononcées contre elle par l’effet de la présente décision,

CONDAMNE Monsieur [P] [L] à verser à Madame [U] [L] née [O] la somme de 2000 euros au titre de son préjudice moral,

DEBOUTE Madame [U] [L] née [O] du surplus de ses demandes, et notamment de sa demande en délais de paiement,

CONDAMNE Monsieur [P] [L] à verser à Madame [U] [L] née [O] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement Madame [U] [L] née [O] et Monsieur [P] [L] aux dépens,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit et dit n’y avoir lieu de l’écarter,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 12 avril 2024.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01270
Date de la décision : 12/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-12;23.01270 ?
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