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09/04/2024 | FRANCE | N°23/01602

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 09 avril 2024, 23/01602


REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS


N° RG 23/01602 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKUC
1ère Chambre
N° Minute :
NAC : 28Z

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
09 AVRIL 2024



DEMANDEUR

M. [V] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIÉTÉ D’AVOCATS NATIVEL-RABEARISON, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/001519 du 05/05/2023 accordée par le bureau d’aide jur

idictionnelle de ST DENIS REUNION)




DEFENDERESSE

Mme [H] [O] [M] épouse [U]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître C...

REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

N° RG 23/01602 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKUC
1ère Chambre
N° Minute :
NAC : 28Z

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
09 AVRIL 2024

DEMANDEUR

M. [V] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIÉTÉ D’AVOCATS NATIVEL-RABEARISON, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/001519 du 05/05/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

DEFENDERESSE

Mme [H] [O] [M] épouse [U]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Chendra KICHENIN de la SELARL CHENDRA KICHENIN AVOCAT, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le :09.04.2024
Expédition délivrée le :
à Maître Chendra KICHENIN de la SELARL CHENDRA KICHENIN AVOCAT
Maître Mickaël NATIVEL de la SELAS [9]

ORDONNANCE : contradictoire, du 09 Avril 2024,en premier ressort

Prononcée par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

A l’issue d’une série de contentieux judiciaires, ayant conduit in fine à l’adoption d’un arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis en date du 07 juin 2019 ayant acquis autorité de la chose jugée, les droits de Madame [U] ont été reconnus sur l’ensemble de la parcelle CM [Cadastre 3] sise [Adresse 1] à [Localité 8] et son frère Monsieur [V] [M] a été déclaré occupant sans droit ni titre d’une partie du terrain. Ce dernier a par ailleurs été condamné à libérer les lieux sous astreinte.

Par acte d’huissier en date du 09 mai 2023, Monsieur [V] [M] a assigné Madame [H] [U] aux fins principales de voir le Tribunal :
-déclarer qu’il a construit et est occupant de bonne foi de la parcelle CM [Cadastre 3] ;
et en conséquence,:

-condamner Madame [H] [M] à lui rembourser une somme totale de 200.000 euros à titre d'indemnisation pour les constructions réalisées de bonne foi sur la parcelle CM [Cadastre 3] ;

-la condamner à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS [6], en application de I’article 37 de la loi 91 -647 du 10 juillet 1991 sur I’aide juridique 

-dire n’y avoir lieu à écarter I’exécution provisoire.

Madame [H] [U] a constitué avocat et, selon conclusions d’incident notifiées par message RPVA en date du 8 décembre 2023, elle demande au juge de la mise en état de :

-déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [V] [M] tant pour défaut de qualité pour agir, qu’au regard de l’autorité de la chose jugée tirée de l’arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis en date du 07 juin 2019, que de la concentration des moyens ;

-condamner Monsieur [V] [M] à lui payer payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Se prévalant du défaut de qualité à agir de Monsieur [M] sur le fondement de l’article 555 du code civil, elle expose que le demandeur ne pourrait se prévaloir de la protection du tiers de bonne foi accordée par cet article pour n’avoir jamais été propriétaire de la parcelle en vertu d’un titre translatif. Elle soutient ainsi qu’il se serait installé sur la parcelle en vertu d’une autorisation donnée par le propriétaire du terrain, ce qui aurait été constaté par la Cour d’appel dans son arrêt du 07 juin 2019.

Elle prétend également que par cet arrêt, la Cour d’appel aurait implicitement reconnu que Monsieur [M] ne pouvait se prévaloir de l’article 555 du code civil pour se prévaloir de l’autorité de la chose jugée.

Enfin, elle entend faire valoir qu’en ne faisant pas valoir ses présents moyens au-cours de la précédente instance ayant conduit à l’adoption de l’arrêt d’appel du 07 juin 2019, Monsieur [M] serait à présent irrecevable en son action en raison du principe de la concentration des moyens.

Par conclusions sur incident notifiées par message RPVA du 31 janvier 2024, Monsieur [V] [M] sollicite la juge de la mise en état de :

-le déclarer recevable en ses demandes ;

-condamner Madame [U] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS [6], en application de I’article 37 de la loi 91 -647 du 10 juillet 1991 sur I’aide juridique.

Justifiant de sa qualité à agir, il expose être propriétaire indivis de la parcelle sur laquelle il a édifié sa maison pour être l’héritier de son grand père (s’agissant duquel il n’aurait pas renoncé à succession). Il expose que ce dernier aurait été le propriétaire légitime de la parcelle litigieuse alors que l’usucapion par son père (s’agissant duquel il a renoncé à succession) l’aurait été en fraude.

Il expose par ailleurs que l’arrêt de la Cour d’appel de Saint-Denis en date du 07 juin 2019 n’emporterait pas autorité de la chose jugée s’agissant de la présente affaire dans la mesure où la Cour d’appel l’a débouté de sa demande d’usucapion tandis que la présente instance est relative à l’indemnisation des constructions qu’il soutient avoir édifiées de bonne foi sur la parcelle litigieuse. Ce faisant, il soutient que le débat devant la Cour n’aurait jamais porté sur la qualité ou non de constructeur de bonne foi. Il entend par ailleurs faire valoir que le principe de concentration des moyens ne serait pas applicable en l’espèce puisque les précédentes instances auraient été relatives à la détermination du propriétaire de la parcelle tandis que la présente instance porte sur l’indemnisation du constructeur de bonne foi évincé.

L’incident a été appelé à l’audience du 04 mars 2024, date à laquelle les parties ont été autorisées à déposer leurs dossiers au greffe le 12 mars 2024 et informées que la décision serait mise à leur disposition le 09 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

L'article 789 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 , dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour: 1°) statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées sur le fondement de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance … 6°)Statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.../ les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou ne soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état ».

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile : « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pur défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défait d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou une prétention ou pour défendre un intérêt déterminé.

Aux termes de l’article 555 alinéa 4 du code civil, lorsque des constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n’aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages et constructions, mais il aura le choix de rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions et ouvrages.

Le terme de bonne foi employé par l’alinéa 4 de l’article 555 du code civil s’entend par référence à l’article 550, et ne vise que celui qui possède comme propriétaire en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices.

En outre, les dispositions de l’article 555 du code civil ne concernent que des constructions nouvelles et sont étrangères au cas où les travaux exécutés, s’appliquant à des ouvrages préexistants avec lesquels ils sont identifiés, ne présentent que le caractère de réparations ou de simples améliorations.

En l’espèce, Monsieur [V] [M] ne conteste pas avoir construit une maison d’habitation sur une partie de la parcelle litigieuse suivant autorisation donnée par son père, alors propriétaire du fonds, de construire un atelier de charpente métallique. Il n’est d’ailleurs pas produit d’autre autorisation de construire que celle d’un tel atelier accordée en l’an 1987 ainsi qu’une autorisation de surélever un immeuble d’habitation existant en l’an 2011.

De plus, le demandeur a été définitivement débouté de ses revendications en usucapion trentenaire de la parcelle suivant arrêt de la Cour d’appel en date du 07 juin 2019 et tout argumentaire nouveau quant à l’effet relatif de la succession issue de son grand père est inopérant eu égard à cette décision devenue définitive.

Partant, Monsieur [V] [M] ne peut se prévaloir de la qualité de possesseur de bonne fois au sens de l’article 550 du code de procédure civile, laquelle est conditionnée à l’existence d’un titre translatif de propriété dont il aurait ignoré les vices.

Dès lors, il y a lieu de retenir que le demandeur à l’action principale ne justifie pas de sa qualité de tiers de bonne foi évincé au sens de l’article 555 alinéas 4.

L’équité et l’issue du litige commandent de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la défenderesse à l’action principale.

À ce titre, Monsieur [V] [M] sera condamné à lui verser la somme de 1.000 euros.

Succombant, il sera tenu aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Nous, Brigitte LAGIERE, Juge de la mise en état, statuant en premier ressort par ordonnance contradictoire susceptible d'appel, prononcée par mise à disposition au greffe,

DÉCLARONS Monsieur [V] [M] irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir ;

CONDAMNONS Monsieur [V] [M] à payer Madame [H] [O] [M] épouse [U] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS Monsieur [V] [M] aux entiers dépens de l’instance ;

Et la présente ordonnance a été signée par Brigitte LAGIERE, Juge de la mise en état et Isabelle SOUNDRON, Greffière.

La GreffièreLa juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01602
Date de la décision : 09/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-09;23.01602 ?
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