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08/04/2024 | FRANCE | N°23/00009

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 08 avril 2024, 23/00009


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-DENIS (RÉUNION)
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JURIDICTION DÉPARTEMENTALE DE L'EXPROPRIATION
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JUGEMENT DE FIXATION D'INDEMNITÉS


DOSSIER N° N° RG 23/00009 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKQQ
NAC : 70Z

Jugement N° 24/00005

A l’audience du 08 Avril 2024, tenue au Palais de Justice de SAINT-DENIS par Patricia BERTRAND, Juge de l'Expropriation du Département de la Réunion suppléante, désignée à ces fonctio

ns par ordonnance n°2023/199 de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de SAINT-DENIS en date du 20 jui...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-DENIS (RÉUNION)
------------------------------------------
JURIDICTION DÉPARTEMENTALE DE L'EXPROPRIATION
-----------------------------------------

JUGEMENT DE FIXATION D'INDEMNITÉS

DOSSIER N° N° RG 23/00009 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GKQQ
NAC : 70Z

Jugement N° 24/00005

A l’audience du 08 Avril 2024, tenue au Palais de Justice de SAINT-DENIS par Patricia BERTRAND, Juge de l'Expropriation du Département de la Réunion suppléante, désignée à ces fonctions par ordonnance n°2023/199 de Monsieur le Premier Président de la Cour d'Appel de SAINT-DENIS en date du 20 juillet 2023, assistée de Andréa HOARAU, Greffière.

Il a été rendu le jugement dont la teneur suit :

ENTRE :

COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION DU TERRITOIRE DE LA COTE OUEST
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]

Rep/assistant : Maître Nicolas CHARREL de la SCP CHARREL ET ASSOCIES, avocat au Barreau de MONTPELLIER, plaidant
Rep/assistant : Maître Virginie GARNIER, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion, postulant

D’UNE PART,

ET

DÉFENDEUR(S)

M. [T] [W]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Rep/assistant : Maître Laurent BENOITON, avocat au barreau de Saint-Denis-de-la-Réunion

D'AUTRE PART,

En présence de Madame [P] [Z], Commissaire du Gouvernement.

EXPOSÉ DU LITIGE

Dans le cadre de la constitution de la réserve foncière nécessaire au projet d'aménagement Ecocité à Cambaie, il a été rendu le 11 mai 2015 une ordonnance d'expropriation de la parcelle cadastrée HN [Cadastre 2], appartenant à la SARL Tropic Import Export au profit de la communauté d'agglomération du territoire de la côte Ouest (ci-après le TCO).

La parcelle étant pourvue d'une maison d'habitation, laquelle est occupée par Monsieur [T] [W], le TCO a saisi le juge de l'expropriation aux fins de résilier la convention d'occupation précaire conclue avec Monsieur [W], et ordonner l'expulsion de celui-ci sous astreinte.

Par jugement rendu le 25 mars 2019, le juge de l'expropriation statuant en la forme des référés a rejeté ces demandes.

Par nouvelle assignation délivrée le 03 avril 2023, la communauté d'agglomération du territoire de la côte Ouest a fait citer Monsieur [W] devant le juge de l'expropriation, statuant, pour demander l'expulsion, sous astreinte, de Monsieur [W].

Dans son dernier mémoire du 26 octobre 2023 déposé le 03 novembre 2023, elle demande de :
-constater qu'elle a rempli ses obligations légales en vue de prendre possession de la parcelle HN5,
- constater la révocation de plein droit de la convention d'occupation précaire du 28 Novembre 2016,
- ordonner à M. [W] et tous occupants de son chef, de libérer la parcelle litigieuse dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision , sous astreinte de 100 euros par jour de retard ,
- ordonner le concours de la force publique si besoin,
- condamner M. [W] aux dépens et à payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du Code de procédure civil,
- rejeter toutes demandes formulées par M. [W].

Dans son dernier mémoire déposé le 11 décembre 2023, Monsieur [W] demande au juge de l’expropriation de :
- constater et déclarer que la requérante n'a pas fait d'offre de relogement conforme à M. [W] et ne lui a fait aucune offre d'indemnisation pour son entreprise,
- rejeter toutes les demandes de la requérante,
- à titre subsidiaire, en cas d'expulsion, condamner la communauté d'agglomération du territoire de la côte Ouest à lui payer la somme de 18.500 euros pour le préjudice subi du fait de son départ forcé et de son trouble de jouissance,
- écarter l'exécution provisoire de la décision,
- condamner la communauté d'agglomération du territoire de la cote Ouest aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles, en application de l’article 700 du Code de procédure civil.

L'affaire, retenue à l'audience du 12 février 2024, a été mise en délibéré au 08 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité

Selon l'article R. 423-10 du code de l'expropriation, " les contestations relatives au relogement des locataires ou des occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel relèvent de la compétence du juge de l'expropriation statuant en la forme des référés " ;

En l'espèce, le TCO a fait délivrer à Monsieur [W] une assignation à comparaître selon la procédure accélérée au fond ; il y aura lieu de le déclarer recevable en ses demandes.

Sur le fond

Sur les offres de relogement

L'obligation de relogement est encadrée par les articles L 314-2 du code de l'urbanisme, L. 322-1 du code de la construction et de l'habitation, l'article 13 bis de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 et l'article L 423-2 du code de l'expropriation qui dispose que " s'il est tenu à une obligation de relogement, l'expropriant en est valablement libéré par l'offre aux intéressés d'un local correspondant à leurs besoins et n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré ; lorsque l'expropriation a porté sur une maison d'habitation individuelle, le relogement est, si cela est possible, offert dans un local de type analogue, n'excédant pas les normes relatives aux habitations à loyer modéré, et situé dans la même commune ou dans une commune limitrophe ".

En l'espèce, le bien exproprié est une habitation individuelle située [Adresse 1] à [Localité 3], pour laquelle une convention d'occupation précaire a été signée le 28 novembre 2016.

Le 24 mars 2022, le TCO a émis deux offres de relogement, l'une à [Localité 6], portant sur un T2 de 63 m2 , loyer 502,61 euros résidence [8], et l'autre portant à [Localité 7], 59 m2, loyer 358,41 euros , résidence Les Cerisiers, que M. [W] a refusées.

En premier lieu, Monsieur [W] soutient qu'elles ne sont pas conformes car émises après la signature de la convention d'occupation précaire mais, il ne fonde son moyen sur aucune disposition légale ou réglementaire d'une part. En conséquence, ce moyen sera écarté.

En second lieu, il soutient que les biens proposés ne sont pas analogues en ce qu'ils sont inclus dans un groupe d'habitation et ne constituent pas des maisons individuelles ; en ce que ses besoins familiaux (ils sont quatre occupants) et professionnels (artisanat : producteur de vinaigre) ne sont pas satisfaits ; en ce que les logements proposés ne sont pas situés près du littoral ; en ce que les loyers proposés dépassent le montant de la redevance mensuelle qu'il paye actuellement (300 euros) ; qu'en outre, le TCO ne lui a pas proposé de logement dans l'opération "Les Capucins" qui offraient des logements analogues au sien.

Par application combinée des articles L. 314-1, L. 314-2 du code de l'urbanisme et L 521-1 du code de la construction et de l'habitation, l'obligation de relogement bénéficie à "tous les occupants de locaux à usage d'habitation, professionnel ou mixte", cette qualité étant appréciée à la date de l'ordonnance d'expropriation.

M. [W] n'établit pas qu'à la date de l'ordonnance d'expropriation, deux autres personnes occupaient son foyer ; il est donc seul bénéficiaire, avec sa compagne, du droit au relogement et les biens proposés, respectivement de 59 et 63 m2, sont suffisants pour deux adultes. Il est également établi qu'il a débuté son activité professionnelle après l'ordonnance d'expropriation;
En conséquence, le TCO n'a pas à lui proposer de local professionnel ni à l'indemniser pour la perte professionnelle.

L'un des logements proposés mentionne un loyer de 358 euros, ce qui est proche de la redevance payée par le défendeur et les offres émises portent sur des logements situés dans le ressort de la commune de [Localité 3] ([Localité 6]) et dans une commune limitrophe ([Localité 7]).
Le TCO soutient, sans être contesté, qu'il s'agit de maisons individuelles mitoyennes et aucun texte n'impose de fournir à l'exproprié une maison ''4 faces'' ou strictement identique à celle qu'il avait.

Enfin, la circonstance tirée de l'existence de maisons ''analogues'' proposées dans le cadre de l'opération "les Capucins" est inopérante.

Il résulte de ce qui précède que les deux offres correspondent en termes de surface, d'habitabilité, de normes d'hygiène et de sécurité, aux besoins personnels et familiaux du défendeur et correspondent à ses possibilités financières.

Elles suffisent à démontrer que le TCO a mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour satisfaire, fût-ce en vain, à son obligation de relogement ; il convient par conséquent de faire droit à la demande tendant à constater la révocation de la convention d'occupation précaire signée le 28 novembre 2016, en application de l'article 3 de cette convention, et de faire droit à la demande d'expulsion du défendeur.

La fixation d'une astreinte ne se justifie pas à ce stade.

Sur l'indemnité due à Monsieur [W]

Monsieur [W] a refusé deux offres sans motif légitime et a refusé l'offre d'indemnité d'un montant de 3.500 euros proposée par le TCO le 21 septembre 2022. Il ne justifie pas de la réalité du préjudice de jouissance allégué consécutif à la procédure d'expropriation et sera débouté de sa demande indemnitaire.

Sur les autres demandes

Monsieur [W] ne fait valoir aucun moyen sérieux susceptible de faire échec à l'exécution provisoire de la décision.

Succombant, Monsieur [W] sera condamné aux dépens.

L'équité et la situation respective des parties commandent de rejeter la demande de frais irrépétibles présentée par le TCO.

PAR CES MOTIFS

Le juge départemental de l'expropriation, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe, et en premier ressort,

DÉCLARE la communauté d'agglomération du Territoire de la Côte Ouest recevable en ses demandes,

CONSTATE la révocation de la convention d'occupation précaire liant la communauté d'agglomération du Territoire de la Côte Ouest à Monsieur [W] ;

ORDONNE l'expulsion de Monsieur [W] et de tous les occupants de son chef de la parcelle cadastrée HN [Cadastre 2] à [Localité 3], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision,

DIT qu'au besoin, la communauté d'agglomération du Territoire de la Côte Ouest pourra faire procéder à son expulsion avec l'assistance d'un serrurier et de la Force Publique par ses soins requis ;

REJETTE toutes les autres demandes ;

REJETTE la demande visant écarter l'exécution provisoire de la décision ;

CONDAMNE Monsieur [W] aux dépens de l'instance.

La présente décision a été signée par le juge de l’expropriation et le Greffier.

LE GREFFIERLE JUGE DE L’EXPROPRIATION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/00009
Date de la décision : 08/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-08;23.00009 ?
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