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26/03/2024 | FRANCE | N°22/00900

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 26 mars 2024, 22/00900


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REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/00900 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-F752
NAC : 56C

JUGEMENT CIVIL
DU 26 MARS 2024


DEMANDERESSE

Mme [U] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Vanessa RODRIGUEZ de la SELARL LAWCEAN, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION




DEFENDERESSES

S.A.R.L. EGENIE.FR
Immatriculée au RCS de Saint-Denis (REUNION) sous le n°490 619 236
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Loca

lité 6]
Rep/assistant : Me Corinne CHANE-HIME, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [F] [U], [E], [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 5...

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REPUBLIQUE FRANCAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/00900 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-F752
NAC : 56C

JUGEMENT CIVIL
DU 26 MARS 2024

DEMANDERESSE

Mme [U] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Vanessa RODRIGUEZ de la SELARL LAWCEAN, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DEFENDERESSES

S.A.R.L. EGENIE.FR
Immatriculée au RCS de Saint-Denis (REUNION) sous le n°490 619 236
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Rep/assistant : Me Corinne CHANE-HIME, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [F] [U], [E], [N] [W]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Rep/assistant : Me Corinne CHANE-HIME, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le : 26.03.2024
Expédition délivrée le :
à Me Corinne CHANE-HIME
Maître Vanessa RODRIGUEZ de la SELARL LAWCEAN

COMPOSITION DU TRIBUNAL

LORS DES DEBATS :

Le Tribunal était composé de :

Madame Brigitte LAGIERE, Vice-Présidente
Madame Sophie PARAT, Juge,
Madame Dominique BOERAEVE, Juge,
assistées de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

Suite à la fermeture du Tribunal Judiciaire de Saint Denis , Madame [S] [B], a autorisé les avocats à déposer leurs dossiers à la date du 23 Janvier 2024, en les informant que le jugement serait rendu en Formation collégiale par Madame [S] [B] par mise à disposition le 26 Mars 2024.

JUGEMENT : contradictoire, du 26 Mars 2024, en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE
Madame [U] [P] a été embauchée le 1er janvier 2017 en contrat à durée indéterminée par la SAS SORIC, représentée par Madame [D], et, suivant un dernier avenant du 1er janvier 2019, elle était promue au poste « Responsable Commerciale et Marketing MG ».

Par courrier recommandé avec avis de réception du 8 mai 2021, Madame [P] était licenciée pour faute grave par la SAS SORIC, représentée par Monsieur [G], son nouveau dirigeant.

Aux termes d’un jugement rendu le 12 avril 2022, le Conseil de Prud’hommes de Saint Denis a dit que le licenciement de Madame [P] avait une cause réelle et sérieuse et lui a alloué des indemnités, dommages et intérêts, rappels de salaire et primes pour la somme globale de 47.542,77 euros.

Madame [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par acte du 4 avril 2022, Madame [U] [P] a fait assigner la SARL EGENIE.FR et Madame [F] [W], en qualité de gérante de la SARL EGENIE.FR devant le Tribunal judiciaire de Saint Denis sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Au soutien de sa demande, Madame [P] expose qu’aux termes de sa lettre de licenciement, un des griefs était rédigé comme suit : « Attitude de harcèlement à l’encontre de Monsieur [Z] [I], responsable des réseaux de supermarchés, que vous ne conviez pas à de très nombreuses réunions commerciales….malgré le travail fait sous la direction d’un coach extérieur fin 2020... » ;
que, lors de l’instance devant le Conseil de Prud’hommes, l’employeur a révélé qu’il avait mandaté Madame [W] aux fins d’enquête interne dans le cadre de l’article L.1152-1 du Code du Travail ;
que c’est sur le fondement du rapport d’enquête de cette dernière que l’employeur a décidé de la licencier pour faute grave ;
que, lors de l’audience devant le Conseil de Prud’hommes, Madame [W] a témoigné contre elle.

Madame [P] précise que, par sommation interpellative du 3 décembre 2021, faute de communication du rapport d’enquête par son employeur, elle a demandé à Madame [W] de lui communiquer, outre ce rapport, toutes pièces attestant de ses formations et qualifications, de sa charte déontologique et de ses garanties d’indépendance et d’impartialité à l’égard de l’employeur ;
que Madame [W] lui a simplement répondu :  « J’interviens dans le cadre de plusieurs missions pour le compte de la SORIC. J’ai reçu une mission d’investigation liée à la relation entre Madame [P] et Monsieur [I]. J’ai réalisé ma mission et rendu compte de ma mission à mon client. Ma mission s’arrête là. Je considère que je n’ai pas à répondre aux demandes qui me sont faites car ce n’est plus mon rôle. » .

Madame [P] fait valoir que Madame [W] a manqué à ses obligations d’impartialité au vu de sa dépendance financière envers la SORIC, de traitement équitable et de la présomption d’innocence ;
qu’elle a usé de stratagèmes et d’artifices pour la confondre ;
qu’elle s’est présentée sous plusieurs casquettes, coach et enquêtrice ;
que ses propos sont calomnieux à son encontre ;
qu’au vu du rapport qu’elle a écrit, son incompétence apparaît criante ;

Madame [P] demande qu’il soit jugé que la faute grave commise par Madame [W] dans le cadre de sa mission d’enquête est de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle et à justifier la réparation du préjudice subi.

Elle demande sa condamnation solidairement avec la SARL EGENIE.FR à lui payer les sommes suivantes :
- 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices distincts,
- 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

Aux termes de leurs dernières écritures, la SARL EGENIE.FR et Madame [F] [W] concluent au débouté des demandes.

Elles précisent que la lettre de licenciement comportait 13 griefs dont celui relatif au harcèlement managérial à l’encontre de Monsieur [I] ;
que le Conseil de Prud’hommes a retenu ce grief comme étant fondé.

Elles font valoir que le caractère secret d’une enquête interne enlève à Madame [P] toute possibilité d’en contester la forme et la tenue.

Elles réclament la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile.

ET SUR QUOI
En vertu de l’article 1240 du Code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, Madame [P] reproche à Madame [W], en sa qualité d’enquêtrice interne de la société SORIC, d’avoir commis une faute en se faisant passer auprès d’elle pour une médiatrice, pour établir un rapport entièrement à charge dans une volonté de lui nuire afin de fournir à l’employeur des éléments pour justifier son licenciement.
Madame [P] doit rapporter la preuve de cette faute, du préjudice qui en est résulté pour elle et du lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
Madame [P] précise que l’objet de l’instance n’est pas de juger son licenciement fondé ou pas, ni de caractériser une situation de harcèlement.
Dès lors, les attestations émises par Messieurs [I], [Y] [A] ( celle du 5 janvier 2023) et [J] ( celle datée du 5 janvier 2023) ainsi que celles de Mesdames [T] et [L] apparaissent inopérantes dans le présent litige, de même que la plainte déposée par Madame [P] contre Monsieur [I] le 22 novembre 2022.
Comme l’a rappelé la Chambre sociale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 27 novembre 2019, lorsque qu’un employeur reçoit une allégation de harcèlement moral, il doit impérativement diligenter une enquête interne dont les modalités ne sont pas codifiées.
Ainsi, il peut désigner pour ce faire la personne de son choix, voire un salarié de l’entreprise.
L’enquête doit néanmoins être menée en respectant les principes de confidentialité, de neutralité et de loyauté.
Selon la jurisprudence de la Cour de Cassation ( Cass soc 17 mars 2021), l’enquête interne n’a pas à respecter le principe du contradictoire.
Ainsi, le salarié concerné par les accusations de harcèlement peut ne pas avoir été informé préalablement de l’enquête et ne pas avoir été entendu lors de celle-ci.
De la même façon, l’enquêteur n’est pas tenu d’entendre et de recueillir le témoignage de l’ensemble des salariés.
Enfin, le rapport d’enquête qui servira de support à l’employeur pour prendre une décision, pourra, ou non, être transmis à l’ensemble des parties prenantes.
En l’espèce, Madame [P] affirme, sans le démontrer, que Madame [W] serait dans un état de dépendante financière à l’égard de la société SORIC.
Madame [W] est co-gérante de la SARL EGENIE.FR dont l’objet social est la promotion et la commercialisation de la formation via internet.
Dans son attestation du 31 août 2021, Madame [W] a précisé qu’elle intervenait en tant que consultante pour la société SORIC depuis le 15 novembre 2019.
L’état de dépendance économique ne saurait être déduit de ces seules déclarations et, même s’il existait, il ne pourrait être reproché à l’enquêteur s’il a respecté les principes de confidentialité, d’impartialité et de loyauté.
Par ailleurs, pour justifier de la mauvaise foi et de la partialité de l’enquêtrice, Madame [P] ne produit que deux attestations émanant de Messieurs [Y] [A] et [J], datées toutes les deux du “05/01/1981", aux termes desquelles ces salariés indiquent qu’ils n’ont jamais été interrogés par Madame [W] et que celle-ci intervient régulièrement auprès des salariés de la SORIC en qualité de coach.
Madame [P] échoue dans son obligation de démontrer le comportement fautif de Madame [W].
Il convient de la débouter de l’ensemble de ses demandes.
L’équité commande en la cause d’allouer aux défenderesses la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Madame [U] [P] de l’ensemble de ses demandes,

LA CONDAMNE à payer aux défenderesses la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure civile,
LAISSE les dépens à sa charge.
EN FOI DE QUOI LA PRÉSIDENTE ET LA GREFFIÈRE ONT SIGNE LE PRESENT JUGEMENT.

LA GREFFIÈRE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/00900
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;22.00900 ?
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