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19/03/2024 | FRANCE | N°22/03525

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 19 mars 2024, 22/03525


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/03525 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GGB6

NAC : 54G

JUGEMENT CIVIL
DU 19 MARS 2024

DEMANDEURS

M. [Y] [G]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [T] [J] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
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DÉFENDERESSE

S.A.S.U. SOCIÉTÉ FONCIERE INVESTISSEMENT
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Georges-andré H...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/03525 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GGB6

NAC : 54G

JUGEMENT CIVIL
DU 19 MARS 2024

DEMANDEURS

M. [Y] [G]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Rep/assistant : Maître Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Mme [T] [J] [R]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Rep/assistant : Maître Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSE

S.A.S.U. SOCIÉTÉ FONCIERE INVESTISSEMENT
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
Rep/assistant : Me Georges-andré HOARAU, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

Copie exécutoire délivrée le : 19.03.2024
CCC délivrée le :
à Me Georges-andré HOARAU, Maître Vincent remy HOARAU de la SELARL PRAGMA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Patricia BERTRAND, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 16 Février 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : Contradictoire , du 19 Mars 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé signé le 11/02/2021, Monsieur [G] et Madame [R] ont signé avec la société FONCIERE INVESTISSEMENT un contrat de réservation portant sur la vente d’un terrain et d'une maison d'habitation à construire.

Considérant que la société FONCIERE INVESTISSEMENT avait failli dans l’exécution de ses obligations, ils ont dénoncé le contrat par lettre recommandée réceptionnée le 19/08/2022 et ont demandé vainement la restitution du dépôt de garantie qu'ils avaient versé.

Par exploit délivré le 13/12/2022, ils ont fait citer la société FONCIERE INVESTISSEMENT devant ce tribunal pour obtenir l’annulation et à défaut la résolution du contrat.

Dans leurs dernières conclusions enregistrées le 05/05/2023, Monsieur [G] et Madame [R] demandent au tribunal de :

condamner la société FONCIERE INVESTISSEMENT à leur payer les sommes suivantes :

10000 euros versée à titre d’acompte avec intérêts de droit à compter du 19 août 2022, avec bénéfice de l’anatocisme ;Remboursement des sommes versées à la CEPAC avec intérêts de droit à compter de l’assignation, avec bénéfice de l’anatocisme :o frais de dossier : 831,60 euroso Part assurance emprunteur obligatoire : 2892,18 euroso échéances de crédit déjà remboursées : 4969,20 euros (sauf mémoire) Remboursement de l’acompte fait à IXINA qui ne sera pas remboursé : 2070 euros avec intérêts de droit à compter de l’assignation, avec bénéfice de l’anatocisme ;2000 euros en réparation de leur préjudice moral.3500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
DEBOUTER la Société FONCIERE INVESTISSEMENT de toutes ses demandes,

CONDAMNER La Société FONCIERE INVESTISSEMENT aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Vincent HOARAU pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Ils soutiennent que le contrat de réservation est nul comme ne comportant pas certaines des mentions obligatoires prévues par les articles L 261-5, R 261-25, R 261-26, R 261-27 du CCH ; que cette absence est sanctionnée par la nullité relative du contrat ; que la société FONCIERE INVESTISSEMENT a engagé des démarches administratives tardives et inutiles puisque la parcelle s'est avérée non commercialisable ; que l’inaction de la défenderesse durant plus de deux années, sa réticence dolosive concernant le caractère non commercialisable des parcelles et sa mauvaise foi quant à l’exécution du contrat, justifient, à titre subsidiaire, la résolution du contrat ; que les fautes commises par la défenderesse, qui ne peut pas leur opposer le cas de force majeure, justifient qu'elle répare les préjudices qu'ils ont subis.

Dans ses conclusions enregistrées le 10/03/2023, la société FONCIERE INVESTISSEMENT demande au tribunal de  les débouter de leur demande indemnitaire quelque soit le fondement retenu , de limiter, le cas échéant, cette indemnisation à la somme de 10 000 euros correspondant à l'acompte versé pour la réservation, et de les condamner à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Elle fait valoir, à titre principal, que le contrat de réservation est valable et que la violation des articles L621-15 et R 621-25 du CCH, à la supposer établie, n'est pas prescrite à peine de nullité du contrat ; que si la résolution du contrat est prononcée, elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute ; qu'elle a respecté toutes ses obligations et a parfaitement exécuté le contrat ; qu'elle a entrepris les diligences requises et que les retards ne lui sont pas imputables ; que l'exécution du contrat a été empêchée par la force majeure ; qu'elle doit être exonérée de toute responsabilité ; qu'en tout état de cause, Madame [R] et Monsieur [G] ne démontrent ni la faute commise par elle ni la réalité des préjudices allégués , qu'ils ne sont pas fondés à demander le remboursement de l'achat anticipé de leur cuisine.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, le tribunal se réfère à leurs écritures.
 
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée le 11/12/2023. Après dépôt des dossiers au greffe, l’affaire a été mise en délibéré au 19/03/2024.

MOTIFS

Sur la demande d'annulation du contrat de réservation

Vu les dispositions des articles L 261-1 et suivants et R 261-25 et suivants du code de construction et de l'habitation.

La vente prévue par l'article L 261-10 du CCH peut être précédée d'un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d'un dépôt de garantie, versé sur un compte spécial, le vendeur s'engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d'immeuble.

En l'espèce, Monsieur [G] et Madame [R] ont signé le 11/02/2021 un contrat de réservation portant sur l'achat d'un projet terrain ( lot n°8 superficie de 410 m2 ) et une construction ( 90 m2) SHOB sur la commune de [Localité 7] au prix de 239.680 € , ventilé ainsi : le terrain au prix de 121.680 € et la construction au prix de 118.000 € et en exécution duquel ils ont versé au réservant un dépôt de garantie de 10.000 €.

Ce contrat comporte en entête le sigle des sociétés FONCIERE INVESTISSEMENT et BTP FINANCIAL, toutes deux ayant le même gérant, Mr [M], et la même adresse. S'agissant d'un contrat de réservation portant sur la vente d'une maison à construire à usage d'habitation, il est strictement réglementé comme la vente elle-même et il est soumis aux articles L.261 -15 et suivants et R 261-25 et suivants du code de la construction et de l'habitation. En principe, le non-respect de ces dispositions impératives est sanctionné par la nullité du contrat en vertu de l'article L 261-15 dudit code mais l'article L. 261-16 prévoit que sera réputée non écrite toute clause contraire aux dispositions obligatoires du secteur protégé.

Monsieur [G] et Madame [R] soutiennent, à juste titre, que certaines des mentions prévues aux articles L 261-5, R 261-25, R 261-26, R 261-27 du CCH font défaut . Le contrat révèle en effet qu'il manque les mentions obligatoire portant sur le nombre de pièces principales, l'énumération des pièces de service, dépendances et dégagements, une note technique sommaire indiquant la nature et la qualité des matériaux et des éléments d'équipement, les modalités de révision du prix et la date à laquelle la vente pourra être conclue. Il révèle également qu'il existe une confusion entre le vendeur du foncier ( FONCIERE INVESTISSEMENT ) et le constructeur ( BTP FINANCIAL ) et qu'il est dépourvu de précision quant aux éléments substantiels de la vente.

Il apparait toutefois que Monsieur [G] et Madame [R] ont signé le 20/03/2021 avec la société FONCIERE INVESTISSEMENT un compromis de vente qui s'avérait beaucoup plus précis et qui comportait notamment, outre la description du bien vendu , les obligations mises à la charge respectives des parties, les modalités de financement, les conditions suspensives et les délais d'exécution des différentes étapes du contrat. Il révèle notamment que la parcelle de terrain cédée , matérialisée sous le terme '' LOT PA8'' était à détacher d'une parcelle plus grande, désignée sous le terme '' LOT A '' , elle même à détacher d'un plus grand ensemble cadastré BD [Cadastre 3] [Adresse 4] ; que l'acquéreur serait propriétaire du bien à compter du jour de la réalisation de la vente par acte authentique ; que l'acquisition était financée au moyen d'un prêt; que le compromis était signé sous la condition résolutoire de la non acquisition par le vendeur du terrain d'assiette dont est issu le bien objet de la vente au plus tard le 25 février 2022.

Ce faisant, Monsieur [G] et Madame [R] ont confirmé le contrat de réservation et décidé, malgré tout, de poursuivre l'opération de telle sorte qu'ils ont perdu la possibilité d'invoquer la nullité du contrat de réservation. Ils seront ainsi déboutés de leur demande en nullité du contrat litigieux.

Sur la résolution du contrat

Vu les dispositions de l'article 1224 du code civil;

Monsieur [G] et Madame [R] soutiennent qu'à l'exception de quelques formalités administratives, la défenderesse n’a rien engagé dans le processus de construction de la maison et qu'elle leur a dissimulé le caractère non commercialisable du terrain .

La société FONCIERE INVESTISSEMENT ne justifie pas des démarches qu'elle a entreprises pour la création des lots prévus dans le lotissement . Elle ne renseigne pas le tribunal sur la date d'obtention du permis d'aménager le lotissement et ne contredit pas les requérants lorsqu'ils affirment que le terrain s'est révélé non commercialisable faute de satisfaire aux prescriptions d’urbanisme en matière d’assainissement . Elle n'établit pas non plus avoir remis les documents nécessaire dans les temps aux concessionnaires CIREST, SIDELEC et EDF dont les retards allégués ne sont pas démontrés. Enfin, elle ne saurait soutenir que ces retards constituent un cas de force majeur dès lors que les délais d'instruction des dossiers par ces prestataires constituent des événements prévisibles que tout constructeur diligent doit anticiper. Elle échoue ainsi à démontrer qu'elle a exécuté ses obligations contractuelles.

Enfin, Monsieur [G] et Madame [R] soutiennent , sans être contestés, qu'elle ne les a pas informés de l’impossible commercialisation de la parcelle en raison de la présence d’un réseau d’eaux usées traversant ladite parcelle et la société FONCIERE INVESTISSEMENT ne livre aucune explication à ce sujet. Cette omission, qui compromet la réalisation du projet, constitue une faute.

Il s'en déduit que l'inexécution contractuelle de la société FONCIERE INVESTISSEMENT est suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat.

Sur les demandes indemnitaires

Vu ce qui précède, Monsieur [G] et Madame [R] sont fondés à obtenir la restitution de leur dépôt de garantie., soit la somme de 10.000 euros qui produira intérêts au taux légal à compter du 19/08.2022, date de réception de la mise en demeure.

En revanche ils sont mal fondés à demander le remboursement des frais de dossier, de la part assurance emprunteur obligatoire et des échéances de prêt dès lors qu'il s'agit de frais engagés prématurément s'agissant de la vente d'une villa à construire dans un lotissement à créer , soumise à la réalisation de plusieurs conditions successives, et dont le prix devait être payé de jour de la signature de l'acte authentique. La demande de remboursement de l’acompte fait à IXINA sera également rejetée dès lors qu'il s'agit d'une dépense engagée prématurément alors que la construction n'avait pas encore débutée.

En revanche, la déception consécutive à l'annulation de leur projet de construction par la faute de la défenderesse justifie qu'il leur soit alloué la somme de 1.000 euros en réparation de leur préjudice moral.

Sur les autres demandes
La société FONCIERE INVESTISSEMENT succombant, supportera les dépens et l'équité commande d'allouer aux requérants la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire, rendue en premier ressort, et par mise à disposition,

Prononce la résolution du contrat de réservation signé le 11 février 2021 entre Monsieur [G] , Madame [R] et la société FONCIERE INVESTISSEMENT ;
Condamne la SASU FONCIERE INVESTISSEMENT à payer à Monsieur [G] et Madame [R] la somme de 10.000 € qui produira intérêts au taux légal à compter du 19/08/2022 ;
Ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière ;
Condamne la SASU FONCIERE INVESTISSEMENT à payer à Monsieur [G] et Madame [R] la somme de 1.000 € au titre du préjudice moral ;
Rejette toutes les autres demandes des parties,
Condamne la SASU FONCIERE INVESTISSEMENT à payer à Monsieur [G] et Madame [R] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la SASU FONCIERE INVESTISSEMENT aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Vincent HOARAU dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.
 
La Greffière,    La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/03525
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.03525 ?
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