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19/03/2024 | FRANCE | N°22/01951

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 19 mars 2024, 22/01951


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/01951 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GB6G

NAC : 29A

JUGEMENT CIVIL
DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSE

Mme [T] [C] veuve [B]
domiciliée : chez Monsieur [I] [B]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Robert FERDINAND, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/3200 du 13/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION

)



DÉFENDEUR

M. [J] [B]
[Adresse 1] – [Adresse 8]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Vanessa ABOUT, avocat au barreau de...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 22/01951 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GB6G

NAC : 29A

JUGEMENT CIVIL
DU 19 MARS 2024

DEMANDERESSE

Mme [T] [C] veuve [B]
domiciliée : chez Monsieur [I] [B]
[Adresse 3]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Robert FERDINAND, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/3200 du 13/08/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

DÉFENDEUR

M. [J] [B]
[Adresse 1] – [Adresse 8]
[Localité 9]
Rep/assistant : Me Vanessa ABOUT, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/003853 du 30/08/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

Copie exécutoire délivrée le : 19.03.2024
CCC délivrée le :
à Me Vanessa ABOUT, Me Robert FERDINAND

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Le Tribunal était composé de :

Madame Sophie PARAT, Juge Unique
assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

LORS DES DÉBATS

L’affaire a été évoquée à l’audience du 16 Février 2024.

LORS DU DÉLIBÉRÉ ET DU PRONONCÉ

A l’issue des débats, les parties présentes et leurs conseils ont été avisés que le jugement serait mis à leur disposition le 19 Mars 2024.

JUGEMENT : Contradictoire, du 19 Mars 2024 , en premier ressort

Prononcé par mise à disposition par Madame Sophie PARAT, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, greffière

En vertu de quoi, le Tribunal a rendu le jugement dont la teneur suit :

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [T] [C] veuve [B], née le [Date naissance 2] 1929, a six enfants, dont Monsieur [J] [B].

Par acte notarié en date du 5 mars 2002, elle a donné à ses six enfants, à titre de partage anticipé:
- la nue-propriété d’un bien cadastré BP [Cadastre 4] situé au [Adresse 1] à [Localité 9],
- la pleine propriété de parcelles de terrain cadastrées BP [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7], situées à la même adresse.
Dans ce cadre, Monsieur [J] [B] s’est vu attribuer la nue propriété de la parcelle de terrain cadastrée BP [Cadastre 4].

Allégant un comportement irrespectueux de son fils, des menaces de mort, des injures et du bruit nuisant à sa santé, par acte de commissaire de justice en date du 20 juin 2022, Madame [T] [C] veuve [B] a assigné Monsieur [J] [B] devant le tribunal judiciaire afin d’obtenir la révocation de cette donation.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 27 septembre 2023, elle demande au tribunal de:
- débouter Monsieur [B] [J] de toutes ses demandes ;
- juger que la donation faite à Monsieur [B] [J] par acte du 05/03/2002 sera révoquée ;
- prononcer l’expulsion des lieux du défendeur sis [Adresse 1] [Localité 9] avec le concours de la force publique si nécessaire ;
- condamner Monsieur [J] [B] aux entiers dépens ;
- dire que, confonnément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Robert FERDINAND pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que son fils adopte envers elle un comportement indigne, au sens de l’article 955 du code civil. Elle produit une plainte déposée le 9 février 2022, son procès-verbal d’audition du 28 janvier 2021, ainsi que les attestations établies par deux de ses enfants. Elle soutient que l’enquête sociale sollicitée par le défendeur serait inutile et que celui-ci se contente d’allégations non étayées.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 5 mai 2023, Monsieur [J] [B] demande au tribunal de:
- ORDONNER une mesure d’enquête sociale ;
- PRONONCER l’irrecevabilité des demandes formulées par Madame Veuve [B] née [T] [C],
- SE DÉCLARER incompétent sur la demande d’expulsion sollicitée par Madame Veuve [B] née [T] [C],
En tout état de cause,
- DÉBOUTER Madame Veuve [B] née [T] [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- CONDAMNER Madame Veuve [B] née [T] [C] aux dépens qui seront supportés par l’aide juridictionnelle qui lui a été octroyée.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que les conditions d’application de l’article 955 du code civil ne sont pas réunies, en l’absence de preuves de délits ou d’injures graves proférées à l’encontre de sa mère. Il soutient en effet que la demanderesse ne démontre pas que des poursuites pénales aient été engagées contre lui, ni même que sa plainte en date du 9 février 2022 ait bien été enregistrée par les services du procureur. Il souligne encore que dans son audition, la demanderesse n’évoque pas d’injures de sa part.

Pour le surplus des arguments développés par les parties, il convient de renvoyer à leurs écritures, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 11 décembre 2023, le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et autorisé les parties à déposer leur dossier le 16 février 2024. Les parties ont été informées que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’irrecevabilité des demandes

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile: “Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour:
(...) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
(...) Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.”

En l’espèce, depuis son premier jeu d’écritures, le défendeur sollicite que les demandes présentées par sa mère soient “déclarées irrecevables”. Néanmoins, cette demande d’irrecevabilité, qui devrait donc s’analyser en une fin de non-recevoir, est totalement dépourvue de fondement juridique.

Quel que soit le fondement juridique envisagé pour une quelconque fin de non-recevoir, elle relevait de la compétence exclusive du juge de la mise en état et aurait donc dû être soumise à celui-ci avant son dessaisissement. Cette fin de non-recevoir n’étant ni survenue ni n’ayant été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état, le défendeur n’est plus recevable à la soulever devant le tribunal statuant au fond.

Sur l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile: “Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour:
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ;

En l’espèce, l’exception d’incompétence soulevée par le défendeur relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état et aurait donc dû être soumise à celui-ci avant son dessaisissement. Cette exception d’incompétence n’étant ni survenue ni n’ayant été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état, le défendeur n’est plus recevable à la soulever devant le tribunal statuant au fond.

Sur la demande de révocation de la donation

L’article 955 du code civil dispose: “La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :
1° Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;
2° S'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;
3° S'il lui refuse des aliments.”

En l’espèce, la demanderesse produit aux débats les éléments suivants :
- une main courante en date du 14 septembre 2021, dans laquelle elle déclare que son fils nuit à sa tranquillité en mettant la musique à 6 heures;
- un certificat médical du 13 novembre 2020 qui fait état de menaces de mort et d’insultes, sans précision néanmoins sur l’auteur de ces faits;
- une plainte du 9 février 2020 dont il n’est pas démontré qu’elle ait été enregistrée par les services du parquet : en tout état de cause ce courrier n’a manifestement pas été rédigé par la demanderesse, qui l’a simplement signé, mais par l’un de ses enfants, comme le démontrent les tournures de phrase utilisées (“notre mère”, “ma soeur [B] [X]”, “j’ai dû emmener ma mère à l’hôpital en état de choc”); dans cette plainte sont dénoncées des insultes (“vieille merde”) et des menaces (“j’écrase tout dans la maison”) ainsi que des comportements agressifs (taper du poing sur la table);
- son audition de victime du 28 janvier 2021, dans laquelle elle déclare que son fils la traite de “vieille moukate” (“vieille merde”) et lui dit “fous moi la paix”, et ce depuis septembre 2020, qu’il ne la frappe pas mais lui fait peur en frappant très fort du poing sur la table; elle déclare avoir quitté sa maison (dont elle a l’usufruit) pour s’installer chez son fils [I] depuis octobre 2020 et souhaiter que son fils [J] déménage;
- une attestation de son fils [V] qui dit que [J] a bousculé sa mère, sans date précise, qu’il l’a traitée de “moukate”, qu’il l’a menacée (“je t’écrase comme un chien”), l’obligeant à quitter son domicile à deux reprises.

Ces éléments ne caractérisent aucun délit grave commis par le défendeur à l’encontre de sa mère. Si le courrier de plainte adressé au procureur de la République, l’audition de la demanderesse auprès de la gendarmerie et le témoignage de son fils [V] caractérisent des injures (“vieille moukate”), celles-ci ne présentent pas le caractère de gravité exigée par les termes de la loi. En outre, le reste des comportements dénoncés, en particulier les propos menaçants et les coups de poing sur la table, quoique de nature à produire une forte impression sur une dame âgée de 90 ans, ne sauraient être qualifiés de sévices graves. Par conséquent, la demande de révocation de la donation sera rejetée, sans qu’il soit besoin d’ordonner une mesure d’enquête sociale.

La demande subséquente d’expulsion sera également rejetée. Il appartient à la demanderesse d’engager l’action judiciaire adaptée, auprès de la juridiction compétente, si elle souhaite obtenir l’expulsion de son fils de la maison dont elle seule a l’usufruit et qu’elle seule est légitime à occuper actuellement.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La demanderesse, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

DECLARE irrecevables la fin de non-recevoir et l’exception d’incompétence soulevées par Monsieur [J] [B],

DEBOUTE Madame [T] [C] veuve [B] de sa demande de révocation de la donation consentie le 5 mars 2002 à son fils [J] [B],

DEBOUTE Madame [T] [C] veuve [B] de sa demande accessoire d’expulsion,

REJETTE toutes les autres demandes plus amples et contraires des parties,

CONDAMNE Madame [T] [C] veuve [B] aux entiers dépens de l’instance,

DIT que Maître Robert FERDINAND pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire,

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/01951
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.01951 ?
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