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12/03/2024 | FRANCE | N°22/02558

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 12 mars 2024, 22/02558


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS


MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE : N° RG 22/02558 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GCKS
NAC : 10A

JUGEMENT CIVIL
DU 12 Mars 2024

****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION AYANT DÉLIBÉRÉE APRES DÉBATS DEVANT UN JUGE RAPPORTEUR


Président : Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente
Assesseur: Madame Sophie PARAT, Vice-présidente
Assesseur: Madame Patricia BERTRAND, Vice-Présidente
Greffier : Madame Isabelle SOUNDRON,



DEMAND

ERESSE

Mme [W] [B] [C]
née le 24 Février 2001 à [Localité 4] (COMORES)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Xavier B...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE : N° RG 22/02558 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GCKS
NAC : 10A

JUGEMENT CIVIL
DU 12 Mars 2024

****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION AYANT DÉLIBÉRÉE APRES DÉBATS DEVANT UN JUGE RAPPORTEUR

Président : Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente
Assesseur: Madame Sophie PARAT, Vice-présidente
Assesseur: Madame Patricia BERTRAND, Vice-Présidente
Greffier : Madame Isabelle SOUNDRON,

DEMANDERESSE

Mme [W] [B] [C]
née le 24 Février 2001 à [Localité 4] (COMORES)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Xavier BELLIARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005809 du 17/09/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)

DEFENDERESSE

Mme Le PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE
Palais de Justice,
[Adresse 2]
[Localité 3]

Copie exécutoire délivrée le :12.03.2024
Expédition délivrée le :
à Me Xavier BELLIARD


FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par acte du 12 Août 2022 , Madame [W] [B] [C] se disant née le 24 Février 2001 à [Localité 4] aux COMORES, a assigné le Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint Denis de la Réunion devant le tribunal de céans aux fins de voir dire et juger qu’elle est de nationalité française par filiation paternelle.

Elle fait principalement valoir dans son assignation et ses dernières conclusions datées du 1er Décembre 2023 que :

- son père a acquis la nationalité française par déclaration du 24 juin 1988

-sa filiation paternelle est établie durant sa minorité dans la mesure où elle est issue de l’union légitime de ses parents

-la compétence du chargé des affaires consulaires, agent de ll’ambassade des Comores à [Localité 5] pour légaliser les actes es reconnue

- Le ministère public ayant estimé que l’acte de naissance qu’elle a produit ne serait pas probant au motif que l’heure de naissance n’était pas mentionnée sur l’acte , elle a saisi le tribunal de première instance de Moroni qui par décision du 6 mai 2023 a ordonné la rectification de son acte de naissance en ce sens qu’il est indiqué qu’elle est née à 11h30

- Il est d’usage commun que lorsqu’un parent n’a pas de profession aucune mention n’est inscrite sur l’acte relativement à la profession. Par ailleurs , aucune disposition relative aux mentions dans l’acte d’ État civil aux Comores n’impose que les dates soit mentionnées en lettres


Dans ses conclusions n°4 notifié le 6 novembre 2023, le Ministère Public a demandé au tribunal de débouter Madame [B] [C] de ses demandes, de constater son extranéité et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

Il fait valoir que:

- sur l’acte de naissance produit par la requérante l’heure de naissance et l’heure à laquelle l’acte a été dressé font défaut, la profession de la mère est absente et certaines dates sont inscrites en chiffres .Cet acte est donc irrégulier;
Le jugement de Moroni de rectification de la de naissance ne peut être opposable en France faute de motivation;
La requérante ne justifie donc pas d’un État civil certain,

- sur la filiation paternelle :l’acte de mariage de ses parents ne précise pas le lieu et l’heure auquel il a été dressé ainsi que la profession de l’épouse. Cette acte de mariage n’est donc pas probant; de plus le mariage n’est pas inscrit en marge sur l’acte de naissance du père présumé. Le nom du père de la requérante n’est pas identique sur l’ensemble des pièces produites.L’acte de naissance de la mère de la requérante produit en copie incomplète et illisible, non légalisée n’est pas recevable.

Vu l'ordonnance de clôture du 5 février 2024 , fixant la date des dépôts au 13 février 2024 et le délibéré au 12 mars 2024 après examen par Brigitte LAGIERE, statuant en juge rapporteur.

SUR CE, LE TRIBUNAL

-Sur la régularité de la procédure :

Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au Ministère de la Justice qui en délivre récépissé. En l’espèce, le Ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 8 septembre 2022.

La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée.
L'action est recevable.

- Sur les rapports entre la France et les Comores :

Il est constant qu'en l'absence de convention contraire, les actes publics étrangers doivent être légalisés pour être opposables. Tel est le cas pour les actes d'état civil comoriens en l'absence de convention entre la France et les Comores. Pour satisfaire aux exigences de la légalisation, celle-ci doit porter sur la signature de l'auteur de l'acte et être effectuée directement par le consul de France.

- Sur la nationalité :

Madame [W] [B] [C] soutient être française pour être née d’un père français.

L'article 30 dispose que : "la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants".
L'article 47 prévoit que "tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité".

Il est également constant que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s'il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par la production d'un acte de naissance probant au sens de l'article 47 du code civil.

La demanderesse qui n'est pas titulaire personnellement d'un certificat de nationalité française a, en application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve de la nationalité française qu'il revendique. Il lui appartient de rapporter la preuve qu'il possède un état civil fiable, que son père a bien la nationalité française.

Elle verse aux débats:

-un acte de naissance régulièrement légalisé dont il résulte qu’elle est née le 24 février 2001 de [B] [C] [S] [G] et de [V] [L] .
Sur cet acte de naissance a été mentionné qu’en application du jugement du 6 mai 2023, elle est née le 24 février 2001 à 11h30;

- un jugement du 6 mai 2023 du tribunal de MORONI portant rectification d’un acte de naissance;

- la copie d’un acte de reconnaissance du 2 février 2005 par lequel [C] [B] reconnaît comme sa fille [W] [B] née le 24 février 2001,

- La copie d’un acte de mariage contracté le 28 décembre 1999 entre [B] [C] et [V] [R] ;

- la copie de l’acte de naissance de [C] [B] né le 21 août 1935 aux Comores.

Force est de constater que:

- alors que sur tous les actes produits par la demanderesse relatifs à son père présumé ce dernier porte comme nom patronymique [B] , sur l’acte de naissance de la demanderesse le nom patronymique de son père apparaît comme [B] [C] [S] [G] ;

-selon les actes d’état civil, le nom patronymique de la demanderesse est parfois [B], parfois [B] [C];

-le jugement de rectification du 6 mai 2023 de MORONI énonce” que suivant les pièces versées au dossier , il est constant que lors de l’établissement de l’acte de naissance de la demanderesse , l’officier d’État civil a commis des omissions sur l’heure de naissance , qu’il convient de faire droit à la demande de la requérante et d’ordonner la rectification de son acte de naissance comme suit :née le 24 février 2001 à 11h30";

Ce jugement ne précise en aucune façon les pièces versées au dossier et ne comporte aucune motivation;

Or, l’efficacité des jugements étrangers concernant l’état des personnes est reconnues en France sous réserve du contrôle de leur régularité internationale ; la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée , lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalents à la motivation défaillante et à permettre le contrôle de la régularité de la décision, est contraire à la conception française de l’ordre public international;

En l’espèce , l’absence de documents de nature à servir d’équivalents à la motivation défaillante du jugement rectificatif du 6 mai 2023 et à permettre le contrôle de sa régularité s’oppose à sa reconnaissance dans l’ordre juridique français.

Il s’ensuit que l’acte de naissance de l’intéressée rectifié en ’exécution du jugement rectificatif susvisé n’est pas probante au sens de l’article 47 du Code civil.

La demanderesse ne justifiant pas de façon certaine de son état civil par la production d'un acte de naissance probant au sens de l'article 47 du code civil, il y a lieu de constater son extranéité.

La demanderesse , déboutée de ses demandes, est tenue aux dépens de l'instance

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire susceptible d'appel, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que la procédure est régulière au regard de l’article 1043 du code de procédure civile;

DEBOUTE Madame [W] [B] [C] de sa demande ;

ORDONNE la mention prévue par l' article 28 du code civil;

CONDAMNE Madame [W] [B] [C] aux dépens de l’instance;

AINSI JUGE ET PRONONCE le 12 mars 2024 et nous avons signé avec Madame le GREFFIER.

Le Greffier,La Présidente,
Isabelle SOUNDRON Brigitte LAGIERE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22/02558
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;22.02558 ?
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