RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE : N° RG 22/02327 - N° Portalis DB3Z-W-B7G-GC5K
NAC : 10B
JUGEMENT CIVIL
DU 12 Mars 2024
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COMPOSITION DE LA JURIDICTION AYANT DÉLIBÉRÉE APRES DÉBATS DEVANT UN JUGE RAPPORTEUR
Président : Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente
Assesseur: Madame Patricia BERTRAND, Vice-présidente
Assesseur: Madame Sophie PARAT, Vice-présidente
Greffier : Madame Isabelle SOUNDRON,
DEMANDEUR
M. [I] [B]
né le 23 Mars 1973 à [Localité 5] - MADAGASCAR
[Adresse 2]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Valérie RABEARISON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001235 du 28/04/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de ST DENIS REUNION)
DEFENDERESSE
Mme LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE PRES LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT DENIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Copie exécutoire délivrée le :12.03.2024
Expédition délivrée le :
à Me Valérie RABEARISON
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par acte d’huissier du 22 juillet 2022 ,Monsieur [I] [B] né le 23 mars 1973 à [Localité 5] (Madagascar) a assigné le Procureur de la République près le Tribunal Judiciaire de Saint Denis de la Réunion devant le tribunal de céans aux fins de voir dire et juger qu’il est de nationalité française par filiation paternelle.
Il fait principalement valoir dans son assignation et ses dernières conclusions notifiées le 5 février 2024 que :
-son père [D] [K] [B] l’a reconnu dans l’acte même de naissance;
- son père est de nationalité française par filiation;
En effet, par arrêt du 10 octobre 1956 de la cour d’appel de Tananarive ses grands-parents paternels ont été admis au bénéfice des dispositions du décret du 21 juillet 1931 sur l’accession des métis à la qualité de citoyens français.
Il ne peut produire que le dispositif de cet arrêt, ses différentes diligences pour obtenir une copie intégrale de cet arrêt étant demeurées vaines.
En tout état de cause ,il fait valoir qu’un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion le 21 juillet 2003 a déclaré que son cousin était de nationalité française par filiation avec ses grands-parents paternels en s’appuyant sur ce même arrrêt du 10 octobre 1956 ; que ce jugement a été confirmé par la cour d’appel de Saint-Denis par arrêt du 20 mai 2005 qui a jugé que” les grands-parents paternels de son cousin en leur qualité de métis citoyens français ont conservé de plein droit, comme leurs descendants ,leur nationalité française le 26 juin 1960".
Dans ses dernières conclusions n° 2 du 1er septembre 2023 , le Ministère Public a demandé au tribunal de débouter Monsieur [B] de ses demandes, de constater son extranéité et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Il reconnaît que le requérant établit bien son État civil ainsi que sa filiation paternelle et maternelle.
Toutefois, il fait valoir que selon le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Denis du 21 juillet 2003, les motifs de l’arrêt de la cour d’appel de Tananarive du 10 octobre 1956 évoquent la nationalité britannique de [I] [B] et de [P] [V].
Dès lors, en l’absence de production de l’intégralité de cet arrêt de la cour d’appel de Tananarive le demandeur auquel incombe la charge de l’après ne démontre pas que ses grands-parents paternels n’avaient pas de père étranger en l’espèce britannique.
Vu l'ordonnance de clôture du 5 février 2024 , fixant la date des dépôts au 13 février 2024 et le délibéré au 12 mars 2024 après examen par Brigitte LAGIERE, statuant en juge rapporteur.
SUR CE, LE TRIBUNAL
-Sur la régularité de la procédure :
Aux termes de l’article 1043 du code de procédure civile, dans toutes les instances où s'élève à titre principal ou incident une contestation sur la nationalité, une copie de l'assignation est déposée au Ministère de la Justice qui en délivre récépissé. En l’espèce, le Ministère de la Justice a délivré ce récépissé le 12 août 2022.
La condition de l’article 1043 du code de procédure civile est ainsi respectée.
L'action est recevable.
- Sur la nationalité :
Monsieur [B] soutient être français pour être né d’u père français.
L'article 30 dispose que : "la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants".
L'article 47 prévoit que "tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité".
Il est également constant que nul ne peut se voir attribuer la nationalité française à quelque titre que ce soit s'il ne justifie pas de façon certaine de son état civil par la production d'un acte de naissance probant au sens de l'article 47 du code civil.
Le demandeur qui n'est pas titulaire personnellement d'un certificat de nationalité française a, en application de l'article 30 du code civil, la charge de la preuve de la nationalité française qu'il revendique. Il lui appartient de rapporter la preuve qu'il possède un état civil fiable, que sa mère a bien acquis la nationalité française .
Il convient de rappeler que Madagascar a accédé à la pleine souveraineté internationale le 26 juin 1960 et que les effets sur la nationalité de cette indépendance sont régis par la loi du 28 juillet 1960 aux termes de laquelle ont notamment conservé la nationalité majesté française à l’indépendance de Madagascar les métis et leurs descendants qui ont fait l’objet en application du décret du 21 juillet 1931 d’une décision judiciaire leur reconnaissant la qualité de citoyens français comme nés de parents dont l’un demeuré légalement inconnu était présumé d’origine française ou de souche européenne dès lors qu’il ne résulte pas expressément de cette décision ou d’autres éléments que le parent demeuré inconnu était étranger.
En l’espèce, le demandeur verse aux débats:
-la copie intégrale de son acte de naissance dont il résulte qu’il est né le 23 mars 1973 de [D] [K] [B] né le 7 janvier 1944 à Madagascar qu’il a reconnu dans l’acte même de naissance, et de [N] [X] née le 1er juin 1952 à Madagascar;
- la copie intégrale d’acte de naissance de son père dont il résulte que ce dernier est né le 7 janvier 1944 de [I] [B] né le 8 juin 1900 à Madagascar et de [P] [V] née le 13 février 1905 à Madagascar;
-une copie de la transcription de l’arrêt du 10 octobre 1956 de la cour d’appel de Tananarive jugeant que [I] [B] et [P] [V] sont citoyens français de statut civil.
Le demandeur justifie pleinement de son état civil et de sa filiation, notammant paternelle.
Le ministère public affirme que dans son arrêt du 10 octobre 1956 la cour d’appel de Tananarive a énoncé que les grands-parents du requérant était de nationalité britannique.
Or, force est de constater que cette affirmation n’est en rien étayée par la production de l’intégralité de l’arrêt de la cour d’appel de Tananarive.
Qu’il résulte du seul justificatif produit quant à cet arrêt à savoir la transcription du dispositif du jugement du 10 octobre 1956 sur le registre central de l’État civil français que “ [I] [B] et [P] [V] (soit les grands-parents paternels du requérant) sont citoyens français de statut civil” ;
Les époux [B] , grands-parents paternels du requérant, se sont donc vus reconnaître au visa du décret du 21 juillet 1931 leur qualité de Français soumis au statut civil de droit commun. Ils avaient donc vocation à voir pérenniser ce régime pour eux et leur descendance après l’indépendance de l’État malgache.
Qu’il est donc démontré par la production régulière aux débats de son acte de naissance que [D] [K] [B] est le fils légitime des époux [B]-[V] ; qu’il a donc conservé la nationalité française en application du principe énoncé à la loi du 28 juillet 19 60 par dévolution héréditaire de la nationalité ; qu’il est également justifié par le demandeur d’un lien de filiation paternelle entre lui et [D] [K] [B] .
Il s'ensuit que le demandeur a bien la nationalité française par filiation paternelle. Il y a lieu d’ordonner la mention prévue à l’article 28 du Code civil.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant en premier ressort, par jugement contradictoire susceptible d'appel, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que la procédure est régulière au regard de l’article 1043 du code de procédure civile ;
DIT que Monsieur [I] [B] né le 23 mars 1973 à [Localité 5] (Madagascar) est de nationalité française par filiation paternelle;
ORDONNE la mention prévue par l' article 28 du code civil en marge de son acte de naissance;
DIT que les entiers dépens seront à la charge du Trésor Public ;
AINSI JUGE ET PRONONCE le 12 mars 2024 et nous avons signé avec Madame le GREFFIER.
Le Greffier,La Présidente,
Isabelle SOUNDRON Brigitte LAGIERE