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07/03/2024 | FRANCE | N°23/01637

France | France, Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion, 1ère chambre, 07 mars 2024, 23/01637


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01637 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GK7G
NAC : 78F

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 07 mars 2024






















DEMANDEUR

Monsieur [B] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



DÉFENDERESSE

Société HOIST FI

NANCE AB
[Adresse 6] (Suède),
prise en son établissement sis [Adresse 2]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Chafi AKHOUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Pierre SIROT, ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

MINUTE N°
1ERE CHAMBRE
AFFAIRE N° RG 23/01637 - N° Portalis DB3Z-W-B7H-GK7G
NAC : 78F

JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

le 07 mars 2024

DEMANDEUR

Monsieur [B] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Rep/assistant : Maître Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocats au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DÉFENDERESSE

Société HOIST FINANCE AB
[Adresse 6] (Suède),
prise en son établissement sis [Adresse 2]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Chafi AKHOUN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Rep/assistant : Me Pierre SIROT, avocat au barreau de NANTES

*****************

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

LORS DES DÉBATS

Le juge de l’exécution :Cécile VIGNAT, Vice-présidente
Greffier :Dévi POUNIANDY

Audience publique du 01 février 2024

LORS DU DÉLIBÉRÉ

Jugement contradictoire du 07 mars 2024, en premier ressort.

Prononcé par mise à disposition par Madame Cécile VIGNAT, Vice-présidente, assistée de Mme Dévi POUNIANDY, Greffière

Copie exécutoire délivrée le : Me Chafi AKHOUN, Maître Alexandre ALQUIER,
Expédition délivrée le : Monsieur [B] [I], HOIST FINANCE AB,

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d’un acte notarié en date du 12 juin 2007, Monsieur et Madame [V] ont vendu à Monsieur [B] [I] et Madame [O] [H] épouse [I] un ensemble immobilier sis sur la commune de [Localité 5] (Landes) au prix de 435.000 € moyennant la souscription d’un prêt auprès de la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA d’un montant de 461.000 € au taux variable et révisable EURIBOR à un an + 0,70 % remboursable avec un différé d’amortissement de 179 mois.

Se prévalant de ce titre exécutoire, la société HOIST FINANCE AB a fait délivrer à Monsieur [B] [I] et Madame [O] [H] épouse [I] un commandement de payer valant saisie en date du 8 mars 2023.

La société HOIST FINANCE AB a également fait procéder le 6 avril 2023 à l’encontre de Monsieur [B] [I] à une saisie-attribution entre les mains de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION pour le recouvrement de la somme de 463.908,14 € en principal, intérêts et frais.

Cette saisie-attribution a été dénoncée à Monsieur [B] [I] par acte de commissaire de justice du 12 avril 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 12 mai 2023, Monsieur [B] [I] a fait citer la société HOIST FINANCE AB devant le juge de l’exécution de ce tribunal en contestation de ces mesures afin d’obtenir :
A titre principal : la nullité de la saisie pratiquée le 6 avril 2023 sur les comptes bancaires de Monsieur [B] [I] à hauteur de 190.983,13 €, la société HOIST FINANCE AB n’ayant pas la qualité de créancière
A titre subsidiaire : prononcer la nullité de l’acte authentique revêtu de la formule exécutoire reçu par Maître [C] [U], Notaire à [Localité 7] le 12 juin 2007 et en conséquence, annuler la saisie-attribution pratiquée
En tout état de cause :
- ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 7 avril 2023 sur les comptes bancaires de Monsieur [B] [I] aux frais de la société HOIST FINANCE AB sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de 8 jours après la notification de la décision à intervenir
- condamner la société HOIST FINANCE AB à verser à Monsieur [B] [I] la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice financier, la somme de 15.000 € en réparation de son préjudice moral et la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Après plusieurs renvois, l’affaire a été plaidée à l’audience du 1er février 2024.

Les parties sont représentées par leurs conseils respectifs.

Aux termes de ses conclusions n°4, Monsieur [B] [I] maintient l’intégralité de ses demandes telles que figurant dans le dispositif de son acte introductif d’instance.

En défense, aux termes de ses conclusions en réponse et récapitulatives n°4, la société HOIST FINANCE AB demande au juge de l’exécution de juger que les demandes et contestations de Monsieur [B] [I] sont irrecevables et subsidiairement mal fondées et l’en débouter. Elle sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures et observations orales conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe à la date du 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de nullité de la saisie-attribution

- sur la nullité résultant de l’absence de qualité de créancière de la société HOIST FINANCE AB

Au soutien de sa demande d’annulation, Monsieur [B] [I] expose que la société HOIST FINANCE AB se présente dans la dénonciation de la saisie-attribution comme créancière aux termes d’un acte de cession de créance en date du 28 décembre 2018 et qu’elle viendrait aux droits de la société KUTXABANK, elle-même venant aux droits de la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA. Toutefois, aucun acte juridique n’atteste du transfert de créance intervenu entre ces deux dernières sociétés. Monsieur [B] [I] conteste avoir reçu notification des cesssions de créances ainsi intervenues. Il estime en conséquence que la qualité de créancière de la société HOIST FINANCE AB est contestable d’autant que la lettre recommandée adressée à Madame [I] est revenue avec la mention non réclamée, d’où il déduit que la cession de créance intervenue ne lui est pas opposable. Le fait que Monsieur [B] [I] ait retiré la lettre recommandée est inopérant pour lui rendre la cession opposable puisque la dette est commune et que les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale.

En défense, la société HOIST FINANCE AB rappelle que rien ne lui imposait de justifier de l’acte juridique en vertu duquel la société KUTXABANK est venue aux droits de la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA. Elle précise néanmoins que c’est dans le cadre d’une fusion acquisition en date du 22 décembre 2011. Elle précise que la notification a été régulièrement faite à Monsieur et Madame [I] par courrier recommandé en date du 29 janvier 2019. La saisie-attribution étant faite à l’encontre de Monsieur [B] [I] seul, le fait que son épouse n’ait pas retirée la lettre recommandée est sans incidence quant à l’opposabilité au débiteur de la cession de créance intervenue.

Selon les dispositions de l’article 1324 du code civil “La cession n'est opposable au débiteur, s'il n'y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte. (...)”.

Aucune forme n’est requise pour cette notification, laquelle, pour une raison probatoire, est le plus souvent effectuée par lettre recommandée avec avis de réception.

En l’espèce, la société HOIST FINANCE AB justifie avoir notifié à Monsieur [B] [I] et Madame [O] [H] par lettres simples et recommandées en date du 29 janvier 2019 la cession de créance au titre du prêt consenti par la société KUTXABANK ou la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA aux droits de laquelle est venue la société KUTXABANK.

Ce courrier adressé aux deux débiteurs comporte tous les éléments d’information relatifs à la créance.

La société HOIST FINANCE AB n’avait nullement l’obligation de joindre l’acte juridique aux termes duquel la société KUTXABANK, était venue aux droits de la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA.

Si Monsieur [B] [I] a bien accusé réception de la lettre recomandée le 12 février 2019, telle n’a pas été le cas de son épouse Madame [O] [H], l’avis de réception revenant avec la mention “plis avisé et non réclamé”.

Toutefois, le fait que Madame [O] [H] ne soit pas allée récupérer la lettre recommandée ne saurait affecter la validité de la notification qui résulte suffisamment de l’envoi de la lettre recommandée par le créancier, de sorte que les exigences posées par l’article 1324 du code civil ont bien été respectées.

Ce qui est d’ailleurs conforme à l’esprit du nouveau droit commun des obligations issu de la réforme de 2016 qui était de simplifier les formalités de la cession de créance dans un souci de libéralisation des échanges entre les acteurs de la vie économique.

Il résulte de ce qui précède que la société HOIST FINANCE AB a régulièrement notifié à Monsieur [B] [I] la cession de créance intervenue entre elle et la société KUTXABANK. Cette cession intervenue antérieurement à la saisie-attribution aujourd’hui contestée lui est parfaitement opposable.

Il convient dès lors de débouter Monsieur [B] [I] de sa demande de nullité au titre de l’absence d’opposabilité de la cession de créance et partant de l’absence de la qualité de créancière de la société HOIST FINANCE AB.

- sur la nullité résultant de l’absence de titre exécutoire

Monsieur [B] [I] soutient que dans les conditions générales applicables aux prêts immobiliers, il était expressément prévu que les prêts ne sont pas transférables au profit d’une tierce personne ce qui signifie que la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA ne pouvait céder sa créance. Elle en déduit que la société HOIST FINANCE AB ne justifie d’aucun titre exécutoire lui permettant de solliciter une mesure d’exécution.

En défense, la société HOIST FINANCE AB soutient que la clause figurant dans l’offre de prêt n’avait pas pour objet d’interdire à la société KUTXABANK de céder sa créance. Le transfert de prêt ne s’apparente pas à une cession de créance mais à une cession de dette.

Selon les dispositions de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution “Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.”

Il est établi que figure dans l’offre de prêt la clause suivante intitulée “Transfert des prêts : Les prêts ne sont pas transférables au profit d’une tierce personne, même en cas de revente de l’immeuble pour le financement duquel ils auraient été consentis.”

Contrairement à ce que soutient Monsieur [B] [I], cette clause n’interdit nullement la cession de créance mais interdit aux emprunteurs de transférer le crédit à une autre personne qui serait débitrice. Ce qui justifie la référence faite à la revente de l’immeuble.

Interpréter cette clause comme signifiant une interdiction de cession de créance constituerait une dénaturation de ses termes.

En conséquence, la saisie-attribution pratiquée par la société HOIST FINANCE AB à l’encontre de Monsieur [B] [I] est bien fondée sur un titre exécutoire constitué par l’acte notarié du 12 juin 2007.

- sur la nullité résultant de l’irrégularité du titre exécutoire

Monsieur [B] [I] soulève deux moyens : l’irrégularité du montage financier et le manquement de la banque à son devoir d’information et de conseil. Il rappelle que le prêt était un prêt in fine leur permettant de rembourser en une seule fois à échéance du prêt le capital et de ne rembourser que les intérêts pendant toute la durée du prêt. Il était envisagé initialement que les époux [I] vendent l’exploitation de Monsieur [I] située à la Réunion et les fonds issus de cette vente devaient être placés sur un contrat d’assurance vie aux fins de nantissement du financement accordé. Toutefois, et comme cela avait été indiqué à la banque, la vente ne présentait aucune certitude et n’a pas abouti. De plus, la CAJA DE AHORROS Y MONTE DE PIEDAD DE GIPUZKOA Y SAN SEBASTIAN-GIPUZKOA ETA DONOSTIAKO AURREZKI KUTXA devait faire une offre de contrat d’assurance-vie aux époux [I] ce qu’elle n’a pas fait et ce qui caractérise le non-respect de la condition de garantie contractuellement prévue. L’assurance représentait pour les époux [I] une garantie essentielle, permettant de les prévenir contre tout risque d’opération ruineuse et de sécuriser le montage financier. La société HOIST FINANCE AB ne saurait faire état de la prescription qui ne court qu’à compter de la date d’exigibilité des sommes. Monsieur [B] [I] reproche également à la banque espagnole un manquement à son devoir de conseil constitué par le court délai pour accepter l’offre de ce prêt in fine qui est un prêt risqué et la banque par l’absence d’orientation du couple vers un prêt amortissable, d’autant qu’aucune garantie n’avait été mise en place en parallèle pour assurer le remboursement du prêt à l’échéance. Monsieur [B] [I] demande en conséquence au juge de l’exécution de constater la nullité de l’acte authentique revêtu de la formule exécutoire et en conséquence d’ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée.

En défense, la société HOIST FINANCE AB soutient que l’exception de nullité soulevée par Monsieur [B] [I] est irrecevable car prescrite. Les intérêts du prêt ont été remboursés entre 2007 et 2022 et l’hypothèque conventionnelle a été inscrite dès la souscription du prêt ce qui caractérise le commencement d’exécution, point de départ de la prescription. La prescription de l’action en nullité a donc commencé à courir à la date d’acquisition du bien et était acquise au 13 juin 2012. Subsidiairement, la société HOIST FINANCE AB relève que Monsieur [B] [I] ne démontre pas que l’absence de souscription d’une assurance-vie qui rendrait selon lui le montage financier irrégulier pourrait être une cause d’annulation du contrat de prêt. Aucun élément ne permet de démontrer que le contrat d’assurance vie était une condition déterminante du consentement des époux [I]. La société HOIST FINANCE AB relève que l’acte authentique ne reprend d’ailleurs plus le nantissement d’une quelconque assurance-vie. Les époux [I] ne se sont en outre jamais rapprochés de la banque pour la souscription d’un contrat d’assurance vie, garantie à laquelle la banque a finalement renoncé. S’agissant du manquement au devoir de conseil et d’information de la banque, la société HOIST FINANCE AB rappelle que le juge de l’exécution n’a aucun pouvoir juridictionnel et qu’il ne peut en conséquence statuer sur une action en responsabilité. Il s’agit là d’une fin de non-recevoir pouvant être soulevée en tout état de cause.

Selon les dispositions de l’article L 213-6 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

En conséquence, les contestations soulevées à l’occasion d’une saisie relatives à un acte notarié entrent dans la compétence du juge de l’exécution. Et il appartient au juge de l’exécution de vérifier si le manquement soulevé fait perdre ou non à l’acte son caractère exécutoire. Le juge de l’exécution est compétent pour se prononcer sur la validité d’un acte notarié.

Selon les dispositions de l’article 2224 du code civil, “Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.”

Le point de départ de l’action en nullité court selon la cause de nullité invoquée, soit du jour de l’acte litigieux soit du jour de la découverte des faits fondant l’action en nullité.

En l’espèce, force est de constater que Monsieur [B] [I] ne fonde son action en nullité sur aucun texte légal et ne fait état d’aucune cause de nullité.

A l’examen de ses conclusions, Monsieur [B] [I] soutient que la conclusion d’un contrat d’assurance-vie en garantie du prêt souscrit aurait été une des conditions déterminantes du consentement des époux.

Toutefois, s’il ressort de l’offre de prêt immobilier en date du 24 mai 2007 que la banque espagnole avait comme garantie du prêt :
- le privilège de prêteur de deniers en premier rang et sans concours à concurrence de la somme de 350.000 € sur le bien immobilier
- une hypothèque conventionnelle en troisième rang à concurrence de 111.000 € sur une propriété bâtie appartenant à l’emprunteur située à la Possession
- un nantissement par acte sous seing privé d’un contrat d’assurance vie qui sera ouvert par l’emprunteur dans les livres de la banque d’un montant de 470.000 €,
l’acte de prêt notarié ne reprend pas le nantissement d’un contrat d’assurance vie au titre des garanties du prêteur.

Monsieur [B] [I] avait connaissance dès la signature de l’acte authentique de la vente comprenant le prêt que cette garantie du nantissement d’un contrat d’assurance vie n’y figurait pas et c’est donc à compter de la date de signature de l’acte de prêt qui marque le point de départ de l’action en nullité qu’il aurait éventuellement pu soulever pour vice de consentement et ce sur une durée de cinq ans.

Force est de constater que Monsieur [B] [I] ne peut plus soulever la nullité du contrat de prêt notarié pour vices du consentement pour cause de prescription.

S’agissant du devoir d’information et de conseil de la banque, il s’agit d’une action en responsabilité contractuelle qui se résoud en dommages et intérêts et non par la nullité de l’acte notarié comme le soutient Monsieur [B] [I].

En conséquence, Monsieur [B] [I] ne soulevant aucune irrégularité susceptible d’entraîner la nullité de l’acte notarié et d’affecter dès lors le caractère exécutoire du titre, il y a lieu de le débouter de sa demande de nullité à ce titre.

- sur la nullité résultant de l’insaisissabilité des fonds

Monsieur [B] [I] soutient que les fonds sont insaisissables car il s’agit de comptes professionnels et qu’en vertu de la loi du 14 février 2022, le patrimoine professionnel ne constitue que le droit de gage général des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel et non celui de ses créanciers personnels. Les fonds sont également insaisissables car ils ont été versés au titre de l’aide FEADER afin de soutenir le développement de l’entreprise agricole.

En défense, la société HOIST FINANCE AB rappelle que la loi du 14 février 2022 ne s’applique qu’aux créances nées après son entrée en vigueur ce qui n’est pas le cas de la créance litigieuse née en 2007. Même si les dispositions de la loi étaient applicables, il appartiendrait à Monsieur [B] [I] de démontrer que chacun des comptes saisis était affecté exclusivement à son activité professionnelle ce qu’il ne démontre pas. Outre que Monsieur [B] [I] ne démontre pas que certains deniers proviendraient de l’aide européenne, cela ne ferait pas obstacle à la saisie-attribution contestée.

Monsieur [B] [I] ne saurait revendiquer l’application des dispositions de la loi du 14 février 2022 entrée en vigueur le 15 mai 2022 dans la mesure où cette loi s’applique aux auto-entrepreneurs et qu’en étant agriculteur, il est exclu de ce régime. Au surplus, la créance objet de la saisie-attribution est née antérieurement au 15 mai 2022 puisqu’elle est née de l’acte notarié du 12 juin 2007.

S’agissant des sommes versées par le FEADER, outre le fait que Monsieur [B] [I] ne rapporte pas la preuve que les fonds saisis portaient au moins partiellement sur ces sommes, elles ne présentent pas de caractère insaisissable.

Il convient en conséquence de débouter Monsieur [B] [I] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution à ce titre.

Dès lors, les contestations de Monsieur [B] [I] sur la saisie-attribution seront rejetées et le saisie pratiquée produira son entier effet.

Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive

Monsieur [B] [I] fait valoir qu’une procédure de saisie immobilière est actuellement en cours et la vente de la maison va permettre à la société HOIST FINANCE AB de recouvrer la totalité de sa créance. La présente saisie-attribution lui bloque la somme de 190.983,13 € ce qui lui cause en conséquence un grave préjudice financier et moral puisqu’il se retrouve sans aucune ressource pour exercer son activité professionnelle.

En défense, la société HOIST FINANCE AB rappelle qu’un créancier peut parfaitement initier plusieurs voies d’exécution aux fins de recouvrer une même créance. Aucun élément objectif ne permet de dire qu’elle serait désintéressée par la seule vente du bien immobilier.

L'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution précise que le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le créancier à des dommages intérêts en cas d'abus de saisie.

La présente saisie-attribution repose sur un titre exécutoire valide comme cela a été examiné si-dessus et aucun élément du dossier ne permet d’établir qu’elle procèderait d’une imprudence, d’une négligence fautive ou d’une volonté de nuire.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive formée par Monsieur [B] [I].

Sur les demandes accessoires

Monsieur [B] [I], partie succombante, sera condamnée aux dépens de la présente instance, par application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société HOIST FINANCE AB les frais qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts. Il y a lieu de condamner Monsieur [B] [I] à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute Monsieur [B] [I] de ses demandes d’annulation de la saisie-attribution pratiquée le 6 avril 2023 entre les mains de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION pour le recouvrement de la somme de 463.908,14 € en principal, intérêts et frais ;

Déboute Monsieur [B] [I] de ses contestations de la saisie-attribution pratiquée le 6 avril 2023 et ses demandes de mainlevée ;

Déboute Monsieur [B] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive ;

Dit que la saisie-attribution pratiquée le 6 avril 2023 au préjudice de Monsieur [B] [I] entre les mains de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION produira tous ses effets,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Monsieur [B] [I] aux dépens ;

Condamne Monsieur [B] [I] à payer à la société HOIST FINANCE AB la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision bénéficie de plein droit de l’exécution provisoire.

LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXECUTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23/01637
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;23.01637 ?
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