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22/08/2024 | FRANCE | N°24/05887

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jld, 22 août 2024, 24/05887


COUR D'APPEL
DE RENNES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES

CABINET DE
Aude PRIOL
Vice-Président
Juge des Libertés et de la Détention

N° RG 24/05887 - N° Portalis DBYC-W-B7I-LEPL
Minute n° 24/00328




PROCÉDURE DE RECONDUITE A

LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE
statuant sur le contrôle de la régularité d’une décision de placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative


Le 22 Août 2024,

Devant Nous, Aude PRIOL, vice-présidente placée auprès du premier président de

la Cour d’appel de Rennes, déléguée au tribunal judiciaire de Rennes pour exercer les fonctions de Juge des Libertés et de la Détention par ordonnan...

COUR D'APPEL
DE RENNES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES

CABINET DE
Aude PRIOL
Vice-Président
Juge des Libertés et de la Détention

N° RG 24/05887 - N° Portalis DBYC-W-B7I-LEPL
Minute n° 24/00328

PROCÉDURE DE RECONDUITE A

LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE
statuant sur le contrôle de la régularité d’une décision de placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative

Le 22 Août 2024,

Devant Nous, Aude PRIOL, vice-présidente placée auprès du premier président de la Cour d’appel de Rennes, déléguée au tribunal judiciaire de Rennes pour exercer les fonctions de Juge des Libertés et de la Détention par ordonnance de Monsieur le premier président en date du 20 décembre 2023,

Assistée de Sandrine MOREAU, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu l’Arrêté de M. le Préfet du Morbihan en date du 14 juillet 2024, notifié à M. [N] [O] le 15 juillet 2024 ayant prononcé l’obligation de quitter le Territoire

Vu l’Arrêté de M. le préfet du Morbihan en date du 18 août 2024 notifié à M. [N] [O] le 18 août 2024 ayant prononcé son placement en rétention administrative

Vu la requête introduite par M. [N] [O] à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative ;

Vu la requête motivée du représentant de M. Le Préfet du Morbihan en date du 20 août 2024, reçue le 21 août 2024 à 09h29 au greffe du Tribunal ;

Vu l’absence en l’état d’une salle spécialement aménagée à proximité immédiate du Centre de rétention administrative de [3] ;

COMPARAIT CE JOUR par le biais de la visio-conférence :

Monsieur [N] [O]
né le 07 Mars 2006 à [Localité 4] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne

Assisté de Me Gwendoline PERES, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé

En présence du représentant de M. Le Préfet du Morbihan, dûment convoqué,

En présence de M. [R], interprète en langue arabe,

En l’absence du Procureur de la République, avisé

Mentionnons que M. Le Préfet du Morbihan, le Procureur de la République du dit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les dispositions des articles L 741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ;

Après avoir entendu :

Le représentant de M. Le Préfet du Morbihan en sa demande de prolongation de la rétention administrative,

Me Gwendoline PERES en ses observations.

M. [N] [O] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

L’intéressé est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 18 août 2024 à 18h20 et pour une durée de 4 jours ;

Sur le moyen tiré de la tardiveté injustifiée de la notification des droits en garde à vue

Le conseil de M. [N] [O] soutient que les dispositions de l’article 63-1 du code de procédure pénale n’ont pas été respectées à l’aune de la jurisprudence de la Cour de Cassation du 25 mai 2023 dans la mesure où l’intéressé ayant fait l’objet d’un nouveau test d’alcoolémie le 18 août 2024 à 10h51, aucune autre mention ne figure pour autant sur le procès-verbal aux fins d’éclairer sur la capacité éventuelle de M. [N] [O] à comprendre la portée de ses droits, et où ce dernier n’a reçu notification de ses droits qu’à 12h45, sans nouveau contrôle de son taux d'alcoolémie, induisant une notification trop tardive de ses droits.

Aux termes de l’article 63-1 du code de procédure pénale, la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou sous son contrôle par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen de formulaires écrits, de ses droits. Il est cependant de principe constant que l’état d’ébriété de la personne placée en garde à vue constitue une circonstance insurmontable justifiant le report de la notification de cette mesure au moment où elle est en mesure d’en comprendre la portée.

En l'espèce, il résulte des éléments de la procédure, et notamment du procès-verbal d’interpellation que M. [N] [O] a été interpellé le 18/08/24 à 5h28, qu'il tenait des propos incohérents, titubait et sentait fortement l'alcool. L'officier de police judiciaire en charge de la notification des droits de la personne placée en garde à vue, note dans son procès-verbal rédigé à 6 heures le 18/08/24 que M. [O] est énervé, tient des propos incohérents, a une haleine pâteuse, des yeux rouges, n'est pas en mesure de répondre à des questions simples, qu'il présente tous les signes de l'ivresse, qu'au vu de son état, il n'est pas en mesure de comprendre ses droits. L'officier de police judiciaire mentionne que ceux-ci seront notifiés ultérieurement « quand les signes de l'ivresse manifeste auront disparus ». C’est donc à juste titre que l’officier de police judiciaire a différé la notification des droits compte tenu de l’état d’ivresse de M. [N] [O].

Il est rappelé qu’il n’est pas exigé que soit fournie une mesure de l’état d’alcoolémie dès lors qu’il appartient à l’OPJ d’évaluer l’aptitude de l’intéressé à comprendre la portée de ses droits.

Par la suite, l’intéressé a été soumis à deux vérifications de son imprégnation alcoolique. La première a eu lieu le 18/04/24 à 8h34, un taux de 0,41 mg/litre d’air expiré étant relevé à l'éthylomètre. Le procès-verbal rédigé à l'occasion de ce contrôle de dégrisement précise que l'intéressé est encore fortement alcoolisé, qu'il n'est pas en mesure de comprendre les propos et l'officier de police judiciaire note que M. [O] tente de porter un coup de tête à un policier adjoint.
Le second contrôle de son taux d'alcoolémie a eu lieu le 18/04/24 à 10h51, l'éthylomètre mentionnant un taux de 0,27 mg/litre d’air expiré.

La notification des droits en garde à vue est ensuite intervenue à 12h45.

Si la loi n’impose pas à l’OPJ de procéder à un nouveau relevé de l’alcoolémie pour constater le dégrisement de l’intéressé, le moment du dégrisement constituant un fait matériel dont l’appréciation relève de l’OPJ, pour autant, la Cour de Cassation a estimé dans un arrêt du 25 mai 2023 (Crim 25/05/2023 n°22-15.926) qu’en statuant par la seule référence à l’alcoolémie présentée par l’intéressé, sans justifier en quoi elle ne lui permettait pas de comprendre le sens et la portée de la notification de ses droits et nécessitait d’attendre pour qu’il y soit procédé, le premier président qui n’a pas caractérisé l’existence d’une circonstance insurmontable ayant pu retarder cette notification n’avait pas donné de base légale à sa décision.

Or, force est de constater que le procès-verbal établi le 18/04/24 à 10h51 par l’OPJ ne contient aucune autre mention que le nouveau relevé d’alcoolémie, qui permettrait de caractériser l’incapacité de l’intéressé à comprendre la portée de ses droits en garde à vue. En outre, la notification effective des droits en garde à vue n’a eu lieu qu’à 12h45, soit près de deux heures plus tard, sans que les différents procès-verbaux ne contiennent des éléments factuels et circonstanciés qui auraient permis de justifier le différé de la notification des droits, le procès-verbal de notification différée des droits ne mentionnant pas davantage la capacité désormais acquise de M. [N] [O] à comprendre la portée de ses droits en garde à vue.

Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de répondre aux autres moyens soulevés ni d'examiner le recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, il doit être constaté qu’une atteinte a été portée aux droits de M. [N] [O] durant sa garde à vue, de telle sorte qu’il y a en conséquence lieu de constater l’irrégularité de la procédure.

En conséquence, la demande de prolongation de la mesure de rétention administrative sera rejetée.

Sur la demande d’indemnité

Attendu par ailleurs qu’il est équitable d’allouer au conseil de l’intéressé la somme de 400 euros par application des dispositions de l’article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. Le Préfet du Morbihan es-qualité de représentant de l’Etat à lui verser cette somme.

PAR CES MOTIFS

Constatons l’irrégularité de la procédure.

Disons n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de l’intéressé.

Condamnons M. Le Préfet du Morbihan, es-qualité de représentant de l’Etat, à payer à Me Gwendoline PERES, conseil de l’intéressé qui renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle, la somme de 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Disons que le Procureur de la République a la possibilité dans un délai de 24 heures à partir de la notification de la présente ordonnance de s’y opposer et d’en suspendre les effets ;

Notifions que la présente décision est susceptible d'être contestée par la voie de l'appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d'Appel de RENNES (courriel : [Courriel 2] ).

Rappelons à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national.

Décision rendue en audience publique le 22 Août 2024 à 16h43

LE GREFFIER LE JUGE DES LIBERTES ET
DE LA DÉTENTION

Copie transmise par courriel à la préfecture
Le 22 Août 2024
Le greffier

Copie de la présente ordonnance a été transmise par courriel à Me Gwendoline PERES
le 22 Août 2024
Le greffier,

Copie transmise par télécopie pour notification à M. [N] [O], par l’intermédiaire du Directeur du CRA
le 22 Août 2024, par le biais d’un interprète en langue arabe
Le Greffier

l’audience s’est déroulée par l’intermédiaire de M. [R], interprète en langue arabe
le 22 Août 2024
le greffier
Notification de la présente ordonnance au procureur de la République
le 22 Août 2024 à Heures
Le greffier,

Reçu copie
à Heures
Le Procureur de la République

Copie transmise par courriel
au Tribunal Administratif Rennes
([Courriel 1])


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jld
Numéro d'arrêt : 24/05887
Date de la décision : 22/08/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-22;24.05887 ?
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