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29/07/2024 | FRANCE | N°24/05254

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jld, 29 juillet 2024, 24/05254


COUR D'APPEL
DE RENNES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES

CABINET DE
Marc DE CATHELINEAU
Vice-Président
Juge des Libertés et de la Détention

N° RG 24/05254 - N° Portalis DBYC-W-B7I-LDJM
Minute n° 24/00278




PROCÉDURE DE RECONDUITE A

LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE
statuant sur le contrôle de la régularité d’une décision de placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative


Le 29 Juillet 2024,

Devant Nous, Marc DE CATHELINEAU, Vice-Président, Juge des Libertés et

de la détention au Tribunal judiciaire de RENNES

Assisté de Sandrine MOREAU, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu l...

COUR D'APPEL
DE RENNES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES

CABINET DE
Marc DE CATHELINEAU
Vice-Président
Juge des Libertés et de la Détention

N° RG 24/05254 - N° Portalis DBYC-W-B7I-LDJM
Minute n° 24/00278

PROCÉDURE DE RECONDUITE A

LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE
statuant sur le contrôle de la régularité d’une décision de placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative

Le 29 Juillet 2024,

Devant Nous, Marc DE CATHELINEAU, Vice-Président, Juge des Libertés et de la détention au Tribunal judiciaire de RENNES

Assisté de Sandrine MOREAU, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu l’Arrêté de M. le Préfet de la Sarthe en date du 6 décembre 2023, notifié à M. [K] [Y] le 6 décembre 2023 ayant prononcé l’obligation de quitter le Territoire

Vu l’Arrêté de M. le préfet de la Sarthe en date du 24 juillet 2024 notifié à M. [K] [Y] le 24 juillet 2024 ayant prononcé son placement en rétention administrative

Vu la requête introduite par M. [K] [Y] à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative;

Vu la requête motivée du représentant de M. LE PREFET DE LA SARTHE en date du 27 juillet 2024, reçue le 27 juillet 2024 à 18h28 au greffe du Tribunal ;

Vu l’absence en l’état d’une salle spécialement aménagée à proximité immédiate du Centre de rétention administrative de [5] ;

Vu l’indisponibilité de la salle de visioconférence ;

COMPARAIT CE JOUR :

Monsieur [K] [Y]
né le 03 Avril 2002 à [Localité 1] (GUINEE)
de nationalité Guinéenne

Assisté de Me Omer GONULTAS, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé

En l’absence du représentant de M. LE PREFET DE LA SARTHE, dûment convoqué,

En l’absence du Procureur de la République, avisé

Mentionnons que M. LE PREFET DE LA SARTHE, le Procureur de la République du dit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les dispositions des articles L 741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ;

Après avoir entendu :

Me Omer GONULTAS en ses observations.

M. [K] [Y] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

L’intéressé est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 24 juillet 2024 à 14h30 et pour une durée de 4 jours ;

- Sur le moyen tiré du défaut de mise à disposition de l’intéressé du règlement intérieur du centre de rétention administrative dans une langue comprise

Attendu que le conseil de M. [Y] soulève l’irrégularité de la procédure, faisant valoir qu’il ne serait pas démontré que son client se serait vu lire le règlement intérieur du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;

Attendu que l’article L. 744-8 Code de l’entrée et du séjour des étranger et du droit d’asile (CESEDA) dispose :
“Dans chaque lieu de rétention, un document rédigé dans les langues les plus couramment utilisées, et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure d'éloignement et de rétention, ainsi que leurs conditions d'exercice, est mis à disposition des personnes retenues.
La méconnaissance des dispositions du présent article est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé des procédures d'éloignement et de rétention” ;

Attendu qu’aux termes de l’article R.744-12 du CESEDA :
“Dans chaque lieu de rétention, un règlement intérieur, dont les modèles sont fixés, pour les centres et les locaux de rétention, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, organise la vie quotidienne, dans des conditions conformes à la dignité et à la sécurité de ses occupants. Il rappelle notamment les droits et devoirs des étrangers retenus, ainsi que les modalités pratiques d'exercice par ces derniers de leurs droits. Il mentionne notamment les conditions dans lesquelles s'exerce la circulation des étrangers dans le lieu de rétention, notamment, le cas échéant, l'accès aux espaces à l'air libre.
Le règlement intérieur est établi par le responsable du lieu de rétention et approuvé par le préfet territorialement compétent.
Il est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration. Un exemplaire en langue française et traduit dans les langues prévues à l'alinéa précédent est affiché dans les parties communes du lieu de rétention” ;

Attendu que la Directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier, prévoit en son article 16 paragraphe 5 relatif aux conditions de rétention que “les ressortissants de pays tiers, placés en rétention, se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs” et que “ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes”;

Attendu que ces dispositions précises et inconditionnelles sont d’application immédiate en droit interne dès lors qu’il est constant qu’elles n’ont pas fait l’objet des transpositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la Directive à la date du 24/12/2010 fixée par son article 20 (Civ. 1ère 23/05/2012) ;

Attendu que ces dispositions de la Directive retour imposent donc la remise d’un règlement intérieur des lieux de rétention aux personnes placées en rétention administrative, sans qu’il y ait lieu de distinguer la nature du lieu de rétention, la distinction entre local et centre de rétention administrative étant propre à la France mais consistant dans les deux cas en un lieu de placement en rétention ; qu’en conséquence les dispositions de la directive retour précitées sont applicables à tout lieu de rétention y compris aux locaux de rétention administrative ;

Attendu comme l’a rappelé la Cour de Cassation (Civ 1ère 7 octobre 2015), et ce aux visas de l’article 88-1 de la Constitution, du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : “Attendu qu’il résulte du premier de ces textes et du principe d’effectivité issu des dispositions des deux autres, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire” ;

Attendu que le non respect des dispositions de la Directive retour sont sanctionnées à peine d’irrégularité de la procédure et ce comme l’a rappelé la Cour de Cassation à de très nombreuses reprises concernant en particulier la communication des coordonnées des instances organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes pour intervenir dans les lieux de rétention (Civ. 1ère 13.02.2013 - Civ. 1ère 11.09.2013 - Civ. 1ère 20.11.2013 - plusieurs arrêts rendus par la 1ère chambre civile le 12 février 2014 et Civ. 1ère 14 mai 2014) ; que le caractère obligatoire de la communication d’un règlement intérieur dans tout lieu de rétention est prévu par le même article 16 § 5 de la Directive retour précitée ;

Attendu en l’espèce qu’il ressort de plusieurs pièces de la procédure, et notamment des pièces de notification des arrêtés préfectoraux afférents à l’obligation de quitter le territoire, à l’assignation à résidence et au placement en rétention administrative, ainsi que du procès-verbal d’audition du 06 décembre 2023, du procès-verbal de notification de début de garde à vue du 23 juillet 2024, ou encore du procès-verbal de notification des droits en rétention à l’arrivée au centre de rétention administrative du 24 juillet 2024, que M. [Y] comprend le français mais ne paraît pas savoir le lire ;

Attendu en l’occurrence qu’il ressort du procès-verbal de notification des droits en rétention du 24 juillet 2024 à 17h30 que l’intéressé a été avisé de ce que “le règlement intérieur du centre est mis à disposition du retenu et rédigé dans les langues prévues par l’arrêté du 2 mai 2006 pris en application des articles L.744-7 et L744-8” du CESEDA ; que cependant, aucun élément de la procédure ne permet d’établir que ce règlement, affiché dans au sein des locaux du centre de rétention, lui aurait été lu en français, alors que l’intéressé ne paraît pas savoir lire le français ; que dans ces circonstances, il apparaît que le règlement intérieur n’a pas été mis de manière effective et régulière à disposition de l’intéressé, faute de lui avoir été lu, en l’absence de maîtrise par ce dernier de la lecture, et donc que celui-ci n’a pas pu avoir connaissance du contenu de ce règlement ;

Qu’il y a lieu dès lors de constater l’irrégularité de la procédure et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés, de ne pas faire droit à la requête du préfet ;

Sur la demande d’indemnité

Attendu par ailleurs qu’il est équitable d’allouer au conseil de l’intéressé la somme de 400 euros par application des dispositions de l’article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. LE PREFET DE LA SARTHE es-qualité de représentant de l’Etat à lui verser cette somme.

PAR CES MOTIFS

Constatons l’irrégularité de la procédure.

Disons n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de l’intéressé.

Condamnons M. LE PREFET DE LA SARTHE, es-qualité de représentant de l’Etat, à payer à Me Omer GONULTAS, conseil de l’intéressé qui renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle, la somme de 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Disons que le Procureur de la République a la possibilité dans un délai de 24 heures à partir de la notification de la présente ordonnance de s’y opposer et d’en suspendre les effets ;

Notifions que la présente décision est susceptible d'être contestée par la voie de l'appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d'Appel de RENNES (courriel : [Courriel 4] ).

Rappelons à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national.

Décision rendue en audience publique le 29 Juillet 2024 à 17h30

LE GREFFIER LE JUGE DES LIBERTES ET
DE LA DÉTENTION

Copie transmise par courriel à la préfecture
Le 29 Juillet 2024
Le greffier

Copie de la présente ordonnance a été transmise par courriel à Me Omer GONULTAS
le 29 Juillet 2024
Le greffier,

Copie transmise par télécopie pour notification à M. [K] [Y], par l’intermédiaire du Directeur du CRA
le 29 Juillet 2024
Le Greffier

Notification de la présente ordonnance au procureur de la République
le 29 Juillet 2024 à Heures
Le greffier,

Reçu copie
à Heures
Le Procureur de la République

Copie transmise par courriel
au Tribunal Administratif Rennes
([Courriel 2])


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jld
Numéro d'arrêt : 24/05254
Date de la décision : 29/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-29;24.05254 ?
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