Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 8] - tél : [XXXXXXXX01]
N°
Cabinet D
3ème Chambre Civile
Le 24 Juillet 2024
Rôle N° RG 24/01617 - N° Portalis DBYC-W-B7I-KZ4X
[F] [C] [M]
C/
[A] [R] [V]
1 Copie exécutoire délivrée à l’avocat
1 copie dossier
le :
TROISIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT
DEMANDEUR :
Madame [F] [C] [M]
née le [Date naissance 6] 1974 à [Localité 10]
demeurant [Adresse 9]
[Localité 12]
représentée par Me Michèle BAGLIONE-SIMON, avocat au barreau de RENNES
DÉFENDEUR :
Monsieur [A] [R] [V]
né le [Date naissance 7] 1978 à [Localité 13]
demeurant [Adresse 5]
[Localité 12]
non comparant
COMPOSITION
Coline DESSAULT, Juge aux affaires familiales,
Assistée de Valentine GOHIN, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.
DÉBATS
publics, le 23 avril 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, public et en premier ressort
mis à disposition au greffe le 24 Juillet 2024
date indiquée à l’issue des débats.
Me Michèle BAGLIONE-SIMON
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame [F] [M] et Monsieur [A] [V] ont vécu en concubinage.
De leur union sont issus trois enfants :
[K] [V], née le [Date naissance 4] 2004,Candice [V] née le [Date naissance 2] 2007, [H] [V], née le [Date naissance 3] 2009.
Par acte notarié du 22 novembre 2006, Madame [F] [M] et Monsieur [A] [V] ont acquis la propriété indivise d’un bien immobilier situé [Adresse 5] à [Localité 12] (35), à concurrence de moitié chacun, ayant constitué le domicile familial.
Par acte de commissaire de justice délivré le 27 février 2024, Madame [F] [M] a fait assigner Monsieur [A] [V] devant la présente juridiction afin de voir, au visa des articles 815 et suivants du Code civil, 840 du Code Civil et 1360 et suivants du Code de procédure civile :
ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux de Madame [F] [M] et de Monsieur [A] [V] résultant de l’indivision existant entre eux, conformément aux règles de l’indivision ;dire et juger que l`immeuble dépendant de l'indivision [V]-[M] a été acquis par moitié indivise par chacun des concubins, Monsieur [A] [V] et Madame [F] [M] ;désigner tel expert, Notaire pour procéder à la liquidation et le partage de l'indivision [V]-[M], dire et juger que le Notaire devra procéder aux opérations de comptes liquidation et partage dans les conditions prévues aux articles 1365 et suivants du Code de Procédure Civile ;dire et juger que le Notaire devra dans le délai de six mois à compter de sa désignation dresser un état liquidatif ou en cas de désaccord transmettre au Juge un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et le projet d'état liquidatif ;commettre un des Juges près du Tribunal judiciaire de RENNES pour surveiller lesdites opérations ;ordonner qu'en cas d'empêchement des Juges ou Notaire commis qu'il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance sur requête ;dire et juger que le Notaire désigné devra notamment procéder à l'estimation de la valeur de l'immeuble indivis situé [Adresse 11] à [Localité 12] (35) et calculer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [A] [V] pendant sa période d'occupation privative du bien immobilier indivis ;condamner Monsieur [A] [V] à payer à Madame [F] [M] la somme de 2 000 euros à titre de dommages- intérêts fondés sur les dispositions de l'article 1240 du Code Civil ;débouter Monsieur [A] [V] de toutes ses demandes plus amples ou contrairesle condamner au paiement de la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL BAGLIONE, NGUYEN, de MONCUIT, Avocats aux offres de droit.
A l’appui de ses demandes, Madame [F] [M] fait valoir qu’elle a quitté le logement familial le 21 juillet 2022, Monsieur [A] [V] étant demeuré dans le bien indivis depuis lors. Elle précise que les multiples démarches effectuées en vue du partage amiable sont demeurées vaines. Elle allègue de ce que Monsieur [A] [V] a bénéficié de la jouissance privative du bien indivis depuis son départ et qu’il est ainsi redevable d’une indemnité d’occupation à ce titre. Elle soutient par ailleurs que l’inertie de Monsieur [A] [V] l’ayant privée de ses droits dans la liquidation de l’indivision depuis le mois de juillet 2022 lui a causé un préjudice moral devant être indemnisé à hauteur de la somme de 2.000 €.
Bien que régulièrement assigné à étude par acte susvisé, Monsieur [A] [V] n’a pas constitué avocat. La présente décision est susceptible d’appel, et sera donc réputée contradictoire.
La mise en état de l'affaire a été clôturée le 23 avril 2024 par ordonnance du même jour et le dépôt des dossiers fixé pour le 29 mai 2024. La décision a été mise en délibéré au 24 juillet 2024, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’article 472 du Code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur l’ouverture des opérations et la désignation d'un notaire
En application des articles 815 du Code civil, 1361 et 1364 du Code de procédure civile, il convient d’ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision existant entre les parties, Madame [F] [M] justifiant de diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
Au regard de la complexité des opérations, en raison notamment de la présence d’un bien immobilier dans l’indivision, le tribunal commettra à cette fin, en application de l’article 1364 alinéa 2 du Code de procédure civile, Maître [J] [E], Notaire à [Localité 13] (35).
Il appartiendra notamment au Notaire désigné de procéder à l'estimation de la valeur de l'immeuble indivis. Il n’y a en revanche pas lieu de statuer sur la demande de Madame [F] [M] tendant à voir « dire et juger que l`immeuble dépendant de l'indivision [V]-[M] a été acquis par moitié indivise par chacun des concubins », dès lors que cela résulte incontestablement de l’acte d’achat dudit bien.
Il sera par ailleurs souligné que dans cette perspective les parties doivent produire toutes les pièces nécessaires à l'établissement de cette liquidation et notamment un état des comptes bancaires et des dettes contractées durant leur vie de couple.
Le Président du Tribunal judiciaire de Rennes, ou son délégataire désigné par l’ordonnance de roulement du Tribunal, sera commis pour surveiller ces opérations en application du même texte.
Sur la demande d’indemnité d’occupation
Selon l'article 815-9 du code civil, l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.
L'article 815-10 dudit code dispose qu'aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera, toutefois, recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.
Enfin, aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
En l’espèce, Monsieur [A] [V] n’a pas entendu constituer avocat afin de contester les dires de Madame [F] [M] selon lesquels il bénéficie de la jouissance privative du bien immobilier indivis depuis le 21 juillet 2022.
Par ailleurs, Madame [F] [M] produit au débat un projet de partage immobilier daté du 1er juillet 2022 et établi par Maître [S] [P] dans lequel le bien indivis est attribué à Monsieur [V] ce qui vient conforter ses déclarations lorsqu’elle précise avoir quitté le domicile le 21 juillet 2022. Il appartiendra ainsi au notaire désigné de calculer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [A] [V] pendant sa période d'occupation privative du bien immobilier indivis, ce au regard de la valeur locative du bien.
Sur la demande de dommages et intérêts
Selon l’article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer »
En l’espèce, si Madame [F] [M] allègue d’un préjudice moral, elle n’en justifie aucunement. Elle sera par conséquent déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les demandes accessoires
➢ sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Monsieur [A] [V], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL BAGLIONE, NGUYEN, de MONCUIT, Avocats.
➢ sur l'article 700 du code de procédure civile
En application de l'article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
Condamné aux dépens, Monsieur [A] [V] versera à Madame [F] [M] une somme qu'il est équitable de fixer à 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Juge aux affaires familiales, statuant publiquement après débats en audience publique par jugement réputé contradictoire, en premier ressort, mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré
Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision existant entre Madame [F] [M] et Monsieur [A] [V] et rappelle que ces opérations sont soumises aux dispositions des articles 835 et suivants du Code civil, 1359 et suivants du Code de procédure civile ;
Désigne Maître [J] [E], Notaire à [Localité 13] (35), pour procéder à ces opérations ;
Dit qu’en cas d’empêchement du notaire désigné, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance, rendue sur requête ;
Commet le Président du Tribunal judiciaire de Rennes, ou son délégataire désigné par l’ordonnance de roulement, pour surveiller ces opérations ;
Enjoint aux parties d’apporter, dès le premier rendez-vous auprès du notaire, les pièces suivantes :
- le livret de famille ou tous documents justifiant de leur identité,
- les actes notariés de propriété pour les immeubles, les actes notariés de ventes,
- la liste des adresses des établissements bancaires ou les parties disposent d’un compte,
- les cartes grises des véhicules,
- les tableaux d’amortissement des prêts immobiliers et mobiliers,
- une liste des crédits en cours,
- les statuts de sociétés (le cas échéant) avec nom et adresse de l’expert-comptable ;
- tous documents justifiant des dépenses effectuées pour le compte de l'indivision
- les éventuels plan de surendettement
Dit qu’il appartient donc aux parties de produire devant le notaire des documents nécessaires à l’établissement de l’état liquidatif chiffré dans le délai imparti par celui-ci, et les y enjoint si nécessaire, à défaut de quoi elles pourront se voir déclarer irrecevables à émettre ultérieurement des contestations ;
Invite le notaire à rendre compte au juge commis des difficultés rencontrées, dans le respect du contradictoire, et à solliciter de lui toute mesure de nature à faciliter le déroulement des opérations (injonctions, astreintes) ;
Rappelle que le notaire désigné peut en tant que de besoin et dans les conditions de l'article 1365 du code de procédure civile (accord des parties ou, à défaut sur autorisation du juge commis), solliciter le concours d’un sapiteur (expert foncier ou comptable notamment) ;
Dit que si un acte de partage amiable est établi, le notaire en informe le juge qui constate la clôture de la procédure (1372 code de procédure civile) ;
Dit qu'en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge un procès-verbal exhaustif reprenant tous les points d’accord et de désaccord subsistant entre les parties ainsi que les dires des parties (1373 code de procédure civile) et qu'il doit rappeler aux parties que ce qui n'aura pas été consigné dans leurs dires sera réputé ne plus faire difficulté et mention de ce rappel est effectué dans l'acte ;
Rappelle au notaire commis qu'il perçoit directement ses émoluments auprès des parties ; qu'il lui appartient préalablement à l’accomplissement de sa mission et tout a long de celle-ci si besoin, de se faire régler une « avance sur la provision » lui permettant de faire procéder aux sommations ou mises en demeure qui s’imposeraient ou aux frais de recherches et d’obtention de pièces administrative et de se faire verser préalablement à la réception de chaque acte, l’«intégralité de la provision» relative au dit acte ;
Rappelle qu’il entre dans les missions du Notaire de procéder à l'estimation de la valeur de l'immeuble indivis situé [Adresse 5] à [Localité 12] (35) ;
Dit que Monsieur [A] [V] est redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 21 juillet 2022 ;
Dit qu’il appartiendra au Notaire désigné de calculer le montant de l'indemnité d'occupation due par Monsieur [A] [V] au titre de l'occupation privative du bien immobilier indivis situé [Adresse 5] à [Localité 12] (35) eu égard à la valeur locative du bien ;
Déboute Madame [F] [M] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ;
Déboute Madame [F] [M] de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;
Condamne Monsieur [A] [V] à payer la somme de MILLE EUROS (1.000 €) à Madame [F] [M] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur [A] [V] aux dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la SELARL BAGLIONE, NGUYEN, de MONCUIT, Avocats ;
Rappelle que le présent jugement est susceptible d’appel dans le délai d’un mois à compter de sa signification par voie d’huissier sur l’initiative de la partie la plus diligente.
LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES