COUR D'APPEL
DE RENNES
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
CABINET DE
Marc DE CATHELINEAU
Vice Président
Juge des Libertés et de la Détention
N° RG 24/04682 - N° Portalis DBYC-W-B7I-LB7N
Minute n° 24/04682
PROCÉDURE DE RECONDUITE
A LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE
statuant sur le contrôle de la régularité d’une décision de placement en rétention et sur la prolongation d’une mesure de rétention administrative
Le 05 Juillet 2024
Devant Nous, Marc DE CATHELINEAU, Vice-Président, Juge des Libertés et de la Détention au Tribunal judiciaire de RENNES,
Assisté de Marion GUENARD, Greffier,
Etant en audience publique, au Palais de Justice,
Vu l’Interdiction défintive du territoire français prononcée par un jugement du Tribunal correctionnel d’Albertville en date du 10 juillet 2020 ;
Vu l’Arrêté de M. le Préfet d’Eure-et-Loir en date du 18 juin 2024, notifié à M. [S] [D] [V] le 21 juin 2024 fixant le pays de renvoi ;
Vu l’Arrêté de M. le Préfet Eure-et-Loir en date du 1er juillet 2024 notifié à M. M. [S] [D] [V] le 03 juillet 2024 ayant prononcé son placement en rétention administrative
Vu la requête introduite par M. [S] [D] [V] à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative ;
Vu la requête motivée du représentant de M. le Préfet d’Eure et Loir en date du 4 juillet 2024, reçue le 4 juillet 2024 à 14h51 au greffe du Tribunal ;
COMPARAIT CE JOUR :
Monsieur [S] [D] [V]
né le 12 Février 1997 à (IRAK)
de nationalité Irakienne
Assisté de Me Sophie MARAL, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé.
En l’absence du représentant de M. le Préfet d’Eure et Loir, dûment convoqué,
En présence de M. [O], interprète en langue kurde, inscrit sur la liste de la Cour d’appel de Rennes,
En l’absence du Procureur de la République, avisé ;
Mentionnons que M. le Préfet d’Eure et Loir, le Procureur de la République dudit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.
Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.
Vu les dispositions des articles L.741- 1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile
Après avoir entendu :
Me Sophie MARAL en ses observations.
M. [S] [D] [V] en ses explications.
MOTIFS DE LA DECISION
L’intéressé est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 03 juillet 2024 à 08h30. Cette mesure expire le 05 juillet 2024 à 08h30 ;
I - Sur la régularité du placement en rétention administrative
Attendu que le conseil de M. [D] [V] a indiqué à l’audience se désister du recours dirigé contre l’arrêté de placement en rétention administrative ;
II - Sur les moyens relatifs à la procédure
- Sur le moyen relatif à l’information au procureur de la République de la mesure de rétention administrative
Attendu que le conseil de M. [D] [V] fait valoir que la procédure serait irrégulière dans la mesure où l’avis au Parquet de la mesure de rétention administrative est antérieur au placement effectif de l’intéressé en rétention ;
Attendu que l’article L.741-8 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose que “le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention” ;
Attendu en l’occurrence que M. [D] [V] a été placé en rétention administrative le 03 juillet 2024 à 8h30 en vertu de l’arrêté de placement du 1er juillet 2024 ; que l’autorité préfectorale justifie avoir adressé le 02 juillet 2024 à 17h16 au procureurs de la République de Chartres et de Rennes un courriel les informant de ce que le susnommé serait placé en rétention administrative le lendemain 03 juillet 2024 à 8h30, à sa libération du centre de détention de [Localité 1] ; que si l’avis de placement en rétention administrative a été adressé au Parquets considérés avant le début de la mesure de rétention, il convient de relever qu’il ne s’agit pas d’une information lointaine ni même indéterminée quant au jour et à l’heure du placement en rétention envisagé, mais d’un avis anticipé de seulement quelques heures dans l’après-midi pour un placement en rétention, en vertu d’un arrêté de placement déjà pris, devant intervenir le lendemain matin à une heure précise à l’issue de la période d’incarcération de l’intéressé ; qu’en l’occurrence, la décision de placement a bien été notifiée à M. [D] [V] le 03 juillet 2024 à 8h30 et a donc pris effet à compter de cette heure conformément à l’avis adressé aux Parquets ; qu’il y a lieu en conséquence de considérer que le procureur de la République a régulièrement été informé de la mesure de rétention administrative puisqu’il en avait, dès le début de ladite mesure, parfaitement connaissance ;
Que le moyen sera dès lors rejeté ;
- Sur le moyen tiré du défaut de notification à l’intéressé du règlement intérieur du centre de rétention administrative
Attendu que le conseil de M. [D] [V] soulève l’irrégularité de la procédure, faisant valoir qu’il ne serait pas démontré que son client se soit vu régulièrement notifier le règlement intérieur du centre de rétention administrative de [Localité 3], dans la mesure où sa signature ne figure pas sur le règlement intérieur versé au dossier et que M. [D] [V] aurait besoin de relecture des documents rédigés en français ;
Attendu que l’article L. 744-8 Code de l’entrée et du séjour des étranger et du droit d’asile (CESEDA) dispose :
“Dans chaque lieu de rétention, un document rédigé dans les langues les plus couramment utilisées, et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure d'éloignement et de rétention, ainsi que leurs conditions d'exercice, est mis à disposition des personnes retenues.
La méconnaissance des dispositions du présent article est sans conséquence sur la régularité et le bien-fondé des procédures d'éloignement et de rétention” ;
Attendu qu’aux termes de l’article R.744-12 du CESEDA :
“Dans chaque lieu de rétention, un règlement intérieur, dont les modèles sont fixés, pour les centres et les locaux de rétention, par arrêté conjoint du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, organise la vie quotidienne, dans des conditions conformes à la dignité et à la sécurité de ses occupants. Il rappelle notamment les droits et devoirs des étrangers retenus, ainsi que les modalités pratiques d'exercice par ces derniers de leurs droits. Il mentionne notamment les conditions dans lesquelles s'exerce la circulation des étrangers dans le lieu de rétention, notamment, le cas échéant, l'accès aux espaces à l'air libre.
Le règlement intérieur est établi par le responsable du lieu de rétention et approuvé par le préfet territorialement compétent.
Il est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration. Un exemplaire en langue française et traduit dans les langues prévues à l'alinéa précédent est affiché dans les parties communes du lieu de rétention” ;
Attendu que la Directive 2008/115/CE du Parlement Européen et du Conseil relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier, prévoit en son article 16 paragraphe 5 relatif aux conditions de rétention que “les ressortissants de pays tiers, placés en rétention, se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs” et que “ces informations portent notamment sur leur droit, conformément au droit national, de contacter les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes”;
Attendu que ces dispositions précises et inconditionnelles sont d’application immédiate en droit interne dès lors qu’il est constant qu’elles n’ont pas fait l’objet des transpositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la Directive à la date du 24/12/2010 fixée par son article 20 (Civ. 1ère 23/05/2012) ;
Attendu que ces dispositions de la Directive retour imposent donc la remise d’un règlement intérieur des lieux de rétention aux personnes placées en rétention administrative, sans qu’il y ait lieu de distinguer la nature du lieu de rétention, la distinction entre local et centre de rétention administrative étant propre à la France mais consistant dans les deux cas en un lieu de placement en rétention ; qu’en conséquence les dispositions de la directive retour précitées sont applicables à tout lieu de rétention y compris aux locaux de rétention administrative ;
Attendu comme l’a rappelé la Cour de Cassation (Civ 1ère 7 octobre 2015), et ce aux visas de l’article 88-1 de la Constitution, du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : “Attendu qu’il résulte du premier de ces textes et du principe d’effectivité issu des dispositions des deux autres, telles qu’elles ont été interprétées par la Cour de justice de l’Union européenne, que le juge national chargé d’appliquer les dispositions du droit de l’Union a l’obligation d’en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire” ;
Attendu que le non respect des dispositions de la Directive retour sont sanctionnées à peine d’irrégularité de la procédure et ce comme l’a rappelé la Cour de Cassation à de très nombreuses reprises concernant en particulier la communication des coordonnées des instances organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales compétentes pour intervenir dans les lieux de rétention (Civ. 1ère 13.02.2013 - Civ. 1ère 11.09.2013 - Civ. 1ère 20.11.2013 - plusieurs arrêts rendus par la 1ère chambre civile le 12 février 2014 et Civ. 1ère 14 mai 2014) ; que le caractère obligatoire de la communication d’un règlement intérieur dans tout lieu de rétention est prévu par le même article 16 § 5 de la Directive retour précitée ;
Attendu en l’espèce qu’il résulte de la procédure, au vu de différentes notifications effectuées sans recours à un interprète, que M. [D] [V] comprend le français ; que par ailleurs, celui-ci a déclaré lors de son audition du 07 juin 2024, en langue française et dont la teneur confirme que le sujet comprend le français, lire le français ; que si le règlement intérieur en langue française figurant au dossier de la procédure ne comporte pas la signature de l’intéressé, il sera noté que celui-ci a bien été porté à sa connaissance, comme en témoigne le document intitulé “notification d’un arrêté portant placement en rétention administrative” qui énonce qu’est porté à sa connaissance “le règlement intérieur du CRA de [Localité 3]” et que lui en est remis copie ; qu’il ressort par ailleurs du document intitulé “procès-verbal de notification des droits en rétention”, à l’arrivé de l’intéressé au centre de rétention administrative, que ce dernier a été informé qu’un “règlement intérieur est mis à disposition du retenu et rédigé dans les langues prévues par l’arrêté du 2 mai 2006 pris en application de l’article L.744-7 et L.744-8 du CESEDA”; qu’il s’avère que le règlement intérieur, en langue française, du Centre de rétention administrative de [Localité 3] est affiché dans les locaux et que le susnommé comprend et lit le français ; qu’il a ainsi bien été mis à la disposition de l’intéressé, lequel comprend le français et sait le lire, le règlement intérieur dans une langue comprise par lui, celui-ci ayant été de plus parfaitement informé de cette mise à disposition ;
Que le moyen sera par suite rejeté ;
III - Sur le fond :
L’intéressé a été pleinement informé , lors de la notification de son placement en rétention, des droits lui étant reconnus par l’article L.744-4 du CESEDA et placé en état de les faire valoir, ainsi que cela ressort des mentions figurant au registre prévu à cet effet.
L’article L 741-3 et L751-9 du CESEDA dispose qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet ;
Les services de la Préfecture Eure-et-Loir justifient d’ores et déjà de démarches auprès du Consulat de IRAK dont M. [S] [D] [V] se déclare ressortissant, celui-ci étant dépourvu de tout document d’identité . Le rendez-vous sollicité ne pourra avoir lieu qu’en dehors du délai initial de la rétention. Il convient donc de permettre à l’autorité administrative d’effectuer toutes démarches utiles en vue de la mise en oeuvre de la mesure d’éloignement.
Par ailleurs, l’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes de représentation et ne dispose pas d’un passeport.
Il ne remplit donc pas les conditions préalables à une assignation à résidence
Il convient en conséquence de faire droit à la requête de M. le Préfet d’Eure et Loir parvenue à notre greffe le 4 juillet 2024 à 14h51 ;
PAR CES MOTIFS
Constatons le désistement du recours contre l’arrêté de placement en rétention administrative ;
Rejetons les exceptions de nullité soulevées ;
Ordonnons la prolongation du maintien de M. [S] [D] [V] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de VINGT HUIT JOURS à compter du 05 juillet 2024 à 08h30.
Notifions que la présente décision est susceptible d'être contestée par la voie de l'appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d'Appel de RENNES, et par requête motivée (courriel : [Courriel 4] ).
Rappelons à M. [S] [D] [V] que dès le début du maintien en rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, d’un conseil et peut, s’il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix.
Décision rendue en audience publique le 05 Juillet 2024 à 17h27
LE GREFFIERLE JUGE DES LIBERTÉS ET
DE LA DÉTENTION
Copie transmise par courriel à la préfecture
Le 05 Juillet 2024
Le greffier
Copie de la présente ordonnance a été transmise par courriel à Me Sophie MARAL
le 05 Juillet 2024
le greffier
Copie transmise par télécopie pour notification à M. [S] [D] [V], par l’intermédiaire du Directeur du CRA, par le biais d’un interprète en langue kurde
le 05 Juillet 2024
Le Greffier
l’audience s’est déroulée par l’intermédiaire de M. [O], interprète en langue kurde
le 05 Juillet 2024
le greffier
Copie transmise par courriel
au Tribunal Administratif Rennes
([Courriel 2])