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04/06/2024 | FRANCE | N°21/03219

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 3ème ch.section d, 04 juin 2024, 21/03219


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 10] - tél : [XXXXXXXX01]









Cabinet D

3ème Chambre Civile

Le 04 Juin 2024

Rôle N° RG 21/03219 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JH6Y






[Z] [A]

C/

[L] [P]










2 copies exécutoires aux avocats

1 copie dossier

le :


TROISIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT




DEMANDEUR :

Monsieur [Z] [A]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 20]
deme

urant[Adresse 6]
[Adresse 6]

représenté par Me Anne TREMOUREUX, avocat postulant inscrit au barreau de RENNES et Me Amalle HAZHAZ, avocat plaidant inscrit au barreau de NANTES


DÉFENDERESSE :

Madame [L] [P]
née le [Date naissan...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 10] - tél : [XXXXXXXX01]

Cabinet D

3ème Chambre Civile

Le 04 Juin 2024

Rôle N° RG 21/03219 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JH6Y

[Z] [A]

C/

[L] [P]

2 copies exécutoires aux avocats

1 copie dossier

le :

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT

DEMANDEUR :

Monsieur [Z] [A]
né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 20]
demeurant[Adresse 6]
[Adresse 6]

représenté par Me Anne TREMOUREUX, avocat postulant inscrit au barreau de RENNES et Me Amalle HAZHAZ, avocat plaidant inscrit au barreau de NANTES

DÉFENDERESSE :

Madame [L] [P]
née le [Date naissance 9] 1962 à [Localité 19]
demeurant[Adresse 11]
[Adresse 11]

représentée par Me Jean-Pierre DEPASSE, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION

Coline DESSAULT, Juge aux affaires familiales,

Assistée de Valentine GOHIN, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

DÉBATS

publics, le 23 avril 2024

JUGEMENT

contradictoire, public et en premier ressort
mis à disposition au greffe le 04 Juin 2024
date indiquée à l’issue des débats.

Me Jean-Pierre DEPASSE, Me Amalle HAZHAZ, Me Anne TREMOUREUX
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [L] [P] et Monsieur [Z] [A] se sont mariés le [Date mariage 7] 1987 devant l’officier de l’état civil de la commune de [Localité 19], ayant fait précédé leur union d'un contrat de mariage instituant un régime de séparation de biens, reçu le 10 septembre 1987 entre les mains de Maître [H], notaire à [Localité 17].

Quatre enfants sont issus de cette union :

[K], née le [Date naissance 8] 1988, [R], née le [Date naissance 5] 1990, [Y], née le [Date naissance 4] 1992, [O], née le [Date naissance 2] 1993.
Les époux se sont séparés le 25 décembre 2005.

Par ordonnance de non conciliation en date du 29 mars 2007, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de RENNES a autorisé les époux à poursuivre l'instance en divorce et statué sur les mesures provisoires, lesquelles ont été en partie modifiées par jugement du juge aux affaires familiales du 12 janvier 2008.

Par arrêt du 16 décembre 2008, la Cour d'appel de RENNES a en parti réformé les dispositions provisoires et, dès lors :
la jouissance du domicile familial a été attribuée à Madame [L] [P], à titre gratuit, en accord avec les parties ;Monsieur [Z] [A] a été condamné à verser à Madame [L] [P], à compter du 1er août 2007, une pension alimentaire de 1 000 € par mois en exécution du devoir de secours, en contrepartie de laquelle Madame [L] [P] devait faire son affaire personnelle du remboursement des emprunts et de l'ensemble des charges de l'immeuble (assurance et autres) ;la résidence de [O] a été fixée rétroactivement au 20 avril 2007 alternativement au domicile de son père et de sa mère ;la résidence habituelle des autres enfants mineures a été fixée chez leur mère ;la pension alimentaire due par Monsieur [Z] [A] pour l’entretien des enfants a été fixée à 350 € par mois pour [Y] et 400 € pour [K], avec effet au mois de janvier 2008, et à 1.000 € par mois pour [R], avec effet au 17 septembre 2007.
Par jugement en date du 29 avril 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de RENNES a prononcé le divorce des époux. Le partage et la liquidation des intérêts respectifs des époux ont été ordonnés, Maître [B], notaire à [Localité 14], et Maître [S], notaire à RENNES, ont été commis pour procéder aux opérations et le Président du tribunal de grande instance de RENNES ou le magistrat désigné par lui à cet effet a été commis pour surveiller les opérations.

Par arrêt en date du 31 mai 2011, la Cour d'appel de RENNES a confirmé le jugement en date du 29 avril 2010 en toutes ces dispositions à l'exception de celle fixant le montant du capital dû par Monsieur [Z] [A] au titre de la prestation compensatoire à 150.000 € et de celle condamnant Monsieur [Z] [A] à verser des pensions alimentaires mises à sa charge au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants, qui ont été infirmées. La Cour a ordonné une expertise avant dire droit sur le montant du capital dû par Monsieur [Z] [A] au titre de la prestation compensatoire.

Par arrêt du 13 mai 2014, la Cour d'appel de RENNES a confirmé le jugement en date du 29 avril 2010 et, y ajoutant, a fixé au 25 décembre 2005 la date d'effet du divorce en ce qui concerne les biens des époux.

Le 1er juin 2017, Maître [U], notaire suppléant de Maître [S], a dressé un procès verbal de suivi des opérations.

Le 17 septembre 2020, Maître [W], notaire à [Localité 18], a dressé un procès-verbal de difficulté.

Par acte d'huissier signifié le 11 mai 2021, Monsieur [Z] [A] a fait assigner Madame [L] [P] devant la présente juridiction afin de voir statuer sur ses demandes relatives aux opérations de liquidation partage.

Madame [L] [P] s'est constituée sur cette assignation.

Par ordonnance du 22 novembre 2022, le juge de la mise en état a ordonné à Maître [E] [B], Notaire à [Localité 13], la remise à Monsieur [Z] [A] de la somme de 60.000 €, alors séquestrée en son étude, à titre de provision sur les droits de Monsieur [Z] [A] dans la liquidation du régime matrimonial, et débouté Madame [L] [P] de sa demande de fixation de créances.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juillet 2023, Monsieur [Z] [A] demande de la présente juridiction de bien vouloir, au visa des articles 815-10, 1153-1, 1240, 1543, 1479 et 1469 du code civil et des articles 514 et 700 du code de procédure civile :
condamner Madame [P] à régler à Monsieur [A] la somme de 15.000 € à titre de dommage et intérêts du fait de sa résistance fautive durant 9 années à vendre le bien ou à acquérir la quote-part de Monsieur [A] ;dire et juger que, dans le cadre des opérations de compte liquidations partage, Madame [P] est débitrice d’une créance entre époux à l’égard de Monsieur [A] au titre du financement par lui de placements financiers souscrits au nom de Madame [P] ;dire et juger que cette créance s’élève à la somme de 80.662 € ;dire et juger que, dans le cadre des opérations de compte liquidations partage, Madame [P] est débitrice d’une créance entre époux à l’égard de Monsieur [A] au titre du règlement par lui des échéances de prêt immobilier pour l’acquisition de biens en investissement locatif ; dire et juger que cette créance ne pourra pas être moindre : * à titre principal, que le profit subsistant ;
* à titre subsidiaire, que la moitié du profit subsistant, si le tribunal venait à considérer que le financement était indivis ;
fixer à la somme de 693,75 € le montant l’indemnité d’occupation mensuelle due par Madame [P] à Monsieur [A] ;fixer à 92 mois la période durant laquelle l’indemnité d’occupation est due ;fixer à la somme de 63.825 € la créance due par Madame [P] à Monsieur [A], au titre de l’indemnité d’occupation ;condamner Madame [P] à régler à Monsieur [A] la somme de 63.825 € au titre de l’indemnité d’occupation, assorti des intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2015 ;débouter Madame [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;condamner Madame [P] à régler à Monsieur [A] la somme de 10000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance ;rappeler que l’exécution provisoire est de droit.
Au soutien de ses prétentions, Monsieur [Z] [A] fait valoir que le comportement dilatoire de Madame [L] [P], qui a résisté abusivement à la vente de l'immeuble indivis entre 2010 et 2019, lui a occasionné un préjudice financier à hauteur de 15.000 € minimum.

Il soutient ensuite qu'il a financé, au moyen de deniers lui étant propres, des placements financiers ayant été souscrits par Madame [L] [P], et qu'il détient une créance à ce titre. Il allègue encore avoir remboursé, au moyen de fonds propres, les échéances des emprunts afférents aux deux biens immobiliers acquis par Madame [L] [P] en 1998. Il précise que cette créance devra être calculée selon les règles du profit subsistant. Il conteste que les créances ainsi revendiquées seraient prescrites, faisant valoir que le courrier adressé le 19 octobre 2015 par son conseil au Notaire désigné a interrompu la prescription, ce courrier faisant notamment état de la créance revendiquée au titre du financement des appartements.

Il affirme par ailleurs que l'occupation privative par Madame [L] [P] de l'ancien domicile conjugal à compter du 1er juin 2011 et jusqu'à la vente du bien au 31 janvier 2019 justifie la fixation d'une indemnité due par Madame [L] [P] dont le montant annuel doit être fixé à 4,5 % de la valeur vénale du bien, ce dernier étant valorisé à 370.000 €, soit une indemnité mensuelle de 1.387,50 €. Il réfute que sa demande serait en partie prescrite, faisant valoir que le courrier adressé le 19 octobre 2015 par son conseil au Notaire désigné a interrompu la prescription dès lors qu'il faisait état de sa demande d'indemnité d'occupation.

Monsieur [Z] [A] s'oppose par ailleurs à la demande de Madame [L] [P] tendant à la restitution de la somme de 28.036,74 €, faisant valoir qu'il s'agit d'une demande de créance entre époux dont le fait générateur date du 07 novembre 2014 et qui est dès lors prescrite, Madame [L] [P] ne justifiant pas d'un acte qui serait interruptif de prescription. Il fait en outre valoir que la demande de Madame [L] [P] tendant au règlement des pensions alimentaires impayées est irrecevable et en tout état de cause prescrite. Monsieur [Z] [A] s'oppose enfin à la demande de Madame [L] [P] tendant à la restitution de la somme de 60.000 € qu'il a perçu a titre provisionnel, dès lors que ses droits dans la liquidation sont au moins équivalents à cette somme.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 septembre 2023, Madame [L] [P] sollicite quant à elle de la présente juridiction de bien vouloir :

débouter Monsieur [A] de sa demande liée à une prétendue perte de valeur de la maison de [Localité 16] imputable à Madame [P] lors de la vente de celle-ci ; dire et juger que les créances alléguées par Monsieur [A] au titre des placements financiers et des appartements de [Localité 18] et d’[Localité 12] sont prescrites par application de l’article 2224 du code civil ; débouter en toutes hypothèses Monsieur [A] de ces demandes qui se heurtent à l’autorité de la chose jugée de l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 13 mai 2014 ; dire et juger que l’indemnité d’occupation due par Madame [P] pour l’occupation de la maison de [Localité 16] sera limitée aux cinq années antérieures au procès-verbal de difficultés dressé par Maître [W] ; à l’exception de l’indemnité due pour l’occupation de la maison de [Localité 16] pendant cinq années qui sera chiffrée à 27.000 € ; dire et juger que Monsieur [A] doit restituer les sommes dont Madame [P] était bénéficiaire en sa qualité d’associée de la SCI [15] et qu’il a détournées à son profit et le condamner à payer la somme de 28.036,74 € avec intérêts de droit à compter du 7 novembre 2014 date du détournement ; dire et juger que Monsieur [A] est redevable envers Madame [P] de pensions alimentaires pour un montant de 35.757 € ; opérer compensation entre ces différentes sommes au profit de Madame [P] ; condamner Monsieur [A] à restituer à Madame [P] la somme de 60.000 € qu’il a perçu à titre provisionnel et provisoire suite à l’ordonnance du juge de la mise en état du 22 novembre 2022 avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ; condamner Monsieur [A] au paiement d’une somme de 10.000 € pour attitude vexatoire et intention de nuire à l’égard de Madame [P] ; condamner Monsieur [A] à payer à Madame [P] une somme de 10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner Monsieur [A] aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, Madame [L] [P] fait valoir, pour s'opposer à la demande de dommages et intérêts de Monsieur [Z] [A] pour résistance abusive, que le prix de vente de l'immeuble indivis à 340.000 € le 31 janvier 2019 correspond à la valeur réelle du bien, précisant qu'elle avait formulée une proposition de valoriser ce bien à 370.000 € dans le cadre de la recherche d'une solution transactionnelle afin de trouver un accord global qui aurait été le fruit de concessions réciproques. Elle soutient encore que le non paiement par Monsieur [Z] [A] des pensions alimentaires qu'il lui devait ainsi que la prestation compensatoire l'ont empêchée de financer le rachat de ses droits dans l'immeuble indivis.

Madame [L] [P] soutient ensuite que les créances revendiquées par Monsieur [Z] [A] au titre des placements financiers et du remboursement des emprunts afférents aux appartements qui lui appartenaient sont prescrites. A titre subsidiaire, elle fait valoir, en premier lieu, que les appartements et les placements financiers ont été pris en compte dans son patrimoine dans le cadre du calcul du montant de la prestation compensatoire ayant été fixé par l'arrêt de la Cour d'appel du 13 mai 2014 et que l'autorité de la chose jugée s'oppose dès lors à faire droit aux demandes de créance de Monsieur [Z] [A], qui reviendrait à priver son patrimoine de ces biens. En second lieu, elle relève, d'une part, que Monsieur [Z] [A] ne démontre pas qu'il aurait financé les placements financiers à hauteur de 80.662 €, soutenant en outre que les donations dont elle a bénéficié, les salaires et revenus non commerciaux de son activité professionnelle, ainsi que la vente de son cabinet, représentant une somme totale d’environ 460.000 €, lui ont permis de financer ces placements, et, d'autre part, qu'il ne démontre pas qu'il aurait remboursé les emprunts afférents aux biens immobiliers au moyen de ses fonds propres et, qu'en tout état de cause, un tel financement devrait être qualifié de donation rémunératoire.

S'agissant de l'indemnité d'occupation, elle soutient, d'une part, que celle-ci ne peut être revendiquée par Monsieur [Z] [A] que pour les cinq années précédant le procès-verbal de difficulté en date du 17 septembre 2020, dès lors que le courrier adressé par le conseil de Monsieur [Z] [A] au Notaire le 19 octobre 2015 n'est pas un acte interruptif de la prescription et, d'autre part, que le montant de l'indemnité doit être fixé à 450 € par mois, cette valeur ayant été retenue dans le projet de liquidation partage de Maître [W] conformément à l'accord des parties.

Par ailleurs, Madame [L] [P] estime détenir une créance à l'égard de Monsieur [Z] [A] au titre de l'encaissement par ce dernier, le 7 novembre 2014, de la somme de 28.036,74 € correspondant aux droits de Madame [L] [P] dans la liquidation de leur société civile immobilière. Elle conteste que cette créance serait prescrite dès lors qu'elle résulte d'un détournement, qui constitue une faute civile, et que le délai de prescription en la matière court à compter de la reconnaissance par Monsieur [Z] [A] de ses agissements devant le Notaire, soit le 1er juillet 2017, date à laquelle le procès-verbal de continuation des opérations a été dressé.

Madame [L] [P] revendique en outre une créance de 35.757 € à l'égard de Monsieur [Z] [A], alléguant que ce dernier s'est abstenu volontairement de payer les pensions alimentaires dues de novembre 2009 à juin 2011.

Madame [L] [P] soutient également que les prétentions excessives et infondées de Monsieur [Z] [A] devant les Notaires ont empêché qu'un accord amiable soit trouvé et que cette attitude justifie sa condamnation au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Madame [L] [P] fait enfin valoir que, dès lors que sa « créance » est supérieure à celle alléguée par Monsieur [Z] [A] après compensation, ce dernier doit être condamné à lui restituer la somme de 60.000 € perçue à titre provisionnel.

La procédure a été clôturée le 23 janvier 2024 par ordonnance du même jour, et fixée pour être plaidée à l’audience du 27 février 2024 renvoyée à l’audience du 23 avril 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré, la décision étant prononcée par mise à disposition au greffe le 04 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes principales

I. Sur les demandes de dommages et intérêts

Aux termes de l'article 1240 du code civil, « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

A titre liminaire, il convient de relever qu'il n'appartient pas, en principe, au juge aux affaires familiales saisi des demandes afférentes à la liquidation du régime matrimonial des parties de statuer sur leurs demandes de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Il sera cependant statué sur celles-ci dans le cadre de la présente instance, dans la mesure ou chacune des partie formule des demandes à ce titre.

Sur la demande de Monsieur [Z] [A] tendant à la condamnation de Madame [L] [P] pour résistance fautive

En l'espèce, il ressort des pièces produites que, le 08 juin 2007, un mandat de vente de l'ancien domicile conjugal a été régularisé par Madame [L] [P] et Monsieur [Z] [A] pour un prix de 440.000 € net vendeur. Le 12 juillet 2007, Madame [L] [P] a dénoncé ce mandat de vente. Le 23 mai 2009, Madame [L] [P] et Monsieur [Z] [A] ont régularisé un nouveau mandat de vente du bien pour un prix de 425.000 €, ce prix ayant été porté à 385.000 € net vendeur par avenant du 19 décembre 2008. Le 02 mars 2010, Madame [L] [P] a refusé une offre d'achat du bien au prix de 370.000 €, le mandataire ayant précisé par courriel du 11 mars 2010 qu'elle lui avait indiqué la semaine précédente qu'elle accepterait une offre à ce prix.

Le 07 avril 2010 puis le 06 mai 2010, Madame [L] [P] a attesté accepter racheter la part de Monsieur [Z] [A] dans le bien immobilier, « pour la somme de 185.000 €, déduction faite de la moitié du capital restant dû du prêt à la date de la transaction telle qu'elle se fera dans le cadre du partage à venir ». Le 10 juin 2010, Monsieur [Z] [A] a attesté accepter cette proposition.

Dans sa déclaration sur l'honneur en date du 25 avril 2019, Madame [L] [P] estimait la valeur du bien à 400.000 €.

Enfin, le 31 janvier 2019, le bien immobilier a finalement été vendu au prix net vendeur de 340.000 €.

Il est ainsi établi que la vente du bien a été empêchée par Madame [L] [P] entre 2007 et 2010, alors qu'elle aurait pu être réalisée au prix de 370.000 € au mois de mars 2010, et que le bien a été vendu neuf années plus tard au prix de 340.000 €.

Il convient toutefois de relever que, durant cette période, alors que les parties étaient en procédure de divorce, Madame [L] [P] résidait avec les enfants au sein du bien immobilier indivis, Monsieur [Z] [A] ne contestant pas ne pas s'être acquitté que très partiellement des pensions alimentaires qu'il avait été condamné à verser à Madame [L] [P], n'ayant pas versé la somme totale de 35.486 € entre novembre 2009 et juin 2011, mettant de ce fait Madame [L] [P] en difficulté financière, et qu'il ne s'est acquitté qu'en 2019 de la prestation compensatoire qu'il a définitivement été condamné à verser à Madame [L] [P] par arrêt du 13 mai 2014, après commandement de payer lui ayant été fait délivré par cette dernière. Si Monsieur [Z] [A] argue du fait que les parties s'étaient entendues pour que Monsieur [Z] [A] règle la prestation compensatoire en compensation de la soulte due par Madame [L] [P] pour l'acquisition du bien indivis, il n'en justifie pas.

Dans ces circonstances, le comportement de Madame [L] [P] ayant retardé la vente du bien indivis ne saurait être qualifié de fautif. Monsieur [Z] [A] sera par conséquent débouté de sa demande.

Sur la demande de Madame [L] [P] tendant à la condamnation de Monsieur [Z] [A] pour attitude vexatoire

Madame [L] [P] ne démontre pas le caractère fautif de la formulation par Monsieur [Z] [A] de demandes, seraient-elles excessives ou mal fondées, dans le cadre de la tentative de partage amiable.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande.

II. Sur les créances entre époux

Sur les demandes de Monsieur [Z] [A]

- Sur le moyen tiré de la prescription des demandes de créance

Aux termes de l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Selon l'article 2236 du code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux, ainsi qu'entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité.

En l'espèce, la prescription extinctive quinquennale applicable aux demandes de créances de Monsieur [Z] [A] a commencé à courir le 31 mai 2011, date à laquelle le divorce des parties est passée en force de chose jugée.

Par courrier en date du 19 octobre 2015, adressé à Maître [S], Notaire commis par le Juge aux affaires familiales pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux, le conseil de Monsieur [Z] [A] a indiqué que Madame [L] [P] “ a été propriétaire en propre de deux appartements locatifs à [Localité 12] et à [Localité 18] ” et que Monsieur [Z] [A] “ fera valoir ses créances, notamment pour le règlement de deux emprunts immobiliers ayant permis à son ex-épouse de les acquérir. ”

Ce courrier a interrompu la prescription en cours s'agissant de l'action relative à créance afférente au règlement des emprunts immobiliers, de sorte que cette demande n'est pas prescrite.

En revanche, ce courrier ne faisant pas état d'une demande de créance relative au financement des placements financiers souscrits par Madame [L] [P], il n'a pas interrompu la prescription de l'action y afférente. Celle-ci est ainsi prescrite depuis le 31 mai 2016, en l'absence de tout acte interruptif ou suspensif de prescription antérieur à cette date. Au surplus, il convient de noter que Monsieur [Z] [A] ne produit en tout état de cause aucune pièce tendant à justifier le financement revendiqué.

- Sur la demande de créance afférente au règlement des échéances de prêts immobiliers

Les 03 et 08 juin 1998, Madame [L] [P] a acquis deux appartement situés à [Localité 12] et à [Localité 18], aux prix respectifs de 85.676 € (562.000 francs) et 91.469,41 € (600.000 francs), ayant été financé au moyen de prêts souscrit aux noms de Monsieur [Z] [A] et Madame [L] [P].

A titre liminaire, il convient d'indiquer que la prise en compte par la Cour d'appel de RENNES de ces appartements dans le patrimoine de Madame [L] [P] pour déterminer le montant de la prestation compensatoire due par Monsieur [Z] [A] ne fait pas échec à la reconnaissance d'une créance détenue par Monsieur [Z] [A] à l'égard de Madame [L] [P] au titre du remboursement des emprunts afférents à ces biens.

Néanmoins, Monsieur [Z] [A] ne produit aucune pièce justifiant du remboursement des emprunts immobiliers au moyen de ses deniers personnels. S'il fait valoir que Madame [L] [P] ne le conteste pas, il ressort au contraire des écritures de celle-ci qu'elle soutient qu'il n'est pas démontré que Monsieur [Z] [A] aurait réellement remboursé ces emprunts ni en quelles proportions.

Il n'est pas contesté que les échéances des emprunts en cause étaient prélevées sur le compte joint des époux. Or, il ressort du procès-verbal de suivi d'opération dressé le 1er juin 2017 par Maître [U] que les relevés du compte joint des parties laissaient apparaître l'encaissement de plusieurs sommes provenant de dons manuels des parents de Madame [L] [P] à hauteur de 56.406,14 € au total entre les années 1990 et 2000. Les parents de Madame [L] [P] attestent quant à eux avoir effectué des donations à leurs filles à hauteur de 172.676 € au total entre 1987 et 2005 . Il ressort par ailleurs des pièces produites que Madame [L] [P] a viré la somme de 23.629 € (155.000 francs) depuis son compte personnel vers le compte joint des époux aux mois de juillet et août 1996 suite à la vente de son cabinet de chirurgien dentiste.

Par conséquent, Monsieur [Z] [A], qui ne produit aucune pièce à l'appui de ses dires, ne démontre pas qu'il aurait seul alimenté le compte joint et qu'il aurait ainsi remboursé seul les emprunts afférents aux biens immobiliers, ni à quel proportion il aurait alimenté ce compte et ainsi participé à ce remboursement le cas échéant, de sorte qu'il sera débouté de sa demande à ce titre. Pour le même motif, il sera également débouté de sa demande subsidiaire tendant à dire que sa créance ne pourra pas être moindre que la moitié du profit subsistant.
Sur les demandes de Madame [L] [P]

-Sur la demande au titre de l'encaissement par Monsieur [Z] [A] des sommes due à Madame [L] [P] dans le cadre de la vente de la SCI [15]

Aux termes de l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »

Selon l'article 2240 du même code, « La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ».

En l'espèce, la prescription extinctive quinquennale applicable à la demande de créance de Madame [L] [P] a commencé à courir le 07 novembre 2014, date du fait générateur de la créance alléguée.

Il ressort du procès-verbal de suivi d'opération dressé le 1er juin 2017 par Maître [U], substituant le Notaire commis par le Juge aux affaires familiales pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux, que Monsieur [Z] [A] a déclaré, concernant la SCI [15], que « le seul actif immobilier a été vendu, qu'il n'existe plus de poste de passif. Que le prix de vente a fait l'objet d'une distribution exceptionnelle dont la partie correspondant aux parts de Madame [P] a été encaissée par Mr [A] pour un montant de 24.412,66 € et qu'il a également encaissé le solde créditeur du compte courant de Mme [P] pour un montant de 3.624,08 € par chèque du 07 novembre 2014 ».

La reconnaissance par Monsieur [Z] [A] de l'encaissement de sommes dues à Madame [L] [P] a interrompu la prescription de l'action afférente à la créance détenue par Madame [L] [P] à ce titre. Par conséquent, cette demande n'est pas prescrite.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur [Z] [A] ne conteste pas davantage l'encaissement la somme totale de 28.036,74 € qui était due à Madame [L] [P] dans le cadre de la vente de l'actif de la SCI [15]. Il sera par conséquent fait droit à la demande de créance de Madame [L] [P].

Il n'y a pas lieu de condamner Monsieur [Z] [A] à payer cette somme, dès lors que la créance détenue par Madame [L] [P] à ce titre sera prise en compte par le notaire dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial des parties.

-Sur la demande afférente aux pensions alimentaires

La demande de Madame [L] [P] tendant à dire que Monsieur [Z] [A] lui est redevable de la somme de 35.757 € au titre des pensions alimentaires non versées relève de l'exécution de décisions de justice antérieures et non de la compétence de la présente juridiction. Elle sera par conséquent déclarée irrecevable.

III. Sur l'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 815-9 du code civil, « L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ».

Selon l'article 815-10 du même code, aucune recherche relative aux fruits et revenus ne sera recevable plus de cinq ans après la date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Madame [L] [P] a privativement joui de l'immeuble indivis à compter du 1er juin 2011, soit le lendemain de la date à laquelle le divorce entre les parties a acquis force de chose jugée, jusqu’au 31 janvier 2019, date de la vente du bien.

Madame [L] [P] fait valoir que l'indemnité qu'elle doit à ce titre doit être limitée aux cinq années précédant le procès verbal de difficulté dressé par Maître [W] le 17 septembre 2020.

Toutefois, par courrier adressé le 19 octobre 2015 à Maître [S], Notaire commis par le Juge aux affaires familiales pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux, le conseil de Monsieur [Z] [A] a indiqué qu' « une indemnité d'occupation est due par Madame [P] pour l'occupation [du] bien indivis ». Ce courrier a ainsi interrompu la prescription quinquennale prévue à l'article 815-10 du code civil, de sorte que Monsieur [Z] [A] est recevable à solliciter la reconnaissance d'une indemnité due par Madame [L] [P] à ce titre pour l'intégralité de la période d'occupation.

Il convient par conséquent de retenir que Madame [L] [P] est redevable d'une indemnité pour l'occupation privative de l'immeuble indivis du 1er juin 2011 au 31 janvier 2019, soit sur une période de 92 mois.

Il ressort du procès-verbal de suivi d'opération dressé le 1er juin 2017 par Maître [U], substituant le Notaire commis par le Juge aux affaires familiales pour procéder aux opérations de liquidation et partage des intérêts patrimoniaux des époux, que « les parties s'accordent pour retenir une valeur locative de 900 € par mois pour la totalité de la maison ». Il ressort du procès-verbal de difficulté dressé le 17 septembre 2020 par Maître [W], Notaire, que cette valorisation n'a pas été contestée par Monsieur [Z] [A] dans le cadre de ses dires.

Il convient par conséquent de fixer à 900 € par mois le mondant de l'indemnité due par Madame [L] [P] à l'égard de l'indivision au titre de l'occupation privative du bien indivis, soit la somme totale de 82.800 € sur l'intégralité de la période, étant relevé que Madame [L] [P] ne sollicite pas l'application d'un taux de réfaction destiné à compenser le caractère précaire de cette occupation.

Il n'y a pas lieu de condamner Madame [L] [P] à payer cette somme, dès lors que la créance détenue par l'indivision à ce titre sera prise en compte par le notaire dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial des parties.

IV. Sur la demande de compensation des créances

Il n'y a pas lieu de procéder à la compensation des créances, dès lors que cette opération sera effectuée par le notaire dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial des parties au regard des points sur lesquels il vient d'être statué.

V. Sur la demande de restitution de la provision

Madame [L] [P] sera déboutée de sa demande de restitution par Monsieur [Z] [A] de la somme perçue à titre de provision, dont il sera tenu compte par le Notaire dans le cadre de la réalisation des opérations de liquidation.

Sur les demandes accessoires

* Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu de la nature du litige, les dépens seront employés en frais généraux de partage et supportés par les copartageants dans la proportion de leur part dans l'indivision.

* Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
En application de l'article 700 1° du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
 
En l'espèce, compte tenu de la nature du litige, Madame [L] [P] et Monsieur [Z] [A] seront déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.  

* Sur l'exécution provisoire

Aux termes de l'article 1074-1 du code de procédure civile, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, les décisions du juge aux affaires familiales qui mettent fin à l'instance ne sont exécutoires à titre provisoire que si elles l'ordonnent.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Juge aux Affaires Familiales, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉBOUTE Monsieur [Z] [A] de sa demande de condamnation de Madame [L] [P] à lui régler la somme de 15.000 € à titre de dommage et intérêts du fait de sa résistance fautive ;

DÉBOUTE Madame [L] [P] de sa demande de condamnation de Monsieur [Z] [A] à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts du fait de son attitude vexatoire ;

DECLARE prescrite la demande de créance de Monsieur [Z] [A] au titre du financement de placements financiers souscrits au nom de Madame [L] [P] ;
DIT que la demande de créance de Monsieur [Z] [A] au titre du règlement des échéances de prêt immobilier pour l’acquisition de biens en investissement locatif n'est pas prescrite ;

DÉBOUTE Monsieur [Z] [A] de sa demande de créance au titre du règlement des échéances de prêt immobilier pour l’acquisition de biens en investissement locatif ;

DIT que Madame [L] [P] détient une créance de 28.036,74 € au titre de l'encaissement par Monsieur [Z] [A] des sommes dues à Madame [L] [P] dans le cadre de la vente de l'actif de la SCI [15] ;

DECLARE irrecevable la demande de Madame [L] [P] afférente aux pensions alimentaires dues par Monsieur [Z] [A] ;

DIT que Madame [L] [P] est débitrice d'une indemnité d'occupation à l'égard de l'indivision pour l'occupation privative du bien indivis situé à [Localité 16] du 1er juin 2011 au 31 janvier 2019, soit sur une période de 92 mois ;

FIXE à 900 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par Madame [L] [P] à l'indivision, soit un montant total de 82.800 € ;

DÉBOUTE Madame [L] [P] de sa demande de restitution de la somme de 60.000 € perçue par Monsieur [Z] [A] à titre de provision ;

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes ;

DIT que les dépens seront employés en frais généraux de partage et supportés par les copartageants dans la proportion de leur part dans l'indivision ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 3ème ch.section d
Numéro d'arrêt : 21/03219
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;21.03219 ?
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