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30/05/2024 | FRANCE | N°24/03756

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jld, 30 mai 2024, 24/03756


COUR D'APPEL
DE RENNES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES

CABINET DE

Vice-Président
Juge des Libertés et de la Détention

N° RG 24/03756 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K7ZW
Minute n° 24/00171



PROCÉDURE DE RECONDUITE A

LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE

Le 30 Mai 2024,

Nous, Marc de CATHELINEAU, Vice-Président, Juge des Libertés et de la Détention au Tribunal judiciaire de RENNES

Assisté de Sandrine MOREAU, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu la requête motivée du représentan

t de M. Le Préfet du Finistère en date du 29 mai 2024, reçue le 29 mai 2024 à 15h45 Heures au greffe du Tribunal ;

Vu l’ordonnance du Juge des Liber...

COUR D'APPEL
DE RENNES

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES

CABINET DE

Vice-Président
Juge des Libertés et de la Détention

N° RG 24/03756 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K7ZW
Minute n° 24/00171

PROCÉDURE DE RECONDUITE A

LA FRONTIÈRE
ORDONNANCE

Le 30 Mai 2024,

Nous, Marc de CATHELINEAU, Vice-Président, Juge des Libertés et de la Détention au Tribunal judiciaire de RENNES

Assisté de Sandrine MOREAU, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu la requête motivée du représentant de M. Le Préfet du Finistère en date du 29 mai 2024, reçue le 29 mai 2024 à 15h45 Heures au greffe du Tribunal ;

Vu l’ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention du Tribunal judiciaire de Rennes ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé

Vu les avis donnés à M. [I] [N], à M. Le Préfet du Finistère, à M. Le procureur de la République, à Me Coraline VAILLANT, avocat choisi ou de permanence

Vu notre procès verbal de ce jour ;

COMPARAIT CE JOUR :

Monsieur [I] [N]
né le 01 Janvier 1990 à [Localité 1] (UKRAINE)
de nationalité Ukrainienne

Assisté de Me Coraline VAILLANT, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé.

En présence du représentant de M. Le Préfet du Finistère, dûment convoqué,

par le truchement téléphonique de Mme [T], interprète en langue ukrainienne,

Mentionnons que M. Le Préfet du Finistère, le Procureur de la République dudit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les articles L 741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ;

Après avoir entendu :

Le représentant de M. Le Préfet du Finistère en sa demande de prolongation de la rétention administrative,

Me Coraline VAILLANT en ses observations.

M. [I] [N] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

Le Juge des libertés et de la détention de Rennes a, par ordonnance en date du 1er mai 2024 autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours jusqu’au 30 mai 2024.

- Sur le moyen, pris en ses deux branches, tiré de l’insuffisance des diligences de la préfecture et de l’absence de perspective raisonnable d’éloignement

Attendu que le conseil de M. [N] soutient que la procédure est irrégulière, faisant valoir que la préfecture du Finistère n’aurait pas accompli toutes les diligences nécessaires en vue de la mise à exécution de la mesure d’éloignement, dans la mesure où les seules diligences accomplies en vue de l’éloignement de l’intéressé sont à destination de l’Ukraine alors que cette destination a été exclue par le tribunal administratif de sorte qu’il n’existerait pas de perspective raisonnable d’éloignement ;

Attendu que l’article L. 741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose qu’un “étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ” et que “l’administration exerce toute diligence à cet effet” ; qu’ainsi, indépendamment des conditions fixées à l’article L. 742-4 du CESEDA concernant les cas dans lesquels une seconde prolongation peut être ordonnée, l’administration doit justifier de l’accomplissement des diligences réalisées en vue de la mise à exécution de la mesure d’éloignement ;

Attendu qu’il résulte de l’article 15 §1 de la Directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 dite Directive retour que “à moins que d’autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement” ; que l’article 15 §4 de cette même directive dispose que “lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté” ; que cette directive est d’application directe en droit français ;

Attendu qu’il ressort de l’arrêt rendu par la CJCE le 30 novembre 2009 que l’article 15 §4 précité doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes 5 et 6 correspond à une perspective raisonnable d’éloignement et que cette dernière n’existe pas lorsqu’il paraît peu probable que l’intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais” ;

Attendu en l’espèce que M. [N], qui est de nationalité ukrainienne, a été placé en rétention administrative le 30 avril 2024 sur le fondement d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français établi le 29 avril 2024 et fixant comme destination “tout pays dans lequel il serait légalement déclaré admissible” ; que cette mesure de rétention administrative a été prolongée par une ordonnance du Juge des libertés et de la détention en date du 1er mai 2024 et que cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de Rennes le 3 mai 2024, en considération notamment de ce que “les liaisons aériennes entre la France et l’Ukraine ne sont pas rompues et que les ressortissants de ce pays peuvent s’y rendre” ; que toutefois, le 3 mai 2024 le tribunal administratif de Rennes a constaté que le renvoi de M. [N] “dans son pays d’origine le conduira, dans sa région d’origine, à être confronté, de manière suffisamment personnalisée, à une situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle et lui fera courir un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne ainsi que des risques de traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales” ; qu’ainsi le tribunal administratif dans sa décision annule l’arrêté précité du 29 avril 2024 “en tant seulement qu’il doit être regardé comme ayant fixé l’Ukraine comme pays de destination” ; qu’en réaction à cette décision, le Préfet du Finistère prenait un nouvel arrêté en date du 8 mai 2024 fixant le pays de renvoi et stipulant que M. [N] “sera éloigné à destination de tout autre pays dans lequel il serait déclaré légalement admissible” de sorte que l’Ukraine ne pouvait faire partie des pays à destination duquel l’intéressé était susceptible d’être éloigné ; que pour autant force est de constater que les diligences effectuées par la préfecture depuis cet arrêté le sont exclusivement dans le sens d’un éloignement vers l’Ukraine et notamment la demande de routing en date du 30 mai 2024 ; qu’aucune diligence n’a été effectuée vers un “autre pays” de sorte que les diligences accomplies apparaissent mal orientées ; qu’ainsi au regard de ces considérations, il doit être observé que la préfecture n’a pas accompli toutes diligences utiles et que, ce faisant, il n’existe pas de perspective raisonnable d’éloignement puisque les diligences en question sont dirigées vers l’Ukraine, pays vers lequel le susnommé n’est pas censé être éloigné ;

Qu’il y a donc lieu de constater l’irrégularité de la procédure, de sorte que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés, il ne sera pas fait droit à la requête du préfet;

Sur la demande d’indemnité

Attendu par ailleurs qu’il est équitable d’allouer au conseil de l’intéressé la somme de 400 euros par application des dispositions de l’article 37 de la Loi du 10 juillet 1991 et de condamner M. Le Préfet du Finistère es-qualité de représentant de l’Etat à lui verser cette somme.

PAR CES MOTIFS

Constatons l’irrégularité de la procédure

Disons n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de l’intéressé .

Disons que le Procureur de la République a la possibilité dans un délai de 10 heures à partir de la notification de la présente ordonnance de s’y opposer et d’en suspendre les effets.

Condamnons M. Le Préfet du Finistère, es-qualité de représentant de l’Etat, à payer à Me Coraline VAILLANT, conseil de l’intéressé qui renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle, la somme de 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Notifions que la présente décision est susceptible d'être contestée par la voie de l'appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d'Appel de RENNES (courriel : [Courriel 2] ).

Rappelons à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national.

Décision rendue en audience publique le 30 Mai 2024 à 17h00

LE GREFFIERLE JUGE DES LIBERTÉS ET
DE LA DÉTENTION

Copie transmise par courriel à la préfecture
Le 30 Mai 2024
Le greffier

Copie de la présente ordonnance a été transmise par courriel à Me Coraline VAILLANT
le 30 Mai 2024
le greffier

Copie transmise par télécopie pour notification à M. [I] [N], par l’intermédiaire du Directeur du CRA, par le biais d’un interprète en langue ukrainienne
le 30 Mai 2024
Le Greffier

l’audience s’est déroulée par le truchement téléphonique de Mme [T], interprète en langue ukrainienne
le 30 Mai 2024
le greffier

Notification de la présente ordonnance au procureur de la République
le 30 Mai 2024 à Heures
Le greffier,

Décision du Procureur de la République
à Heures
Le Procureur de la République


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jld
Numéro d'arrêt : 24/03756
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;24.03756 ?
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