30 Août 2024
RG N° 24/02417 - N° Portalis DB3U-W-B7I-NYPE
Code Nac : 5AD Baux d’habitation - Demande du locataire ou de l’ancien locataire tendant au maintien dans les lieux
Madame [D] [Y]
C/
S.A. IMMOBILIERE 3 F
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE
JUGE DE L’EXÉCUTION
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JUGEMENT
ENTRE
PARTIE DEMANDERESSE
Madame [D] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparante
ET
PARTIE DÉFENDERESSE
S.A. IMMOBILIERE 3 F
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Patricia ROTKOPF, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE L’AUDIENCE
Président : Madame CHLOUP, Vice-Présidente
Assistée de : Madame MARETTE, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE LA MISE A DISPOSITION
Président : Madame CHLOUP, Vice-Présidente
Assistée de : Madame CADRAN, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique tenue le 14 Juin 2024 en conformité du code des procédures civiles d’exécution et de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, l’affaire a été évoquée et mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 30 Août 2024.
La présente décision a été rédigée par [K] [O], juriste assistante, sous le contrôle du juge de l’exécution.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par lettre recommandée avec accusé de réception enregistrée au greffe le 3 mai 2024, le Juge de l'Exécution du Tribunal judiciaire de PONTOISE a été saisi par Mme [D] [Y], sur le fondement des articles L.412-3 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, d'une demande tendant à l'octroi de délais avant l'expulsion du logement sis [Adresse 2] à JOUY LE MOUTIER (95260), à la suite du commandement de quitter les lieux délivré le 2 avril 2024 à la requête de la SA IMMOBILIERE 3F.
L’affaire a été appelée à l’audience du 14 juin 2024.
A l’audience, Mme [D] [Y] demande un délai de 12 mois pour quitter les lieux, en faisant état de ses difficultés actuelles, notamment financières, la perte de son emploi et ses problèmes de santé. Elle fait valoir qu’elle est en invalidité à 50% et qu’elle touche à ce titre une pension de 713 euros. Elle précise que son APL est suspendue, que le loyer résiduel s’élevait à 400 euros et qu’elle verse actuellement 100 euros par mois au bailleur. Elle déclare être mère de deux enfants, un majeur qui serait autonome et un mineur qui vit chez son père, pour lequel elle ne verse aucune pension alimentaire. Elle ajoute n’avoir réalisé aucune démarche de relogement mais s’être vue proposer une aide aux quittances et le FSL.
La SA IMMOBILIERE 3F, représentée par son conseil qui plaide sur ses conclusions, ne s'oppose pas à l'octroi de délais, à condition que Mme [D] [Y] règle l’indemnité d’occupation et bénéficie d’un suivi social. Elle actualise la dette à la somme de 8120,65 euros et réclame 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera rendu contradictoirement.
La décision a été mise en délibéré au 30 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2023 entrée en vigueur le 29 juillet suivant, « le juge de l'exécution du lieu de situation de l'immeuble peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable en cas d'exercice par le propriétaire de son droit de reprise dans les conditions de l'article 19 de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 (…), lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s 'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».
L'article L 412-4 précise que “la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.”
Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Dans le cas où la juridiction préalablement saisie, a d’ores et déjà statué sur une demande de délais pour rester dans les lieux, des délais ne peuvent être accordés par le juge de l’exécution que sur la justification d’éléments nouveaux.
En l'espèce, l'expulsion est poursuivie en vertu d’un jugement rendu le 05 mars 2024 rendue par la chambre de proximité du tribunal judiciaire de PONTOISE, contradictoire, qui a notamment :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail et autorisé l'expulsion de Mme [D] [Y],
- condamné Mme [D] [Y] à payer la somme de 5.507,13 euros au titre des loyers et charges impayés, outre une indemnité d'occupation égale au montant des loyers et charges, ainsi qu’aux dépens.
Cette décision a été signifiée le 02 avril 2024 et un commandement de quitter les lieux a été délivré le même jour.
Il y a lieu de rechercher si la situation personnelle de Mme [D] [Y] lui permet de bénéficier de délais avant l’expulsion.
Il résulte des débats et des pièces produites que :
Mme [D] [Y] dispose de revenus mensuels de 713,38 euros au titre de la pension d’invalidité qu’elle perçoit. Elle a déposé une demande d’allocation supplémentaire d’invalidité le 07 février 2024. Elle fait état de divers problèmes de santé dont elle justifie. Elle est mère de deux enfants, âgés de 21 ans et 14 ans. Son fils majeur est autonome et elle déclare que son cadet vit actuellement avec son père, qu’elle ne verse pas de pension alimentaire et qu’elle l’accueille au minimum un week-end sur deux.
Au vu du décompte produit arrêté au 21 mai 2024, la dette locative, qui a augmenté, s’élève actuellement à 8.120,65 euros. L’analyse du décompte démontre cependant que des règlements ont repris à compter du 19 mars 2024 à hauteur de 50 euros puis de 100 euros en avril et mai 2024 et que l’indemnité d'occupation courante qui s’élève à 788,42 euros est partiellement payée.
Mme [Y] fait ainsi son possible pour remplir ses obligations dans la limite de ses moyens.
Si Mme [D] [Y] n’a pas effectué de recherches en vue de son relogement, elle a réalisé diverses démarches. Elle est actuellement suivie par l’assistance sociale du bailleur IMMOBILIERE 3F et par un travailleur social du département du Val d’Oise.
Mme [D] [Y] occupe le logement sis [Adresse 2] à [Localité 4] depuis le 23 juin 2003. Or, aucun incident de paiement n’a été constaté avant 2023. Elle justifie avoir de graves problèmes de santé, qui l’empêchent de rechercher un emploi et qui ont occasionné une baisse importante de ses revenus. Elle fait état de réels efforts et règle à nouveau des sommes au bailleur depuis la stabilisation de sa situation financière, bien que fragile. Elle démontre ainsi sa bonne foi.
Le bailleur est un organisme social, dont la mission est notamment de loger des personnes en situation précaire. Il ne s’oppose pas à l’octroi de délai à condition que Mme [D] [Y] respecte le paiement des indemnités d’occupation et qu’elle effectue des démarches pour être suivie.
En raison de ces éléments et des difficultés actuelles de Mme [D] [Y], il convient d'accorder un délai de 12 mois, soit jusqu'au 30 août 2025, pour quitter le logement.
A l'expiration de ce délai il pourra être procédé à l'expulsion.
L’octroi de ces délais est toutefois subordonné à la poursuite du paiement régulier et ponctuel de l’indemnité d’occupation courante.
En application de l'article L.412-5 du code des procédures civiles d’exécution, la présente décision sera adressée, par lettre simple au Préfet du Val-d’Oise, en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
La nature de la demande impose de laisser les dépens à la charge de Mme [D] [Y].
En revanche, l'équité et la situation des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’Exécution, statuant par jugement en premier ressort et contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe ;
Accorde à Mme [D] [Y] un délai de 12 mois, soit jusqu'au 30 août 2025 inclus pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 2] à [Localité 4] ;
Dit que ce délai est subordonné au paiement ponctuel et régulier de l'indemnité d'occupation ;
Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité, le délai sera caduc et l'expulsion pourra être poursuivie ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [D] [Y] aux dépens ;
Dit que la présente décision sera adressée par le secrétariat-greffe, par lettre simple, au Préfet du VAL D'OISE - Service des Expulsions ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé à Pontoise le 30 août 2024
LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXÉCUTION