30 Août 2024
RG N° RG 24/02380 - N° Portalis DB3U-W-B7I-NYLO
Code Nac : 5AD Baux d’habitation - Demande du locataire ou de l’ancien locataire tendant au maintien dans les lieux
Madame [S] [C]
C/
S.C.I. F1
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE
JUGE DE L’EXÉCUTION
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JUGEMENT
ENTRE
PARTIE DEMANDERESSE
Madame [S] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
assistée par Me Clément GOY, avocat au barreau du VAL D’OISE
ET
PARTIE DÉFENDERESSE
S.C.I. F1
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE L’AUDIENCE
Président : Madame CHLOUP, Vice-Présidente
Assistée de : Madame MARETTE, Greffier
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DE LA MISE A DISPOSITION
Président : Madame CHLOUP, Vice-Présidente
Assistée de : Madame CADRAN, Greffier
DÉBATS
A l'audience publique tenue le 14 Juin 2024 en conformité du code des procédures civiles d’exécution et de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, l’affaire a été évoquée et mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 30 Août 2024.
La présente décision a été rédigée par [V] [G], juriste assistante, sous le contrôle du juge de l’exécution.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par lettre recommandée avec accusé de réception enregistrée au greffe le 30 avril 2024, le Juge de l'Exécution du Tribunal judiciaire de PONTOISE a été saisi par Mme [S] [C], sur le fondement des articles L.412-3 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, d'une demande tendant à l'octroi de délais avant l'expulsion du logement sis [Adresse 1] à [Localité 3], à la suite du commandement de quitter les lieux délivré le 03 octobre 2023 à la requête de la SCI F1.
L’affaire a été appelée à l’audience du 14 juin 2024.
A l’audience, Mme [S] [C], assistée de son conseil, demande un délai de 12 mois pour quitter les lieux, en faisant état de ses difficultés actuelles, notamment financières. Elle fait valoir qu’elle est séparée de son conjoint depuis avril 2022, qu’elle vit désormais seule avec son enfant et perçoit le RSA. Elle indique que son époux ne contribue pas au règlement de la dette locative et que le bailleur ne le poursuit pas alors qu’il est solvable. Elle soutient que le décompte produit par la partie défenderesse est erroné car il inclut des frais d’huissier et ne tient pas compte des versements CAF, ni du rappel intervenu. Elle affirme que la dette est sensiblement inférieure. Elle indique qu’elle a déposé un dossier DALO, une demande de logement social et qu’elle règle actuellement le loyer résiduel.
La SCI F1, représentée par son conseil qui plaide sur ses conclusions visées à l’audience, s'oppose à l'octroi de délais. Elle fait valoir que la demanderesse ne justifie pas de recherches de relogement et que sa situation financière ne va pas s’améliorer dans l’immédiat. Elle soutient que Mme [S] [C] est de mauvaise foi. A titre subsidiaire, en cas d’octroi de délai, elle sollicite une clause de déchéance en cas de non-paiement de l’indemnité d’occupation. Elle actualise la dette à la somme de 8.881,68 euros et réclame 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
S’agissant du montant contesté de la dette par la partie demanderesse, le conseil de la société défenderesse est autorisé à produire un décompte actualisé en cours de délibéré.
Le jugement sera rendu contradictoirement.
La décision a été mise en délibéré au 30 août 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d’exécution dans sa rédaction issue de la loi du 27 juillet 2023 entrée en vigueur le 29 juillet suivant, « le juge de l'exécution du lieu de situation de l'immeuble peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou à usage professionnel, dont l'expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales.
Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais dans les mêmes conditions.
Cette disposition n'est pas applicable en cas d'exercice par le propriétaire de son droit de reprise dans les conditions de l'article 19 de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 (…), lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s 'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte ».
L'article L 412-4 précise que “la durée des délais prévus à l'article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.”
Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.
Dans le cas où la juridiction préalablement saisie, a d’ores et déjà statué sur une demande de délais pour rester dans les lieux, des délais ne peuvent être accordés par le juge de l’exécution que sur la justification d’éléments nouveaux.
En l'espèce, l'expulsion est poursuivie en vertu d’un jugement rendu le 20 juillet 2023 par le tribunal de proximité de SANNOIS, réputé contradictoire, qui a notamment :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail,
- condamné solidairement Mme [S] [C] et M. [K] [Z] à payer la somme de 3.599,89 euros au titre des loyers et charges impayés,
- autorisé Mme [S] [C] et M. [K] [Z] à se libérer des sommes dues par mensualités de 100 euros en plus du loyer courant avec une clause de déchéance du terme en cas de non-respect de l'échéancier,
- suspendu les effets de la clause résolutoire dans la mesure des délais ainsi octroyés,
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due en cas de résiliation à une somme égale au montant du loyer et des charges,
- condamné in solidum Mme [S] [C] et M. [K] [Z] aux dépens.
Cette décision a été signifiée le 23 août 2023 à Mme [S] [C] et le 29 août 2023 à M. [K] [Z]. Un commandement de quitter les lieux a été délivré le 3 octobre 2023. Le concours de la force publique a été requis le 08 janvier 2024.
Mme [S] [C] ne conteste pas ne pas avoir respecté les conditions de la suspension de la clause résolutoire du bail, telles que fixées par le jugement précité, de sorte que la résiliation du bail est acquise.
Il y a lieu de rechercher si la situation personnelle de Mme [S] [C] lui permet de bénéficier de délais avant l’expulsion.
Il résulte des débats et des pièces produites que :
Mme [S] [C] dispose de revenus mensuels de 1250 euros au titre des prestations versées par la CAF (PAJE, allocation logement, ASF, RSA). Il apparait effectivement selon l’attestation CAF produite que l’allocation logement s’élève à 406 euros et qu’un rappel est intervenu en mars 2024 pour un montant de 2.773 euros.
Elle est séparée de son époux, une instance de divorce est en cours et Mme [S] [C] a un enfant à charge, la part contributive du père ayant été fixée à 150 euros par l’ordonnance de non conciliation.
Au vu du décompte arrêté au 3 juin 2024 produit par la partie défenderesse à l’audience, la dette locative s’élève à 8.881,68 euros. Selon le décompte arrêté au 19 juin 2024, produit durant le délibéré, la dette s’élève désormais à la somme de 8.176,15 euros. Mme [S] [C] verse le résiduel de l’indemnité d’occupation courante et l’allocation logement, versée directement au gestionnaire du bien, n’est plus suspendue depuis mars 2024. Ainsi, l'indemnité d'occupation courante est réglée et l'arriéré de la dette est en cours de remboursement. En revanche, le rappel CAF de 2.773 euros n’est pas crédité sur le décompte qui ne mentionne que le versement de l’allocation logement de juin 2024, ce qui laisse supposer que la dette locative est très inférieure.
Mme [S] [C] a effectué diverses démarches en vue de son relogement. Elle justifie avoir adressé un recours en vue d’une offre de logement devant la commission de médiation du Val d’Oise qui a été reçu le 08 décembre 2021. Sa situation a été examinée par le CCAPEX qui préconise qu’elle continue de payer régulièrement le loyer, respecte le plan d’apurement mis en place, mette à jour sa demande de logement social et suive les recommandations de son travailleur social. De plus, sa demande de logement social est active depuis le 12 septembre 2018 et elle la renouvelle régulièrement depuis.
Mme [S] [C] a fourni des efforts et règle l’indemnité d’occupation résiduelle malgré sa situation relativement précaire. Elle démontre ainsi sa bonne foi.
En raison de ces éléments et des difficultés actuelles de Mme [S] [C], il convient d'accorder un délai de 6 mois, soit jusqu'au 28 février 2025, pour quitter le logement.
A l'expiration de ce délai il pourra être procédé à l'expulsion.
L’octroi de ces délais est toutefois subordonné à la poursuite du paiement régulier et ponctuel de l’indemnité d’occupation courante
Il convient de rappeler que la trêve hivernale fixée par l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution empêche en pratique l'expulsion entre le 1er novembre et le 31 mars.
En application de l'article L.412-5 du code des procédures civiles d’exécution, la présente décision sera adressée, par lettre simple au Préfet du Val-d’Oise, en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant dans le cadre du plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées.
La nature de la demande impose de laisser les dépens à la charge de Mme [S] [C] étant précisé qu’ils seront recouvrés selon les dispositions relatives à l’aide juridictionnelle totale dont elle bénéficie.
L'équité et la situation des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le Juge de l’Exécution, statuant par jugement en premier ressort et contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe ;
Accorde à Mme [S] [C] un délai de 6 mois, soit jusqu'au 28 février 2024 inclus pour se maintenir dans les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3] ;
Dit que ce délai est subordonné au paiement ponctuel et régulier de l'indemnité d'occupation ;
Dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité, le délai sera caduc et l'expulsion pourra être poursuivie ;
Rappelle que la période de trêve hivernale empêchant en pratique l'expulsion s'étend du 1er novembre au 31 mars ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [S] [C] aux dépens et dit qu’ils seront recouvrés selon les dispositions relatives à l’aide juridictionnelle totale dont elle bénéficie ;
Dit que la présente décision sera adressée par le secrétariat-greffe, par lettre simple, au Préfet du VAL D'OISE - Service des Expulsions ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé à Pontoise le 30 août 2024
LE GREFFIER LE JUGE DE L'EXÉCUTION