DU 1er août 2024 Minute numéro :
N° RG 24/00657 - N° Portalis DB3U-W-B7I-N3IO
N° RG jonction avec l’affaire N° RG 24/00758 - N° Portalis DB3U-W-B7I-N47Y
Code NAC : 70Z
Monsieur [U] [E] [K] [S]
C/
Monsieur [R] [C]
Madame [X] [N] [Y] [O] épouse [C]
Monsieur [U] [E] [K] [S]
SASU [S], prise en la personne de son Président, Madame [V] [S]
C/
Société [Localité 6] [H]
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE PONTOISE
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ORDONNANCE RÉFÉRÉ
LA JUGE DES REFERES : Jeanne GARNIER, juge placée auprès du Premier Président de la Cour d'appel de VERSAILLES, déléguée aux fonctions de Juge des référés au Tribunal judiciaire de PONTOISE
LE GREFFIER : Xavier GARBIT
LES PARTIES :
DEMANDEUR(S)
Monsieur [U] [E] [K] [S], demeurant [Adresse 1]
SASU [S], dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son Président, Madame [V] [S]
représentés par Maître Laurent BINET, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 171; la SELASU COHEN & Associés, représentée par Maître Richard Ruben COHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 1887,
DÉFENDEUR(S)
Monsieur [R] [C], demeurant [Adresse 5]
Madame [X] [N] [Y] [O] épouse [C], demeurant [Adresse 5]
représentés par Maître Claire BENOLIEL, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 15, Maître Sara BEN ABDELADHIM, avocat au barreau de PARIS
Société [Localité 6] [H], dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Maître Sandy CHIN-NIN de la SCP RIDE CHIN-NIN, avocats au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 31, Maître Alexis LE LIEPVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 176
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Débats tenus à l’audience du : 30 juillet 2024
Date de délibéré indiquée par la Présidente par mise à disposition au greffe
le 1er août 2024
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EXPOSE DU LITIGE
Par actes séparés de commissaire de justice en date du 19 juin 2024, Monsieur [U] [E] [K] [S] a fait assigner en référé à heure indiquée Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] devant le tribunal judiciaire de PONTOISE afin de voir :
Rejeter toutes fins, moyens ou conclusions contraires,Déclarer Monsieur [U] [E] [K] [S] recevable et bien fondé en ses prétentions,Constater l’existence d’une voie de fait au préjudice de Monsieur [U] [E] [K] [S],Ordonner la réintégration de Monsieur [U] [E] [K] [S] sur le terrain situé au [Adresse 2] [Localité 6]),Assortir cette injonction d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,Condamner Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] à payer à Monsieur [U] [E] [K] [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros en réparation des préjudices subis,Condamner Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] à payer à Monsieur [U] [E] [K] [S] la somme de 3 500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,Condamner Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] aux entiers dépens,Rappeler que la décision à intervenir est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
L’affaire a été appelée à l’audience du 24 juin 2024 à laquelle les parties étaient représentées. Monsieur [U] [E] [K] [S] a sollicité un renvoi pour répliquer aux conclusions des défendeurs et afin d’assigner le nouvel acquéreur des lieux litigieux. Le juge des référés a ordonné le renvoi de l’affaire à l’audience du 30 juillet 2024 et a indiqué au demandeur que l’assignation au nouvel acquéreur devrait être placée avant le 3 juillet 2024.
Par acte de commissaire de justice en date du 11 juillet 2024, placé au greffe de la juridiction le 15 juillet 2024, Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] ont assigné la société [Localité 6] [H] en référé afin de :
Rejeter toutes fins, moyens ou conclusions contraires,Déclarer Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] recevables et bien fondés en leur demande d’intervention forcée de la société [Localité 6] [H], dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 24/657,Prononcer la jonction de la présente instance avec l’instance enregistrée sous le numéro RG 24/657,Constater l’existence d’une voie de fait, d’un trouble manifestement illicite au préjudice de Monsieur [U] [E] [K] [S] et de la société [S],Ordonner à la société [Localité 6] [H] de permettre à Monsieur [U] [E] [K] [S] et à la société [S] de réintégrer le terrain situé [Adresse 4] à [Localité 6], à usage d’entrepôt, de garage et d’atelier, en leur remettant l’ensemble des moyens d’accès nécessaires,Assortir cette injonction d’une astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,Condamner la société [Localité 6] [H] à payer à Monsieur [U] [E] [K] [S] et à la société [S] la somme provisionnelle de 10 000 euros en réparation des préjudices subis,Condamner la société [Localité 6] [H] à payer à Monsieur [U] [E] [K] [S] et à la société [S] la somme de 3 500 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,Condamner la société [Localité 6] [H] aux entiers dépens,Rappeler que la décision à intervenir est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Les deux affaires ont été retenues à l’audience du 30 juillet 2024 à laquelle toutes les parties étaient représentées.
Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] maintiennent les demandes aux termes de leurs assignations.
Par conclusions visées à l’audience et soutenues oralement, Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] demandent au juge des référés de :
Déclarer irrecevables et infondées l’ensemble des demandes formulées par Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S],Rejeter l’ensemble des demandes formulées par Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S],Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] au paiement d’une amende civile en application de l’article 32-1 du code de procédure civile, du montant qu’il lui plaira de fixer,Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] à payer à Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] la somme de 2 500 euros chacun en réparation du préjudice moral subi,Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] à payer à Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] aux entiers dépens,Rappeler que la décision à intervenir est assortie de plein droit de l’exécution provisoire.
Au visa de ses conclusions visées à l’audience et soutenues oralement, la société [Localité 6] [H] sollicite du juge des référés de :
Juger que l’urgence exigée par l’article 834 du code de procédure civile fait défaut, qu’il existe des contestations sérieuses et qu’aucun différend ne peut être allégué, de sorte que ce texte ne peut être appliqué en l’espèce,Juger qu’il n’y a aucun trouble manifestement illicite ni aucun dommage imminent au sens de l’article 835 du code de procédure civile,Juger que la mesure sollicitée par Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] excède ce qui peut être prescrit sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile puisqu’elle présente un caractère disproportionné et qu’elle génèrerait une situation illicite,Dire n’y avoir lieu à référé et rejeter les demandes formulées par Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S],Débouter Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] au paiement d’une amende civile en application de l’article 32-1 du code de procédure civile, du montant qu’il lui plaira de fixer,Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S], in solidum, au paiement d’une somme de 10 000 euros au profit de la société [Localité 6] [H] en réparation de son préjudice résultant de l’abus du droit d’agir qu’ils ont commis,Condamner Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S], in solidum, au paiement d’une somme de 10 000 euros au profit de la société [Localité 6] [H] en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est fait référence aux conclusions des parties.
La décision a été mise en délibéré au 1er août 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
L’article 4 du code de procédure civile dispose en son premier alinéa que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Il résulte de l’application de ces dispositions que l’opinion formulée par les parties sur un point de pur droit ne constitue pas un terme du litige.
Dès lors, il n’y a pas lieu à statuer sur les demandes visant à voir dire, juger ou constater l’opinion des parties sur la qualification juridique de faits ou d’actes de nature à nourrir les moyens et arguments en débat.
A titre liminaire il est précisé, au visa de l’article 754 du code de procédure civile, que l’assignation délivrée par Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] à l’encontre de la société [Localité 6] [H] le 11 juillet 2024 a été placée au greffe de la juridiction le 15 juillet 2024, soit quinze jours avant l’audience où l’affaire a été appelée et retenue et que les parties défenderesses n’ont pas soulevé d’observations sur ce point.
Sur l’intervention forcée et la demande de jonction
L’article 367 du code de procédure civile permet au juge, à la demande des parties ou d’office, d’ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.
L’intervention forcée est prévue aux articles 331 et suivants du code de procédure civile.
En l’espèce, il n’est pas contesté entre les parties que la société [Localité 6] [H] a acquis le 13 mai 2024 le bien immobilier litigieux dont Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] étaient propriétaires. Dès lors, il existe un intérêt légitime à ce que la société [Localité 6] [H] soit dans la cause. Il convient de recevoir l’intervention forcée de la société [Localité 6] [H]. Les affaires présentant un lien suffisant, il y a lieu de prononcer la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 24/657 et 24/758 sous le numéro unique 24/657.
Sur la demande en réintégration sous astreinte
Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ».
L’obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d’origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l’origine de cette créance ou la nature de l’obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du juge des référés l’obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l’existence d’un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l’interprétation d’un acte juridique.
L'urgence requise pour qu'il soit statué par application de l'article 834 du code de procédure civile est souverainement appréciée par le juge des référés. La juridiction des référés doit se placer, pour apprécier l'urgence attributive de sa compétence, à la date où elle prononce sa décision.
En vertu des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile « Le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
Le trouble manifestement illicite visé par cet article désigne toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
L’article 32 du code de procédure civile dispose que « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ».
En l’espèce, Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] fondent leur demande en réintégration des lieux sur le trouble manifestement illicite subi en raison de la voie de fait caractérisée par la pose d’un cadenas par Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C]. Les demandeurs font valoir que les lieux litigieux ont été occupés près de trente ans par Monsieur [U] [E] [K] [S] de manière paisible afin d’entreposer du matériel et qu’ils sont recevables à engager une action aux fins de reconnaissance de la prescription acquisitive trentenaire. Les demandeurs soutiennent que la mise en demeure adressée par Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] de retirer les objets des lieux ne pouvait justifier la pose du cadenas. Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] prétendent subir un préjudice financier. Ils indiquent ne jamais avoir consenti au départ des lieux.
En réponse, Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] prétendent que les demandes sont irrecevables en ce qu’elles sont formulées à leur encontre alors que le bien immobilier litigieux a été cédé à la société [Localité 6] [H] le 13 mai 2024. Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] soutiennent également que les demandes sont infondées en l’absence de trouble manifestement illicite, Monsieur [U] [E] [K] [S] ayant pu accéder aux lieux pour récupérer son matériel et ne justifiant pas d’un titre d’occupation valable. Ils soulignent l’absence de préjudice au regard des contestations sérieuses sur le caractère régulier de l’entreposage du matériel sur les lieux.
La société [Localité 6] [H] soutient que les demandes de Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] sont infondées en l’absence de trouble manifestement illicite et de dommage imminent. La société [Localité 6] [H] fait valoir que la réunion des conditions de l’usucapion n’est pas démontrée, les demandeurs ne rapportant pas la preuve qu’ils ont agi de manière continue, paisible, publique et univoque comme les propriétaires des lieux, ni que l’occupation a duré trente ans. La société [Localité 6] [H] souligne que la voie de fait n’est pas caractérisée car les demandeurs ont retiré leur matériel. La société [Localité 6] [H] prétend que faire droit à la demande des demandeurs reviendrait à créer un trouble manifestement illicite pour le propriétaire des lieux. La société [Localité 6] [H] soutient qu’il n’y a pas d’urgence, notamment au regard de l’assignation tardive délivrée à son encontre. Enfin, la société [Localité 6] [H] fait valoir qu’il existe une contestation sérieuse en ce que le juge des référés ne peut pas trancher les questions relatives à la propriété et qu’il n’y a pas de différend.
A titre préliminaire, il y a lieu de souligner que Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] ont cédé leur bien immobilier à la société [Localité 6] [H] le 13 mai 2024, comme en témoigne l’attestation notariée établie le 24 juin 2024 et versée aux débats. Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] ne contestent pas ce point et n’ont pas répliqué au moyen de Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] tiré de l’irrecevabilité de la demande de réintégration à leur encontre. Dès lors, Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] n’étant plus propriétaires des lieux, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande en réintégration formulée à leur égard.
S’agissant des demandes portées à l’encontre de la société [Localité 6] [H], il convient de noter que le critère de l’urgence ne peut être retenu, les demandeurs ayant dépassé le délai qui leur avait été accordé par le juge des référés lors de l’audience du 24 juin 2024 pour assigner le nouveau propriétaire des lieux. En outre, Monsieur [U] [E] [K] [S] était lui-même à l’origine de la demande de renvoi à cette audience, afin de répliquer aux conclusions des défendeurs, alors qu’il avait sollicité l’autorisation d’assigner ces derniers à heure indiquée.
De surcroît, il faut rappeler que le juge des référés est le juge de l’évidence et qu’à ce titre il ne lui appartient pas de trancher les questions au fond. Or, les factures et les attestations produites par les demandeurs pour justifier de l’effectivité de leur occupation des lieux ne peuvent suffire à établir un titre d’occupation régulier des lieux litigieux. Au demeurant, Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] ne démontrent pas avoir occupé les lieux pendant une durée de trente ans ni qu’ils se sont comportés comme propriétaires des lieux selon les conditions de la prescription acquisitive. Ainsi, il existe une contestation sérieuse sur la régularité de l’occupation des lieux par les demandeurs sur le terrain litigieux, prémisse à la demande en réintégration.
Enfin, il y a lieu de retenir que pour statuer sur l’existence d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent résultant de l’impossibilité d’accéder aux lieux, il convient au préalable que soit démontré la légitimité de l’occupation desdits lieux. Or, comme indiqué précédemment, les demandeurs ne rapportent pas la preuve que l’occupation dont ils font état sur les lieux appartenant à la société [Localité 6] [H] était justifiée ou résultait d’un accord avec le propriétaire. Le seul fait pour le propriétaire des lieux de poser un cadenas à l’entrée de sa propriété ne peut caractériser le trouble illicite ou le dommage imminent pour l’occupant sans titre régulier. De plus, il résulte des mises en demeure du 8 avril 2024 et du 6 mai 2024 ainsi que des procès-verbaux de commissaire de justice en date des 24 juin 2024 et 22 juillet 2024 que les demandeurs ont été invités à retirer leurs équipements et matériels sur les lieux de sorte qu’ils ne peuvent se prévaloir d’un trouble illicite ou d’un dommage imminent.
Il ressort de l’ensemble de ces éléments que Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] ne rapportent pas la preuve de la réunion des conditions des articles 834 et 835 du code de procédure civile. Par conséquent, il n’y a pas lieu à référé sur la demande en réintégration.
Sur la demande de provision de Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S]
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, les demandeurs fondent leur demande de provision sur le dommage qu’ils subiraient en raison de l’impossibilité de récupérer le matériel entreposé sur les lieux litigieux, ayant pour conséquence de perturber l’exercice de leur activité professionnelle.
Toutefois, il a été vu précédemment que Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] ont été invités à récupérer les équipements et matériels entreposés sur les lieux. Par conséquent, en présence d’une contestation sérieuse sur le préjudice allégué par les demandeurs, il n’y a pas lieu à référé sur ce point.
Sur l’amende civile et les demandes indemnitaires au titre de la procédure abusive
Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur assimilable au dol.
En l’espèce, Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] sollicitent l’octroi de dommages et intérêts au motif que les demandeurs ont fait de fausses déclarations en prétendant pouvoir réintégrer les lieux. Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] demandent la réparation de leur préjudice moral.
La société [Localité 6] [H] prétend que les demandeurs ont abusé de leur droit d’agir. Elle fonde sa demande indemnitaire sur le défaut, pour les demandeurs, de démontrer l’existence d’un droit dont ils pourraient se prévaloir sur le terrain litigieux.
Il convient de rappeler qu’à ce stade le juge des référés, au regard des contestations sérieuses précitées, n’a pas tranché au fond la question de l’occupation des lieux par les demandeurs, cette compétence revenant au juge du fond. Dès lors, le seul fait de retenir que les demandeurs n’ont pas rapporté la preuve suffisante de leurs allégations, faisant naître des contestations sérieuses notamment au regard des arguments soulevés par les défendeurs, ne peut suffire à constituer un abus du droit d’agir.
Ainsi, il n’y a pas lieu au prononcé d’une amende civile. Il convient également de rejeter les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C], d’une part, et par la société [Localité 6] [H], d’autre part.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S], qui succombent, supporteront in solidum la charge des entiers dépens.
Il convient de condamner in solidum Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S], partie succombante, à payer à Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu de condamner in solidum Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S], à payer à la société [Localité 6] [H] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] seront déboutés de leurs demandes sur ce point.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, rendue par mise à disposition au greffe,
RECEVONS l’intervention forcée de la société [Localité 6] [H] par Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] ;
ORDONNONS la jonction des affaires enregistrées sous les numéros RG 24/657 et 24/758 sous le numéro unique 24/657 ;
DECLARONS irrecevable la demande en réintégration formulée à l’encontre de Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] ;
DISONS n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes de Monsieur [U] [E] [K] [S] et de la société [S] ;
DISONS n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile ;
REJETONS les demandes indemnitaires de Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C], d’une part, et de la société [Localité 6] [H], d’autre part ;
DEBOUTONS Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNONS in solidum Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] à payer à Monsieur [R] [C] et Madame [X] [N] [Y] [O] [C] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS in solidum Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] à payer à la société [Localité 6] [H] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETONS toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;
CONDAMNONS in solidum Monsieur [U] [E] [K] [S] et la société [S] aux dépens ;
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Et l’ordonnance est signée par la présidente et le greffier.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE