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25/07/2024 | FRANCE | N°11/00927

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Deuxième chambre civile, 25 juillet 2024, 11/00927


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

N° RG 11/00927 - N° Portalis DB3U-W-B63-GLME
53B

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
C/
[E] [Y]
[U] [W] épouse [Y]



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

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ORDONNANCE D’INCIDENT

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Ordonnance rendue le 25 juillet 2024 par Stéphanie CITRAY, Vice-Président, Juge de la mise en état de ce Tribunal, assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe le jour du délibérÃ

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Date des débats : 8 février 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2024, lequel a été prorogé au 25 juillet 20...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

N° RG 11/00927 - N° Portalis DB3U-W-B63-GLME
53B

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
C/
[E] [Y]
[U] [W] épouse [Y]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

--==00§00==--

ORDONNANCE D’INCIDENT

--==00§00==--

Ordonnance rendue le 25 juillet 2024 par Stéphanie CITRAY, Vice-Président, Juge de la mise en état de ce Tribunal, assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort, mise à disposition au greffe le jour du délibéré ;

Date des débats : 8 février 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2024, lequel a été prorogé au 25 juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (CIFD), immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 379 502 644 , dont le siège social est sis [Adresse 3], venant aux droits de CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE (CIFMED)

représentée par Me Paul BUISSON, avocat au barreau du Val d’Oise et assistée de Me Jean-François PUGET, avocat plaidant au barreau de Paris

DÉFENDEURS

Monsieur [E] [Y], né le [Date naissance 4] 1961 à [Localité 7] (80), demeurant [Adresse 2]

Madame [U] [W] épouse [Y], née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représentés par Me Bruno ADANI, avocat au barreau du Val d’Oise et assistés de Me Bertrand CAYROL, avocat plaidant au barreau de Paris

--==00§00==--

EXPOSE DU LITIGE

Faits constants

La société APOLLONIA, conseiller en gestion de patrimoine immobilier, a proposé à de nombreux particuliers des investissements immobiliers dans le cadre d’acquisitions destinées à la location avec d’importants avantages fiscaux.
Dans ce cadre, les époux [Y] ont souscrit deux crédits immobiliers le 13 mai 2008 auprès de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE, chacun d’un montant de 363.109 € au taux de 4,70% pour l’achat de deux appartements au sein d’un ensemble immobilier dénommé « [8] » au [Localité 6].
Le 3 septembre 2010, la déchéance du terme a été prononcée en raison d’impayés sur les deux prêts.
De nombreux emprunteurs se sont réunis en une association et ont porté plainte auprès du Procureur de la République du tribunal de grande instance de Marseille contre la société APOLLONIA. Une instruction a été ouverte pour escroquerie, faux et usage de faux. Elle a été clôturée et aucune infraction n’a été retenue contre la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE dans l’ordonnance du 15 avril 2022 de non-lieux partiels, de requalification et de renvoi devant le tribunal correctionnel.
La SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT (ci-après CIFD) vient aux droits de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE (ci-après CIFMED).

Procédure

La SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE, représentée par Me. BUISSON et aux droits de laquelle vient désormais la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, a fait assigner [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y] devant le Tribunal judiciaire de Pontoise par acte d'huissier du 18 novembre 2010 afin d’obtenir le paiement du solde d’un des crédits.
La procédure est enregistrée n° 11/927.

La SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE, représentée par Me. BUISSION et aux droits de laquelle vient désormais la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, a fait assigner [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y] devant le Tribunal judiciaire de Pontoise par acte d'huissier du 3 novembre 2011 afin d’obtenir le paiement du solde du second crédit.
La procédure est enregistrée n° 11/8152.

Dans les deux affaires, [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y] ont constitué avocat par l'intermédiaire de Me. ADANI.

Par deux ordonnances d’incident du 14 février 2012 et du 9 octobre 2012, le juge de la mise en état a sursis à statuer sur l’ensemble des demandes de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE dans les deux procédures 11/927 et 11/8152, dans l’attente de la décision pénale du tribunal de grande instance de Marseille.

Par ordonnance d’incident du 9 février 2023, le juge de la mise en état a :
ordonné la jonction des procédures RG 11/927 et RG 11/8152 sous la référence RG 11/927,ordonné la révocation du sursis à statuer rendu par ordonnances des 14 février 2012 et 9 octobre 2012,ordonné la reprise de l’instance au fond,débouté la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,réservé les dépens de l’incident.
Les époux [Y] ont fait signifier des conclusions d’incident.

L'audience d'incident a été fixée au 8 février 2024 et le délibéré au 28 mars 2024 et prorogé au 25 juillet 2024.

Prétentions et moyens des parties

1. En demande : [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y]

Par conclusions signifiées le 7 février 2024, [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y] sollicitent du juge de la mise en état qu’il :
principalement :
juge que l’assignation du CIFMED aux droits de laquelle vient le CIFD est connexe à l’assignation des époux [Y] devant le tribunal judiciaire de Marseille,se dessaisisse de l’assignation du CIFMED aux droits de laquelle vient le SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT au profit du tribunal judiciaire de Marseille,renvoie la présente procédure devant le tribunal judiciaire de Marseille,subsidiairement :
ordonne le sursis à statuer dans l'attente d’une décision définitive sur la demande de nullité du prêt formée par les époux [Y],en tout état de cause :
condamne le CIFD venant aux droits du CIFMED à leur verser une somme de 2.500 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de leur conseil.
Au soutien de leurs prétentions, ils rappellent qu’ils ont été victimes des agissements frauduleux de la société APOLLONIAdans le cadre d’un investissement immobilier sous le statut loueur de meublés professionnel et qu’ils se retrouvent endettés à hauteur de 4.630.079 € avec une impossibilité de financer les prêts par les loyers perçus.
Sur la connexité, ils invoquent l’article 101 du code de procédure civile et arguent qu’ils ont saisi le tribunal judiciaire de Marseille d’une action en responsabilité contre la banque et que le tribunal judiciaire de Pontoise est saisi d’une action en paiement par la banque contre eux, que l’identité de la nature de la demande n’est pas une condition de la connexité.
Ils rappellent que dans l’instance les opposant au CIFRAA, aux droits duquel vient aussi le CIFD, il a été fait droit à la connexité.
Ils indiquent qu’il existe un lien étroit entre les deux procédures, que le bien-fondé de l’action en paiement dépend de la régularité de l’acte de prêt dont est saisi le tribunal judiciaire de Marseille et la créance en dommages-intérêts à l’encontre du CIFD se compenserait avec sa créance au titre du remboursement du prêt.
Ils ajoutent que le tribunal judiciaire de Marseille est saisi de centaines de dossiers dans le contentieux APOLLONIA et qu’il est d’une bonne administration de la justice de juger tous ces dossiers ensemble afin d’apprécier le préjudice global de époux [Y] et leur endettement anormal et démesuré.
Subsidiairement, ils sollicitent le sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire de Marseille d’autant qu’ils concluent à la nullité du prêt.

2. En défense : la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

Par conclusions signifiées le 8 février 2024, la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT demande au tribunal judiciaire de Pontoise, par une décision assortie de l'exécution provisoire, de:
rejeter l’exception de connexité soulevée par les époux [Y],rejeter la demande de jonction de la présente procédure enregistrée RG 11/927 avec l’action en responsabilité engagée par le époux [Y] sous le RG 11/3716,rejeter la demande de dessaisissement de la juridiction de céans au profit du tribunal judiciaire de Marseille,déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer et, subsidiairement, débouter les époux [Y] de cette demande,en tout état de cause :
débouter les époux [Y] de leurs demandes,condamner les époux [Y] à une amende civile de 5.000 € par application de l’article 32-1 ndu code de procédure civile,condamenr les époux [Y] à lui verser une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,condamner les époux [Y] à lui verser une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de son conseil.
A l'appui de ses écritures, elle rappelle qu’elle n’a jamais été informée au moment de la conclusion du contrat de prêt de la situation d’endettement global des époux [Y] et que, suite à des impayés, la déchéance du terme a été prononcée le 3 septembre 2010. Elle précise que le groupe CIFD connaît des difficultés financières importantes et qu’il est nécessaire pour elle de recouvrir au plus vite ses créances d’autant que la déchéance du terme a été ononcée il y a plus de 13 ans.
Elle rappelle qu’elle n’a jamais été mise en examen dans le volet pénal de l’affaire APOLLONIA et qu’elle n’est pas renvoyée devant le tribunal correctionnel.
Sur la demande de connexité, elle fait valoir que le lien entre les deux affaires est mineur alors que l’objet des demandes est différent et que son action en paiement ne présente aucune difficulté sérieuse.
Sur la demande de sursis à statuer, elle soutient que le tribunal judiciaire de Marseille est saisi d’une action en responsabilité avec demande de dommages-intérêts et non d’une demande de nullité du prêt susceptible d’influencer le sort de la présente instance et que même en cas de nullité du prêt, les époux [Y] devraient rembourser le capital versé. Elle ajoute qu’elle fonde sa demande sur les actes de prêt et non sur les actes authentiques de prêt de telle sorte que l’incidence du pénal sur le civil n’est pas fondée.
Reconventionnellement, elle reproche aux époux [Y] de multiplier les incidents pour retarder l’issue de la présente instance et elle demande que leur attitude dilatoire soit sanctionnées par une amende civile et des dommages-intérêts pour procédure abusive.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le juge de la mise en état, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions signifiées des parties.

DISCUSSION

1. Sur la demande de connexité

En vertu de l'article 789 du code de procédure civile, "lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour :
statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge, […] ».

L’article 101 du code de procédure civile dispose que « s'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction ».

En l'espèce, le tribunal judiciaire de Pontoise est saisi par la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE aux droits de laquelle vient la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT d’une action en paiement du solde de deux contrats de crédit immobilier consentis à [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y] selon deux offres du 13 mai 2008, chacun pour un montant de 363.109 €, pour l’acquisition de biens dans une résidence de service à usage locatif au [Localité 6].
La déchéance du terme des deux contrats a été prononcée par la banque le 3 septembre 2010.

Parallèlement, les époux [Y] ont donné assignation à la société APOLLONIA et aux divers intervenants professionnels impliqués dans l’achat de biens immobiliers et leur financement dont la SA CIFMED aux droits de laquelle vient la CIFD, devant le tribunal judiciaire de Marseille aux fins de voir prononcer la nullité de la procuration donnée au notaire et de l’acte authentique relatif au prêt auprès de la CIFMED et d’être indemnisés de leurs préjudices.

La notion de connexité n’exige pas une identité d’objet et le fait que le tribunal judiciaire de Pontoise soit saisi d’une action en paiement et le tribunal judiciaire de Marseille d’une action en responsabilité de la banque n’exclut pas la connexité.
Les deux procédures se rapportent au même contrat de prêt et, pour une bonne administration de la justice, le débat sur l’action en paiement ne saurait être dissocié du débat sur la responsabilité de la banque d’autant que la nullité des actes authentiques relatifs aux prêts souscrits auprès de la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE est sollicitée devant le tribunal judiciaire de Marseille et susceptible d’avoir une incidence sur l’instance pendante devant le tribunal judiciaire de Pontoise.
Il est également important pour statuer d’avoir une vue d’ensemble des agissements de la société APOLLONIA et de l’ensemble des transactions immobilières souscrites par les époux [Y], les ayant conduits à une situation d’endettement personnel anormale.

Le lien de connexité est donc établi et il convient de faire droit à la demande de dessaisissement au profit du tribunal judiciaire de Marseille.

2. Sur les demandes reconventionnelles de la CIFD

La demande de connexité ayant été accueillie, l’attitude des époux [Y] n’est pas dilatoire et les demandes d’amende civile et de dommages-intérêts pour procédure abusive de la banque seront rejetées.

3. Sur les demandes accessoires et les dépens

En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, chaque partie supportera ses propres dépens.

Les circonstances de la cause commandent également de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

En vertu des articles 514 et suivants du code de procédure civile, l'exécution provisoire est nécessaire compte tenu de l’ancienneté de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Se dessaisit au profit du tribunal judiciaire de Marseille, en raison du lien de connexité entre les instances opposant la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y],Déboute [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y], d’une part, et la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, d’autre part, de leur demande respective au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement, Laisse à [E] [Y] et [U] [W] épouse [Y], d’une part, et la SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, d’autre part, la charge de leurs propres dépens.
Fait à Pontoise, le 25 juillet 2024

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Emmanuelle MAGDALOU Stéphanie CITRAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Deuxième chambre civile
Numéro d'arrêt : 11/00927
Date de la décision : 25/07/2024
Sens de l'arrêt : Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-25;11.00927 ?
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