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15/07/2024 | FRANCE | N°22/04227

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Deuxième chambre civile, 15 juillet 2024, 22/04227


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

15 Juillet 2024

N° RG 22/04227 - N° Portalis DB3U-W-B7G-MUVS
Code NAC : 50G

[O] [F] [D]
C/
[H] [W]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier a rendu le 15 juillet 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, Vice-Présidente
Madame PERRET, Juge
Monsieur BARUCQ, Magistra

t à titre temporaire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 27 Mai 2024 devant Charles BARUCQ, ...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

15 Juillet 2024

N° RG 22/04227 - N° Portalis DB3U-W-B7G-MUVS
Code NAC : 50G

[O] [F] [D]
C/
[H] [W]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier a rendu le 15 juillet 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, Vice-Présidente
Madame PERRET, Juge
Monsieur BARUCQ, Magistrat à titre temporaire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 27 Mai 2024 devant Charles BARUCQ, siégeant en qualité de Juge Rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la Chambre en délibéré. L’affaire a été mise en délibéré au 1er juillet 2024 lequel a été prorogé à ce jour. Le jugement a été rédigé par Violaine PERRET.

--==o0§0o==--

DEMANDEUR

Monsieur [O] [F] [D], né le 25 Mars 1987 à [Localité 5], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Marc FLACELIERE, avocat au barreau du Val d’Oise et assisté de Me Ahmed HARIR, avocat plaidant au barreau des Ardennes

DÉFENDEUR

Monsieur [H] [W], né le 17 Février 1970 à [Localité 4] , demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Mathieu LARGILLIERE, avocat au barreau du Val d’Oise

--==o0§0o==--

EXPOSE DU LITIGE

Faits :

Par compromis de vente sous seing privé en date du 26 mai 2020, Monsieur [O] [F] [D] a vendu à Monsieur [H] [W] un immeuble sis [Adresse 1] pour un prix de 148 000 euros, ce dernier souhaitant investir dans l’immobilier locatif.

L’immeuble se compose de trois appartements loués à trois locataires différents au moment du compromis.

La vente a été conclue sous la condition suspensive d’obtention d’un crédit immobilier avant le 30 juin 2020, la réitération par acte authentique devant intervenir le 3 juillet 2020.

Par plusieurs avenants, les parties ont, en dernier lieu, prorogé le délai d’obtention du prêt au 2 octobre 2020 et la durée de validité du compromis au 20 octobre 2020.

Au 20 octobre 2020 Monsieur [H] [W] n’a pas obtenu son financement, attribuant cet état de fait à la crise COVID et ses conséquences.

Par nouveau compromis de vente sous seing privé du 29 janvier 2021, le même vente a eu lieu entre les mêmes parties, sur le même bien moyennant le même prix.

Le financement a reposé exclusivement au moyen de deniers personnels de l’acquéreur sans condition suspensive d’obtention de prêt, Monsieur [H] [W] disant avoir obtenu un accord de principe de son établissement financier. Aucune mention à cet accord ou à un prêt n’est faite dans l’acte.

La réitération de la vente par acte authentique devait intervenir au plus tard le 31 mars 2021 et un dépôt de garantie de 14 800 euros devait être versé par l’acquéreur au plus tard le 20 février 2021. En effet, sans clause suspensive d’obtention de prêt, le vendeur indique avoir voulu s’assurer du sérieux de l’acquéreur.

Le notaire instrumentaire a adressé une lettre recommandée avec avis de réception à Monsieur [H] [W] le 19 avril 2021, le mettant en demeure de régulariser la vente au plus tard le 7 mai 2021 et rappelant que le dépôt de garantie n’avait pas été versé dans le délai imparti.

Selon Monsieur [H] [W], la crise sanitaire ne lui a pas permis de se rapprocher de son établissement bancaire notamment en raison des restrictions et ce délai était trop bref en raison du confinement et du couvre-feu toujours en place.

Un projet d’avenant a été établi pour proroger le délai de validité du compromis au 21 mai 2021. Des échanges notariés ont eu lieu pour modifier la date de rendez-vous, Monsieur [H] [W] se disant indisponible à cette date.

C’est ainsi que le vendeur, vu le temps d’immobilisation de son bien, a refusé ce changement et a notifié ce refus par courrier du 19 mai 2021 notamment en raison de l’absence de versement du dépôt de garantie. Monsieur [H] [W] précise qu’il avait les fonds au 31 mars 2021 et avait pu créer sa SCI au 1er mars 2021.

Procédure :

Par acte d’huissiers du 29 juillet 2022, Monsieur [O] [F] [D] a donné assignation à Monsieur [H] [W] (remis en étude) devant le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins de constater que les conditions suspensives du compromis de vente du 29 janvier 2021 sont réalisées et que le refus de réitération de Monsieur [H] [W] est injustifié et le voir condamner à verser la clause pénale ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par conclusions notifiées par voie électronique du 13 décembre 2023, Monsieur [O] [F] [D] demande au tribunal judiciaire de Pontoise de :
- vu les articles 1103 et 1231-5 du code civil,
- dire et juger que les conditions suspensives stipulées au compromis de vente régularisé le 29 janvier 2021 sont réalisées mais que Monsieur [H] [W] a refusé la réitération de la vente par acte authentique ;
par conséquent,
- condamner Monsieur [H] [W] à payer à Monsieur [O] [F] [D] la somme de 14 800 à titre de clause pénale ;
- condamner Monsieur [H] [W] à payer à Monsieur [O] [F] [D] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;
- condamner Monsieur [H] [W] à payer à Monsieur [O] [F] [D] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [H] [W] aux entiers dépens,
- débouter Monsieur [H] [W] de l’ensemble de ses demandes.

Au soutien de ses prétentions Monsieurs [O] [F] [D] rappelle que les conditions suspensives prévues à l’acte du 29 janvier 2021 ont été régularisées et que Monsieur [H] [W], qui n’a pas régularisé l’acte authentique, doit donc être condamné à verser le montant de la clause pénale de 14 800 euros.
Il précise qu’il n’existe pas de clause suspensive d’obtention de prêt “implicite” et que l’acquéreur ne rapporte pas la preuve d’un accord de principe de sa banque. Il pointe le fait que le courrier de l’acquéreur du 26 avril 2021 ne fait nullement état d’une impossibilité à se rendre à son établissement bancaire comme il le prétend désormais dans ses écritures, les démarches s’effectuant à distance. Même le notaire de Monsieur [W] lui a rappelé que les conditions de l’acte étaient réunies et que le vendeur pourrait forcer la vente. Monsieur [H] [W] n’a eu de cesse de repousser la vente pour des motifs inopérants et c’est lui a refusé de réitérer la vente au 21 mai 2021 sous prétexte d’une indisponibilité. Il n’a jamais versé le dépôt de garantie et il est clair qu’il n’a jamais eu le financement nécessaire.
Le vendeur rappelle que toutes les conditions étaient réunies, l’acquéreur ayant fait le choix d’un compromis sans condition suspensive d’obtention de prêt, la vente aurait dû être conclue plus rapidement, or le bien a été immobilisé plus d’un an. En outre, le dernier avenant de prorogation n’a pas été régularisé, la date de régularisation restant le 31 mars 2021, date dépassée. Le fait que, postérieurement, le vendeur ait pu vendre son bien plus cher de 17 000 euros est inopérant dans la mesure où le préjudice réside dans la durée d’immobilisation du bien pendant plus d’un an outre un préjudice moral de devoir accomplir de nombreuses démarches n’ayant finalement pas abouti. A la demande de l’acquéreur, le vendeur a d’ailleurs fait réaliser des travaux tel que pose d’interphone, reprise des peintures, réfection de la cage d’escalier, ce qui a donné une plus-value à l’immeuble.
Enfin, la pièce adverse de dernière minute dite “attestation UBS en date du 31 mars 2021" ne saurait faire foi n’étant pas une attestation, n’étant pas signé ni tamponné et étant daté du 17 mars 2023, s’agissant ainsi d’un pur document de complaisance. En outre, s’il avait bien les fonds, il a refusé de réitérer la vente dans le délai. Il n’a informé ni le vendeur ni le notaire qu’il disposait des fonds et dans ses écritures antérieures, il n’en fait pas non plus état, insistant sur la crise COVID qui l’aurait empêché de faire les démarches d’obtention des fonds.
En outre, le vendeur sollicite une indemnisation pour résistance abusive, l’acquéreur n’ayant de cesse d’invoquer des motifs multiples pour retarder encore et toujours les délais et immobiliser ainsi le bien pendant plus d’un an.
Bien sûr, Monsieur [O] [F] [D] s’oppose aux demandes reconventionnelles de Monsieur [H] [W], rappelant qu’il est le seul responsable du défaut de réitération de l’acte.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2023, Monsieur [H] [W] demande au tribunal judiciaire de Pontoise de :
- vu les articles 1103, 1304-3 du code civil,
- rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
A titre principal,
- débouter Monsieur [O] [F] [D] de l’intégralité de ses demandes,
A TITRE RECONVENTIONNEL,
- condamner Monsieur [O] [F] [D] à verser la somme de 14 800 euros au titre de la pénalité contractuelle à Monsieur [W],
En tout état de cause,
- condamner Monsieur [O] [F] [D] à verser la somme de 3 500 euros à Monsieur [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [O] [F] [D] aux entiers dépens,
- rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [H] [W] dénie sa responsabilité dans l’absence de réalisation de la vente. Il évoque que la clause de séquestre, permettant au vendeur, si bon lui semble de considérer le compromis comme caduc en cas de non versement de la somme par l’acquéreur à la date prévue est une condition purement potestative et que la pénalité ne saurait être exigée. Il précise qu’il disposait des fonds au 31 mars 2021, le virement lui ayant été fait par sa banque. En second lieu, Monsieur [H] [W] estime que Monsieur [O] [F] s’est désisté de la vente avant la date prévue et la mise en demeure du 19 avril 2021 de régularisation pour le 7 mai 2021 ne pouvait trouver application en raison de l’interdiction de se déplacer constitutive d’un cas de force majeure. Un accord de prorogation a eu lieu, aucun procès-verbal de difficultés n’a été dressé devant notaire de sorte que l’acquéreur n’est pas responsable de la non réitération et ne peut être condamné au paiement de la clause pénale.
Monsieur [H] [W] soutient encore que le vendeur n’a subi aucun préjudice ayant vendu son bien 6 mois plus tard plus cher. Il prétend que cette vente était déjà en négociations lorsque Monsieur [O] [F] s’est désengagé et sollicite la production du contrat et des avants-contrats de vente.
Reconventionnellement, estimant que le vendeur n’a pas respecté son engagement de vendre son bien alors que l’acquéreur avait les fonds et qu’il suffisait de fixer une nouvelle date est fautif et qu’à ce titre, il a droit au paiement de la somme de 14 800 euros représentant le montant de la clause pénale.

Pour plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, le tribunal renvoie à l’assignation et aux conclusions susvisées, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 13 mai 2024, l'audience de plaidoiries s'est tenue le 27 mai 2024, et les conseils des parties ont été informés que le jugement sera mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, le 1 juillet 2024, date prorogée au 15 juillet 2021.

MOTIVATION

1/ non respect par l’acquéreur du compromis du 29 janvier 2021

- conditions suspensives levées :

Aux termes de l’article 1304-3 du code civil : “ La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.
La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt.”

En l’espèce, alors que le contrat conclu entre les mêmes parties sur le même bien le 26 mai 2020 prévoyait expressément une condition suspensive pour l’obtention d’un prêt devant servir à financer le bien et malgré les prorogations successives jusqu’au 20 octobre 2020, ce contrat n’a pu aboutir faute de financement obtenu dans les délais impartis et prorogés à de multiples reprises.

Les parties ont donc décidé de conclure un nouveau contrat le 29 janvier 2021 pour le même prix et le même bien mais avec un financement entièrement réalisé à l’aide de fonds personnels, l’attention de l’acquéreur ayant été particulièrement attirée sur les conséquences de cette absence de clause et notamment en page 7 :
“L’acquéreur, pour satisfaire aux prescriptions de l’article L.313-40 du code de la consommation, déclare ne vouloir recourir à aucun prêt pour le paiement, en tout ou partie, du prix de cette acquisition.
Si, contrairement à cette déclaration, il avait néanmoins recours à un tel prêt, il reconnaît avoir été informé qu’il ne pourrait, en aucun cas, se prévaloir de la condition suspensive prévue à l’article L.313-41 du code de la consommation.
En conséquence, l’acquéreur porte aux présentes, sous la forme manuscrite la mention suivante prévue ) l’article L.313-42 du code de la consommation :
“Je reconnais avoir été informé que si , contrairement aux indications portées dans le présent acte, j’ai besoin de recourir néanmoins à un prêt, je ne pourrai me prévaloir du statut protecteur institué par l’article L313-41 du code de la consommation.”“

Bien que cette mention n’ait pas été retranscrite de manière manuscrite, l’acte ayant été signé par procurations pour les deux parties, celle clause claire et visible n’a pu être ignorée de l’acquéreur surtout juste après avoir conclu un contrat qui avait échoué en raison de l’absence de financement. L’acquéreur a pris un risque qu’il a accepté, en signant un tel contrat. Il ne peut donc pas soutenir que cette clause suspensive d’obtention d’un prêt aurait été “implicite”. Il n’existe pas de clause suspensive d’obtention de prêt au contrat du 29 janvier 2021.

Or, il résulte de l’acte même que toutes les conditions suspensives ou obstacles à la vente étaient levées même dès le précédent acte :
- note de renseignements d’urbanisme délivrée le 16 mars 2020,
- courrier de la commune du 22 avril 2020 renonçant à son droit de préemption urbain,
- diagnostics réalisés.

En conséquence, la réitération de l’acte aurait dû avoir lieu avant le 31 mars 2021 comme prévu au contrat, l’avenant de prorogation au 21 mai 2021 n’ayant pas été signé par les parties et n’étant donc pas en vigueur.

Toutes les conditions étaient réunies pour la réitération qui n’a pas eu lieu en raison de la défaillance de l’acquéreur.

- absence de fonds de l’acquéreur :

La réitération devait avoir lieu au plus tard le 31 mars 2021 faute de signature de l’avenant de prorogation de délai, ce qui n’a pas été le cas. L’acquéreur n’a eu de cesse, comme lors du premier contrat de solliciter encore et encore des prorogations de délais. La réalité est qu’il n’a jamais disposé des fonds et malgré les termes du contrat et le risque pris, n’a pas pu obtenir le financement escompté.

La pièce n°10 annoncée par Monsieur [H] [W] ne figure pas à son dossier de plaidoiries.

Quand bien même, il résulte de nombreuses autres pièces qu’il n’a jamais disposé des fonds en temps utiles :
- il reconnaît lui-même qu’il avait besoin d’un crédit pour pouvoir acquérir le bien, contrairement au contrat conclu en connaissance de cause, notamment en raison de l’ancien contrat qui n’avait pas pu aboutir pour les mêmes raisons. Ainsi, il n’a jamais disposé des fonds personnels nécessaires à l’acquisition contrairement à son engagement.
- il n’a produit à la présente procédure l’accord de principe dont il était censé disposer au moment de la conclusion du 2d compromis du 29 janvier 2021,
- il résulte des termes de son mail du 14 mai 2021 qu’il ne disposait pas des fonds, voire de l’accord de la banque, devant interroger sa banquière sur la validité du compromis non prorogé et dont les délais étaient dépassés. Sous ce prétexte, l’acquéreur voulait encore repousser la date du compromis.
- par mail du 17 mai 2021, le notaire de Monsieur [H] [W] lui rappelait que toutes les dates du compromis étaient dépassées. Il évoque des prétendues demandes de la banque, inexistantes au dossier, ce qui sous-entend qu’à cette date, les fonds n’étaient pas encore disponibles voire l’accord non encore donné ;
- ce n’est que par mail du 25 mai 2021, soit après la dernière date tolérée pour un rendez-vous de réitération au 21 mai 2021 que le notaire de l’acquéreur indiquait que Monsieur [H] [W] avait les fonds disponibles pour la vente. C’est pour cela que l’acquéreur avait encore voulu retarder la vente et non pour une prétendue indisponibilité au 21 mai 2021.
- dans son mail du 28 mai 2021 retraçant l’historique du dossier selon lui, Monsieur [H] [W] précise bien qu’il avait réuni l’intégralité des fonds seulement le 25 mars 2021 en contradiction avec ce que son notaire a annoncé par mail du 25 mai 2021. D’ailleurs dans son mail du 26 avril 2021, il indique d’une part que sa banque avait fermé en raison du COVID, ce qui sous-entend qu’il n’avait ni accord, ni fonds puis que sa nouvelle banque (le Crédit Agricole) avait souhaité financé le bien, le dossier ayant pris du retard, ce qui là encore sous-entend à la fois l’absence d’accord et l’absence des fonds via une banque au 26 avril 2021. En outre, la pièce 10 manquante évoque encore un autre établissement bancaire dont il n’a pas fait mention auparavant.

Il en résulte bien qu’il n’a eu éventuellement l’accord de prêt et la possibilité de virement au plus tôt au 25 mai 2021 soit bien trop tard eu égard aux délais du compromis de vente. L’acquéreur n’a jamais eu les fonds dans le délai imparti, étant à nouveau précisé qu’en l’espèce il n’existe pas de clause suspensive d’obtention de prêt et encore moins “implicite”, de sorte qu’en ne respectant pas les délais il est en tort. C’est d’ailleurs bien lui qui a sans cesse cherché à repousser la date de signature sous divers prétextes.

A ce titre, la crise COVID, si elle a pu ralentir certaines opérations n’est pas constitutive de force majeure sur une période aussi longue dans la mesure où tout fonctionnait parfaitement à distance, les compromis ayant été signés par procuration et les échanges étant nombreux par mails.

En conséquence, la réitération n’a pas pu avoir lieu par la faute de l’acquéreur qui ne s’est pas assuré d’avoir les fonds en temps utiles, ayant accepté le risque en signant un compromis sans clause suspensive d’obtention de prêt alors qu’il avait besoin d’en avoir un pour financer le bien.

Ses changements constants de date sont fautifs, le vendeur ayant fait preuve de patience à ce titre malgré l’absence de signature d’une quelconque prorogation.

- pénalité prévue / absence de versement du séquestre :

Lors du compromis échoué du 26 mai 2020, il était déjà prévu que 18 000 euros permettant le paiement du prix, étaient des fonds personnels. Si la pénalité de 14 800 euros était également déjà prévue et arrêtée, aucun dépôt de garantie n’avait été versé en accord avec les parties.

C’est pourquoi, lors du 2d acte du 29 janvier 2021 dont le financement est entièrement assuré par des fonds personnels, la pénalité est maintenue en ces termes :
“ Stipulation de pénalité
Au cas où, toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes seraient remplies, et dans l’hypothèse où l’une des parties de régulariseraient pas l’acte authentique ne satisfaisant pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre partie la somme de QUATORZE MILLE HUIT CENTS EUROS (14 800,00 EUR) soit 10% de la somme à titre de dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil.
Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, il peut également la diminuer si l’encagement a été exécuté en partie.
Sauf inexécution définitive, la peine n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
La présente stipulation de pénalité ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l’autre en exécution de la vente.”

La réitération devait donc avoir lieu au 31 mars 2021 comme prévu sauf que l’acquéreur n’avait pas les fonds et ne les avait toujours pas 2 mois plus tard.

En outre, l’acquéreur n’a pas non plus respecté la clause de séquestre qui prévoit :
“ L’acquéreur déposera au moyen d’un virement bancaire et au plus tard le 20 février 2021, et ce à tire de dépôt de garantie entre les mains de Maître [S] [M], dont les références bancaires sont voir ci-dessus paragraphe réalisation du financement, qui est constitué séquestre dans les termes des articles 1956 et suivants du code civil, une somme de QUATORZE MILLE HUIT CENTS EUROS (14 800,00 EUR).
En cas de non versement de cette somme à la date convenue, les présentes seront considérées comme caduques et non avenues si bon semble au VENDEUR.
Cette somme, qui ne sera pas productive d’intérêts, restera au compte du tiers convenu jusqu’à la réitération par acte authentique”.

En l’espèce, le vendeur s’est prévalu de cette clause, l’acquéreur n’ayant jamais versé cette somme destinée à garantir la pénalité, et ce à bon droit.

Il est inexact de prétendre, comme le fait l’acquéreur que cette clause serait purement potestative au visa de l’article 134-2 du code civil et au seul bon vouloir du vendeur. En effet, si l’acquéreur verse le séquestre comme convenu, le vendeur ne peut se prévaloir de la clause, de sorte qu’elle ne dépend pas entièrement de lui et de sa volonté. Là encore, l’acquéreur est en tort de ne pas avoir versé ce séquestre dans le délai prévu (20 février 2021) et le vendeur peut tout à fait se prévaloir de cette clause non respectée pour dire le compromis caduc et solliciter le versement de la clause pénale.

En conséquence, la non réitération de la vente est entièrement imputable à l’acquéreur qui n’a pas versé le séquestre dû dans le délai imparti et n’a pas eu les fonds nécessaires aux dates prévues. Il ne sera donc pas fait droit aux demandes de ce dernier.

2/ conséquences financières :

- la clause pénale :

“ Stipulation de pénalité
Au cas où, toutes les conditions relatives à l’exécution des présentes seraient remplies, et dans l’hypothèse où l’une des parties de régulariseraient pas l’acte authentique ne satisfaisant pas ainsi aux obligations alors exigibles, elle devra verser à l’autre partie la somme de QUATORZE MILLE HUIT CENTS EUROS (14 800,00 EUR) soit 10% de la somme à titre de dommages-intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1231-5 du code civil.
Le juge peut modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire, il peut également la diminuer si l’encagement a été exécuté en partie.
Sauf inexécution définitive, la peine n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure.
La présente stipulation de pénalité ne peut priver, dans la même hypothèse, chacune des parties de la possibilité de poursuivre l’autre en exécution de la vente.”

En l’espèce, le vendeur a déjà fait preuve de patience et de compréhension lors du premier acte, acceptant plusieurs prorogations. Lors du second, il a été prévu une prorogation finalement non signée mais démontrant encore la patience du vendeur.

Le 19 avril 2021, les délais étant expirés, le notaire du vendeur mettait en demeure l’acquéreur de procéder à la réitération de l’acte pour le 7 mai 2021 et de verser le séquestre convenu le plus rapidement possible.
Le 26 avril, l’acquéreur répondait en s’excusant de son retard qu’il imputait à la crise sanitaire sans donner de date. Après des échanges, une date de signature était arrêtée au 21 mai 2021. Puis, l’acquéreur a encore voulu la repousser entre le 10 ou le 15 juin. Las, le vendeur a refusé ce nouveau délai et s’est prévalu de l’absence de séquestre pour considérer la vente caduque et solliciter le paiement de la somme de 14 800 euros par courrier d’avocat du 01 juillet 2021 valant mise en demeure de paiement et par courrier de sa part du 19 mai 2021 à effet du 21 mai 2021.

En conséquence, le vendeur est fondé à solliciter la condamnation de Monsieur [H] [W] au paiement de la clause pénale.

Le fait que Monsieur [O] [F] [D] ait pu vendre son bien quelques mois après et plus cher est indifférent, l’immobilisation ayant duré 6 mois, voire un an si on prend en compte le premier compromis qui a échoué faute de prêt.
En revanche, les travaux n’ont pas été effectués à la demande de l’acquéreur, les factures datant du 18 août 2021 soit postérieurement au compromis signé entre le vendeur et de nouveaux acquéreurs le 15 juin 2021, la plus-value sur le bien étant postérieure au présent litige et ne concernant pas Monsieur [H] [W]

Compte tenu de la durée, de la patience du vendeur, des fautes de l’acquéreur, il convient donc de condamner ce dernier au versement de la totalité de la stipulation pénale contractuellement prévue.

- la résistance abusive :

Selon les dispositions de l’article 1240 du code civil : “ Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

En l’espèce, Monsieur [O] [F] [D] sollicite la somme de 8 000 euros pour la résistance abusive de l’acquéreur ayant contraint à l’immobilisation de son bien pendant de longs mois.
Or, s’il est vrai que Monsieur [H] [W] se contredit entre ses écritures et ses mails, a sans cesse retardé la vente et ne démontre pas ses démarches auprès des organismes bancaires, il n’en demeure pas mois que l’intention de nuire n’est pas démontrée et le préjudice lié à l’immobilisation du bien tout à fait compensé par l’attribution de la clause pénale dans son entièreté.

Ainsi, il ne sera pas fait droit à cette demande.

3/ Sur les mesures de fin de jugement

Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, Monsieur [H] [W] succombe à l’instance et sera condamné aux dépens,

Sur les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer 1° à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, Monsieur [H] [W], partie condamnée aux dépens, sera condamné à payer à Monsieur [O] [F] [D] une somme qu’il est équitable de fixer à 3 000 euros.

Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

CONDAMNE Monsieur [H] [W] à verser à Monsieur [O] [F] [D] la somme de 14 800 euros à titre de clause pénale prévue au contrat,

CONDAMNE Monsieur [H] [W] à payer à Monsieur [O] [F] [D] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE les parties de leurs prétentions plus amples ou contraires,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire,

CONDAMNE Monsieur [H] [W] aux entiers dépens

Ainsi jugé le 15 juillet 2024, et signé par le président et le greffier.

Le greffier Le président

Emmanuelle MAGDALOU Stéphanie CITRAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Deuxième chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04227
Date de la décision : 15/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-15;22.04227 ?
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