La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2024 | FRANCE | N°23/02983

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Deuxième chambre civile, 08 juillet 2024, 23/02983


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

08 Juillet 2024

N° RG 23/02983 - N° Portalis DB3U-W-B7H-NB4A
Code NAC : 62B

[N] [O]
C/
[K] [V] épouse [L]
[T] [L]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier a rendu le 08 juillet 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, Vice-Présidente
Madame ROCOFFORT, Vice-Prési

dente
Madame PERRET, Juge

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 22 Avril 2024 devant Violaine PE...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

08 Juillet 2024

N° RG 23/02983 - N° Portalis DB3U-W-B7H-NB4A
Code NAC : 62B

[N] [O]
C/
[K] [V] épouse [L]
[T] [L]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier a rendu le 08 juillet 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, Vice-Présidente
Madame ROCOFFORT, Vice-Présidente
Madame PERRET, Juge

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 22 Avril 2024 devant Violaine PERRET, siégeant en qualité de Juge Rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la Chambre en délibéré. L’affaire a été mise en délibéré au 3 juin 2024, lequel a été prorogé à ce jour. Le jugement a été rédigé par Stéphanie CITRAY.

--==o0§0o==--

DEMANDERESSE

Madame [N] [O], née le [Date naissance 4]1995 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Eric AZOULAY, avocat au barreau du Val d’Oise

DÉFENDEURS

Madame [K] [V] épouse [L], née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

Monsieur [T] [L], né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9], demeurant [Adresse 3]

représentés par Me Fanny COUTURIER, avocat au barreau du Val d’Oise et assistés de Me Vincent VILCHIEN, avocat plaidant au barreau de Paris

--==o0§0o==--
EXPOSE DU LITIGE

Faits constants

Par acte authentique reçu le 17 janvier 2022, [N] [O] a acquis un appartement formant le lot n°2 d’une copropriété sise [Adresse 5] à [Localité 8], moyennant la somme de 98.500 €.
Elle a dénoncé une forte humidité dans les murs et sur le sol peu après son acquisition.

Procédure

[N] [O], représentée par Me. Eric AZOULAY, a fait assigner [K] [V] épouse [L] et [T] [L] devant le tribunal judiciaire de Pontoise par acte d'huissier du 16 mai 2023 aux fins de remboursement des travaux réalisés pour remédier à l’humidité de l’appartement.

[K] [V] épouse [L] et [T] [L] ont constitué avocat par l'intermédiaire de Me. Fanny COUTURIER.

La mise en état a été clôturée par ordonnance du 28 mars 2024 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 22 avril 2024. Le délibéré a été fixé au 3 juin 20243 et prorogé au 8 juillet 2024.

Prétentions et moyens des parties

1. En demande : [N] [O]

Par conclusions signifiées le 26 mars 2024, [N] [O] sollicite, par une décision assortie de l'exécution provisoire, la condamnation de [K] [V] épouse [L] et et [T] [L] à lui verser les sommes suivantes :
10.237,50 € au titre des travaux réparatoires,3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle argue qu’elle a découvert une importante humidité dans les sols et les murs de l’appartement acquis, qu’elle a fait constater les désordres par un huissier dès le 23 février 2022 et qu’une expertise amiable réalisée par l’intermédiaire de son assureur a conclu à l’existence de remontées capillaires du fait de la pose collée du doublage directement sur le mur de pierre particulièrement humide (taux d’humidité à saturation).
Elle fait valoir que les travaux réparatoires ont été chiffrés à la somme de 4.237,50 € et l’installation d’une barrière d’étanchéité à la somme de 6.000 €.
Elle se prévaut de divers fondements juridiques : le manquement des vendeurs à leur obligation précontractuelle d’information, le défaut de délivrance conforme, la garantie des vices cachés et la responsabilité du constructeur au titre de l’article 1792 du code civil.
Elle ajoute que [T] [L] était présent lors de la réunion d’expertise, que le rapport est donc opposable aux défendeurs et que la discussion contradictoire est possible au cours de la présente instance.
Elle reproche aux vendeurs d’avoir réalisé des travaux dans l’appartement litigieux avant la vente et indique que les traces d’infiltrations n’étaient visibles que dans la cuisine et la salle de bain mais pas dans les autres pièces et qu’elle n’avait pas prévu de travaux dans la pièce de vie qui a dû être intégralement refaite. Elle considère également que les vendeurs sont de mauvaise foi, qu’ils avaient connaissance des désordres, que ceux-ci s’apparentent à un défaut de délivrance conforme et que [T] [L] ayant reconnu avoir lui-même réalisé le doublage des murs, il est réputé constructeur.
Sur le défaut d’information pré-contractuelle, elle expose que si elle avait eu connaissance des infiltrations, elle n’aurait pas acquis le bien ou aurait négocié le prix.

2. En défense : [K] [V] épouse [L] et [T] [L]

Par conclusions signifiées le 12 février 2024, [K] [V] épouse [L] et [T] [L] demandent au tribunal, par une décision assortie de l'exécution provisoire, de :
débouter [N] [O] de l’intégralité de ses demandes,condamner [N] [O] à leur verser une somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
A l'appui de leurs écritures, concernant la garantie des vices cachés, ils se prévalent de la clause d’exclusion de cette garantie dans l’acte de vente et rappellent que [N] [O] a pris le bien en l’état, que les traces d’infiltrations étaient apparentes comme le démontrent les photographies de l’agence immobilière produites aux débats par [N] [O] et l’état des lieux de sortie de leur locataire quelques mois avant qui était annexé à l’acte, qu’ils n’ont nullement caché l’état de l’appartement et n’ont réalisé aucune travaux de nature à masquer ces infiltrations.
Concernant l’information pré-contractuelle, ils font valoir que l’acte notarié reprend l’historique de l’appartement notamment l’arrêté de péril pris en 2003 et le dégât des eaux de 2018 et que [N] [O] était donc en possession de toutes les informations lorsque la vente a été réitérée.

Ils contestent également être réputés constructeurs-vendeurs s’agissant de simples travaux de doublage des murs pour lesquels la jurisprudence de la Cour de cassation ne retient pas l’application de l’article 1792 du code civil.
Ils arguent que [N] [O] ne produit que des éléments de preuve postérieurs au début des travaux réalisés dans l’appartement après la vente, que le constat d’huissier démontre que les travaux étaient déjà en cours au niveau des murs et des sols de l’appartement qui sont mis à nu, que les travaux ayant été réalisés, il n’est plus possible de réaliser une expertise judiciaire et de déterminer précisément les causes des infiltrations et de l’humidité alors que le rapport d’expertise amiable ne leur a pas été transmis, qu’ils n’ont pas pu en contester les conclusions et que les désordres pourraient avoir pour origine un sinistre postérieur à la vente.
Enfin, ils affirment que le bien vendu est conforme à la description contractuelle qui en a été faite et que [N] [O] confond défaut de conformité et vice caché.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, le Tribunal, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions signifiées des parties.

DISCUSSION

1. Sur le manquement à l’obligation précontractuelle

L’article 1112-1 du code civil dispose que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en onformer dès lorls que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la luidevait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

En l’espèce, d’une part, [N] [O] n’établit pas que les époux [L] avaient connaissance des remontées capillaires et qu’ils lui auraient caché cette information.
D’autre part, les désordres antérieurs que le bien a subi ont été portés à sa connaissance et figurent expressément dans l’acte notarié notamment :
un dégât des eaux qui a justifié un arrêté de péril le 23 juillet 2003 levé par arrêté du 6 novembre 2011une procédure relative à la présence de mérule suite à la vente de 1993,le sinistre de 2018 relatif à l’écoulement des évacuations d’eaux.Enfin, l’état des lieux de sortie du dernier locataire parti le 9 mars 2023 assorti de nombreuses photographies est également en annexe de l’acte de vente et des traces d’infiltrations sont relevées et visibles sur les photographies, dans la cuisine et la salle de bain mais aussi sur certains murs de la pièce de vie (craquelures et cloques sur le mur près de la salle de bain, peinture craquelée tout le long du mur vers la porte de la salle de bain, craquelures le long du mur de gauche, craquelures autour de la lumière du plafond et sur l’angle avec le mur de droite.

Dans ces conditions, aucun manquement des époux [L] à leur obligation pré-contractuelle d’information n’est établie.
Ce moyen est écarté.

2. Sur le défaut de conformité

En vertu des articles 1604 et suivants du code civil, le vendeur doit délivrer une chose conforme aux stipulations contractuelles.

En l’espèce, le bien vendu par les époux [L] correspond à la description qui en a été faite dans l’acte notarié et les désordres que dénoncent [N] [O] relèvent en réalité de la garantie des vices cachés et non du défaut de conformité.

Ce moyen sera écarté.

3. Sur la garantie des vices cachés

En vertu de l'article 1641 du Code civil, "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui en diminue tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus".
L'article 1642 précise que "'le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même".
L'article 1643 dispose que le vendeur "est tenu des vices cachés quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie". Une clause d'exclusion de la garantie des vices cachés est inefficace lorsque le vendeur a manqué à son obligation d'information, lorsqu'il est de mauvaise foi ou lorsqu'il s'agit d'un professionnel.
Par application de l'article 1645, "si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages-intérêts envers l'acheteur".

En l'espèce, il est inséré dans l'acte de vente du 17 janvier 2022 une clause d'exonération de garantie des vices cachés envers l'acquéreur selon laquelle ce dernier « prend le bien vendu dans l’état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit et notamment en raison :
des vices apparents,des vices cachés et ce par dérogation aux dispositions de l’article 1643 du code civil » ;Dès lors il appartient à [N] [O] qui se prévaut de la garantie des vices cachés due par les vendeurs, d'établir leur mauvaise foi.

Il ressort du constat de l’huissier qu’une humidité importante est relevée.
L’expert amiable a relevé un taux d’humidité à saturation sur le mur en pierres en partie basse, derrière les doublages. L’humidité affectant les murs et le sol de l’immeuble sont inhérents à ce dernier. Il s’agit en effet d’un immeuble ancien de construction traditionnelle. L’humidité sur certains murs est due au fait que le doublage est collé au mur et l’humidité au sol est due au contact de ce dernier avec la terre. Il s’agit de remontées capillaires.
Les désordres sont donc bien réels.
Cependant, d’une part, il ne s’agit pas de vices cachés puisque des traces d’infiltrations étaient visibles sur les photographies de l’agence immobilière produites d’ailleurs par [N] [O] et cette dernière aurait pu s’inquiéter de leur origine.
D’autre part, la mauvaise foi des vendeurs n’est pas établie. Aucune des pièces produites aux débats ne démontre que les époux [L] avaient connaissance de ce phénomène de remontées capillaires et qu’ils l’ont caché à l’acquéreur. Le fait que [T] [L] est lui-même réalisé le doublage n’est pas probant d’une connaissance de ce phénomène d’autant qu’il n’est pas un professionnel du bâtiment. Il n’est également pas établi que des travaux de peinture récents aient été réalisés avant la vente. La clause d’exclusion de la garantie des vices cachés s’applique donc.
L’expert a d’ailleurs lui-même exclu la présence d’un vice caché.
Le moyen tiré de la garantie des vices cachés est donc écarté par le tribunal.

4. Sur la garantie décennale de l’article 1792 du code civil

L’article 1792 du code civil dispose que « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage des dommages même résultant d’un vice du sol qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».
L’article 1792-1 du code civil précise que « est réputé constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage ».

En l’espèce, il n’est produit aucune photographie de l’état de l’appartement avant la réalisation des travaux par [N] [O]. En effet, les photographies prises par l’huissier lors de son constat démontrent que les murs et les sols sont à nu et que le doublage est en réfection. Il n’est donc pas possible pour le tribunal de vérifier que l’état des doublages des murs, à supposer qu’ils soient qualifiés d’ouvrage au sens de l’article 1792, était de nature à rendre le bien impropre à sa destination et les remontées capillaires constatées par l’expert ne sont pas de nature à porter atteinte à la solidité de l’immeuble.

Ce moyen est écarté.

Dans ces conditions, aucune responsabilité des époux [L] n’est établie et [N] [O] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes.

5. Sur les demandes accessoires et les dépens

En vertu de l’article 696 du Code de Procédure Civile, [N] [O], partie succombante, est tenue aux dépens.

En outre [N] [O] devra verser à [K] [V] épouse [L] et [T] [L] une somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

Par application des articles 514 et suivants du Code de procédure civile, l’exécution provisoire est de droit et les circonstances de la cause et la nature de l’affaire ne justifient pas qu’il y soit dérogé.

PAR CES MOTIFS

Déboute [N] [O] de l’intégralité de ses demandes,Condamne [N] [O] à verser à [K] [V] épouse [L] et [T] [L] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,Rappelle que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,Condamne [N] [O] aux entiers dépens.
Ainsi jugé le 8 juillet 2024, et signé par le Président et le Greffier

Le Greffier Le Président
Emmanuelle MAGDALOU Stéphanie CITRAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Deuxième chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02983
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;23.02983 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award