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05/07/2024 | FRANCE | N°19/04125

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Troisième chambre civile, 05 juillet 2024, 19/04125


TROISIEME CHAMBRE CIVILE

05 Juillet 2024

N° RG 19/04125 - N° Portalis DB3U-W-B7D-LDDL

Code NAC : 54G

[D] [H]
[B] [S]

C/

S.A.R.L. AFIH
Compagnie d’assurance SMABTP
S.E.L.A.R.L. SELARL C. [X]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Troisième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Océane UTRERA, Greffier a rendu le 05 juillet 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

M

adame LEAUTIER, Première Vice-Présidente
Madame BABA-AISSA, Juge
Madame CHOU, Magistrat à titre temporaire

Sans opposition...

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

05 Juillet 2024

N° RG 19/04125 - N° Portalis DB3U-W-B7D-LDDL

Code NAC : 54G

[D] [H]
[B] [S]

C/

S.A.R.L. AFIH
Compagnie d’assurance SMABTP
S.E.L.A.R.L. SELARL C. [X]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Troisième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Océane UTRERA, Greffier a rendu le 05 juillet 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame LEAUTIER, Première Vice-Présidente
Madame BABA-AISSA, Juge
Madame CHOU, Magistrat à titre temporaire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 05 Avril 2024 devant Camille LEAUTIER, siégeant en qualité de Juge Rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la Chambre en délibéré.

Jugement rédigé par : Camille LEAUTIER

--==o0§0o==--

DEMANDEURS

Monsieur [D] [H], né le 05 Juin 1974 à [Localité 7] (10000), demeurant [Adresse 4], représenté par Me Frédéric HOUSSAIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et Me Fanny COUTURIER, avocate au barreau du VAL D’OISE, postulante

Madame [B] [S], née le 15 Avril 1983 à [Localité 6], demeurant [Adresse 4], représenté par Me Frédéric HOUSSAIS, avocat au barreau de PARIS, plaidant, et Me Fanny COUTURIER, avocate au barreau du VAL D’OISE, postulante
DÉFENDERESSES

S.A.R.L. AFIH, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Me Chantal TEBOUL-ASTRUC, avocate au barreau de PARIS, plaidante, et Me Elisabeth BOUYGUES, avocat au barreau de VAL D’OISE, postulante

Compagnie d’assurance SMABTP, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par Me Isabelle COUDERC, avocate au barreau de PARIS, plaidante, et Me Corinne GINESTET-VASUTEK, avocat au barreau du VAL D’OISE, postulante

SELARL C. [X], dont le siège social est sis [Adresse 1], défaillant

--==o0§0o==--

FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES

Suivant bon de commande n°31916 en date du 26 juin 2017, Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont accepté les devis n°2017060126 et n°2017060186 que La société AFIH leur a soumis les 16 et 23 juin 2017 aux fins de réaliser des travaux de ventilation et d’isolation thermique extérieure dans leur bien immobilier, situé à [Adresse 5], moyennant le paiement des sommes respectives de 3.800 Euros ttc et de 22.680 Euros ttc. Les travaux commandés ont été réceptionnés le 19 septembre 2017, avec des réserves, partiellement levées le 2 novembre 2017. Par courrier en date du 6 novembre 2017 adressé à La société AFIH , Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont réitéré les réserves énoncées le 2 novembre 2017, et y ont dénoncé de nouveaux désordres, sollicitant le traitement de ces réserves dans le cadre de la garantie de parfait achèvement en application de l’article 1792-6 du code civil.

Une expertise extra-judiciaire a été diligentée à la demande de Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H]. L’expert a déposé son rapport le 31 décembre 2017, y concluant à l’existence de désordres, trouvant leur cause dans un défaut de conception, une mauvaise exécution des travaux, le non respect de la réglementation en vigueur et dans l’absence de vérification des travaux exécutés en fin de chantier. Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont également confié à un huissier de justice la mission de constater les désordres dénoncés par leurs soins. Maître [W], huissier de justice, a dressé procès-verbal de ses constatations le 29 août 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 mars 2019, Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont vainement tenté d’obtenir l’indemnisation amiable de leur préjudice, sur la base de l’expertise et du procès-verbal de constatations précités.

Parallèlement, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 mars 2018, La société AFIH a mis Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] en demeure de lui régler sou quinzaine la somme de 4.356 Euros, représentant le solde restant dû au titre des travaux réalisés en exécution du bon de commande du 26 juin 2017, que ces derniers refusent de régler au regard des désordres qu’ils dénoncent.

C’est dans ce contexte que, par exploit introductif d’instance en date du 27 juin 2019 (enrôlé sous le numéro RG19/04125), Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont fait assigner La société AFIH devant le Tribunal de Grande Instance de Pontoise, afin d’obtenir au visa notamment des articles 1231-1 du Code Civil , sa condamnation à leur payer la somme principale de 40.081,64 Euros en réparation de leurs dommages et une indemnité de procédure de 3.000 Euros.

La société AFIH a constitué avocat, puis par exploit d’huissier en date du 4 février 2020 (enrôlé sous le numéro RG 20/531), a fait assigner La SMABTP en intervention forcée devant le Tribunal judiciaire de Pontoise, afin d’obtenir, notamment, sa condamnation à la garantir et relever de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] dans l’instance ouverte sous le numéro RG 19/4125.

La SMABTP a constitué avocat, et par décision en date du 23 octobre 2020, le juge de la mise en état a ordonné la jonction entre les instance respectivement enrôlées sous les numéros RG 19/4125 et RG 20/531.

Par ailleurs, par jugement en date du 12 juillet 2022, le Tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de La société AFIH , et désigné la selarl C. [X] en qualité de mandataire liquidateur. Par exploit d’huissier en date du 16 décembre 2022 (enrôlé sous le numéro RG 22/6624), Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont fait assigner en intervention forcée la selarl C. [X] en qualité de liquidateur judiciaire de La société AFIH . Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ont également justifié avoir régulièrement déclaré leur créance à hauteur de 40.081,64 Euros entre les mains du liquidateur judiciaire. Dès lors, l’instance interrompue de plein droit par l’effet du jugement du Tribunal de commerce de Nanterre en date du 12 juillet 2022, a pu reprendre. Puis, par décision en date du 1er juin 2023, le juge de la mise en état a ordonné la jonction entre les instance respectivement enrôlées sous les numéros RG 19/4125 et RG 22/6624. La selarl C. [X] en qualité de mandataire liquidateur de La société AFIH n’a pas constitué avocat.
Dans leurs dernières conclusions en date du 7 décembre 2021, Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H], qu’ils n’ont pas actualisées après la mise en cause de la selarl C. [X] en qualité de mandataire liquidateur de La société AFIH, demandent au Tribunal de céans :
1°) à titre principal :
* de les accueillir en l’ensemble de leurs demandes,
* de débouter La société AFIH et La SMABTP de leurs moyens, fins et conclusions contraires à leur demandes,
* de constater que La société AFIH n’a pas réalisé l’ensemble des travaux contractuellement convenus,
* de constater que La société AFIH n’a pas effectué les travaux contractuellement convenus conformément aux règles de l’art et à la réglementation en vigueur,
* de constater que La SMABTP garantit les dommages consécutifs aux travaux litigieux réalisés par La société AFIH ,
* de juger inutile la désignation d’un expert judiciaire au regard des pièces versées aux débats,
En conséquence,
* de juger La société AFIH responsable des dommages consécutifs à l’exécution du marché de travaux conclu avec les demandeurs,
* de condamner La société AFIH à leur payer la somme de 40.081,64 Euros en réparation des dommages subis du fait de ses agissements,
* de condamner, en tant que de besoin, La SMABTP à leur verser le montant de la réparation des dommages mis à la charge de La société AFIH , in solidum avec celle-ci,
2°) à titre subsidiaire :
Sans préjudice des demandes principales, si par exceptionnel, le tribunal de céans ordonnait l’ouverture d’une mesure d’expertise,
* de désigner tel expert qu’il plaira au tribunal, inscrit sur la liste des experts judiciaires près la cour d’appel de Paris ou de Versailles compétent en matière de construction et bâtiments, avec les missions suivantes :
- relever les malfaçons au regard des pièces produites et des constatations encore possibles
à ce jour sur le bien immobilier situé au [Adresse 4],
- entendre les parties après les avoir dument convoquées,
- décrire les désordres et malfaçons et en rechercher l’origine,
- déterminer les responsabilités encourues,
- entendre tout sachant pour l’accomplissement de sa mission,
- chiffrer le montant des dommages et des travaux de remise en état y afférents,
- remettre son rapport dans un délai ne pouvant excéder trois (3) mois à compter de la signification du jugement à intervenir,
* de fixer la provision, et de la mettre à la charge de La société AFIH pour sa consignation,
* de désigner un juge chargé du contrôle de l’expertise,
* de renvoyer l’affaire pour être jugée, au fond devant le tribunal judiciaire de Pontoise, dans un délai raisonnable suivant la remise du rapport définitif de l’expert,
3°) en tout etat de cause :
* de condamner La société AFIH à leur payer la somme de 4.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* de condamner La SMABTP à leur payer la somme de 2.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
* de condamner La société AFIH aux entiers dépens,
* de juger qu’il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
faisant notamment valoir :
- que la responsabilité de La société AFIH est engagée en application de l’article 1231-1 du code civil, en ce que La société AFIH a manqué à son obligation contractuelle de réaliser les travaux commandés dans les règles de l’art et conformément à la réglementation en vigueur,
- que ces manquements de La société AFIH à ses obligations contractuelles leur ont causé des préjudices, justifiant le bien fondé de leur demande en paiement de la somme de 40.081,64 Euros à titre de dommages-intérêts,
- que les désordres constatés par l’expert, dont le rapport est impartial, et par l’huissier de justice, relevant de la garantie de parfait achèvement, sont néanmoins de nature à engager la responsabilité décennale et de bon fonctionnement de La société AFIH , et la prise en charge du sinistre par La SMABTP , en ce qu’ils affectent l’ouvrage au sens de la police d’assurance souscrite par La société AFIH auprès de La SMABTP .

Dans ses dernières conclusions en date du 23 septembre 2021, La SMABTP a pour sa part demandé au Tribunal :
* de dire et juger que le rapport d’expertise établi pour le compte des demandeurs ne peut être de nature à éclairer de façon impartiale le Tribunal sur les désordres, leur cause et les travaux de nature à y remédier,
* de constater que La SMABTP n’a pas été conviée à cette expertise,
En conséquence,
* de déclarer infondées les demandes de Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ,
* de les en débouter,
* de déclarer sans objet l’appel en garantie de La société AFIH à l’égard de La SMABTP ,
En tout état de cause,
* de dire et juger que les griefs formés par Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ne correspondent pas à des désordres de nature décennale, et sont soit réservés soit relèvent de l’article 1792-6 du code civil,
En conséquence
* d’ordonner la mise hors de cause de La SMABTP dont les garanties ne sont pas susceptibles d’être mobilisées ;
* de dire et juger que si une condamnation intervenait à l’encontre de La SMABTP , elle interviendrait dans les limites du contrat d’assurance prévoyant une franchise opposable au sociétaire en matière de garantie obligatoire et aux tiers en matière de garantie facultative,
* de condamner tous succombants à payer à La SMABTP la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* de condamner tous succombants aux entiers dépens qui seront recouvrés par Me Ginestet conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
faisant notamment valoir :
- que le rapport d’expertise sur lequel Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] fondent leur demande d’indemnisation n’est pas impartial,
- que le procès-verbal de constatations de l’huissier de justice n’est pas contradictoire,
- que les désordres constatés ne sont pas de nature à mobiliser les garanties souscrites par La société AFIH , en ce qu’aucun désordre de nature décennale n’a été constaté par l’expert,
- qu’en tout état de cause, sa condamnation devra intervenir dans les limites du contrat d’assurance prévoyant l’application d’une franchise opposable au sociétaire en matière d’assurance obligatoire et aux tiers en matière d’assurance facultative.

Sur ce, l’ordonnance de clôture a finalement été rendue le 12 octobre 2023. À l’issue de l’audience de plaidoiries du 5 avril 2024, la décision a été mise en délibéré au 14 juin 2024, prorogé au 5 juillet 2024, étant précisé d’une part qu’en application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens respectifs, étant précisé d’autre part, s’agissant des demandes de La société AFIH aux termes de ses conclusions en date du 22 juin 2021, antérieures à son placement en liquidation judiciaire, qu’il convient de considérer que le Tribunal de céans n’en est plus saisi, en ce qu’elles n’ont pas été reprises par la selarl C. [X], son nouveau représentant, défaillant à la présente procédure.

MOTIFS

I - Sur le bien fondé des demandes de Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] à l’encontre de La société AFIH :

Les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 du code civil disposent respectivement :
Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.

Depuis un arrêt du 15 juin 2017, il était jugé que les désordres affectant des éléments d’équipement, dissociables ou non, d’origine ou installés sur existant, relevaient de la responsabilité décennale lorsqu’ils rendaient l’ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination. Mais, depuis un arrêt rendu le 21 mars 2024 par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation (affaire n°22-18.694), marquant un revirement de la jurisprudence appliquée depuis l’arrêt précité du 15 juin 2017, et applicable aux instances en cours :
- le régime de la responsabilité décennale est applicable, soit lorsque l’élément d’équipement dissociable est installé au moment de la réalisation de l’ouvrage, soit lorsque l’élément d’équipement installé sur existant constitue en lui-même un ouvrage ;
- en revanche, si l’élément d’équipement dissociable est installé sur existant et ne constitue pas un ouvrage à part entière, alors les désordres l’affectant ne relèveront ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale, mais uniquement de la responsabilité contractuelle de droit commun, et il reviendra par conséquent au maître de l’ouvrage de rapporter lapreuve de la faute de l’entreprise, en application de l’article 1231-1 du code civil, dont il résulte que “Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure”.

En l’espèce, les demandes de Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] à l’encontre de La société AFIH portent sur l’exécution de travaux d’isolation thermique en extérieur du bien immobilier existant leur appartenant, prévoyant, outre la préparation et le nettoyage du chantier, la préparation du support par le traitement désinfectant de la surface du mur extérieur pour l’élimination des mousses, algues et lichens sur partie plane, avant la pose des panneaux isolants. Dès lors, s’agissant de la pose d’éléments d’équipement dissociables sur existant, ne constituant pas un ouvrage à part entière, les désordres suceptibles d’affecter ces éléments d’équipement ne relèvent ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale, mais uniquement de la responsabilité contractuelle de droit commun, entraînant l’obligation pour Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] de rapporter la preuve de la faute de La société AFIH , du préjudice qu’ils subissent dont ils demandent réparation et du lien de causalité le rattachant à la faute de La société AFIH .

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il résulte :
- de l’article 9 du code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétentions ;
- de l’article 16 du même code que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne pouvant retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement, et ne pouvant fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations,
° étant ici précisé que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties, mais peut toutefois se fonder sur une expertise non judiciaire dès lors que ses conclusions sont corroborées par d’autres éléments de preuve admissibles,
° étant également rappelé que le juge apprécie souverainement la valeur probante et la portée des pièces justificatives qui lui sont présentées.

Le juge peut ainsi prendre en considération un rapport établi de manière non contradictoire lorsque le rapport a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, étant néanmoins rappelé que le juge ne pourra fonder sa décision exclusivement sur une expertise extra-judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties si celle-ci n’est pas corroborée par d’autres éléments de preuve.

En l’espèce, il est constant que le rapport d’expertise extra-judiciaire en date du 31 décembre 2017 s’appuie sur des opérations d’expertise qui ont été menées au contradictoire de La société AFIH, représentée par Monsieur [R], mais en l’absence de La SMABTP , dont les coordonnées n’ont été communiquées ni à Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ni à l’expert.

Le rapport précité a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties, en ce compris La SMABTP , et il résulte de ce rapport que l’expert, après avoir rappelé que sa mission consistait à relever visuellement les défauts, malfaçons ou désordres éventuels des parties visibles et accessibles, concernant l’isolation par l’extérieur posée sur le pignon, dont les travaux ont été réalisés selon le devis précité, a indiqué avoir fait les constatations suivantes :
1- s’agissant du support :
“Suivant le devis n°2017060186 en date du 26 juin 2024, La société AFIH prévoyait un traitement désinfectant pour l’élimination des mousses, algues, lichens ... sur une surface de 108 m2. (...)
Il est à rappeler que si le support du pignon en question n’a pas été nettoyé, cela compromet l’adhérence des panneaux isolants sur la colle posée sur ledit mur.
Les photos montrent que les panneaux isolants ont été posées sur un support existant sans l’entretien prévu sur le devis. (...)
Cette prestation n’ayant a priori été exécutée ni dans les règles de l’art ni conformément à la réglementation en vigueur, remettrait en cause l’adhérence des panneaux isolants au support via la colle et compromettrait leur stabilité. À court et moyen termes les panneaux se désoldariseraient de leur support. Ce qui expliquerait les traces visibles actuellement.”
2 - s’agissant du nombre de chevilles de fixation des panneaux isolants :
“Suivant le devis n°2017060186 en date du 26 juin 2024, La société AFIH prévoyait la pose de 10 chevilles à frapper au m2 , soit 5 chevilles par panneau, sur 108 m2.
Au vu des photos prises prendant le chantier par le demandeur, il en apparaît moins sur certains panneaux posés.
La fixation des panneaux n’ayant pas été réalisée, a priori, dans les règles de l’art et conformément à la réglementation en vigueur, risquerait de fragiliser la stabilité des panneaux isolants à court et moyen termes.”
3 - s’agissant de l’épaisseur des sous-enduits en résine et de la mauvaise exécution des travaux:
“Suivant le devis n°2017060186 en date du 26 juin 2024, La société AFIH prévoyait la pose des panneaux solants sur une superposition de sous-enduits finie par un enduit organique taloché fin sur une surface de 108 m2.
Sont constatées sur les parties hautes du mur pignon des différences aléatoires de planéité apparentes, ainsi que des traces de jointure des panneaux isolants nettement visibles.
Deux causes sont à l’origine de ces deux désordres :
- la première est liée à la mauvaise exécution de la prestation,
- la deuxième est liée à l’insuffisance des épaisseurs des couches de sous-enduits et de la couche de finition.
4 - s’agissant des malfaçons liées aux descentes des eaux pluviales :
“Suivant le devis n°2017060186 en date du 26 juin 2024, La société AFIH prévoyait la repose des éléments retirés au préalable.
La descente EP posée côté jardin est correcte.
Tandis que celle posée côté rue présente deux coudes à angles droits et n’est pas alignée à la façade.
Le premier nous paraît être un défaut car cette disposition risquerait un engorgement en cas de surcharge de pluie.
Le deuxième est esthétique.”.

L’expert a conclu :
“les désordres constatés et listés avaient pour causes et origine les éléments suivants :
- un défaut de conception
- une mauvaise exécution des travaux
- le non respect de la réglementation en vigueur
- la non-vérification en fin de chantier des travaux exécutés.
L’adhérence et la fixation des panneaux isolants n’étant pas a priori confirmées, il est urgent de procéder aux travaux réparatoires, à tout le moins conservatoires,
et a préconisé la dépose et la repose sur la totalité du mur pignon.”

En outre, Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] produisent aux débats un procès-verbal de constatations d’huissier de justice en date du 29 août 2018, dont il résulte d’une part la présence de diverses fissures, apparues au niveau de la fixation des gonds de volets ou de portes fenêtres, sur l’appui(seuil) des deux portes fenêtres, ou de la sous-face de toiture, d’autre part des désordres affectant les gouttières et entraînant des risques d’engorgement et des écoulements d’eaux pluviales sur la clôture séparative d’avec la maison voisine endommageant un panneau de bois tressé.

Ainsi, il convient de constater que le rapport d’expertise extra-judiciaire réalisé à la demande de Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] et le procès verbal de constatations de l’huissier portent sur des désordres différents. Il ne saurait par conséquent être considéré que le rapport d’expertise extra-judiciaire est corroboré par un autre élément de preuve versé aux débats, de sorte que le tribunal de céans ne saurait fonder sa décision sur le seul rapport d’expertise extra-judiciaire produit aux débats, alors qu’il n’est pas corroboré par le procès-verbal de constat de l’huissier.

Il convient par conséquent de juger que Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ne rapportent pas utilement la preuve des manquements de La société AFIH à ses obligations contractuelles à l’origine des désordres qu’ils dénoncent comme leur causant un préjudice né de la nécessité de procéder à la dépose et à la repose des panneaux isolants nécessaires à l’isolation thermique par l’extérieur de tout le mur pignon de leur maison.

Il convient en outre de constater que Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ne demandent pas au tribunal de céans d’ordonner une mesure d’expertise judiciaire, qu’ils estiment eux-mêmes inutile, et qui le serait en effet en l’espèce, en ce que les opérations d’expertise seraient menées en l’absence de La société AFIH et que Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] ne peuvent plus prétendre à la condamnation de La société AFIH à leur payer la somme principale de 40.081,64 Euros, ne pouvant tout au plus prétendre qu’à la fixation de leur créance au passif de la liquidation de la défenderesse, demande dont ils n’ont pas saisi le tribunal de céans.

Il résulte de ce qui précède qu’il convient de déclarer Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] mal fondés en leur demande de condamnation in solidum de La société AFIH et de La SMABTP à leur payer la somme de 40.081,64 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice, et de les en débouter.

II - Sur les demandes relatives aux frais du procès et à l’exécution provisoire :

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. En l’espèce, il convient par conséquent de condamner Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Ginestet conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. En l’espèce, il n’apparaît pas inéquitable de laisser à Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] l’intégralité de leurs frais irrépétibles. Il convient par conséquent de les débouter de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En revanche, il apparaît inéquitable de laisser à la charge de La SMABTP l’intégralité de ses frais irrépétibles. Il convient par conséquent de condamner Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] à lui payer la somme de 1.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de la débouter du surplus de sa demande de ce chef.

Enfin , aux termes de l'article 515 du code de procédure civile dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2020, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. En l’espèce, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal :

DÉBOUTE Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] de leur demande principale en condamnation in solidum de La société AFIH et de La SMABTP à leur payer la somme de de 40.081,64 Euros,

CONDAMNE Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Me Ginestet conformément à l’article 699 du code de procédure civile, et à payer à La SMABTP la somme de 1.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE Madame [B] [S] épouse [H] et Monsieur [D] [H] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE La SMABTP du surplus de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

Le présent jugement ayant été signé par le Président et le Greffier.

Fait à PONTOISE le 05 juillet 2024

LE GREFFIER LE PRESIDENT

MADAME UTRERA MADAME LEAUTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Troisième chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/04125
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;19.04125 ?
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