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10/06/2024 | FRANCE | N°23/03618

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Chambre jex, 10 juin 2024, 23/03618


10 Juin 2024

RG N° 23/03618 - N° Portalis DB3U-W-B7H-NGXN

Code Nac : 78F Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière

Madame [B] [X]

C/

S.A.S. EOS FRANCE




TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

JUGE DE L’EXÉCUTION

---===ooo§ooo===---


JUGEMENT




ENTRE

PARTIE DEMANDERESSE

Madame [B] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Marie LAINEE, avocat au barreau du VAL D’OISE


ET


PARTIE DÉFENDERESSE>
S.A.S. EOS FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS




COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame SOLA-RIGOUSTE,

Assistée de : Madam...

10 Juin 2024

RG N° 23/03618 - N° Portalis DB3U-W-B7H-NGXN

Code Nac : 78F Demande en nullité et/ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d’une saisie mobilière

Madame [B] [X]

C/

S.A.S. EOS FRANCE

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

JUGE DE L’EXÉCUTION

---===ooo§ooo===---

JUGEMENT

ENTRE

PARTIE DEMANDERESSE

Madame [B] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Marie LAINEE, avocat au barreau du VAL D’OISE

ET

PARTIE DÉFENDERESSE

S.A.S. EOS FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Madame SOLA-RIGOUSTE,

Assistée de : Madame MARETTE, Greffier

DÉBATS

A l'audience publique tenue le 06 Mai 2024 en conformité du code des procédures civiles d’exécution et de l’article L213-6 du code de l’organisation judiciaire, l’affaire a été évoquée et mise en délibéré, par mise à disposition au greffe, au 10 Juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE

En vertu d’une ordonnance sur requête rendue en matière d'injonction de payer par le Tribunal d'Instance de PONTOISE le 29 mars 2001 et revêtue de la formule exécutoire le 13 juin 2001, la SAS EOS FRANCE a fait signifier à Madame [B] [X] le 9 mars 2022 l’ordonnance en injonction de payer revêtue de la formule exécutoire, la cession de créance entre la SA CA CONSUMER FINANCE et la SAS EOS FRANCE ainsi qu’un commandement aux fins de saisie vente. Cette signification a été remise à personne.

Un procès-verbal de saisie-vente a été dressé le 14 mars 2023 par la SAS SINEQUAE.

Par acte de commissaire de justice, Madame [B] [X] a fait assigner, la SAS EOS FRANCE par acte remis à personne morale le 30 juin 2023 devant le juge de l’exécution de PONTOISE afin d’obtenir notamment la mainlevée de la procédure de saisie vente en cours.

Lors de l’audience, Madame [B] [X], représentée par son conseil, a sollicité, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
- la mainlevée de l’acte de saisie vente en date du 14 mars 2023 ;
- la restitution du prix de vente, si les biens ont été vendus et que le prix de vente n’a pas été réparti ;
- le paiement de la somme de 20.000 euros au titre des dommages et intérêts, si les biens ont été vendus et que le prix de vente a été réparti ;
- à titre subsidiaire, expurger les intérêts prescrits des sommes réclamées ;
- la condamnation de la SAS EOS FRANCE à la somme de 2 500,00 euros au titre des dommages et intérêts ;
- la condamnation de la SAS EOS FRANCE à la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

A titre principal, Madame [B] [X] reproche à la SAS EOS FRANCE l’absence de signification de l’ordonnance en injonction de payer. En effet, la SAS EOS FRANCE a indiqué ne pas être en mesure de produire la copie de l’acte de signification du 4 mai 2001. Madame [B] [X] déduit de cette déclaration l’absence de réalisation de l’acte et donc l’irrespect du délai de six mois prévu à l’article 1411 du code de procédure civile.
Elle oppose également à la SAS EOS FRANCE la prescription du titre exécutoire conformément l’article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution. Elle relève que l’ordonnance en injonction de payer exécutoire a été rendue en 2001 sans qu’aucun élément ou acte ne soit venu interrompre le délai de 10 ans avant le 9 mars 2022. Elle conteste avoir procédé à des règlements entre 2010 et 2013 et reproche à la SAS EOS FRANCE de ne pas en rapporter la preuve.
Elle conteste également la qualité à agir de la SAS EOS FRANCE en relevant l’absence d’éléments concernant les liens entre la société FINAREF, créancière mentionnée dans l’ordonnance en injonction de payer, et la SA CA CONSUMER FINANCE, société ayant cédée la créance à Madame [B] [X].
Elle oppose la prescription biennale des intérêts prévue à l’article L218-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Enfin, elle reproche à la SAS EOS FRANCE ses pratiques commerciales déloyales en rappelant les articles L121-2 du code des procédures civiles d'exécution, L121-1 du code de la consommation et 1240 du code civil.

Vu les écritures déposées par Madame [B] [X] le 6 mai 2024 pour les moyens plus amplement développés, conformément à l’article 455 du code de procédure civile ;

A l’audience, la SAS EOS FRANCE, représentée par son conseil, a sollicité le débouté intégral de Madame [B] [X] ainsi que le paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Au soutien de ses demandes, la SAS EOS FRANCE explique que le 1er avril 2010, la société FINAREF et la société SOFINCO ont fusionné pour devenir CRÉDIT AGRICOLE CONSUMER FINANCE. La créance détenue alors par cette dernière a été cédée le 28 juillet 2017 à la SAS EOS FRANCE . Elle précise que cet acte de cession a été signifié à Madame [B] [X] le 9 mars 2022 afin qu’elle lui soit opposable.
Concernant la signification du 4 mai 2001, elle rappelle que la mention du greffier sur l’ordonnance relative à la délivrance de cet acte et induisant l’apposition de la formule exécutoire permet de justifier de la signification dans le délai de 6 mois prévu à l’article 1411 du code de procédure civile.
Elle s’oppose à la prescription du titre exécutoire relevant que des acomptes ont régulièrement interrompu le délai entre 2010 et 2013. Elle précise que ces acomptes ont été réalisés dans le cadre d’un recouvrement amiable et que la société en charge de ce recouvrement lui oppose l’ancienneté du dossier et notamment la conservation des données personnelles et l’application du RGPD afin de justifier l’absence de communication de justificatifs.
Elle s’oppose également à l’existence de pratiques commerciales déloyales tout en soulevant tout d’abord l’incompétence matérielle du juge de l’exécution. Elle conteste enfin l’existence de tout abus et oppose à Madame [B] [X] la multiplicité de ses carences et non la caractérisation d’une pratique commerciale déloyale.

Vu les écritures déposées par la SAS EOS FRANCE le 6 mai 2024 pour les moyens plus amplement développés, conformément à l’article 455 du code de procédure civile ;

L’affaire a été appelée à l’audience du 6 mai 2024 et la décision a été mise en délibéré à la date du 10 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité à agir de la SAS EOS FRANCE

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.

En l’espèce, la SAS EOS FRANCE justifie de l’annonce légale publiée aux affiches parisiennes et départementales entre les 3 et 6 avril 2010 relative à la fusion entre les sociétés SOFINCO et FINAREF pour devenir CA CONSUMER FINANCE.
Il a également été produit l’attestation du 27 septembre 2023 relative à la cession de créances réalisée par CREDIT AGRICOLE CONSUMER FINANCE au profit de la SAS EOS FRANCE le 28 juillet 2017 et précisant que la créance de Madame [B] [X] était incluse dans la cession réalisée.
Par conséquent, il est justifié de la qualité à agir de la SAS EOS FRANCE

Sur la signification du 4 mai 2001

L'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire dispose :
« Le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Il connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Il connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution. »
Par ailleurs, aux termes de l'article R.121-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites ni en suspendre l'exécution.
Ainsi, le juge de l'exécution peut trancher les difficultés relatives aux titres exécutoires, notamment la régularité de la signification de la décision servant de fondement aux poursuites.

Il est rappelé à titre liminaire, que la procédure d’injonction de payer a fait l’objet d’une réforme entrée en vigueur le 1er mars 2022 et qu’il convient de se rapporter aux textes en vigueur au moment la réalisation de l’acte de procédure.
Ainsi, avant le 1er mars 2022, la procédure en injonction de payer se décomposer en plusieurs étapes : après dépôt de la requête, l’ordonnance rendue devait être signifiée dans le délai de six mois puis l’ordonnance était revêtue, a posteriori, de la formule exécutoire sur demande du créancier dans le mois suivant le délai d’un mois pour faire opposition.
Ainsi, il en ressort que la signification de l’ordonnance sur requête aux fins d’injonction de payer non revêtue de la formule exécutoire revêt un double caractère à savoir celui d’acte introductif d’instance tout en étant également l’acte de signification de la décision.
S’il est constant que l’acte introductif d’instance relève du seul juge du fond, la signification de la décision relève des pouvoirs du juge de l’exécution.

En l’espèce, Madame [B] [X] oppose à la SAS EOS FRANCE l’absence de copie de l’acte de signification du 4 mai 2001.
La SAS EOS FRANCE a justifié de la fermeture de l’étude BENTON-PERCY, huissier de justice suite à une procédure de liquidation afin de justifier de l’absence de production de la copie de l’acte.
De plus, il ressort expressément de l’ordonnance que la greffière du tribunal d’instance de Pontoise a apposé la formule exécutoire le 13 juin 2001 au vu de ladite signification réalisée le 4 mai 2021, par acte remis au fils de Madame [B] [X]. Aucun élément ne vient remettre en cause la véracité des éléments procéduraux portés sur l’ordonnance présentée.
Ainsi, il est constaté que cette signification a bien eu lieu dans le délai de 6 mois imposé par l’article 1411 du code de procédure civile.

Par conséquent, la demande tendant à rendre l’ordonnance en injonction de payer non avenue sera rejetée.

Sur la prescription du titre exécutoire

Aux termes de l’article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution « l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa. »

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L111-3 du code des procédures civiles d'exécution, la décision de justice devient titre exécutoire une fois qu’elle a acquis force exécutoire.
Au surplus, il convient de prendre en compte les spécificités liées à la procédure d’injonction de payer dans sa forme applicable en 2001.

En l’espèce, la requête en injonction de payer a été dressée le 27 février 2001 et reçue au greffe du tribunal d’instance de Pontoise le 10 mars 2001.
L’ordonnance a été rendue au pied de la requête le 29 mars 2001. Cette ordonnance a été signifiée le 4 mai 2001 et revêtue de la formule exécutoire le 13 juin 2001.

S’il a été jugé que le délai de prescription de la créance est suspendu par la signification de l’ordonnance en injonction de payer, cette analyse ne peut se transposer au délai de prescription du titre exécutoire dont les éléments de calcul sont précisés à l’article 1422 du code de procédure civile.

Aux termes de l’article 1422 du code civil tel que rédigé en jusqu’au 28 février 2022, « En l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 à 405.
L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement. »
Ainsi, cet article précise que quelque soit le mode de signification, à l’issue du délai d’un mois suivant la signification de l’ordonnance, l’ordonnance, une fois revêtue de la formule exécutoire, produit tous les effets d’un jugement contradictoire.

En l’espèce, l’ordonnance rendue sur requête en matière d’injonction de payer a acquis sa force exécutoire dès l’apposition de la formule exécutoire le 13 juin 2001 tout en précisant, qu’afin de répondre aux dispositions de l’article 503 du code de procédure civile, cette décision a été signifiée le 4 mai 2001.

Il est constant qu'antérieurement au 19 juin 2008, l'exécution des titres exécutoires résultant des décisions de justice était soumise au délai de prescription trentenaire.

L'article 2222 du code civil dispose que la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Ainsi, il en découle que le délai de prescription décennal pour l'exécution d'un titre exécutoire, qui ne doit pas être confondu avec le délai de prescription de l'action en paiement résultant de l'article L. 137-2, devenu L218-2 à compter du 1er juillet 2016, du code de la consommation, a commencé à courir à l'égard de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 13 juin 2001 à compter du 19 juin 2008.

Pour soutenir l’interruption du délai décennal, la SAS EOS FRANCE se prévaut de 5 acomptes intervenus les 7 juin 2010, 19 juillet 2010, 14 novembre 2012, 9 janvier 2013 et 24 janvier 2013.
Ces paiements, pour la somme totale de 170 euros, sont contestés par Madame [B] [X] qui nie avoir procédé à tout paiement.
Le paiement étant un fait juridique, la preuve peut en être rapporté par tout moyen.
Il est fourni au tribunal par la défenderesse un document très difficilement lisible dressé par CA CONSUMER FINANCE. De plus, la SAS EOS FRANCE soutient qu’elle ne peut fournir d’avantage d’éléments du fait de l’ancienneté des opérations et justifie d’un courriel de la société RECOCASH précisant qu’elle ne retrouve pas trace du dossier et donc des acomptes. Elle précise également avoir procédé à un recouvrement amiable pour SOFILLIANCE en 2009. Il s’agit donc d’un créancier différent pour une période de recouvrement différente à celle concernée.
Il est également surprenant de lire que la société EOS FRANCE se prévaut auprès de la société RECOCASH d’une « sommation du juge » pour soutenir la demande de preuve des paiements alors qu’il n’en est, d’un point de vue procédural, rien.
La société RECOCASH indique que les justificatifs de règlement sont détruits, « RGPD oblige ».
La mise en œuvre de la législation destinée à la protection des données personnelles ne dispense pas la créancière de son obligation de rapporter la preuve de l’élément interruptif de la prescription.
Il convient de rappeler que le contexte même de ce dossier et ce qui est reproché à la SAS EOS FRANCE c’est d’avoir fait perdurer ce dossier puisque le recouvrement forcé a débuté 21 ans après la décision. Si la cédante a cédé un titre vieux de 16 ans, la cessionnaire et défenderesse a acquis cette créance dès 2017, soit avant l’entrée en vigueur de la législation du règlement général et a attendu 5 années supplémentaires pour mettre en recouvrement la décision. Ainsi, les éléments qui lui sont opposés sont les conséquences de ses propres choix dans l’organisation du recouvrement.

Le seul décompte, difficilement exploitable ne serait-ce que par son caractère lisible, ne permet pas de justifier, à lui seul les paiements contestés par Madame [B] [X].
Ce décompte a été émis par la créancière d’origine donc pour la sauvegarde de ses propres droits à céder et il est relevé que les dates des comptes sont à des dates opportunes au regard du délai de prescritpion sans que pour autant il ne soit justifié d’une quelconque relance ou d’une éventuelle réaction de Madame [B] [X] sur cette période qui s’étale sur près de trois ans.

L’ensemble de ces éléments ne permettent pas de caractériser la véracité de ces versements et donc de leur effet interruptif du délai de prescription.

Par conséquent d’éléments ayant suspendu ou interrompu la prescription prévu à l’article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution, la prescription extinctive de l’ordonnance aux fins d’injonction de payer est acquise à compter du 20 juin 2018.

Par conséquent, il convient d’annuler la procédure de saisie vente et d’en ordonner sa mainlevée.

Sur l’existence de pratiques commerciales déloyales

A l'intérieur de l'Union Européenne, en application de la directive 2005/29/CE visant à l'unification des législations prohibant les pratiques commerciales déloyales, trompeuse et agressives contre les consommateurs, ceux ci sont protégés en effet contre ce genre de pratique.

La directive du 11 mai 2005 interdit les pratiques commerciales déloyales au sens où elles sont contraires à la « diligence professionnelle » et où elles altèrent ou peuvent altérer « le comportement économique du consommateur moyen ».

La Cour de justice de l'Union européenne, dans un arrêt du 20 juillet 2017 (arrêt Gelvora UAB, Jurisdata n°2017-016816), a jugé que la cession spéculative de contrats de crédits à la consommation aux fins de recouvrement forcé contre des débiteurs défaillants doit être considérée comme une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de la Directive 2005/29/CE même en dehors de toute relation contractuelle entre le cessionnaire et le consommateur et même si la cession a porté sur un titre exécutoire :
« La directive sur les pratiques commerciales déloyales doit être interprétée en ce sens que relève de son champ d'application matériel la relation juridique entre une société de recouvrement de créances et le débiteur défaillant d'un contrat de crédit à la consommation dont la dette a été cédée à la société. Relèvent de la notion de 'produit', au sens de l'article 2, sous c), de cette directive les pratiques auxquelles une telle société se livre en vue de procéder au recouvrement de sa créance. A cet égard, est sans incidence la circonstance que la dette a été confirmée par une décision de justice et que cette décision a été transmise à un huissier de justice pour exécution ».
Cette décision correspond au cas de l'espèce. En effet, Madame [B] [X] n'avait pas été avertie par la société Finaref, en cas d'impayé, de ce qu'elle pourrait faire l'objet de poursuites, des années après de premières tentatives, vingt et un ans en l'espèce, par un fonds financier entièrement dévoué à la poursuite maximale des recouvrements de créances achetées à bas prix le tout en lui réclamant des intérêts que ce fonds savait parfaitement être prescrits. Cette pratique, postérieure au contrat, est déloyale.
En outre, en droit interne, au regard de la situation économique des parties, la reprise du recouvrement forcé de contrats de crédits à la consommation plusieurs années (21 ans) après l'interruption des poursuites par le créancier initial, par le cessionnaire ayant acquis le titre dans le cadre d'une cession spéculative de crédits à la consommation doit être qualifiée d'abusive au sens de l'abus de droit sanctionné sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution.
La société EOS France soutient que son activité ne constitue en rien une pratique déloyale envers un consommateur et qu'il n'y a aucun abus dans le recouvrement tardif d' une créance tant que celui ci se fait à l'intérieur du délai de prescription et que les délais sont les conséquences de la carence de la débitrice.

En l’espèce, l’ordonnance sur requête aux fins d’injonction de payer a été rendue le 29 mars 2001 et revêtue de la formule exécutoire le 13 juin 2001. La société CA CONSUMER FINANCE a indiqué à la SAS EOS FRANCE avoir perçu 5 acomptes entre 2010 et 2013. Ce point est contesté par Madame [B] [X] et la SAS EOS FRANCE n’est pas en mesure de justifier des versements se voyant à son tour opposer les effets du temps par la société chargée du recouvrement en 2009.

Il est rappelé que le juge de l’exécution dispose d’une compétence d’ordre public concernant l’exécution forcée et demeure donc compétent quant aux modalités de mise en œuvre du titre exécutoire. Il est en ainsi parfaitement compétent pour statuer sur l’existence de pratiques commerciales déloyales lors des mesures d’exécution forcée, ce qui est le cas en l’espèce. En effet, Madame [B] [X] fait grief à la SAS EOS FRANCE d’avoir mis plus de 20 ans pour engager le recouvrement forcé de la décision de justice.

Il s’est écoulé près de 16 ans entre l’ordonnance et la cession et encore plus de 5 ans entre la cession et le commandement aux fins de saisie vente. La société EOS FRANCE n’a pas hésité à tirer les conséquences de l’écoulement de ce temps en calculant les intérêts au taux de 14,52 % sur toute la période débutant en 1999 et ce jusqu’au commandement de payer.
Il est relevé que la SAS EOS FRANCE a procédé, dans le décompte, à la déduction des intérêts qu’elle considère prescrits sans pour autant respecter le droit positif puisqu’elle les a maintenus sur une durée de cinq ans. Elle a ainsi nécessairement chercher à tromper le consommateur en lui faisant croire que les règles légales liées à la prescription, prescription biennale d’ordre public tirée du droit de la consommation, avaient été respectées.
La société EOS France est particulièrement mal venue d’omettre d’appliquer la prescription biennale, dès lors que l’avis de la Cour de cassation du 4 juillet 2016 ayant fixé le droit a été rendu dans une affaire à laquelle était partie le fonds commun de titrisation Credinvest, dont il est constant qu’il appartient au même groupe.

Les moyens donnés par la loi, en effet, ne sont plus ordonnés au paiement de la dette, mais à la réalisation d' un bénéfice par un fonds dévoué à la spéculation au détriment des consommateurs ce qui les détourne de leur finalité légale.

Cette position a été retenue par la cour d’appel d’Amiens le 14 septembre 2021 et critiquée dans ses écritures par la SAS EOS FRANCE. Il est noté que les faits de l’espèce concernant le même créancier mais également le même traité de cession. Ainsi, les délais et retards dans la mise en œuvre des titres exécutoires relèvent de l’organisation structurelle propre du créancier et non d’une situation exceptionnelle.

Il est relevé qu’en l’espèce, contrairement aux jurisprudences dont se prévaut la SAS EOS FRANCE, il n’est pas justifié de reconnaissance de la dette par Madame [B] [X], il n’est pas justifié d’exécution volontaire de sa part ou de démarches actives dans le recouvrement de la décision litigieuse. Il y a une absence totale de diligences pendant plus de 21 ans de la part de FINAREF puis de CA CREDIT AGRICOLE CONSUMER puis de la SAS EOS FRANCE.

D’ailleurs, il est curieusement relevé que la SAS EOS FRANCE se prévaut de démarches amiables de recouvrement auprès de la SAS EOS FRANCE à partir du 27 mars 2018. Alors même que la SAS EOS FRANCE ne justifie pas de la réalisation effective de ces démarches puisque seule la production de lettres dactylographiées non signées sans preuve d’envoi ou de réception sont fournies. La créancière fait le choix curieux de laisser le dossier en suspend pendant encore quatre ans alors même que Madame [B] [X] n’a pas réagi aux sollicitations alléguées.

Ainsi, pour ces motifs également et au regard de l’ensemble de ces éléments, l'opposabilité de la cession à Madame [B] [X] et la validité des poursuites engagées par la société EOS FRANCE à son encontre ne peuvent être admises.

La saisie vente du 14 mars 2023 sera annulée et sa mainlevée sera également prononcée.

Concernant la demande indemnitaire, il s’avère que Madame [B] [X] a subi une saisie injustifiée le tout induisant la présence, comme l’indique le procès verbal, de deux témoins et d’un serrurier afin de procéder à l’ouverture forcée de son domicile. La procédure de saisie vente constituant une réelle ingérence dans la vie privée et notamment le domicile, le tout 22 ans après l’obtention du titre mis à exécution, il convient de fixer les dommages et intérêts à la charge de la SAS EOS FRANCE à la somme de 2.000 euros, avec intérêts à compter du présent jugement conformément à l’article 1231-7 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires

Sur les dépens

La SAS EOS FRANCE, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En l'espèce, condamnée aux dépens, la SAS EOS FRANCE versera à Madame [B] [X] une somme qu'il est équitable de fixer à 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts à compter du présent jugement conformément à l’article 1231-7 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

Il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

DÉCISION

La juge de l’exécution, statuant après débats publics, par décision contradictoire mise à disposition des parties par le greffe et en premier ressort,

DÉCLARE que la SAS EOS FRANCE a qualité à agir ;

DÉBOUTE Madame [B] [X] de sa demande tendant à rendre l’ordonnance sur requête aux fins d’injonction de payer non avenue pour défaut respect de l’article 1411 du code de procédure civile ;

CONSTATE la prescription de l’ordonnance rendue en matière d’injonction de payer le 29 mars 2001 et revêtue de la formule exécutoire le 13 juin 2001 ;

CONSTATE la mise en œuvre de pratiques commerciales déloyales de la part de la SAS EOS FRANCE envers Madame [B] [X] ;

DÉCLARE INOPPOSABLE à Madame [B] [X] la cession de créances conclue entre CA CONSUMER FINANCE et la SAS EOS FRANCE ;

PRONONCE la nullité des poursuites engagées par la société EOS FRANCE à l’encontre de Madame [B] [X] ne peuvent être admises et notamment de l’acte de saisie vente du 9 mars 2023 ;

ORDONNE la mainlevée de la procédure de saisie vente aux frais de la SAS EOS FRANCE ;

CONDAMNE la SAS EOS FRANCE à payer à Madame [B] [X] la somme de 2.000 euros au titre des dommages et intérêts, avec intérêts à compter du présent jugement conformément à l’article 1231-7 du code de procédure civile ;

LAISSE le coût de l’ensemble des frais engagés à la charge de la SAS EOS FRANCE ;

CONDAMNE la SAS EOS FRANCE à payer à Madame [B] [X] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts à compter du présent jugement conformément à l’article 1231-7 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS EOS FRANCE aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait à Pontoise, le 10 Juin 2024

Le Greffier,Le Juge de l'Exécution,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Chambre jex
Numéro d'arrêt : 23/03618
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;23.03618 ?
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