La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2024 | FRANCE | N°22/04783

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Deuxième chambre civile, 03 juin 2024, 22/04783


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

03 Juin 2024

N° RG 22/04783 - N° Portalis DB3U-W-B7G-MUVM
Code NAC : 50D

[W] [E]
C/
[D] [K] [M] épouse [O]
[U] [O]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, greffier a rendu le 03 juin 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, vice-présidente
Madame PERRET, juge
Madame

DARNAUD, magistrate honoraire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 22 Avril 2024 devant Violaine...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

03 Juin 2024

N° RG 22/04783 - N° Portalis DB3U-W-B7G-MUVM
Code NAC : 50D

[W] [E]
C/
[D] [K] [M] épouse [O]
[U] [O]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, greffier a rendu le 03 juin 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, vice-présidente
Madame PERRET, juge
Madame DARNAUD, magistrate honoraire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 22 Avril 2024 devant Violaine PERRET, siégeant en qualité de juge rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la chambre en délibéré. Le jugement a été rédigé par Anita DARNAUD.

--==o0§0o==--

DEMANDERESSE

Madame [W] [E], née le 27 Décembre 1988 à [Localité 4] ([Localité 4]), demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Nina LEBARQUE, avocat au barreau du Val d’Oise et assistée de Me Charlotte ROMERO avocat plaidant au barreau de Caen

DÉFENDEURS

Madame [D] [K] [M] épouse [O], née le 6 février 1943 à [Localité 6] ([Localité 6]), demeurant [Adresse 1]

Monsieur [U] [O], né le 8 novembre 1943 à [Localité 5] ([Localité 5]) demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Chantal ALANOU-FERNANDEZ, avocat au barreau du Val d’Oise

--==o0§0o==--
FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte authentique du 30 juin 2020, Mme [W] [E] a acquis auprès de M. [U] [O] et de Mme [D]-[K] [M] épouse [O] une maison à usage d’habitation, située [Adresse 2] à [Localité 3], moyennant le prix de 437.000 €.

L’acte de vente fait état d’anomalies dans le système électrique et comporte en annexe un rapport de « diagnostic électrique vente » établi le 25 septembre 2018 par l’entreprise Dimensio.

Mme [W] [E] a fait réaliser des travaux de remise aux normes électriques de la maison d’un montant de 14.000 €, suivant facture du 4 août 2020 de la SARL Les Artisans du Bâtiment.

Faisant valoir avoir été obligée de réaliser d’importants travaux qui n’avaient pas été annoncés, après la découverte d’une installation électrique de fortune dissimulée dans un coffrage, elle a, par courrier recommandé du 15 février 2021, réclamé aux époux [O] le remboursement de la facture de 14.000 €.

Face au refus de ces derniers de lui rembourser cette facture, elle les a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Pontoise, par exploit du 2 août 2022, pour les entendre solidairement condamnés à lui payer la somme de 14.000 € à titre de dommages et intérêts, à titre principal sur le fondement du vice-caché, subsidiairement sur celui du dol, et infiniment subsidiairement sur celui du défaut de conformité.

En défense, les époux [O] s’opposent à cette demande en faisant valoir que les vices étaient apparents, l’attention de Mme [W] [E] ayant été attirée sur les anomalies affectant de système électrique, tant par les termes mêmes de l’acte de vente que par les diagnostics techniques annexés. Ils soutiennent que Mme [W] [E] qui a été clairement informée de l’état de l’installation électrique, ne peut pas non plus prétendre avoir été victime de réticence dolosive ou se prévaloir d’un défaut de conformité de l’installation.

Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, le tribunal renvoie aux conclusions signifiées le 10 janvier 2024 par Mme [W] [E] et le 21 mars 2024 par M. [U] [O] et de Mme [D]-[K] [M] épouse [O].

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les désordres d’électricité

Il est constant que l’installation électrique de la maison acquise par Mme [W] [E] auprès des époux [O] comporte des anomalies qui avaient été relevées avant la vente et avaient fait l’objet d’un diagnostic électricité par la société Dimensio, expert en diagnostics techniques immobiliers.

Ainsi, l’acte authentique de vente du 30 juin 2020 indique au paragraphe intitulé « Contrôle de l’installation électrique » :
« Le BIEN dispose d’une installation électrique de plus de quinze ans. Le VENDEUR a fait établir un état de celle-ci par la société DIMENSIO […] répondant aux critères de l’article L 271-6 du code de la construction et de l’habitation, le 25 septembre 2018, annexé.
Les conclusions sont les suivantes :
l’installation électrique comporte des anomalies pour lesquelles il est vivement recommandé d’agir afin d’éliminer les dangers qu’elles présentent. Il est rappelé à l’ACQUEREUR qu’en cas d’accidents électriques consécutifs aux anomalies pouvant être révélées par l’état annexé, sa responsabilité pourra être engagée tant civilement que pénalement, de la même façon que la compagnie d’assurances pourrait invoquer le défaut d’aléa afin de refuser de garantir le sinistre électrique. D’une manière générale, le propriétaire du sinistre est seul responsable de l’état du système électrique ».
Le diagnostic établi le 25 septembre 2018 par Dimensio, annexé à l’acte authentique, identifie une dizaine d’anomalies. Il indique :
Il est conseillé de faire réaliser dans les meilleurs délais et par un électricien qualifié les travaux permettant de lever au moins les anomalies relevées ;Le diagnostic ne peut être considéré comme la liste exhaustive des travaux à envisager.
Ce diagnostic avait également été annexé au compromis de vente signé le 7 janvier 2020, lequel contenait également un paragraphe sur les anomalies affectant l’installation électrique ainsi que la recommandation donnée à l’acquéreur de les supprimer afin d’éliminer les dangers qu’elles représentaient et indiquait « le VENDEUR et l’ACQUEREUR déclarent que le prix de vente […] tient compte du coût des travaux relatifs à l’électricité à réaliser. L’ACQUEREUR reconnait avoir pris connaissance de l’état de l’installation électrique et déclare faire son affaire personnelle de son contenu, sans recours contre le vendeur ».

Mais Mme [W] [E] réclame à ses vendeurs le paiement de la facture du 4 août 2020 portant sur les travaux d’électricité qu’elle a fait réaliser, en raison de la découverte, après la vente, d’anomalies distinctes de celles mineures relevées dans le diagnostic. Elle fait valoir que ces anomalies l’ont obligée à reprendre l’intégralité de l’installation électrique et précise que celles-ci avaient été dissimulées derrière un coffrage. Elle ajoute que si elle les avait connues, elle aurait pu davantage négocier le prix.

Sur le vice caché

Aux termes de l’article 1641 du Code civil le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.

L’acheteur qui a acheté une chose atteinte d’un vice qui la rend inutilisable ou en diminue considérablement l’utilité, est fondé à demander la résolution de la vente ou une réduction du prix. Il peut également demander des dommages et intérêts si le vendeur était au courant du vice. Le défaut doit, en tout état de cause, présenter un degré de gravité suffisant pour compromettre l’usage attendu de la chose.

Malgré les indications relatives aux anomalies affectant l’installation électrique, contenues dans les actes de vente sous-seing privé et authentique, Mme [W] [E] soutient qu’elle n’avait pas connaissance des vices affectant cette installation en faisant valoir avoir découvert d’autres anomalies qui l’ont contrainte à réaliser des travaux supplémentaires, l’entreprise de travaux ayant trouvé une installation électrique de fortune dissimulée derrière un coffrage.

Mais force est de constater que Mme [W] [E] qui se contente de verser aux débats quelques photos de câbles et de fils électriques - sans même un constat d’huissier - n’apporte aucun élément probant à l’appui de ses dires. Or, compte tenu des informations qu’elle a reçue lors de l’acquisition de son bien, relatives à l’état de l’installation électrique, il lui appartient de démontrer non seulement l’existence d’anomalies distinctes de celles qu’elle considère lui avoir été données lors de la vente mais également la gravité de ces anomalies de nature à rendre le bien impropre à sa destination ou en diminuer notablement l’usage, la seule production de la facture de travaux ne pouvant suffire à établir que ces travaux ont été rendus nécessaires par les anomalies constitutives de vices cachés et découvertes après la vente.

En tout état de cause, Mme [W] [E] ne démontre pas que ce sont ces anomalies distinctes qui l’ont contraintes à reprendre l’installation électrique dans son intégralité.

Le tribunal observe à cet égard que Mme [W] [E] n’apporte aucune précision technique sur la nature de ces anomalies, se contentant de mentionner l’existence d’une installation électrique de fortune, semblant ainsi évoquer - sans clairement le soutenir et sans en tout état de cause le démontrer - l’existence d’une installation annexe.

Or, contrairement à ce qu’elle déclare, le diagnostiqueur n’a nullement considéré que les anomalies affectant la maison étaient mineures, son rapport contenant plusieurs mentions - dont certaines figurant en gros caractères de couleur de nature à attirer l’attention - sur la dangerosité représentée par ces anomalies et la nécessité de les éliminer dans les meilleurs délais en faisant réaliser des travaux par un installateur électricien qualifié.

Le tribunal relève que le diagnostiqueur a notamment relevé la non accessibilité du dispositif assurant la coupure d’urgence depuis le logement ; l’absence ou le mauvais fonctionnement de protection différentielle ; des prises de courant ne comportant pas de prises de terre ; la présence de circuits électriques non équipés de conducteurs ; l’absence ou le mauvais fonctionnement de protection contre les surintensités ; l’absence de liaison équipotentielle dans les locaux contenant une baignoire ou une douche ; des matériels électriques présentant des risques de contact direct ; des matériels électriques vétustes, inadaptés à l’usage ; des conducteurs non protégés mécaniquement.

Ainsi Mme [W] [E] qui avait été dûment informée des nombreuses et importantes anomalies affectant l’installation électrique de la maison litigieuse, ne démontre pas que celles qu’elle aurait découvert - sans au demeurant les décrire avec précision - après son acquisition présentent le caractère de vices cachés au sens de l’article 1641 du code civil.

Elle sera déboutée de sa demande au titre du vice caché.

Sur le dol

Aux termes de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir de consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’une des parties d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol qui constitue un acte de déloyauté d’un contractant envers l’autre, suppose donc des dissimulations ou des agissements malhonnêtes réalisés intentionnellement, c’est à dire dans le dessein de tromper son cocontractant.

En l’espèce, Mme [W] [E] soutient que les époux [O] lui ont intentionnellement caché l’information relative à la présence d’installations électriques dissimulé derrière un coffrage.

Mais le comportement des époux [O] qui dès le stade du compromis ont fourni à Mme [W] [E] un diagnostic précis de l’installation électrique faisant ressortir les nombreuses anomalies dont celle-ci étaient affectés et qui ont attiré son attention sur ces anomalies, sur le danger qu’elles représentaient et la nécessité de faire réaliser des travaux par un électricien qualifié pour les supprimer, apparaît peu compatible avec la volonté de dissimuler les désordres affectant l’installation électrique.

Il sera relevé que la présence d’un coffrage derrière lequel se trouvaient des matériels électriques et l’absence d’information donnée par les vendeurs sur ce coffrage ne sauraient suffire à établir une intention dolosive de la part de ces derniers, laquelle impliquerait qu’ils aient su le caractère déterminant de cette information pour leur acquéreur mais l’aient néanmoins sciemment dissimulé.

Il convient donc de constater que le dol dont se dit victime Mme [W] [E], n’est pas démontré. Cette dernière sera déboutée de sa demande fondée sur la réticence dolosive.

Sur la délivrance non conforme

Le vendeur est tenu à une obligation de délivrance et doit, à ce titre, délivrer un bien conforme aux prévisions contractuelles. La conformité s’apprécie par rapport à la chose promise et à ses caractéristiques annoncées.

Mme [W] [E] se prévaut de la non-conformité de la vente, sur le fondement de l’article 1604 du code civil, en faisant valoir avoir découvert postérieurement à la vente l’existence d’anomalies affectant l’installation électrique, non mentionnées dans le diagnostic.

Mais l’existence de désordres (connus ou non au moment de la vente) sur l’installation électrique ne saurait constituer un manquement à la délivrance conforme au sens de l’article 1604 du code civil, le bien livré à savoir une maison d’habitation telle que désignée en page 4 de l’acte authentique de vente répondant bien aux caractéristiques convenues entre les parties et décrites dans la partie identification du bien.

Mme [W] [E] sera déboutée de sa demande au titre de la délivrance non conforme.

Sur l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, les dépens et l’exécution provisoire

Il ne serait pas équitable de laisser à M. [U] [O] et de Mme [D]-[K] [M] épouse [O] la charge de l’ensemble de leurs frais irrépétibles.

Mme [W] [E] sera condamnée à leur verser la somme de 3.000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle sera également condamnée aux entiers dépens.

L’exécution provisoire est de droit, il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme [W] [E] de l’ensemble de ses demandes,

Condamne Mme [W] [E] à verser à M. [U] [O] et de Mme [D]-[K] [M] épouse [O] la somme globale de 3.000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne Mme [W] [E] aux dépens,

Rappelle que l’exécution de la présente décision est de droit.

Ainsi jugé le 3 juin 2024, et signé par le président et le greffier.

Le greffierLe président

Emmanuelle MAGDALOUStéphanie CITRAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Deuxième chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/04783
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;22.04783 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award