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31/05/2024 | FRANCE | N°23/00490

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Troisième chambre civile, 31 mai 2024, 23/00490


TROISIEME CHAMBRE CIVILE

31 Mai 2024

N° RG 23/00490 - N° Portalis DB3U-W-B7H-M5NN

Code NAC : 53J

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

C/

[U] [L]
[S] [H]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Troisième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Océane UTRERA, Greffier a rendu le 31 mai 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame LEAUTIER, Première Vice-pré

sidente
Madame CHOU, Magistrat à titre temporaire
Madame QUENTIN, Juge placée

Sans opposition des parties l'affaire ...

TROISIEME CHAMBRE CIVILE

31 Mai 2024

N° RG 23/00490 - N° Portalis DB3U-W-B7H-M5NN

Code NAC : 53J

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

C/

[U] [L]
[S] [H]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Troisième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Océane UTRERA, Greffier a rendu le 31 mai 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame LEAUTIER, Première Vice-présidente
Madame CHOU, Magistrat à titre temporaire
Madame QUENTIN, Juge placée

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 22 Mars 2024 devant Coline QUENTIN, siégeant en qualité de Juge Rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la Chambre en délibéré.

Jugement rédigé par : Coline QUENTIN

--==o0§0o==--

DEMANDERESSE

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, dont le siège social est sis [Adresse 3], représentée par Me Séverine GALLAS, avocat au barreau de VAL D’OISE

DÉFENDEURS

Monsieur [U] [L], né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 6] (TOGO), demeurant [Adresse 4], représenté par Me Gilles PARUELLE, avocat au barreau de VAL D’OISE

Madame [S] [H], née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5] (CÔTE D’IVOIE), demeurant [Adresse 4], représentée par Me Gilles PARUELLE, avocat au barreau de VAL D’OISE

--==o0§0o==--

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre de crédit acceptée le 8 décembre 2019, la CAISSE D’EPARGNE ILE-DE-FRANCE (ci-après “la banque”) a consenti à Monsieur [U] [L] et Madame [S] [L] née [H], qui se sont engagés solidairement, un prêt immobilier destiné au financement de l'acquisition de leur résidence principale située [Adresse 4] à [Localité 7] (95), d’un montant de 177.035 euros au taux de 1,050% remboursable en 180 mensualités.

La COMPAGNIE EUROPEENNE DES GARANTIES ET CAUTIONS (ci-après « la CEGC ») s'est portée caution solidaire du paiement de ce prêt auprès de la banque.

Par lettres recommandées avec accusés de réception du 16 septembre 2022, la banque a mis en demeure Monsieur et Madame [L] de lui régler les sommes correspondant aux échéances impayées du 15 juin 2022 au 15 septembre 2022, soit la somme de 3.757,56 euros.

Ces mises en demeure étant restées sans effet, suivant lettres recommandées avec avis de réception du 18 octobre 2022, la banque a notifié à Monsieur et Madame [L] la déchéance du terme de ce prêt.

Aux termes d’une quittance de règlement établie le 21 décembre 2022, la CEGC a désintéressé la banque en réglant entre ses mains la somme de 153.210,32 euros.

Par lettres recommandées avec avis de réception du 28 décembre 2022, la COMPAGNIE EUROPEENNE DES GARANTIES ET CAUTIONS a informé Monsieur et Madame [L] de la subrogation intervenue et les a vainement mis en demeure d'avoir à lui régler la somme de 153.348,83 euros.

Par actes de commissaire de justice du 18 janvier 2023, en suite desquels elle n'a pas conclu et auxquels il convient de se référer pour l'exposé de ses moyens, la CEGC a fait assigner Monsieur et Madame [L] devant ce tribunal. Aux termes de son acte introductif d’instance, elle sollicite du tribunal, au visa de l’article 2305 ancien du code civil, de :
“- Condamner solidairement Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] ci-dessus nommés à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, la somme de 153.210,32 €, représentant le montant quittancé auprès de la CAISSE D'EPARGNE IDF, majorée des intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 21 décembre 2022, date du paiement aux lieu et place des débiteurs, et ce jusqu'à parfait paiement.
- Dire et juger le cas échéant que Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] ne pourront bénéficier de délais de paiement et prendre acte de ce que la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS s'oppose par anticipation et par principe, eu égard aux circonstances de l'espèce, à toute demande de délais de paiement.
- Débouter le cas échéant Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] de leur contestation visant à combattre le bien-fondé du recours personnel reposant sur l'article 2305 ancien du code civil.
- Condamner solidairement Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Ordonner l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.
- Condamner solidairement Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] ci-dessus nommés en tous les dépens.
- Condamner solidairement Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] à payer le coût de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et de sa dénonciation, prise par la CEGC sur les biens et droits immobiliers appartenant à ses débiteurs, pour garantir sa créance”.

Dans leurs conclusions communiquées par RPVA le 21 février 2024, Monsieur et Madame [L] demandent au tribunal, au visa des articles 1343-5 et 2288 et suivants du code civil, de :
“ à titre principal de
- DEBOUTER LA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS de l’ensemble de ses demandes ;
à titre subsidiaire :
- DIRE ET JUGER que les consorts Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] bénéficieront d’un report de l’exigibilité de leur créance dans les plus larges délais ;
- DIRE ET JUGER le cas échéant que les consorts Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] bénéficieront des délais de paiement les plus larges ;
En tout état de cause :
- ECARTER l’exécution provisoire le cas échéant ;
- CONDAMNER LA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS à payer à Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] la somme de 2.000 euros outre les entiers dépens”.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2024, fixant la date des plaidoirie au 22 mars 2024, à l'issue desquelles la décision a été mise en délibéré au 31 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il sera préliminairement rappelé qu’il ne sera pas statué sur les demandes des parties tendant à un relever, une constatation, à un donner acte, à un prendre acte, ou à voir dire et juger qui ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Sur la qualification de l’engagement de la CEGC

Monsieur et Madame [L] soutiennent que l’engagement de caution de la CEGC doit être requalifié en assurance-crédit. Ils font valoir en effet que le contrat par lequel un tiers s’engage envers un établissement prêteur à garantir la défaillance de l’emprunteur en contrepartie du versement de primes par le prêteur constitue une assurance-crédit et non un cautionnement. Ils indiquent qu’en l’espèce le document intitulé “Engagement de caution” prévoit que la garantie de la CEGC prendra effet à compter de la réception du montant d’une prime de 2.035,90 euros, de sorte que cet engagement s’analyse en une assurance-crédit, en dépit du paiement de la prime par le débiteur. Les époux [L] en déduisent que la CEGC ne saurait solliciter le paiement des sommes versées en leurs lieu et place au titre d’un cautionnement.

Aux termes de l’article 2288 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, “Celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même”. Il se déduit de ces dispositions que le cautionnement se caractérise principalement par son caractère accessoire à l’obligation du débiteur principal.

L’assurance-crédit est un contrat synallagmatique par lequel l’assureur offre sa garantie à un créancier moyennant le versement d’une prime. Le sinistre couvert est l’inexécution par le débiteur de ses obligations ou son insolvabilité.

Ainsi, la principale différence entre l’assurance-crédit et le cautionnement bancaire réside dans le débiteur de la rémunération. Dans le cautionnement bancaire, la commission est payée par le débiteur de l’obligation garantie, tandis que dans l’assurance-crédit, les primes sont réglées par le créancier de l’obligation principale.

En l’espèce, il ressort du document intitulé “Engagement de caution” versé aux débats par la CEGC que cette dernière s’engage à garantir le montant du prêt souscrit par Monsieur et Madame [L] en contrepartie d’une commission de 2.035,90 euros HT due par ces derniers. Il ressort par ailleurs de l’offre de crédit, en page 3, que les frais de commission de cautionnement sont à la charge de l’emprunteur. Ainsi, le montant de 2.035,90 euros étant une commission payée par l’emprunteur et non une prime réglée par le prêteur, l’engagement de la CEGC s’analyse bien en un cautionnement et non en une assurance-crédit.

Sur la demande en paiement de la CEGC

Selon l'article 2305 du code civil, la caution a son recours personnel contre le débiteur principal. Ce recours a lieu « tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ». Néanmoins elle « n'a de recours que pour les frais faits par elle depuis qu'elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle ». Le principal au sens de ce texte comprend le capital, les mensualités et les intérêts échus au taux contractuel avant paiement. Cet article ouvre droit également aux intérêts sur les sommes payées par la caution sans nécessité d'une mise en demeure préalable. Ces intérêts dus à la caution sont les intérêts au taux légal à compter du paiement.

En l'espèce, la CEGC déclare exercer son recours personnel et verse aux débats une quittance de règlement en date du 21 décembre 2022, aux termes de laquelle elle justifie avoir versé au prêteur la somme totale de 153.210,32 euros au titre du remboursement du prêt souscrit par les époux [L].

Aucun paiement libératoire n'est intervenu de la part des débiteurs.

Par conséquent, les époux [L] seront condamnés solidairement à payer à la CEGC la somme de 153.210,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2022, date du paiement.

Sur la demande subsidiaire de délais de paiement de Monsieur et Madame [L]

Aux termes de l’article 1343-5 du code civil, “Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues”.

En l’espèce, Monsieur et Madame [L] entendent bénéficier d’un report, faisant valoir qu’ils rencontrent des difficultés financières, que Monsieur [L] justifie d’une affection de longue durée et que des délais leur permettraient de vendre leur maison. Ils ajoutent qu’un tel report de l’exigibilité de leur dette ne causerait aucun préjudice à la CEGC dès lors qu’il s’agit d’un professionnel averti.

Si Monsieur et Madame [L] justifient en effet d’une situation économique fragile et de difficultés de santé, force est de constater que les échéances du prêt souscrit par les défendeurs sont impayées depuis le mois de juin 2022, qu’aucun paiement ni proposition de règlement amiable n’est intervenu depuis lors, qu’ils ont d’ores et déjà bénéficié des délais inhérents à la présente procédure et que, pour autant, ils ne justifient d’aucune démarche en vue de vendre leur bien immobilier. Ainsi, il n’est pas démontré que des délais de paiement supplémentaires seraient de nature à leur permettre de s’acquitter de leur dette.

Dans ces conditions, les époux [L] seront déboutés de leur demande de délais de paiement.

Sur la demande relative à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire

Il sera rappelé que si les frais d'inscription d'hypothèque ne constituent pas des dépens de la présente instance, ils sont de droit à la charge du débiteur, en application des dispositions de l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution.

Sur les demandes relatives aux frais du procès

Partie perdante, Monsieur et Madame [L] seront condamnés in solidum aux dépens.

En revanche, compte tenu de la situation économique des parties, il n’apparait pas inéquitable de laisser à chacune la charge de ses frais irrépétibles. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 514 du code de procédure civile, la présente décision est exécutoire à titre provisoire de droit. N’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE solidairement Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] à payer à la COMPAGNIE EUROPEENNE DES GARANTIES ET CAUTIONS la somme de 153.210,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2022, date du paiement, et ce jusqu’à parfait paiement ;

DÉBOUTE Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] de leur demande de délais de paiement ;

RAPPELLE que les frais afférents à une mesure d’inscription d’hypothèque judiciaire et à sa dénonciation sont de droit à la charge du débiteur ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] aux dépens ;

DÉBOUTE la COMPAGNIE EUROPEENNE DES GARANTIES ET CAUTIONS de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE Monsieur [U] [L] et Madame [S] [H] épouse [L] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait à Pontoise le 31 mai 2024

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Madame UTRERA Madame LEAUTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Troisième chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00490
Date de la décision : 31/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-31;23.00490 ?
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