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28/05/2024 | FRANCE | N°22/04400

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Première chambre, 28 mai 2024, 22/04400


PREMIERE CHAMBRE

28 Mai 2024

N° RG 22/04400 - N° Portalis DB3U-W-B7G-MUCP
60A

[Z] [C]

C/

Société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY
CPAM du [Localité 10]



TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Première Chambre du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort, assistée de Cécile DESOMBRE, Greffier a rendu par mise à dispostion au greffe le 28 mai 2024, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Monsieur Didier FORTON, Premier Vic

e-Président
Madame Anne COTTY, Première Vice-Présidente Adjointe
Madame Aude BELLAN, Vice-Présidente

Jugement rédigé par...

PREMIERE CHAMBRE

28 Mai 2024

N° RG 22/04400 - N° Portalis DB3U-W-B7G-MUCP
60A

[Z] [C]

C/

Société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY
CPAM du [Localité 10]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Première Chambre du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en premier ressort, assistée de Cécile DESOMBRE, Greffier a rendu par mise à dispostion au greffe le 28 mai 2024, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Monsieur Didier FORTON, Premier Vice-Président
Madame Anne COTTY, Première Vice-Présidente Adjointe
Madame Aude BELLAN, Vice-Présidente

Jugement rédigé par Anne COTTY, Première Vice-Présidente Adjointe

Date des débats : 02 avril 2024, audience collégiale

--==o0§0o==--

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [C], né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Sami SKANDER, avocat au barreau du Val d’Oise

DÉFENDERESSES

Société ZURICH GLOBAL CORPORATE FRANCE, INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY, dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Thierry FERNANDEZ, avocat postulant au barreau du Val d’Oise, et assistée de Me Patrice GAUD, avocat plaidant au barreau de Paris

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU [Localité 10], dont le siège social est sis [Adresse 4]
défaillante

Le 21 juillet 2014, Monsieur [Z] [C] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était au volant d'un véhicule utilitaire appartenant à la société RENT A CAR, assuré auprès de la société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY.

En effet, pour une raison indéterminée, Monsieur [Z] [C] a subitement empiété sur la voie de circulation inverse au moment même où un bus arrivait. La camionnette de Monsieur [Z] [C] s'encastrant dans un rail de sécurité et le bus franchissant le rail de sécurité, dévalant sur plus de 100 mètres, avant de s'immobiliser dans un bosquet.

Le jour même, Monsieur [Z] [C] sera héliporté à l'Hôpital [5], où lui ont été diagnostiquées les lésions suivantes :
- Un traumatisme crânien léger avec perte de connaissance initiale et une plaie du scalp étendue ;
- Une contusion pulmonaire non hypoxémiante ;
- Un choc hémorragique sur fracture de rate nécessitant une embolisation en urgence ;
- Un délabrement du membre supérieur gauche sans lésion vasculo-nerveuse nécessitant un lambeau de recouvrement ;
- Une plaie articulaire du genou gauche ;
- Une plaie de la face interne de la jambe gauche compliquée d'un syndrome de loge nécessitant une aponevrotmie de décharge.

Monsieur [Z] [C] sera hospitalisé en service de réanimation du 21 juillet au 31 juillet 2014, période au cours de laquelle il sera opéré à deux reprises : le 21 juillet 2014 pour parage, lavage et fermeture de l'ensemble de ses plaies et le 23 juillet 2014 pour une aponevrotmie de décharge au niveau de la jambe gauche et la réalisation d'un lambeau musculo-cutané de grand dorsal gauche pédiculé.

La sortie de l'hôpital de [5] a été suivie d'un parcours médical particulièrement long et douloureux dans le mesure où Monsieur [Z] [C] a subi des complications et notamment d'une part, l'apparition d'une nécrose cutanée et musculaire au niveau du grand dorsal (du fait de la non prise de greffe du membre supérieur gauche), contraignant Monsieur [Z] [C] à se faire réopérer début août 2014 à l'hôpital de [5] et, d'autre part, une plaie sclérale à environ 2 mn du limbe en temporal le contraignant à subir en urgence le 15 août 2014, une intervention chirurgicale au niveau de l'œil.

Il sera également opéré les 24 septembre 2014 (séjour hospitalier du 23 au 27 septembre 2014) et 03 novembre 2016 (séjour hospitalier du 02 au 04 novembre 2016) par le Docteur [M], chirurgien plastique exerçant à l'hôpital [9], mais également à 7 reprises entre le 04 mars 2015 et le 8 juillet 2020 par le Docteur [S], chirurgien orthopédique exerçant à la clinique [6].

La société ZURICH, en sa qualité d'assureur " GARANTIE CONTRACTUELLE DU CONDUCTEUR " a désigné le Docteur [D] [E] afin d'évaluer les préjudices subis par Monsieur [C].

Le Docteur [E] a déposé un rapport en date du 8 décembre 2014 aux termes duquel il concluait que l'état de santé de Monsieur [C] n'était pas consolidé. Un nouvel examen était prévu en juillet 2015.

Le Docteur [E] a donc convoqué Monsieur [C] à une réunion d'expertise le 10 juillet 2015 puis à une 2ème réunion d'expertise le 11 janvier 2016 auxquelles Monsieur [C] ne s'est pas présenté.

Monsieur [Z] [C] sera enfin hospitalisé du 24 novembre 2016 au 30 décembre 2016 au centre de rééducation fonctionnelle de la Châtaigneraie afin de poursuivre des séances de kinésithérapie


Au plan procédural, suivant acte en date du 24 mai 2016, Monsieur [C] a assigné en référé la société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY afin de voir désigné un expert judiciaire et se voir allouer une provision de 15.000 € outre la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ordonnance de référé en date du 9 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Pontoise a ordonné une expertise et désigné le Docteur [P] pour y procéder, il a en outre alloué à Monsieur [C] une indemnité provisionnelle de 15.000 € à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices outre la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le Docteur [P] a déposé un rapport définitif en date du 9 décembre 2020.

Par acte de commissaire de justice en date du 28 juin 2022, Monsieur [Z] [C] a fait citer la compagnie d'assurances ZURICH INSURANCE et la CPAM devant le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins d'obtenir la réparation intégrale de l'ensemble de ses préjudices suite à son accident du 21 juillet 2014.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 4 juillet 2023 auxquelles il conviendra de se reporter pour l'exposé des moyens, la société ZURICH INSURANCE demande au Tribunal :
- Juger Monsieur [C] mal fondé à invoquer les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de la société ZURICH,
- Juger que Monsieur [C] ne peut solliciter que le bénéfice de la garantie contractuelle souscrite,
- Allouer à Monsieur [C] la somme de 88.827,08 €,
- Juger qu'en tout état de cause, le montant des sommes dues ne saurait excéder le plafond de garantie d'un montant de 150.000 €,
- Prononcer toutes condamnations en deniers ou quittances,
- Débouter Monsieur [C] de toutes autres demandes,
- Dire et juger que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023 auxquelles il conviendra de se rapporter pour l'exposé des moyens, Monsieur [Z] [C] sollicite du tribunal :

- qu'il déboute la société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY de ses demandes, fins et conclusions,

- qu'il constate qu'il ne s'est rendu coupable d'aucune faute lors de l'accident du 21 juillet 2014,

- qu'il dise et juge que Monsieur [Z] [C] est recevable et bien fondé à demander l'indemnisation des conséquences dommageables de l'accident du 21 juillet 2014,
En conséquence, qu'il condamne la société ZURICH GLOBAL CORPORATE France à lui verser à titre de dommages et intérêts la somme totale de 284 934 euros se décomposant comme suit :
o 2 932.04 euros au titre des dépenses de santé avant consolidation
o 1 680.00 euros au titre des frais divers
o 6 322.80 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire avant
consolidation
o 7 829.13 euros au titre des dépenses de santé post consolidation
o 25 708.96 euros au titre de la tierce personne post consolidation
o 17 111.27euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
o 35 000 euros au titre des souffrances endurées
o 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
o 123 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
o 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément
o 20 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
o 10 000 euros au titre du préjudice d'établissement
Déduction faite de la provision de 15 000 euros soit 269 934 euros.
ainsi que 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et les dépens.

La CPAM du [Localité 10], régulièrement assignée, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture du 14 décembre a fixé les plaidoiries au 04 avril 2024. La décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024.

MOTIFS

Sur l'applicabilité de la Loi Badinter au présent litige

Monsieur [Z] [C] sollicite l'application de la loi du 5 juillet 1985.

Il expose que l'enquête de police diligentée révèle qu'au moment de l'accident il n'était pas sous l'emprise de l'alcool ou de quelconques stupéfiants, roulait à une allure modérée et ne faisait pas preuve d'un comportement particulièrement dangereux au volant.
Il ajoute que la compagnie ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY, compagnie d'assurance de l'utilitaire conduit par Monsieur [Z] [C] ne conteste pas son droit à indemnisation au titre de la la garantie étendue du conducteur et en conclut à son droit intégral à obtenir réparation de ses dommages.

Il considère que la société ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY tend à tromper la religion du Tribunal en mobilisant la jurisprudence du 13 juillet 2006, laquelle implique la présence d'un tiers conducteur du véhicule pour engager les obligations de l'assureur puisque tel est bien le cas en l'espèce.

Il rappelle que quatre conditions doivent être réunies pour l'application de la loi du 5 juillet 1985 :
- un accident de la circulation,
- une implication dans cet accident,
- la présence d'un véhicule terrestre à moteur,
- une réparation du préjudice contre le conducteur ou le gardien du véhicule impliqué,

En réponse, la société ZURICH INSURANCE conclut à l'inapplicabilité de la Loi de 1985 et à l'indemnisation de Monsieur [C] dans la limite des préjudices définis et des montants indiqués dans la police d'assurance applicable au présent litige.

Elle explique ne pas être l'assureur du véhicule tiers et n'être donc pas impliqué au sens de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985 dans l'accident de Monsieur [C] de telle sorte que ce denier ne peut que réclamer à son encontre l'application de la garantie contractuelle du conducteur.

Elle rappelle qu'aux termes de l'article R.211-8 du Code des assurances, l'obligation d'assurance ne s'applique pas à la réparation des dommages subis par la personne conduisant le véhicule et qu'il est de jurisprudence constante, qu'au sens de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, victime d'un accident de la circulation, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 à l'encontre de son propre assureur, pour obtenir l'indemnisation de son dommage.

Elle ajoute qu'aux termes de la police d'assurance produite par le demandeur, la garantie " des protections du conducteur " prévoit un plafond d'indemnisation à hauteur de 150.000 € de telle sorte que l'indemnisation des dommages subis par Monsieur [C] ne saurait excéder cette somme.

Elle souligne que Monsieur [C] ne développe strictement aucun argument pour justifier de l'application dans ses relations avec son assureur de la loi du 5 juillet 1985 et reconnaît même en page n° 7 de ses conclusions de façon on ne peut plus explicite : " Par ailleurs, la compagnie ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANK compagnie d assurance de l'utilitaire conduit par Monsieur [Z] [C] ne conteste pas le droit à indemnisation de ce dernier au titre de la garantie étendue du conducteur. " ce qui constitue un véritable aveu judiciaire.

Elle relève enfin que Monsieur [C] ne s'explique sur les raisons pour lesquelles il n'a pas fait assigner l'assureur du véhicule qui l'a percuté puisque, dès lors qu'il prétend qu'il n'a commis aucune faute, il n'existe aucune explication à ce qu'il ne demande pas à être indemnisé par l'assureur du véhicule tiers et ce, dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985.

Aux termes de l'article 1er de la loi Badinter n° 85-677 du 5 juillet 1985, " les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. "

L'article R.211-8 du Code des assurances dispose quant à lui que " (...) l'obligation d'assurance ne s'applique pas à la réparation, 1 ° des dommages subis, a) par la personne conduisant le véhicule.

En l'espèce, Monsieur [Z] [C] expose lui-même que pour une raison indéterminée, il a subitement empiété sur la voie de circulation inverse au moment même où un bus arrivait et que son véhicule est venu s'encastrer dans le rail de sécurité.

Il en découle donc que ce dernier, gardien d'un véhicule terrestre à moteur, victime d'un accident de la circulation, ne peut se prévaloir des dispositions de la loi du 5juillet 1985 à l'encontre de l'assureur du véhicule qu'il conduisait pour obtenir l'indemnisation de son dommage, en l'absence d'un tiers conducteur du véhicule, débiteur d'une indemnisation à son égard.

Dès lors, la garantie des dommages corporels du conducteur doit s'exercer dans la limite des préjudices définis et des montants indiqués dans la police soit la police d'assurance n°08900827M souscrite par RENT A CAR laquelle prévoit dans ses dispositions particulières que la garantie des dommages subis par le conducteur est limitée à la somme de 150 000 euros.

Sur la liquidation des préjudices patrimoniaux temporaires

* Sur les dépenses de santé avant consolidation

Il convient en premier lieu de rappeler que la CPAM du [Localité 10] a exposé des débours à hauteur de 88 227.54 euros à ce titre.

Monsieur [Z] [C] pour sa part sollicite la somme de 2 932,04 euros.

Il expose que l'accident du 21 juillet 2014 a été générateur de lésions poly traumatiques, qu'il est resté hospitalisé au service de réanimation de l'hôpital de [5] du 21 juillet au 31 juillet 2014 et a subi durant ce séjour hospitalier deux interventions chirurgicales, que par suite, il a été contraint de se faire ré hospitaliser à diverses reprises afin que soient réalisées des opérations visant à soulager et améliorer son état séquellaire, ces multiples prises en charge ayant été génératrices de frais.

Il explique que non titulaire d'une mutuelle, il s'est acquitté personnellement de certaines dépenses, non prises en charge par la sécurité sociale dont le montant est évalué à 2932.04 euros.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE conclut au débouté de cette demande, en l'absence de production des bordereaux de remboursement de la Sécurité Sociale considérant qu'il est impossible de vérifier si ces dépenses ont été prises en charge.

En droit, ce poste comprend l'ensemble des frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés durant la phase temporaire d'évolution de la pathologie traumatique.

A l'appui de sa demande, Monsieur [C] verse aux débats les justificatifs des sommes dont il demande le remboursement.

Il n'est pas contesté que ce dernier ne disposait pas de mutuelle dès lors, les soins de pédicurie (60 €), les dépassements d'honoraires (100€+50€+150€+300 €+300€+600€+500€+200 €), les paiements effectués au GH des portes de L'oise qui consistent dans la part d'honoraires non pris en charge par la sécurité sociale (6,9€+37,14€) et le reste à charge de 450 €de la clinique Maussins-Nollet sont bien dus.

En revanche, s'agissant des factures de la clinique Maussins-Nollet du 18 novembre 2016 et du 21 novembre 2018, il n'est pas possible de déterminer si ces sommes sont effectivement restées à la charge de Monsieur [C] et elles ne seront donc pas accordées.

Il sera donc du à Monsieur [Z] [C] la somme de 2 754,04 € au titre des dépenses de santé actuelles.

* Sur les frais divers avant consolidation

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 1 680 euros au titre du poste de frais divers constitués par les frais nécessaires à ses expertises.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de régler la somme de 480 € aux motifs que la seule pièce communiquée pour en justifier est constituée par la demande d'évaluation et de rémunération du Docteur [P] (expert judiciaire).

Selon la nomenclature DINTHILAC, ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi et notamment les honoraires d'expertises.

A l'appui de sa demande, Monsieur [Z] [C] ne verse aux débats aucune pièce.

La société ZURICH INSURANCE reconnaissant toutefois devoir la somme de 480 euros à ce titre, cette dernière seule sera retenue.

* Sur la tierce personne temporaire

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 6 322,80 euros au titre du poste d'assistance par tierce personne temporaire retenant un taux de 20 euros en semaine et de 23,20 € les dimanche et jours fériés.

Il explique avoir été aidé par sa mère et sa femme, dont l'assistance consistait en la préparation des repas, la toilette, les diligences administratives et le transport aux rendez-vous médicaux.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser la somme de 3 692 € retenant un taux horaire de 12 €.

En droit, ce poste comprend les dépenses qui visent à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer et sa perte d'autonomie.
En l'espèce, lLes dépenses de tierce personne temporaire que la victime a supportées sont nées directement et exclusivement de l'accident. En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le recours à cette aide humaine indispensable ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. S'agissant du montant, le taux horaire de 20 € apparaît adapté à la nature de l'aide requise, au handicap qu'elle est destinée à compenser et aux tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région sans qu'il soit besoin de distinguer à ce stade entre les jours de la semaine.

Le rapport d'expertise du 20 octobre 2020 a retenu la nécessité d'une assistance par tierce personne temporaire à hauteur de :

- 3h par jour pendant les périodes équivalant à 75% de déficit fonctionnel temporaire fixées comme suit :
Du 01/08/2014 au 06/08/2014 soit 5 jours,
Du 09/08/2014 au 09/09/2014 (sauf le 14/08/2014) soit 30 jours,
Soit un total de 35 jours.

- 1h30 par jour pendant 15 jours à la suite de chaque intervention chirurgicale à compter du 09 septembre 2014.
Sont ainsi concernées les interventions du :
24 septembre 2014 et 03 novembre 2016 Par le Docteur [M] soit 30 jours
04 mars 2015, 22 juillet 2015, 16 novembre 2016, 09 mars 2018, 21 décembre 2018, 10 juin 2020 et 08 juillet 2020 soit 105 jours,
soit un total de 135 jours.

Le préjudice de Monsieur [C] sera donc justement indemnisé comme suit :
- Sur les périodes de DFTP à 75% : 3h x35j x 15 € =1 575€
- pendant les 15 jours suivants chaque hospitalisation : 135 j x 1h30 x 20 € = 4 050€
soit un total de 5 625 €.


Sur les préjudices patrimoniaux permanents

* Sur les dépenses de santé futures

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 7 829,13 € au titre des dépenses de santé futures qu'il détaille comme suit :
- soins de pédicurie : 120 €,
- semelles orthopédiques : 130 € + 7 579,13 €.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser la somme de 7.709,13 €.

Elle explique contester les frais de pédicurie, le rapport d'expertise ne faisant nullement mention de tels frais futurs.

S'agissant des frais de semelles orthopédiques, elle ne les conteste pas.

En droit, ce poste comprend les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, postérieurs à la consolidation de la victime, mais qui sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l'état pathologique permanent et chronique de la victime.

S'agissant des frais de pédicurie, si il est exact que ces derniers ne sont pas visés au rapport d'expertise, il n'en demeure pas moins que Monsieur [C] a subi trois interventions réalisées entre le mois de mars 2018 et le mois de juin 2020 pour arthrodèse du 1er rayon et cure des griffes du 2ème, 3ème et 4ème orteil gauche, l'expert reconnaissant le besoin de semelles orthopédiques.

Par ailleurs, le Docteur [S], chirurgien orthopédique et traumatologique atteste le 29 novembre 2021 de ce que l'état de santé de Monsieur [C] nécessite des soins réguliers au niveau de son pied gauche, dans les suites des opérations subies précédemment.

Dès lors les soins de pédicurie exposés les 16 avril 2021, 25 juin 2021 et 26 octobre 2021 apparaissent en lien avec l'accident et seront donc pris en compte à hauteur de 90 euros.

S'agissant en revanche des soins du 23 octobre 2019, ces derniers étant antérieurs à la date de consolidation retenue par l 'expert, ils ne pourront être accordés au titre des dépenses de santé futures.

S'agissant des semelles orthopédiques, l'expert a effectivement retenu, au titre des frais de santé futurs, des semelles orthopédiques à titre viager à raison d'une paire par an.

A l'appui de cette demande, Monsieur [C] verse aux débats une quittance faisant état du coût de 130 euros pour une paire de semelles.

Ce poste doit donc être indemnisé comme suit :
- Arrérages échus : 130 €,
- Dépenses futures : 130 € x 58.301 = 7.579,13 €,
soit un total de 7 709,13 €

Le poste de dépenses de santé futures seront donc fixé à la somme de 7 799,13 euros.

* Sur la tierce personne permanente

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 25 708,96 € au titre de la tierce personne permanente retenant un taux horaire de 20 €.

Il rappelle que le rapport d'expertise du 20 octobre 2020 retient une aide pérenne évaluée à 2h par mois.
En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser à ce titre la somme de 15.425,37 € retenant un taux horaire de 12 €.

En droit, ce poste vise à indemniser " les dépenses liées à l'assistance permanente d'une tierce personne pour aider la victime handicapée à effectuer les démarches et plus généralement les actes de la vie quotidienne. Elles visent à indemniser le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie. Elles constituent des dépenses permanentes qui ne se confondent pas avec les frais temporaires que la victime peut être amenée à débourser durant la maladie traumatique, lesquels sont déjà susceptibles d'être indemnisés au titre du poste frais divers ".

En l'espèce, l'expert retient la nécessité d'une aide pérenne évaluée à 2h par mois.

Reprenant les arguments qui ont été les siens dans le cadre de l'indemnisation du poste d'aide à tierce personne temporaire, le tribunal, en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, retiendra un taux horaire de 20 €. Ce tarif apparaît adapté à la nature de l'aide requise, au handicap qu'elle est destinée à compenser et aux tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région.

Dès lors, ce poste de préjudice sera indemnisé comme suit :

- Indemnisation de la période échue (entre la date de consolidation et la liquidation) : 13 mois x 2H x 20 € = 520 €

- Indemnisation de la période à échoir (entre la date de la liquidation et la fin du besoin)

En l'espèce, Monsieur [Z] [C] est âgé de 27 ans au jour de la présente demande, le barème de capitalisation de 2020 de la Gazette du Palais, fixe s'agissant d'un homme de 27 ans un indice de rente viagère à 52,477 soit :
2 h x 12 x 20 x 52,477 = 25 188,96 €

Ce poste de préjudice sera donc fixé à 25 708,96 €.


* Sur la perte de gains professionnels futurs

Monsieur [Z] [C] sollicite que ce poste de préjudice soit réservé.

Il explique qu'au moment de l'accident, il exerçait sous contrat à durée indéterminée la profession de chauffeur livreur au sein de la SARL TLS et percevait à ce titre la rémunération mensuelle brute de 1949,24 euros, soit la somme mensuelle nette de 1478.00 euros et que du fait de l'accident, il a été contraint de cesser son activité professionnelle du 21 juillet 2014 au 09 septembre 2020.

Il précise être toujours dans l'attente d'être convoqué à une visite médicale de reprise du travail.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE indique qu'il ne peut-être, en l'état, statué sur cette demande.
Toutefois, cet argument est irrecevable.
Elle expose que Monsieur [C] est consolidé, de sorte qu'il peut être procédé à la réparation de son préjudice, l'expert judiciaire faisant état de ce que Monsieur [C] peut faire l'objet d'un reclassement professionnel sur un poste de travail sans port de charges lourdes, sans station debout prolongée et sans déplacements importants.

Elle ajoute qu'en l'état, aucun élément n'est communiqué aux débats tendant à démontrer que Monsieur [C] subirait une perte de revenus et que la créance de la CPAM dont il est tenu compte dans le calcul de l'indemnité contractuelle, nonobstant le fait que la Caisse ne dispose d'aucun recours à son encontre, fait état d'indemnités journalières versées, Monsieur [C] pouvant également percevoir une pension d'invalidité ou une rente AT.

Il convient donc de réserver ce poste de préjudice sous réserve que l'indemnisation totale du préjudice de Monsieur [C] ne dépasse pas la somme de 150 000 euros.

* Sur l'incidence professionnelle

Monsieur [Z] [C] demande que ce poste de préjudice soit également réservé exposant que n'avoir jamais repris son travail, la société ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

Il explique n'avoir jamais eu de visite de reprise, ni aucune indemnité de rupture et qu'il se retrouve aujourd'hui dans une situation très précaire avec des enfants à charge, au RSA, et une épouse qui ne travaille pas.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE sollicite également que ce poste soit réservé.

Elle indique que l'incidence professionnelle de Monsieur [C] n'est pas contestable puisque ce dernier doit faire l'objet d'une reconversion professionnelle et qu'il pourrait donc lui être allouée à ce titre une somme de 30.000 € mais que la garantie contractuelle prévoyant qu'il y a lieu de tenir compte des prestations de sécurité sociale, ce poste de préjudice ne peut être en l'état réparé dans l'attente de ce que Monsieur [C] communique aux débats la créance définitive de son organisme social, de sorte qu'il pourra alors être vérifié s'il perçoit une pension d'invalidité ou une rente AT.

En considération de ces éléments, il convient donc de réserver ce poste de préjudice sous réserve de ce que l'indemnisation de Monsieur [Z] [C] ne dépasse pas la somme de 150 000 €.

Sur les préjudices extra patrimoniaux temporaires

* Sur le déficit fonctionnel temporaire

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 14 879,37 € au titre du déficit fonctionnel temporaire retenant une base journalière de 33 euros. Toutefois, il apparaît qu'une erreur matérielle s'est glissée dans sa demande puisqu'aux termes de la demande faite au titre du DFT à 50% il a sollicité la somme de 1 600,50 € au lieu et place de 16 000,50 € soit un total de 26 214,87 €.

Il sollicite également une majoration de 15% au titre de son préjudice d'agrément temporaire.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser la somme de 19.522,58 € retenant une base journalière de 22 euros.

En droit, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle) et des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

En l'espèce, l'expert a retenu le déficit fonctionnel temporaire suivant :
- Déficit fonctionnel temporaire total : 93 jours,
- Déficit fonctionnel temporaire partiel :
35 j x75 %,
970 j x 50 %,
858 j x 33 %,

Durant cette période, Monsieur [C] a été initialement admis en réanimation chirurgicale pour prise en charge d'un polytraumatisme, il sera ensuite transféré en service de chirurgie réparatrice et maxillo-faciale, il va subir ensuite de nombreuses hospitalisations et interventions, des soins infirmiers et une prise en charge ré éducative intensive.

Compte tenu de ces éléments, il sera donc retenue une allocation journalière de 30 euros incluant le préjudice d'agrément temporaire.

L'indemnisation de Monsieur [Z] [C] devra donc être effectuée comme suit :
- DFTT: 30 x 93j = 2 790 €
- DFTP : 30€ x 35j x 75% = 787,50 €
30€ x 970j x 50% = 14 550 €
30 € x 858j x 33% = 8 494,20 €
soit un total de 26 621,7 €.

Ce poste de préjudice sera donc fixé à 26 621,70 €.


* Sur les souffrances endurées temporaires

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 35 000 euros au titre des souffrances endurées.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser à ce titre la somme de 20 000 euros.

En droit, ce poste de préjudice désigne toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation.

En l'espèce, l'expert a chiffré à 5/7 le degré des souffrances endurées par Monsieur [Z] [C] prenant en compte pour cela le caractère poly traumatique des lésions initiales, les nombreuses interventions chirurgicales, les douleurs post opératoires et la longue rééducation.

Les souffrances endurées de Monsieur [C] seront justement indemnisées par l'octroi de la somme de 30 000 euros.


* Sur le préjudice esthétique temporaire

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

Il explique qu'à la suite des multiples interventions chirurgicales, il a présenté de multiples cicatrices, a été présenté alité puis en fauteuil roulant et enfin se déplaçant à l'aide d'une béquille.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE s'oppose à cette demande aux motifs que l'expert n'a retenu aucun préjudice esthétique temporaire spécifique à la maladie traumatique.

En droit, ce poste de préjudice comprend la réparation des atteintes physiques subies par la victime, voire une altération de son apparence physique, certes temporaire, mais aux conséquences personnelles très préjudiciable, liée à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers. Dès lors qu'il existe un préjudice esthétique permanent, il existe un préjudice esthétique temporaire.

Contrairement à ce que soutient la défenderesse, en page 17 de son rapport, l'expert a chiffré à 4,5/7 le préjudice esthétique temporaire de la victime.

Il ressort du rapport d'expertise que Monsieur [C] présentait une plaie thoracique, un délabrement important du membre supérieur gauche, une plaie non articulaire du genou gauche et une plaie de la face interne de la jambe gauche. Il a été admis 10 jours en réanimation, intubé et ventilé dans un premier temps. Il présentera une plaie du scalp temporo-pariétale très hémorragique qui sera agrafée, on mettra en place des cathéters artériels et KTC en fémoral droit. Il subira de nombreuses interventions chirurgicales nécessitant ensuite des soins infirmiers. Il a dû se déplacer en fauteuil roulant, membre inférieur gauche en extension utilisant des béquilles pour le transfert lit fauteuil. Il présentera également une brûlure thermique face externe du bras gauche 5% 2ème degré profond nécessitant une greffe de peau par agrafes. Il a dû porter une chaussure de BAROUK pendant près de trois mois .à la suite de ses interventions au pied.

Compte tenu de ces éléments, il apparaît que l'apparence de Monsieur [C] a été profondément altérée jusqu'à sa consolidation et il lui sera donc alloué en réparation la somme de 20 000 euros.

Sur les préjudices extra patrimoniaux permanents

* Sur le déficit fonctionnel permanent

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 123 350 euros au titre du déficit fonctionnel permanent.

Il expose que la définition du DFP impose de distinguer clairement trois composantes :
- le déficit physique ou psychique ;
- les souffrances ressenties après consolidation ;
- l'atteinte subjective à la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence.

S'agissant des souffrances physiques et psychiques, il rappelle que le rapport d'expertise médicale a retenu un taux de 30% soit une valeur du point d'AIPP pour un homme âgé de 26 ans atteint de 30% d'incapacité permanente de 3445 en moyenne et une somme de 103 350 euros au titre de l'indemnisation de cette composante du déficit fonctionnel permanent.

S'agissant des souffrances ressenties après consolidation, il explique que cette composante du déficit fonctionnel permanent a vocation à réparer les douleurs physiques post consolidation ainsi que leur retentissement sur la victime (mal être) et qu'en ce qui le concerne, il relève : une douleur persistante au niveau de l'épaule gauche associée à une perte de force musculaire sur l'ensemble du membre supérieur gauche, une sensation de bout de bois à la place du pied gauche, des douleurs lors de marches prolongées, une petite perte d'acuité visuelle et un retentissement psychologique imputable à une frustration de manquer de force.

Il sollicite à ce titre la somme de 15 000 euros.

S'agissant de l'atteinte subjective à la qualité de vie et des troubles dans les conditions d'existence, il rappelle avoir, au cours de l'expertise judiciaire, fait part d''une conduite automobile limitée et de l'impossibilité d'accomplir des gestes de la vie courante et notamment de s'occuper de son foyer seul et explique que depuis l'accident, " je ne suis plus le même, mes handicaps rythment mon quotidien, tout est devenu dur, éprouvant à réaliser " et illustre, je suis réduit à demander de l'aide constamment pour chaque tâche : me laver, m'habiller, me faire à manger, je ne peux faire les courses seul ".

Il sollicite à ce titre la somme de 5 000 euros.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE conclut au rejet de cette demande.

Elle explique que la garantie du conducteur prévoit que l'indemnisation est faite sous déduction des prestations indemnitaires versées par les organismes de sécurité sociale et les organismes similaires ou complémentaires, les tiers payeurs désignés à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et que la pension d'invalidité ou la rente AT qui peut être versée à donc vocation à s'imputer sur le poste de déficit fonctionnel permanent si elle n'est pas absorbée préalablement au titre des sommes dues en réparation des postes PGPF et IP.

Elle rappelle que la créance définitive de l'organisme social n'est pas connue et qu'il ne peut être en l'état, accordée aucune indemnité sur ce poste de préjudice.

Elle souligne enfin que la réparation du déficit fonctionnel permanent ne peut donner lieu à une majoration en raison des souffrances ressenties après consolidation et des atteintes subjectives à la qualité de vie dans la mesure où il est précisément tenu compte de ces éléments dans le cadre de l'évaluation globale du DFP.

En droit, ce poste de préjudice tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

Le taux du déficit fonctionnel est évalué par l'expert ; celui-ci évalue bien entendu le taux de déficit du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel prenant en compte pour cela les douleurs permanentes.

L'indemnité réparant le déficit fonctionnel est fixée en multipliant le taux du déficit fonctionnel par une valeur du point. La valeur du point est elle-même fonction du taux retenu par l'expert et de l'âge de la victime à la consolidation. Elle est d'autant plus élevée que le taux est plus fort et que l'âge de la victime est plus faible.

Si il est exact qu'auparavant, la Cour de Cassation considérait que la rente prévue par le Code de la Sécurité Sociale, versée aux victimes d'accidents du travail en cas de faute inexcusable de leur employeur ou de maladies professionnelles, indemnisait à la fois les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle de l'incapacité et le déficit fonctionnel permanent, par deux arrêts rendus le 20 janvier 2023 (Cass Plen 20 janvier 2023, n° 20-23.673 et 21-23.947), la Cour de Cassation opère un revirement de jurisprudence et juge désormais que la rente versée par la Caisse de Sécurité Sociale aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et qui est établie par rapport à leur salaire de référence et au taux d'incapacité permanente défini à l'article L 434-2 du Code de la Sécurité Sociale, ne répare pas le déficit fonctionnel permanent.

En conséquence, il peut être statué sur cette demande.

En l'espèce, l'expert a chiffré à 30 % le taux de déficit fonctionnel permanent retenant pour ce faire la perte d'amplitudes et de force musculaire de certains mouvements de l'épaule gauche, l'enraidissement de la cheville gauche, l'arthrodèse de la métatarso phalangienne du gros orteil gauche ainsi que la souffrance psychologique résiduelle.

Dans son rapport, l'expert a repris les doléances de Monsieur [C] qui impactent ses capacités physiques mais également au plan psychologique.
Il est donc incontestable que compte tenu de ses séquelles, Monsieur [C] connaît une réduction définitive de son potentiel physique résultant de l'atteinte à son intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute des phénomènes douloureux importants et des répercussions psychologiques tout aussi importants sourcent de troubles extrêmement importants dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).

Tous ces éléments justifie une majoration du point à 3 800.

Ce préjudice sera donc justement réparé par l'octroi de la somme de 114 000 euros.

* Sur le préjudice d'agrément

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice d'agrément.

Il explique qu'il était un boxeur professionnel et a ainsi été en 2013, champion à la fois d'Île de France de pancrace et de lutte contact et vice champion de l'open de France.

Il ajoute qu'en parallèle, il était entraîneur de boxe et qu'il a du mettre fin à sa carrière consécutivement à l'accident et du fait " d'une limitation des activités nécessitant l'utilisation du membre supérieur gauche".

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser à ce titre la somme de 10 000 euros.

En droit, ce poste de préjudice tend à réparer l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive, de loisirs ou associative. Sont à la fois indemnisées l'atteinte et la limitation à la pratique antérieure de loisirs spécifiques. L'évaluation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l'âge, du niveau sportif.

En l'espèce, l'expert a retenu l'existence d'un préjudice d'agrément constitué par l'impossibilité de la pratique de la boxe et de la de la course à pieds.

A l'appui de sa demande, Monsieur [Z] [C] verse aux débats, la décision du Président de l'OMS de [Localité 7] lui attribuant la médaille d'encouragement pour l'année 2013 en raison de ses résultats sportifs à savoir :champion à la fois d'Île de France de pancrace et de lutte contact et vice champion de l'open de France mais également de l'obtention de ses diplômes d'entraîneur. Il justifie également de la pérennité de son engagement en tant qu'entraîneur au sein du club.

Son préjudice sera donc indemnisé à hauteur de 12 000 euros.

* Sur le préjudice esthétique permanent

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent.

Il explique que de nombreuses cicatrices sont désormais présentes sur son corps et son visage, qu'il est toujours contraint de se déplacer à l'aide d'une béquille et présente une boiterie résiduelle.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE offre de verser à ce titre la somme de 12 000 euros.

En droit, ce poste vise à indemniser les conséquences de l'altération de l'apparence physique de la victime à titre permanent.

En l'espèce, l'expert a chiffré à 4,5/7 le préjudice esthétique permanent de Monsieur [C] retenant pour cela les nombreuses cicatrices et la boiterie.

L'examen clinique du patient fait effectivement état de nombreuses et parfois importantes cicatrices présentes en fronto temporo-pariétale, au dessus de l'arcade sourcilière gauche, sur l'aile droite du nez, sur le thorax, en dorso lombaire, sur le membre inférieur gauche (5 cicatrices), sur le membre supérieur gauche (2 cicatrices) et sur les articulations métacarpo-phalangiennes des trois derniers doigts de la main gauche.

Ce préjudice sera donc réparé par l'octroi de la somme de 20 000 euros.


* Sur le préjudice d'établissement

Monsieur [Z] [C] sollicite la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice d'établissement.

Il expose que l'accident du 21 juillet 2014 a entraîné lui une perte de force associée à des douleurs continues au niveau de l'épaule gauche et du membre supérieur gauche et que de ce fait il ne peut s'occuper de ses enfants.

En réponse, la société ZURICH INSURANCE conclut au débouté de cette demande considérant qu'aucun élément ne permet de considérer qu'il ne sera pas en mesure de fonder une famille.

En droit, ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale " normale " en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteint la victime après sa consolidation : il s'agit de la perte d'une chance de se marier, de fonder une famille, d'élever des enfants et plus généralement des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui l'obligent à effectuer certaines renonciations sur le plan familial.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Monsieur [C] a pu, nonobstant son accident et les séquelles qui sont les siennes fonder une famille, il n'en demeure pas moins que les difficultés physiques et psychiques qu'il rencontre ont un impact sur sa vie familiales, son épouse attestant de ce qu'elle est son soutien nécessaire pour les actes de la vie courante notamment.

Les limitations fonctionnelles qui sont les siennes le handicapent dans le quotidien et le prive du partage de moment avec ses enfants.

Ces éléments justifient l'octroi d'une somme de 2 500 euros au titre du préjudice d'établissement.

Sur les frais du procès

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

La société ZURICH INSURANCE, partie perdante, supportera la charge des dépens.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

La société ZURICH INSURANCE sera condamnée à verser à Monsieur [Z] [C] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, aux termes de l'article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

En l'espèce, la nature de la créance et l'ancienneté du litige justifie qu'il ne soit pas fait exception à l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Dit que Monsieur [Z] [C] est mal fondé à invoquer les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 à l'encontre de la société ZURICH INSURANCE ;

Condamne la société ZURICH GLOBAL CORPORATE FRANCE, INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY à indemniser comme suit le préjudice de Monsieur [Z] [C] :
- 2 754,04 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
- 480 euros au titre des frais divers,
- 5 625 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,
- 7 799,13 euros au titre des dépenses de santé futures,
- 25 708.96 euros au titre de la tierce personne permanente,
- 26 621,70 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 30 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 20 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
- 114 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 12 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 20 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
- 2 500 euros au titre du préjudice d'établissement
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que la société ZURICH GLOBAL CORPORATE FRANCE, INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY a déjà versé la somme de 15.000 € à titre de provision ;

Rappelle qu'en exécution de la garantie des dommages corporels du conducteur, la demande en paiement de Monsieur [C] doit s'exercer dans la limite des préjudices définis et des montants indiqués dans la police soit la police d'assurance n°08900827M souscrite par RENT A CAR laquelle prévoit dans ses dispositions particulières que la garantie des dommages subis par le conducteur est limitée à la somme de 150 000 euros ;

Condamne la société ZURICH GLOBAL CORPORATE FRANCE, INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY aux dépens, déduction faite des frais d'expertises judiciaires indemnisées au titre des frais divers.

Rappelle que les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire.

Ainsi fait et jugé à Pontoise, le 28 mai 2024.

Le Greffier, Le Président,
Madame DESOMBRE Monsieur FORTON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22/04400
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;22.04400 ?
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