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27/05/2024 | FRANCE | N°23/00268

France | France, Tribunal judiciaire de Pontoise, Deuxième chambre civile, 27 mai 2024, 23/00268


DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

27 mai 2024

N° RG 23/00268 - N° Portalis DB3U-W-B7H-M5UE
Code NAC : 50G

[U] [M]
C/
[Y] [D]
[H] [P]


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier a rendu le 27 mai 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, vice-présidente
Madame ROCOFFORT, vice-présidente
Monsieur BA

RUCQ, magistrat à titre temporaire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 25 Mars 2024 devant Laure...

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

27 mai 2024

N° RG 23/00268 - N° Portalis DB3U-W-B7H-M5UE
Code NAC : 50G

[U] [M]
C/
[Y] [D]
[H] [P]

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PONTOISE

La Deuxième Chambre Civile du Tribunal judiciaire de Pontoise, statuant publiquement, par décision contradictoire et en premier ressort assistée de Emmanuelle MAGDALOU, Greffier a rendu le 27 mai 2024, par mise à disposition au greffe, le jugement dont la teneur suit et dont ont délibéré :

Madame CITRAY, vice-présidente
Madame ROCOFFORT, vice-présidente
Monsieur BARUCQ, magistrat à titre temporaire

Sans opposition des parties l'affaire a été plaidée le 25 Mars 2024 devant Laurence ROCOFFORT, siégeant en qualité de Juge Rapporteur qui a été entendu en son rapport par les membres de la Chambre en délibéré. Le jugement a été rédigé par Laurence ROCOFFORT.
--==o0§0o==--

DEMANDEUR

Monsieur [U] [M], né le 09 Février 1959 à [Localité 4], demeurant [Adresse 6]

représenté par Me Marion DESPLANCHE, avocat au barreau du Val d’Oise et assisté de Me Aurore FRANCELLE, avocat plaidant au barreau de Paris

DÉFENDEURS

Monsieur [Y] [D], né le 11 décembre 1975 à [Localité 3] (Algérie), demeurant [Adresse 1]

Madame [H] [P] épouse [D], née le 25 mai 1976 à [Localité 5] (Algérie), demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Yacine EL GERSSIFI, avocat au barreau du Val d’Oise

--==o0§0o==--
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [U] [M] est propriétaire d’une maison située [Adresse 1]), qu’il a donné à bail aux termes d’un contrat de location en date du 1er janvier 2011 à Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D].
Au terme d’un acte notarié en date du 24 septembre 2021, Monsieur [U] [M] a conclu au bénéfice des époux [D] une promesse unilatérale de vente portant sur ledit logement, expirant le 27 décembre 2021, pour un prix fixé à 260.000 euros, se décomposant ainsi :
100.000 euros payable comptantEt le versement d’une rente annuelle et viagère de 8.400 euros crée au profit et sur la tête du promettant.L’indemnité d’immobilisation était fixée à 10% du prix de vente, soit la somme de 26.000 euros. Il était enfin prévu que le bénéficiaire devait déposer la somme de 13.000 euros dans le délai de 10 jours passés la signature de la promesse ; ce versement a été réalisé par les époux [D].
La vente n’a cependant pas été régularisée ; les époux [D] n’ont pas signé l’acte authentique ni levé l’option de la promesse.
Le vendeur, invoquant la relation d’amitié et de confiance avec ses acheteurs, a tenté d’obtenir une explication, notamment par courrier en date du 12 mars 2022.
Par courrier recommandé en date du 8 juin 2022, le notaire a écrit aux bénéficiaires de la promesse pour leur indiquer que la promesse était caduque.
Par courrier en date du 12 juin 2022, les époux [D] ont indiqué à Monsieur [M] qu’ils avaient pris connaissance de l’annulation de la vente et qu’ils quitteraient le logement.
Par courrier en date du 18 novembre 2022, le conseil du vendeur a indiqué aux époux [D] que compte tenu de la situation, il entendait solliciter le versement de l’indemnité d’immobilisation prévue.
Par acte d’huissier en date du 12 janvier 2023, Monsieur [U] [M] a fait assigner Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] devant le tribunal judiciaire de Pontoise aux fins de condamnation au versement de l’indemnité d’immobilisation.
Au terme de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 janvier 2024, Monsieur [U] [M] demande au tribunal judiciaire de Pontoise de :
Débouter Monsieur et Madame [D] de l’ensemble de leurs demandes ;Déclarer que Monsieur et Madame [D] n’ont pas levé l’option dans les délais fixés par la promesse de vente ni signé l’acte de vente au plus tard le 21 décembre 2021 ;Déclarer que la résiliation de la promesse de vente est intervenue aux torts exclusifs des époux [D] ;Déclarer que l’indemnité d’immobilisation d’un montant de 26.000 euros restera acquise à Monsieur [M] ;Autoriser Maître [Z] [L], Notaire de la Société CELLARD ASSOCIES, sise [Adresse 2], à lui remettre, sur présentation du jugement à intervenir, la somme de 13.000 euros ;Condamner les époux [D] à lui verser le solde de l’indemnité d’immobilisation d’élevant à la somme de 13.000 euros ;Condamner les époux [D] aux dépens de l’instance ;Condamner les époux [D] à lui verser la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A l’appui de sa demande, Monsieur [U] [M] affirme, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, que l’indemnité d’immobilisation stipulée dans la promesse lui ait due en ce que les époux [D] ont refusé d’acquérir le bien, et ce de façon discrétionnaire en n’ayant ni levé l’option ni signé l’acte de vente pendant le délai de réalisation de la promesse.
En réponse à la demande reconventionnelle des époux [D] en nullité, s’agissant tout d’abord de l’erreur sur la nature de l’opération immobilière, Monsieur [U] [M] affirme que les parties ont toujours été d’accord de conclure une vente sous forme de viager et non de crédit-vendeur. S’agissant de l’erreur sur la surface du bien, le demandeur souligne que la loi Carrez et Boutin ne s’applique pas au présent litige et que, en tout état de cause, les époux [D] avaient parfaitement connaissance de la surface du bien d’autant qu’ils y vivent depuis 13 ans. En outre, le demandeur indique le fondement invoqué par les défendeurs n’est pas applicable ici en ce que la surface du bien n’était pas mentionnée dans la promesse.
Enfin, Monsieur [U] [M] indique avoir subi d’importants préjudices LMJe l’indique ici mais je ne comprends pas bien comment l’articuler par la suite dans la motivation ou s’il faut le faire tout simplement sachant qu’il n’a pas fait de demandes au titre spécifiquement de ses préjudices
du fait principalement des manquements contractuels des défendeurs le forçant à immobiliser son bien pendant plusieurs mois ainsi qu’en raison du maintien illégal des époux dans le logement sans s’acquitter des sommes dues.

Au terme de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 25 janvier 2024, Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] sollicitent du tribunal judiciaire de voir :
Débouter Monsieur [U] [M] de l’intégralité de ses demandes ;Prononcer la nullité de la promesse de vente en date du 24 septembre 2021 ;Condamner Monsieur [U] [M] à leur restituer l’indemnité d’immobilisation de 13 000 € ;Autoriser Maître [Z] [L], Notaire, à restituer aux époux [D] l’indemnité d’immobilisation de 13 000 € sur présentation de la décision à intervenir ;Condamner Monsieur [U] [M] à leur payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.Les époux [D] estiment, au visa des articles 1132, 1133 et 1616, 1617 du code civil qu’il y a eu en l’espèce une erreur sur la nature de l’opération immobilière en ce qu’ils pensaient conclure un crédit-vendeur et non une vente en viager ainsi qu’une erreur sur la surface du bien qui est plus petite que celle indiquée dans le bail d’habitation. S’agissant du préjudice de Monsieur [M], les défendeurs réfutent son existence en affirmant que le demandeur était parfaitement libre de remettre en vente le bien litigieux et qu’il continue d’en percevoir les loyers.

Conformément aux termes des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il sera expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance en date du 1er février 2024, l'audience de plaidoiries s'est tenue le 25 mars 2024, et les conseils des parties ont été avisés que le jugement sera mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile, le 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indemnité d’immobilisation
L’article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L’article 1104 suivant dispose que les contrats doivent être négociés, formés, et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public.

L’article 1132 du code civil dispose que l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
L’article 1133 dispose que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.

Aux termes de la promesse unilatérale de vente signée le 24 septembre 2021, il était prévu que, dans le cas où le bénéficiaire n’aurait pas levé l’option ni signé l’acte de vente, « il sera de plein droit déchu du bénéfice de la promesse au terme dudit délai de réalisation sans qu’il soit besoin d’une mise en demeure de la part du promettant, qui disposera alors librement du bien nonobstant toute manifestation ultérieure de la volonté du bénéficiaire de l’acquérir ». Le délai de réalisation était prévu jusqu’au 27 décembre 2021.
Il n’est pas contesté qu’à cette date, les acquéreurs n’avaient pas levé l’option, n’avaient pas signé l’acte de vente ; la caducité de la promesse de vente n’est pas contestée.

Les défendeurs invoquent que la promesse était nulle en raison tout d’abord de l’erreur portant sur la nature de l’opération immobilière et en raison par ailleurs de l’erreur afférente à la surface du bien.
Il ressort de la promesse de vente que le paiement sera réalisé « pendant la vie et jusqu’au décès du promettant, époque à laquelle ladite rente sera éteinte et amortie » ; elle présentait en outre les clauses relatives à la rente viagère, et ne faisait, a contrario, aucune mention d’un « crédit-vendeur ».
Il convient d’ajouter que la promesse de vente a été adressée préalablement au notaire des époux [D], professionnel ; aucun élément ne permet de caractériser une absence de compréhension des termes de la promesse de vente en viager par les époux [D].
S’agissant par ailleurs de la surface du bien, il convient de relever que la promesse de vente ne la mentionnait pas ; les époux [D] sont donc mal fondés à invoquer la nullité du contrat en raison d’une erreur portant sur la surface du bien.
Aux termes de la promesse de vente, l’indemnité d’immobilisation avait été fixée à la somme de 26.000 euros, et la somme de 13.000 euros versée entre les mains du notaire. Il était prévu que « en cas de non-réalisation de la vente (…) la somme versée restera acquise au promettant à titre d’indemnité forfaitaire pour l’immobilisation entre ses mains de l’immeuble formant l’objet de la présente promesse de vente pendant la durée de celle-ci ».
En l’espèce, il ressort de la procédure que le bien immobilier, qui était loué aux acquéreurs lesquels versaient donc leur loyer, a été immobilisé pendant la durée de 3 mois ; dès le 27 décembre 2021, la vente était caduque.
Le versement de cette indemnité s’apparente en l’espèce au versement d’une clause pénale. La relative courte durée de l’immobilisation justifie le versement d’une somme de 13.000 euros.
Par conséquent, Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] seront condamnés à verser à Monsieur [U] [M] la somme de 13 000 euros.

Sur les mesures de fin de jugement
Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Succombant, Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] seront condamnés aux dépens de la présente instance.

Sur l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
En l'espèce, l'équité commande d'allouer à Monsieur [U] [M] la somme de 4.000 euros.
Sur l'exécution provisoire
Depuis le 1er janvier 2020, aux termes de l'article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
En l'espèce, il n'y a pas lieu de déroger à l'exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS

CONDAMNE Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] à verser à Monsieur [U] [M] la somme de 13.000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation,
AUTORISE en conséquence Maître [Z] [L], Notaire de la Société CELLARD ASSOCIES, sise [Adresse 2], à remettre entre les mains de Monsieur [U] [M], sur présentation de la présente décision, la somme séquestre d’un montant de 13.000 euros,
CONDAMNE Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] à verser à Monsieur [U] [M] la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire,

CONDAMNE Monsieur [Y] [D] et Madame [H] [P] épouse [D] aux entiers dépens de la présente instance.

Ainsi jugé le 27 mai 2024, et signé par le président et le greffier.

Le greffierLe président
Emmanuelle MAGDALOUStéphanie CITRAY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Pontoise
Formation : Deuxième chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00268
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;23.00268 ?
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