TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE [Localité 9]
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N° RG 24/53895 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4UY4
N° : 3-CH
Assignation du :
16 Mai 2024
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 04 septembre 2024
par Marie PAPART, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Célia HADBOUN, Greffière.
DEMANDERESSES
La société ATELIER [T] [L], société par actions simplifiée
[Adresse 5]
[Localité 1]
La société [C] [W], société à responsabilité limitée
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentées par Maître Anne-Marie BELLENGER de la SELARL BELLENGER BLANDIN AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C0937
DEFENDERESSE
S.N.C. ALTAREA COGEDIM IDF
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Maître Julien GIRARD de la SELARL SELARL ATMOS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #P0321
DÉBATS
A l’audience du 26 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Marie PAPART, Vice-présidente, assistée de Célia HADBOUN, Greffière,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
EXPOSE DU LITIGE
La SNC ALTAREA COGEDIM IDF a entrepris une opération de construction d’un ensemble immobilier, destiné à faire l’objet de ventes en état futur d’achèvement sur un terrain situé sur la ZAC de [Localité 7] dont l’aménageur est l’établissement public d'aménagement [Localité 9]-[Localité 10] (ci-après l’« EPAPS »).
Dans cet objectif, une mission de maîtrise d’œuvre de conception et d’exécution a été confiée au groupement d’architectes conjoints non solidaires composé de :
- l’AGENCE [C] [W] pour les lots T7A2 et T7C ;
- l’ATELIER [T] [L] pour les lots T7A1, T7B et T7D.
Un contrat de maîtrise d’œuvre de conception et d’exécution a été signé le 10 octobre 2023.
L’article 5 du contrat prévoit que le montant des honoraires du groupement d’architectes est arrêté à 7,5% du montant prévisionnel des travaux soit 1 862 623,58 euros HT.
L’ATELIER [T] [L] a adressé pour règlement les factures NH68-1023 d’un montant de 55 878,71 euros TTC et NH12-0224 d’un montant de 152 751,21 euros TTC, et par courriers recommandés en date des 22 janvier et 05 février 2024, a mis en demeure le maître d’ouvrage de procéder au règlement des dites factures.
L’AGENCE [C] [W] a adressé pour règlement les factures n° 2023-071 d’un montant de 56 466,12 euros TTC et n°2024-012 d’un montant de 149 697,69 euros TTC, et par courriers recommandés en date des 05 février et 04 mars 2024, a mis en demeure le maître d’ouvrage de procéder au règlement des dites factures.
Par acte d'huissier délivré le 16 mai 2024, les architectes ont fait assigner la SNC ALTAREA COGEDIM IDF devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins de versement d’une provision.
L'affaire appelée à l'audience du 26 juin 2024, a été retenue pour être plaidée.
A l'audience, représentés par leur conseil, les architectes réitèrent leurs demandes initiales et sollicitent la juridiction de :
« Vu les articles 835 et suivant du Code de Procédure Civile
Vu l’article 1103 et suivants du Code Civil
Vu l’article 1231-1 du Code Civil
Il est demandé à Madame ou Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de Paris statuant en référés de :
- CONDAMNER à titre provisionnel, la société Altarea Cogedim Ile de France à payer à l’Atelier Stéphane Fernandez la somme de 208 629,9 €TTC au titre :
▪ de la facture n° NH68-1023 du 6 octobre 2023 d’un montant de 55 878,71 € TTC
▪ de la facture n° NH 12-0224 du 12 février 2024 d’un montant de 152 751,21 € TTC
- CONDAMNER à titre provisionnel, la société Altarea Cogedim Ile de France à verser à l’Atelier Stéphane Fernandez les pénalités de retard calculées conformément aux dispositions des articles L.441-6 du Code du commerce ; ainsi qu’une somme forfaitaire de 40 euros au titre des frais de recouvrement en application des dispositions de l’article D.441-5 du Code du commerce ;
- CONDAMNER à titre provisionnel, la société Altarea Cogedim Ile de France à payer à l’Agence [C] [W] la somme de 206 163,8 € TTC TTC au titre :
▪ de la facture n°2023-071 du 10 octobre 2023 d’un montant de 56 466, 12 € TTC
▪ de la facture n° 2024-012 du 12 février 2024 d’un montant de 149 697,69 € TTC
- CONDAMNER à titre provisionnel, la société Altarea Cogedim Ile de France à verser à l’Agence [C] [W] les pénalités de retard calculées conformément aux dispositions des articles L.441-6 du Code du commerce ; ainsi qu’une somme forfaitaire de 40 euros au titre des frais de recouvrement en application des dispositions de l’article D.441-5 du Code du commerce ;
- CONDAMNER la société Altarea Cogedim Ile de France à payer à l’Atelier Stéphane Fernandez et l’Agence [C] [W] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. »
Dans ses conclusions visées par le greffe et oralement soutenues à l'audience du 26 juin 2024, la SNC ALTAREA COGEDIM IDF, représentée par son conseil, sollicite la juridiction de :
« Vu l’article 835 et suivants du Code de procédure civile,
Vu l’article 1231-1 du Code civil,
Vu l’assignation,
La société ALTAREA COGEDIM IDF demande à Madame, Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de Paris de :
▪ JUGER sérieusement contestables les demandes en paiement des sociétés ATELIER [T] [L] et [C] [W],
En conséquence,
▪ JUGER n’y avoir lieu à référé ;
▪ REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés ATELIER [T] [L] et [C] [W],
▪ CONDAMNER les sociétés ATELIER [T] [L] et [C] [W] à verser chacune à la société ALTAREA COGEDIM IDF la somme de 2.500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. »
A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 04 septembre 2024, date du présent jugement.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties et à la note d’audience.
MOTIVATION
I - Sur les demandes de provision :
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile : « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »
Le montant de la provision n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
I.A – Au titre des factures émises après la phase de réalisation du 3ème atelier aménageur :
En l'espèce, la société défenderesse allègue l’existence d’une contestation sérieuse faisant obstacle à la demande provisionnelle fondée sur ces factures, en l’absence de production de livrables conformes à l’issue de cet atelier et en l’absence de validation des livrables par l’aménageur.
Elle invoque notamment à l’appui de ses allégations des courriels émis les 14 et 11 décembre 2023 par l’aménageur et le représentant de la ville d’[Localité 8].
Cependant il ressort de la seule lecture de ces documents versés aux débats que contrairement à ce qu’affirme la société défenderesse :
- les enjeux architecturaux n’ont pas été abordés et aucun dessin de façade n’a été présenté, mais uniquement au cours de la seule séance dont il est fait une synthèse à l’occasion du mail, et non de manière générale et absolue ;
- s’il ressort du courriel émis le 11 décembre 2023 par le représentant de la ville que les études ACV relatives au carbone n’ont pas été mises à jour par rapport au précédent envoi et que les résultats restent non conformes au niveau RE2028, il ressort du courriel émis le 14 décembre 2023 par l’aménageur que les modes constructifs détaillés conviennent, à condition d’atteindre le niveau 2028 de la RE.
La société défenderesse invoque également au titre de la contestation sérieuse l’absence de validation par l’aménageur des livrables établis en atelier, alors qu’il ressort d’un courriel daté du 21 février 2024 versé aux débats émanant de l’aménageur que ce dernier conteste devoir valider ces documents, et précise rendre des avis formels sur dossier de pré-permis de construire et sur un rendu complet à chaque phase de projet.
Cette assertion est confirmée par la lecture de l’article 19.1 alinéa 2 du CCCT annexé au contrat de maîtrise d’œuvre dont il ressort que le constructeur communiquera à l’aménageur le projet définitif pour avis préalablement au dépôt de la demande de permis de construire.
Or il ressort du contrat de maîtrise d’œuvre que la phase de réalisation du 3ème atelier dont le règlement a été réclamé est antérieure à la phase de dépôt de permis de construire, et que l’avis de l’aménageur à ce stade n’apparaît pas prévu contractuellement.
Par conséquent, il ne saurait se déduire à ce stade et de ces éléments l’existence d’une contestation sérieuse faisant obstacle à la demande de provision au titre des factures émises en vue du règlement des honoraires dus, suite à l’exécution de la phase de réalisation du 3ème atelier aménageur.
Dès lors, la société défenderesse se trouve devoir les sommes réclamées au titre des factures NH68-1023 d’un montant de 55 878,71 euros TTC et 2023-071 d’un montant de 56 466,12 euros TTC, émises par les sociétés demanderesses en règlement de cette phase, de manière non contestable.
Les sommes de 55 878,71 euros TTC et de 56 466,12 euros TTC seront donc attribuées en tant que provisions respectivement aux sociétés ATELIER [T] [L] et AGENCE [C] [W] au titre de l’exécution de la phase de réalisation du 3ème atelier aménageur.
I.B – Au titre des factures émises après la phase de dépôt de permis de construire :
En l’espèce, les sociétés demanderesses allèguent l’absence de contestation sérieuse faisant obstacle à leur demande de provision fondée sur les factures émises en règlement de la phase de dépôt de permis de construire, au motif que les éléments versés aux débats démontrent l’exécution de la phase de mission « permis de construire ».
Outre qu’il sera fait observer que la mission « permis de construire » englobe plusieurs phases dont celle du dépôt de permis de construire, il sera également fait observer que les factures émises dont le règlement est réclamé le sont précisément au titre de l’exécution de cette phase « dépôt de permis de construire ».
Or, aucun des documents versés aux débats par les sociétés demanderesses ne permet d’établir qu’un permis de construire a bien été déposé, dépôt dont la preuve n’est d’ailleurs pas rapportée.
Par conséquent, la demande de provision formée par les sociétés demanderesses au titre du règlement des factures émises après la phase de dépôt de permis de construire se heurte à une contestation sérieuse, et il ne saurait y avoir lieu à référé sur ce point.
I.C – Sur les pénalités de retard et frais de recouvrement :
Aux termes de l'article L. 441-10 du code de commerce, dans sa version issue de l'ordonnance du 24 avril 2019 : « Les conditions de règlement mentionnées au I de l'article L. 441-1 précisent les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Dans ce cas, le taux applicable pendant le premier semestre de l'année concernée est le taux en vigueur au 1er janvier de l'année en question. Pour le second semestre de l'année concernée, il est le taux en vigueur au 1er juillet de l'année en question. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due. »
Aux termes de l’article D441-5 du code de commerce : « Le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au II de l'article L. 441-10 est fixé à 40 euros. »
Les pénalités de retard prévues à l'article L. 441-10 du code de commerce, qui sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans le contrat, et sont notamment applicables aux acomptes dus en vertu d'un marché de travaux, s'appliquent, selon l'alinéa 1 du texte, aux relations entre, d'un côté, tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur, de l'autre, tout acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui contracte pour son activité professionnelle.
Tel est le cas en l’espèce, aussi les sommes allouées aux sociétés demanderesses seront-elles assorties des pénalités de retard calculées conformément aux dispositions de l’article L. 441-10 du code de commerce et d’une somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement en application des dispositions de l’article D441-5 du code de commerce.
III - Sur les dépens et frais irrépétibles :
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile : « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ».
La société défenderesse, qui succombe partiellement en ses prétentions essentielles, supportera donc les dépens.
Aux termes de l'article 700 alinéas 1 et 2 du code de procédure civile : « Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. »
En équité, il convient de condamner la société défenderesse à payer aux sociétés demanderesses la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort ;
Condamnons la société SNC ALTAREA COGEDIM IDF à payer à la société ATELIER [T] [L] la somme provisionnelle de 55 878,71 euros TTC ;
Condamnons la société SNC ALTAREA COGEDIM IDF à payer à la société SARL [C] [W] la somme provisionnelle de 56 466,12 euros TTC ;
Disons que ces sommes seront assorties des pénalités de retard calculées selon les dispositions de l’article L.441-10 du code de commerce ainsi que de la somme de 40 euros au titre des frais de recouvrement en application des dispositions de l’article D441-5 du code de commerce ;
Condamnons la société SNC ALTAREA COGEDIM IDF au paiement des dépens ;
Condamnons la société SNC ALTAREA COGEDIM IDF à payer aux sociétés ATELIER [T] [L] et SARL [C] [W] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Rejetons le surplus des demandes ;
Rappelons que l'exécution provisoire est de droit.
Fait à [Localité 9] le 04 septembre 2024
La Greffière, La Présidente,
Célia HADBOUN Marie PAPART