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04/09/2024 | FRANCE | N°24/05012

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 04 septembre 2024, 24/05012


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 04/09/2024
à : Maître Paul romain GIRARD


Copie exécutoire délivrée
le : 04/09/2024
à : Maître Thierry CHAPRON

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/05012
N° Portalis 352J-W-B7I-C44LU

N° MINUTE : 1/2024







ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 04 septembre 2024


DEMANDERESSE
S.A.R.L. SIN CAPITAL, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Thierry CHAPRON de la SCP CH

APRON LANIECE YGOUF ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0479 substituée par Maître Nadine RAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C0412


DÉFE...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 04/09/2024
à : Maître Paul romain GIRARD

Copie exécutoire délivrée
le : 04/09/2024
à : Maître Thierry CHAPRON

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/05012
N° Portalis 352J-W-B7I-C44LU

N° MINUTE : 1/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 04 septembre 2024

DEMANDERESSE
S.A.R.L. SIN CAPITAL, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Thierry CHAPRON de la SCP CHAPRON LANIECE YGOUF ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0479 substituée par Maître Nadine RAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C0412

DÉFENDERESSE
Madame [M] [A], demeurant [Adresse 3]
représentée par Maître Paul romain GIRARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0028

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 juillet 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 04 septembre 2024 par Deborah FORST, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière

Décision du 04 septembre 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/05012 - N° Portalis 352J-W-B7I-C44LU

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er avril 1994 Madame veuve [J] [C], représentée par Monsieur [S] [E] pour la SA GPHS, administrateur de biens, a donné à bail à Madame [M] [A] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 3], pour une durée de trois ans renouvelable, et pour un loyer mensuel révisable de 2700 francs.

Par acte de commissaire de justice du 4 août 2023, la société SIN Capital a fait délivrer à Madame [M] [A] un congé pour vente au prix de 375 000 euros, à effet au 31 mars 2024.

Par acte de commissaire de justice du 8 avril 2024, la société Sin Capital a fait assigner Madame [M] [A] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de :
- dire que sa demande est recevable et bien fondée ;
- valider le congé pour vendre délivré le 4 août 2023 par la société SIN Capital à Madame [M] [A] ;
- en conséquence, constater que Madame [M] [A] est occupante sans droit ni titre de l'appartement situé au [Adresse 3] au [Adresse 3] ;
- ordonner l'expulsion de Madame [M] [A] et de tous les occupants de son chef dans les lieux loués qu'elle occupe, si besoin avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique, et avec l'assistance d'un serrurier s'il y a lieu ;
- ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux loués dans les garde-meubles qu'elle désignera ou dans tel autre lieu au choix du bailleur, et ce, en garantie de toute somme qui pourrait être due à charge de Madame [M] [A] ;
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme antérieurement exigée au titre des loyers et des charges, soit la somme de 713,48 euros ;
- condamner Madame [M] [A] à la somme mensuelle de 713,48 euros à compter du 1er avril 2024 jusqu'à la restitution des lieux ;
- condamner Madame [M] [A] au paiement de la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience du 16 mai 2024 (sous le numéro de RG 24/4358), à laquelle une caducité de la demande a été prononcée et rétractée d'office.

L'affaire a été rappelée à l'audience du 16 juillet 2024 (sous le numéro de RG 24/5012), à laquelle elle a été retenue.

La société SIN Capital, représentée par son conseil, a maintenu ses demandes telles que formulées dans son acte introductif d'instance et a sollicité en outre le rejet des demandes adverses.

Aux termes de son assignation et de ses observations orales, et en réponse à la fin de non-recevoir soulevée en défense, elle soutient que sa demande est recevable dans la mesure où elle produit l'intégralité de l'attestation notariée du 30 juin 2011 établissant sa qualité de propriétaire. Sur le fond, expose que le congé a été délivré conformément aux dispositions de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, et fait valoir qu'il n'y a pas lieu d'accorder de délais pour quitter les lieux à la locataire. En réponse à la demande de dommages et intérêts formée à titre provisionnel par la partie adverse, elle estime que celle-ci n'apporte aucune preuve de l'indécence des lieux.

Décision du 04 septembre 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/05012 - N° Portalis 352J-W-B7I-C44LU

Madame [M] [A], représentée par son conseil, a déposé des conclusions écrites, reprises par ses observations orales, aux termes desquelles elle demande :
- à titre principal de déclarer la société Sin Capital irrecevable en sa demande ;
- subsidiairement, de constater la nullité du congé pour vente et en conséquence de débouter la société SIN Capital de sa demande d'expulsion ;
- à titre encore subsidiaire, d'accorder à Madame [M] [A] un délai d'un an renouvelable avant de restituer les lieux ;
- à titre reconventionnel :
o de constater les différents critères d'indécence au sens de l'article 6 de la loi n° 89-462 et du décret n° 2022-120 affectant les lieux ;
o de constater qu'à défaut de respecter des critères de décence, la société Sin Capital ne peut se prévaloir de la résiliation du bail pour solliciter l'expulsion de Madame [M] [A] ;
o de constater qu'à défaut de respect des critères de décence malgré les alertes de sa preneuse, la société Sin capital a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité civile contractuelle ;
o de constater que le préjudice de jouissance de Madame [M] [A] est de 17 837 euros correspondant à 50% du loyer sur une période de 50 mois allant de mai 2020 à juillet 2024 ;
o en conséquence de débouter la société Sin Capital de sa demande d'expulsion pour non-respect des règles de décence ;
o de condamner la société Sin capital au paiement à Madame [M] [A] de la somme de 17 837 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;
- en tout état de cause, condamner la société Sin Capital au paiement de la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de la fin de non-recevoir qu'elle soulève, Madame [M] [A] expose, au visa des articles 31 et 122 du code de procédure civile, que la société SIN Capital ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt à agir, l'attestation de propriété versée par la partie demanderesse ne comportant que deux pages n'indiquant nullement qu'elle détient sa propriété de Madame veuve [J] [C], ni l'adresse ou les références cadastrales du bien.

Au soutien de sa demande subsidiaire tendant à constater que le congé est nul, elle estime, sur le fondement de l'article 15 I alinéa 7 de la loi du 6 juillet 1989, et de l'article 2-23 de la notice d'information annexée à l'arrêté du 13 décembre 2017 que le congé ne contient aucune description du bien, et que l'omission de cette mention lui porte nécessairement grief.

Elle expose à titre encore subsidiaire pouvoir bénéficier des délais prévus aux articles L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d'exécution compte tenu de son âge de 64 ans, de son absence de famille, de l'occupation des lieux pendant trente ans au cours desquels elle a toujours réglé son loyer, des démarches accomplies auprès de son bailleur lors de la réception du congé afin de solliciter des délais de manière amiable, et de la demande d'attribution d'un logement social et d'accès aux établissements CAVSP qu'elle a formée.

A l'appui de sa demande reconventionnelle, elle expose que le propriétaire a engagé sa responsabilité contractuelle à son égard, sur le fondement des articles 1231-1 et 1719 du code civil, de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et des article 2 et 6 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 en lui louant un logement indécent sans manifester de volonté d'y accomplir des travaux. Elle estime que l'indécence est caractérisée par des traces d'humidité sur les murs et des fissures au sol et au plafond, à l'absence de diagnostic technique comprenant un diagnostic énergétique, et avoir subi un trouble de jouissance liée à l'indécence du logement et à l'absence de volonté du propriétaire d'y accomplir de travaux de réparation. Elle en conclut que d'une part le propriétaire ne peut solliciter l'expulsion, et que d'autre part, celui-ci doit indemniser son préjudice.
Décision du 04 septembre 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/05012 - N° Portalis 352J-W-B7I-C44LU

A l'issue des débats l'affaire a été mise en délibéré au 4 septembre 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

I. Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Sin Capital

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité.

L'action tendant à l'expulsion d'un occupant sans droit ni titre est réservée au titulaire d'un droit de propriété sur le bien.

En l'espèce, le bail du 1er avril 1994 produit aux débats mentionne qu'il a été conclu d'une part entre Madame veuve [J] [C], représentée par Monsieur [S] [E] pour la SA GPHS, administrateur de biens, et d'autre part Madame [M] [A], et d'autre part qu'il porte sur l'appartement situé [Adresse 3].

Le congé pour vente du 4 août 2023 a été délivré par la société Sin Capital, qui n'est pas le bailleur mentionné sur le contrat du 1er avril 1994.

Pour déterminer si la société Sin Capital dispose de la qualité et d'un intérêt à agir contre Madame [M] [A], il convient donc de déterminer si la société Sin Capital justifie avoir acquis la propriété du bien postérieurement à la conclusion du bail.

A ce titre, la société Sin Capital produit une attestation notariée en date du 30 juin 2011, selon laquelle elle a acquis de Monsieur [G] [I] [U] [O] [C], de Madame [R] [Y] [C] et de Madame [K] [V] [C] un terrain situé [Adresse 3] à [Localité 4] cadastré section BI numéro [Cadastre 1] lieudit [Adresse 3] pour une contenance de 01a 74 ca, constitué d'un corps de bâtiment élevé sur cave d'un rez-de-chaussée comprenant deux boutiques et cinq étages carrés, sixième étage lambrissé surmonté d'un grenier et une cour derrière. Si le nom de Madame veuve [J] [C] n'apparaît pas sur cet acte notarié, il n'en demeure pas moins que la société Sin Capital justifie avoir acquis l'immeuble situé à l'adresse du bail, et que le bien objet du bail se trouve à un étage (le troisième), qui est intégré dans le corps de bâtiment acquis par la société Sin Capital.

Ainsi et au regard de ces éléments, la société Sin Capital justifie être propriétaire des lieux objet du bail du 1er avril 1994, de sorte que sa qualité et son intérêt à agir sont établis.

Il en résulte que la fin de non-recevoir soulevée par Madame [M] [A] sera rejetée.

II. Sur le congé délivré par la société Sin Capital et ses conséquences

En application des dispositions des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.

A titre liminaire, il convient de préciser qu'il ne rentre pas dans les pouvoirs du juge des référés de valider le congé mais uniquement de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de la poursuite de l'occupation après la date d'effet du congé.

A. Sur la demande tendant à annuler le congé pour omission de mentions relatives à la description du bien

Aux termes de l'article 15 I. de la loi du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué (…). Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.
En cas d'acquisition d'un bien occupé :
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient plus de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur peut donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le logement qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du contrat de location en cours ;
- lorsque le terme du contrat en cours intervient moins de deux ans après l'acquisition, le congé pour reprise donné par le bailleur au terme du contrat de location en cours ne prend effet qu'à l'expiration d'une durée de deux ans à compter de la date d'acquisition.
En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
(…)
Une notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire est jointe au congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre ou de vendre le logement. Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice.

L'arrêté du 13 décembre 2017, prévoit le contenu de cette notice, dont l'article 2-2-3 " mention obligatoire " prévoit que la notification du congé pour vendre doit comporter plusieurs mentions spécifiques :
- la mention que le bailleur entend reprendre le logement pour le vendre ;
- le congé doit indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée des seuls locaux et éventuelles dépendances loués. A cet effet, le congé reprend la désignation des locaux loués figurant au bail ;
- le congé doit décrire avec exactitude les locaux loués et quelles sont leurs dépendances éventuelles. En revanche, il n'est pas obligatoire que la superficie du logement soit mentionnée dans le congé ;
- la notification du congé doit reproduire les cinq premiers alinéas du II de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 précitée, lesquels indiquent quelles sont les conditions de l'offre de vente au profit du locataire.

L'article 15 II. de la loi du 6 juillet 1989 dispose que lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée.

En l'espèce, le congé du 4 août 2023 comporte en annexe la notice d'information.

Par ailleurs, le congé comporte la description du bien de la manière suivante : " vous êtes locataire de divers locaux à usage d'habitation sis [Adresse 3] au [Adresse 3] composé de deux pièces principales, cuisine équipée avec meuble cuisine, 2 plaques électriques, frigidaire, évier sur placard, salle de bains avec WC ". Le congé comporte ainsi une description précise des locaux loués, de sorte que Madame [M] [A] ne justifie d'aucune contestation sérieuse tirée d'une absence de désignation des locaux dans le congé pour faire échec à son expulsion à la suite de la délivrance de ce même congé.

B. Sur la demande tendant à rejeter l'expulsion sur le fondement de l'indécence des lieux

Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant.

L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée.

En application de cet article, le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ;
b) D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

Selon l'article 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 20002, le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d'entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d'eau dans l'habitation. Pour les logements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte, il peut être tenu compte, pour l'appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d'eau, des conditions climatiques spécifiques à ces collectivités ;

2. Il est protégé contre les infiltrations d'air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l'extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l'air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes.

Enfin, aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe aux parties de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Au regard de l'ensemble de ces textes, le bailleur ne peut se prévaloir de la résiliation du bail pour demander l'expulsion de l'occupant lorsque les locaux sont impropres à leur usage.

Il convient ainsi d'examiner si l'indécence du logement soulevée en défense caractérise en l'espèce une contestation sérieuse permettant de faire échec à ce qu'il soit prononcé l'expulsion de Madame [M] [A] en référé à la suite de la délivrance du congé pour vente.

Madame [M] [A] produit un courrier manuscrit de sa part, daté du 2 mai 2020, dont le destinataire est la société Sin Capital et dans lequel elle fait état de dégâts dans le logement (fissures sur les murs de toutes les pièces), et dans lequel elle indique y joindre des photographies. Elle verse également aux débats quatre pages comprenant vingt-quatre photographies non datées des murs et des plafonds d'un lieu, sur lesquelles il est possible de distinguer des grandes fissures et des tâches. Néanmoins, ces photographies ne sont pas datées, et aucun des éléments produits par ailleurs aux débats ne permet de s'assurer qu'il s'agit bien des lieux objet du litige, ni de la date à laquelle elles sont été prises. Il n'est pas davantage prouvé qu'il s'agit des photographies qui étaient jointes au courrier du 2 mai 2020, ni en tout état de cause que ce courrier a bien été adressé au propriétaire, faute pour la partie défenderesse de produire d'accusé de réception de celui-ci.

Madame [M] [A] n'apporte ainsi pas la preuve en l'espèce d'une contestation sérieuse tirée de l'indécence des lieux en raison de fissures et de moisissure affectant le bien.

S'agissant de l'absence de diagnostic technique comprenant un diagnostic de performance énergétique, aucun diagnostic de performance énergétique n'est produit par aucune des parties.

Le bail ayant été conclu le 1er avril 1994, aucune obligation tendant à la fourniture d'un diagnostic de performance énergétique ne pesait sur le bailleur lors de sa conclusion.

Lors de son dernier renouvellement le 1er avril 2021, l'article 3bis du décret n° 2022-120 du 30 janvier 2002 prévoyant qu'en France métropolitaine, le logement a une consommation d'énergie, estimée par le diagnostic de performance énergétique défini à l'article L. 126-26 du code de la construction et de l'habitation, inférieure à 450 kilowattheures d'énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an, n'avait pas vocation à s'appliquer, celui-ci n'étant pas encore entré en vigueur.

Ainsi, l'absence de diagnostic de performance énergétique pour le présent bail et dont le dernier renouvellement est intervenu le 1er avril 2021, ne constitue pas une contestation sérieuse de nature à établir l'indécence des lieux.

Il résulte de ces éléments que Madame [M] [A] ne présente aucune contestation sérieuse tirée de l'indécence des lieux afin de contester la demande d'expulsion formée par la société Sin Capital.

C. Sur la demande tendant à constater que la locataire est occupante sans droit ni titre et à prononcer son expulsion et le transport et la séquestration des meubles

En l'espèce, le congé pour vente a été délivré le 4 août 2023, à effet au 31 mars 2024, soit plus de six mois avant son échéance. Il rappelle le motif du congé, mentionne le prix et les conditions de la vente envisagée, contient une offre de vente et reproduit les cinq premiers aliénas de l'article 15 II. de la loi du 6 juillet 1989.

Faute pour la locataire d'avoir accepté l'offre dans les délais prévus le bail s'est trouvé résilié par l'effet du congé le 31 mars 2024, tel que cela était mentionné dans le congé.

S'étant maintenue dans les lieux postérieurement au 31 mars 2024, Madame [M] [A] se trouve ainsi occupante sans droit ni titre depuis le 1er avril 2024.

En conséquence, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef dans les conditions prévues par l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution et selon les modalités fixées au dispositif du présent jugement.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction. La société Sin Capital sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

D. Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

En l'espèce, le bail a été conclu le 1er avril 1994, soit depuis plus de trente ans, et il n'est pas contesté que Madame [M] [A] s'est régulièrement acquittée du montant des loyers. Elle ainsi manifesté une bonne foi dans l'exécution du bail.

Elle justifie par ailleurs être âgée de 64 ans, retraitée, et avoir de faibles revenus, tel que cela résulte de l'avis d'impôt sur le revenu établi en 2023 qu'elle verse aux débats et mentionnant qu'elle n'est pas imposable au titre de l'impôt sur le revenu. Au regard de ces éléments, son relogement dans le parc locatif privé parisien présente des difficultés réelles et sérieuses. Or, elle a formé une demande de logement social dès le début de l'année 2024, et ainsi sans attendre l'expiration du bail au 31 mars 2024, ce qui témoigne d'efforts pour chercher à se reloger dans des conditions adaptées à sa situation financière.

A l'inverse, la société Sin Capital ne justifie d'aucune urgence à vendre le bien, ni de sa situation financière.

Dans ces conditions, il sera fait droit à la demande de délais supplémentaires pour une durée d'un an à compter de la présente décision.

E. Sur la demande tendant à condamner la partie défenderesse à s'acquitter d'une indemnité d'occupation

En application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

En l'espèce, il est acquis aux débats que Madame [M] [A] s'est acquittée du règlement d'indemnités d'occupation jusqu'au jour de l'audience à hauteur du montant des sommes appelées par le bailleur, soit la somme totale de 713,48 euros, dont 45,73 euros de provisions pour charge, correspondant au montant du loyer tel qu'il aurait été dû si le bail s'était poursuivi.

En conséquence, il convient de fixer le montant provisionnel de l'indemnité d'occupation mensuelle due par Madame [M] [A] à la société Sin Capital à la somme de 713,48 euros, dont 45,73 euros de provisions pour charges.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que l'indemnité d'occupation provisionnelle a été réglée jusqu'au jour de l'audience, Madame [M] [A] sera condamnée à verser cette somme à compter du 1er août 2024 jusqu'à la restitution des lieux, et la société Sin Capital sera déboutée de sa demande pour la période courant du 1er avril 2024 au 31 juillet 2024.

III. Sur la demande reconventionnelle tendant à l'indemnisation du trouble de jouissance de la locataire

En l'espèce, comme indiqué précédemment, Madame [M] [A] a échoué à apporter la preuve d'une contestation sérieuse relative à l'indécence du logement fondée sur la présence de fissures et de moisissures dans le logement, et sur l'absence de diagnostic de performance énergétique.

En conséquence, il n'est pas établi que le bailleur se soit abstenu de respecter son obligation de délivrer un logement décent à la locataire.

Il en résulte qu'elle sera nécessairement déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre.

IV. Sur les accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

En l'espèce, Madame [M] [A], succombant, sera condamnée aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

L'équité et la situation économique des parties commande de rejeter chacune des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection statuant en référé, publiquement, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire mise à disposition au greffe en premier ressort,

Rejetons la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d'intérêt à agir soulevée par Madame [M] [A] à l'égard de la société Sin Capital ;

Disons non sérieuse la contestation formée par Madame [M] [A] relatif à l'omission de mentions relatives à la description du bien dans le congé pour vente délivré le 4 août 2023 ;

Disons non sérieuse la contestation formée par Madame [M] [A] relative à l'indécence des lieux ;

Constatons que Madame [M] [A] se trouve occupante sans droit ni titre de l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 3] [Localité 4] depuis le 1er avril 2024 par l'effet du congé pour vente délivré le 4 août 2023 ayant conduit à l'expiration du bail le 31 mars 2024 ;

Accordons à Madame [M] [A] un délai pour quitter les lieux pour une durée d'un an à compter de la présente décision ;

Disons qu'à défaut pour Madame [M] [A] d'avoir volontairement libéré les lieux dans ce délai, la société Sin Capital, pourra deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours de la force publique et d'un serrurier ;

Disons n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelons que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Fixons le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle à la somme antérieurement exigée au titre des loyers et des charges, soit la somme de 713,48 euros, dont 45,73 euros de provisions pour charges ;

Condamnons Madame [M] [A] à verser à la société Sin Capital l'indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle de 713,48 euros, dont 45,73 euros de provisions pour charges à compter du 1er août 2024 et jusqu'à la date de la restitution effective et définitive des lieux ;

Déboutons la société Sin Capital de sa demande de provision au titre des indemnités d'occupation pour la période du 1er avril 2024 au 31 juillet 2024 ;

Déboutons Madame [M] [A] de sa demande tendant à condamner la société Sin Capital à lui verser la somme de 17 837 euros en réparation de son préjudice de jouissance ;

Déboutons la société Sin Capital de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons Madame [M] [A] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Madame [M] [A] aux dépens ;

Rejetons le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

La Greffière, La juge des contentieux de la protection,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 24/05012
Date de la décision : 04/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-04;24.05012 ?
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