TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Madame [W] [D]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Karim BOUANANE
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/03082 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4LGC
N° MINUTE :
14-2024
JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. HENEO, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Karim BOUANANE de l’ASSOCIATION LEGITIA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #E1971
DÉFENDERESSE
Madame [W] [D], demeurant [Adresse 1]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Antonio FILARETO, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 24 mai 2024
Délibéré le 30 août 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente assistée de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/03082 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4LGC
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 19 octobre 2021, la société HÉNÉO a consenti un titre d’occupation à Mme [W] [D] sur des locaux situés au sein du Foyer [3] logement n°0102, [Adresse 1], moyennant le paiement d’une redevance mensuelle de 558,11 euros charges comprises.
Par acte de commissaire de justice du 31 octobre 2022, la société HENEO a fait délivrer à Mme [W] [D] un commandement de payer la somme en principal de 4762,97 euros dans le délai d’un mois, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 octobre 2023 la société HÉNÉO a demandé à Mme [W] [D] de libérer les lieux à expiration du délai de trois mois suivant la fin du contrat de bail soit le 19 janvier 2024 en raison du dépassement de la durée d’occupation.
Par acte de commissaire de justice du 6 mars 2024, la société HÉNÉO a assigné Mme [W] [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de validation du congé, subsidiairement de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire depuis le 1er décembre 2022, à titre infiniment subsidiaire voir prononcer la résiliation judiciaire du titre d’occupation, en tout état de cause être autorisée à faire procéder à l’expulsion de Mme [W] [D] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui de la redevance actualisée à compter de la résiliation du contrat d’occupation et jusqu’à libération des lieux, 4393,23 euros au titre des arriérés de redevances arrêtés au 28 février 2024 échéance de février incluse avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2022, 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais du commandement de payer du 31 octobre 2022.
À l'audience du 24 mai 2024, la société HÉNÉO maintient l'intégralité de ses demandes en actualisant sa créance à la somme de 5103,09 euros, échéance d’avril 2024 incluse.
Au soutien de ses prétentions, la société HÉNÉO expose que le titre d'occupation en résidence sociale déroge à la loi du 6 juillet 1989 et est régi par les dispositions contractuelles ainsi que les article L633-1 et suivants et R633-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, que la spécificité de la résidence sociale repose notamment sur le caractère temporaire de l’occupation des logements, que la durée de séjour est l'une des clauses majeures du titre d'occupation, qu'il comporte une clause prévoyant que le titre pourra être résilié lorsque le résident dépasse le délai maximum de séjour, que Mme [W] [D] a dépassé cette durée et se maintient dans les lieux malgré la délivrance du congé. Subsidiairement elle soutient que la résiliation du titre d’occupation doit être constatée en raison de la persistance d’une dette de redevance qui n’a pas été réglée malgré la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice délivré à étude, Mme [W] [D] ne comparait pas et n’est pas représentée.
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant alors droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
A titre liminaire sur le statut juridique applicable au titre d'occupation litigieux, il convient de rappeler que le logement occupé par Mme [W] [D] est soumis à la législation des logements-foyers résultant des articles L.633-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Ainsi, il est soumis à une réglementation spécifique qui exclut le droit au maintien dans les lieux de l’occupant et il échappe aux dispositions protectrices de l’article L.632-1 du code de la construction et de l’habitation en vertu de l’article L.632-3 du même code ainsi qu'au titre Ier bis précité de la loi du 6 juillet 1989 en vertu de l’article 25-3 de la loi du 6 juillet 1989.
Sur la demande principale
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure doit viser expressément la clause résolutoire pour produire effet.
En matière de logement-foyer, en application de l'article L.633-2 du code de la construction et de l'habitation, le contrat est conclu pour une durée d'un mois et tacitement reconduit à la seule volonté de la personne logée. La résiliation du contrat par le gestionnaire ou le propriétaire ne peut intervenir que dans les cas suivants :
- inexécution par la personne logée d'une obligation lui incombant au titre de son contrat ou d'un manquement grave ou répété au règlement intérieur ;
- cessation totale d'activité de l'établissement ;
- cas où la personne logée cesse de remplir les conditions d'admission dans l'établissement considéré.
L'article R.633-3 du même code indique que le gestionnaire ou le propriétaire peut résilier le contrat dans l'un des cas prévus à l'article L. 633-2 sous réserve d'un délai de préavis :
a) d'un mois en cas d'inexécution par la ou les personnes titulaires du contrat d'une obligation leur incombant au titre de ce contrat ou en cas de manquement grave ou répété au règlement intérieur. La résiliation peut être décidée pour impayé, lorsque trois termes mensuels consécutifs, correspondant au montant total à acquitter pour le logement, les charges et les prestations obligatoires et facultatives, sont impayés ou bien, en cas de paiement partiel, lorsqu'une somme au moins égale à deux fois le montant mensuel à acquitter pour le logement et les charges reste due au gestionnaire.
b) de trois mois lorsque la personne logée cesse de remplir les conditions d'admission dans l'établissement telles qu'elles sont précisées dans le contrat ou lorsque l'établissement cesse son activité.
La résiliation du contrat est signifiée par huissier de justice ou notifiée par courrier écrit remis contre décharge ou par lettre recommandée avec avis de réception. Lorsque la résiliation émane du gestionnaire, la personne logée est redevable, pendant le préavis, des sommes correspondant à la seule période d'occupation effective des lieux. Si la résiliation émane de la personne logée ou de son représentant, celle-ci est redevable des sommes correspondant à toute la durée du préavis.
En l'espèce, le contrat de résidence conclu le 19 octobre 2021 contient une clause résolutoire (article 7) en cas d’inexécution par le résident de l'une des obligations lui incombant au regard du titre d'occupation ou de manquement grave ou répété au règlement intérieur et en cas de dépassement du délai maximum de séjour, soit 24 mois, ce dont la société HENEO doit informer le résident en respectant un préavis de trois mois.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 octobre (retournée « pli avisé non réclamé ») la société HENEO a notifié à Mme [W] [D] la résiliation du contrat pour dépassement de la durée d’occupation de 24 mois et lui a demandé de libérer les lieux au plus tard dans les trois mois suivant la fin de son contrat de bail soit avant le 19 janvier 2024.
Mme [W] [D], non comparante, n’a pas contesté dans le cadre de la présente instance cette résiliation intervenu trois années après son entrée dans les lieux de sorte que la durée maximale de séjour a été dépassée.
Il sera ainsi constaté la résiliation du contrat au 18 janvier 2024.
Mme [W] [D] étant sans droit ni titre depuis le 19 janvier 2024, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.
Aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifiant que le délai de deux mois prévu par les dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution soit réduit ou supprimé, il convient d'indiquer que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.
Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.
Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du contrat de résidence constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En cas de maintien dans les lieux de Mme [W] [D] ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du contrat d’occupation, il y a lieu de la condamner au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui de la redevance qui aurait été due si le contrat s’était poursuivi, et ce de la résiliation du contrat et jusqu’à la libération effective des locaux.
Sur la demande au titre de l’arriéré de redevances et de l'indemnité d'occupation
Aux termes de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L’article 4 du contrat de séjour prévoir le paiement d’une redevance mensuelle.
La société HÉNÉO verse aux débats un décompte démontrant qu’au 30 avril 2024, terme du mois d’avril 2024 inclus, Mme [W] [D] lui devait la somme de 5103,09 euros au titre des arriérés de redevance et d’indemnité d’occupation.
Mme [W] [D] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, elle sera condamnée à payer cette somme à la demanderesse, avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2022 sur la somme de 4762,97 euros et à compter de l’assignation pour le surplus.
Sur les autres demandes
Mme [W] [D] partie perdante sera condamnée aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
En équité, la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Sur l’exécution provisoire
L’exécution provisoire est de plein droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Paris, statuant après débats en audience publique par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
CONSTATE la résiliation à la date du 18 janvier 2024 du contrat de résidence conclu 19 janvier 2021 entre la société HENEO et Mme [W] [D] portant sur le logement meublé n°0102 au sein du Foyer [3] logement, [Adresse 1] par effet du congé délivré le 10 octobre 2023 ;
ORDONNE en conséquence à Mme [W] [D] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement,
DIT qu'à défaut pour Mme [W] [D] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la société HÉNÉO pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
CONDAMNE Mme [W] [D] à verser à la société HÉNÉO une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui de la redevance, telle qu'elle aurait été due si le contrat s'était poursuivi, à compter de la date de résiliation du contrat et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux ;
CONDAMNE Mme [W] [D] à payer à la SAS HENEO la somme de 5103,09 euros au titre des arriérés de redevance et d’indemnité d’occupation avec intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2022 sur la somme de 4762,97 euros et à compter de l’assignation pour le surplus,
CONDAMNE Mme [W] [D] aux entiers dépens,
DEBOUTE la société HENEO de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le greffier susnommés.
Le Greffier, Le Juge des contentieux de la protection.