TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Marine COLLAS
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Laurent POTTIER
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 24/01810 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AR4
N° MINUTE :
2-2024
JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024
DEMANDEUR
Monsieur [V] [W], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Laurent POTTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0692
DÉFENDEUR
Monsieur [O] [Z] [L], demeurant [Adresse 1]
comparant en personne assisté de Me Marine COLLAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C0603
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sandra MONTELS, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Antonio FILARETO, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 24 mai 2024
Délibéré le 30 août 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Sandra MONTELS, Vice-Présidente assistée de Antonio FILARETO, Greffier
Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/01810 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AR4
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 13 novembre 2014 à effet au 1er décembre 2014, M. [V] [W] a consenti un bail d’habitation à M. [O] [Z] [L] sur des locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 4], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 825 euros et d’une provision sur charges de 95 euros.
Par acte de commissaire de justice du 24 mai 2023, le bailleur a fait délivrer au locataire un congé pour vendre.
Par assignation délivrée le 23 janvier 2024, M. [V] [W] a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
Validation du congé pour vendreD’expulsion de M. [O] [Z] [L] ainsi que de tout occupant de son chef et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :1022,64 euros au titre de l’arriéré locatif, échéance du mois de janvier 2024 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,4000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice lié au retard à la mise en vente, 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
À l'audience du 24 mai 2024, M. [V] [W], représenté par son conseil, se désiste de sa demande relative à la dette locative et maintient ses autres demandes.
Au soutien de ses prétentions il fait valoir, sur le fondement de l’article 15-1 de la loi du 6 juillet 1989, que le congé est régulier sur le fond comme sur la forme, que M. [O] [Z] [L] n’a pas accepté l’offre de vente et n’a pas libéré les lieux de sorte qu’il est devenu occupant sans titre.
Il ajoute sur le fondement des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile que M. [O] [Z] [L] ne rapporte pas la preuve de l’avoir informé de son mariage avec Mme [N] [S], qu’en application de l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989 le congé reste valable.
M. [O] [Z] [L], représenté par son conseil qui a déposé des conclusions soutenues oralement demande :
que le congé délivré à M. [O] [Z] [L] soit déclaré inopposable à Mme [N] [S] ép. [L],que le bail a été en conséquence reconduit le 30 novembre 2023, A titre subsidiaire, l’octroi d’un délai de douze mois pour libérer les lieux, en tout état de cause :le rejet des demandes de M. [V] [W], sa condamnation au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Me Marine COLLAS, avocat intervenant au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale, ainsi qu’aux dépens.
Il expose occuper le logement avec Mme [N] [S], son épouse depuis le 19 avril 2014, ce que le propriétaire n’ignorait pas, qu’en application de l’article 1751 du code civil les époux sont cotitulaires du bail même si seul l’un d’eux signe le bail, que le congé n’a pas été délivré à Mme [N] [S], que le bail étant indivisible il n’a pu être résilié par l’effet du congé et a été reconduit pour une durée de trois ans à compter du 30 novembre 2023. Sur la demande de délai il indique avoir quatre enfants, avoir effectué une demande de logement social, être reconnu prioritaire par la commission de médiation du département de Paris, multiplier les démarches auprès de divers organismes en vue de l’obtention d’un logement.
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
Sur le congé pour vendre
L’article 1751 du code civil dispose que le droit au bail du local, sans caractère professionnel ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage est réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité.
Aux termes de l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989, nonobstant les dispositions de l’article 1751du code civil, les notifications ou significations faites en application du titre I de la loi, dont relève l’article 15 par le bailleur sont de plein droit opposables au conjoint du locataire si l'existence de ce partenaire n'a pas été préalablement portée à la connaissance du bailleur.
En application de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 relative à l’amélioration des rapports locatifs dans sa version applicable au litige, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé peut être justifié par sa décision de vendre le logement. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur. Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. A l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.
Aux termes de l'article 9 du code procédure civile il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En application de l'article 1353 du code civil celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l’espèce par acte de commissaire de justice du 24 mai 2023, un congé pour vendre prenant effet le 30 novembre 2023 a été délivré par le bailleur à M. [O] [Z] [L].
Il est établi que M. [O] [Z] [L] et Mme [N] [S] sont mariés depuis le 19 avril 2014 de sorte que cette dernière est cotitulaire du bail.
Néanmoins, outre ses allégations, M. [O] [Z] [L] ne rapporte par la preuve que M. [V] [W] ait été informé, soit lors de la conclusion du contrat, soit en cours de bail, de sa situation maritale. Il ne justifie d’aucune démarche positive de sa part envers le bailleur ou de documents émanant de ce dernier mentionnant le nom de Mme [N] [S]. Ainsi, les quittances sont établies au seul nom de M. [O] [Z] [L].
Dès lors, en application de l’article 9-1 de la loi du 6 juillet 1989, le congé pour vendre délivré à M. [O] [Z] [L] est de plein droit opposable à Mme [N] [S] ép. [L].
Le congé, qui respecte par ailleurs les exigences de fond et de forme, ce que M. [O] [Z] [L] ne conteste pas, sera validé.
Il y a lieu dès lors de constater la résiliation du bail depuis le 1er décembre 2023.
Il convient, en conséquence, d’ordonner aux locataires, devenus occupants sans droit ni titre ainsi qu’à tous les occupants de leur chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser le bailleur à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.
En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résolution du bail, il convient de le condamner au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant qui sera fixé à celui du loyer qui aurait été dû en cas de poursuite du bail.
L’indemnité d’occupation, due depuis la résiliation du bail, sera payable et révisable dans les mêmes conditions que l’était le loyer, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à M. [V] [W] ou à son mandataire.
Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.
Sur la demande de délai pour libérer les lieux
Aux termes des articles L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d’exécution, le juge qui ordonne l’expulsion peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. La durée des délais ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l’espèce, M. [O] [Z] [L] justifie avoir quatre enfants mineurs à charge, de la perception d’un revenu d’environ 1300 euros par mois ainsi que d’aides ponctuelles financières de la mairie de [Localité 3] au titre de l’aide sociale, de démarches afin d’obtenir un logement social depuis le 19 décembre 2013, être reconnu prioritaire et devant être logé d’urgence depuis le 13 août 2020, de diverses démarches afin d’obtenir un logement.
La famille aurait dû quitter le logement depuis plus de six mois.
M. [V] [W] quant à lui n’a aucunement justifié de sa situation, d’une éventuelle urgence à récupérer l’appartement ou de démarches en vue de sa vente.
Au vu de ces éléments, il y a lieu d’accorder à M. [O] [Z] [L] un délai de six mois pour libérer les lieux.
A l’issue de ce délai, il convient de rappeler que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance au locataire d'un commandement de quitter les lieux en application de l’article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur la demande de dommages-intérêts
Aux termes de l’article 12 al 1 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
En l’espèce, M. [V] [W] n’ayant pas fait valoir de fondement juridique à ses prétentions, le juge est tenu de rechercher la loi applicable au litige.
Aux termes de l’article 1240 du code civil tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, M. [V] [W] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice financier résultant d’un retard à la mise en vente. Il ne justifie en effet d’aucune action en vue de vendre son bien. Il sera en conséquence débouté de sa demande.
Sur les frais du procès et l'exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
M. [O] [Z] [L], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Il sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité et la situation économique de M. [O] [Z] [L] commande par ailleurs de rejeter la demande de M. [V] [W] présentée sur ce même fondement.
L’exécution provisoire est de plein droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
DIT que le congé pour vendre du 24 mai 2023 a été valablement délivré par M. [V] [W] à M. [O] [Z] [L] et est opposable de plein droit à Mme [N] [S] ép. [L] ;
CONSTATE la résiliation intervenue le 30 novembre 2023 du bail d’habitation conclu le 13 novembre 2014 à effet au 1er décembre 2014 entre M. [V] [W], d’une part, et M. [O] [Z] [L], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1] à [Localité 4] ;
ORDONNE à M. [O] [Z] [L] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 1] à [Localité 4] ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement ;
ACCORDE à M. [O] [Z] [L] un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision pour libérer les lieux ;
DIT qu’à défaut pour M. [O] [Z] [L] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, M. [V] [W] pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;
DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
CONDAMNE M. [O] [Z] [L] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer qui aurait été dû en cas de poursuite du bail ;
DIT que cette indemnité d’occupation, qui s’est substituée au loyer dès le 1er décembre 2023 est payable dans les mêmes conditions que l’était le loyer, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés au bailleur ou à son mandataire ;
DÉBOUTE M. [V] [W] de sa demande de dommages-intérêts ;
CONDAMNE M. [O] [Z] [L] aux dépens ;
REJETTE les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 30 août 2024, et signé par la juge et le greffier susnommées.
LE GREFFIER LA JUGE