TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 30/08/2024
à :
Copie exécutoire délivrée
le : 30/08/2024
à : Me Maryvonne EL ASSAAD
Pôle civil de proximité
■
PCP JCP fond
N° RG 23/09850 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3STP
N° MINUTE :
4/2024
JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024
DEMANDERESSE
La Société CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL (CIC), dont le siège social est sis [Adresse 3] - [Localité 4]
représentée par Me Maryvonne EL ASSAAD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D289
DÉFENDEUR
Monsieur [U] [O], domicilié : chez Monsieur [Y] [O], [Adresse 2] - [Localité 5]
non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne ROSENZWEIG, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Florian PARISI, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 13 mai 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Anne ROSENZWEIG, Vice-présidente assistée de Florian PARISI, Greffier
Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/09850 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3STP
EXPOSE DU LITIGE
[U] [O] est titulaire d’un compte courant ouvert auprès de la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL le 4 janvier 2021, sous le numéro [XXXXXXXXXX01].
Selon offre préalable acceptée le 9 mai 2022, la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a consenti à [U] [O] un crédit renouvelable d'un montant en capital de 25.000 euros remboursable par mensualités de 475,57 euros, au taux de 3,95 %.
Par courrier du 6 juin 2023, la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a adressé à l’emprunteur une mise en demeure de régler les échéances impayées et le découvert.
Des échéances étant demeurées impayées, la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a fait assigner [U] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par acte d'huissier en date du 11 octobre 2023, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
25.162,02 euros, au titre du prêt, majorée des intérêts au taux de 3,95% à compter du 11 juillet 2023, date de sa dernière mise en demeure et ce jusqu’à parfait paiement,1.188,22 euros au titre du solde débiteur du compte, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2023, date de la dernière mise en demeure et jusqu’à parfait paiement, 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que sa condamnation aux dépens de l'instance.Elle a sollicité la capitalisation des intérêts à compter de la date de l'assignation.
Au soutien de sa demande, la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL fait valoir que les mensualités du crédit n'ont pas été régulièrement payées et qu’un découvert est apparu sur le compte courant, ce qui l'a contraint à prononcer la déchéance du terme, rendant la totalité de la dette exigible. Elle précise que la créance n'est pas forclose.
A l'audience du 13 mai 2024, la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance. La nullité, la forclusion, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, FICP, vérification de la solvabilité) et légaux ont été mises dans le débat d'office. La banque a indiqué qu’aucune nullité, forclusion, ni déchéance du droit aux intérêts n’était encourue, le dossier étant complet.
[U] [O] n'a pas comparu. Il a été cité par procès-verbal de recherches infructueuses.
Conformément à l'article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 30 août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande en paiement au titre du crédit renouvelable
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe de la contradiction. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 13 mai 2024.
L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.
Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la forclusion
L’article R 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant la juridiction dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
En l’espèce, au regard de l’historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l’échéance du 5 décembre 2022, de sorte que la demande effectuée le 11 octobre 2023 n’est pas atteinte par la forclusion.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire, soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu'il résulte des dispositions de l'ancien article L.311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).
En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article relatif à la résiliation du contrat) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 2.885,78 euros précisant le délai de régularisation (de 8 jours) a bien été envoyée à [U] [O] le 6 juin 2023 ainsi qu'il ressort de l'avis de courrier recommandé, de sorte qu'en l'absence de régularisation dans le délai, ainsi qu'il ressort de l'historique de compte, la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 11 juillet 2023.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen d’un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16), à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge (article L.341-2), étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production d’un avis d’imposition et de relevés bancaires) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement.
Or, en l'espèce, il n'est pas suffisamment justifié de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, aucun relevé bancaire antérieur à la conclusion du contrat, ni avis d’imposition n’étant produit aux débats.
En conséquence, le prêteur ne peut qu'être déchu totalement du droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance
Aux termes de l'article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus et les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.
Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL à hauteur de la somme de 23.526,80 euros au titre du capital restant dû, après déduction des remboursements déjà effectués.
Il sera par ailleurs rappelé qu'en application de l'article 1231-5 du code civil, le juge peut réduire d'office le montant de la clause pénale si elle est manifestement excessive. En l'espèce, la limitation légale de la créance du prêteur déchu du droit aux intérêts rend manifestement excessive la clause pénale de 8% du capital dû à la date de la défaillance contenue au contrat de prêt, laquelle sera donc réduite à 1 euro.
[U] [O] est ainsi tenu au paiement de la somme totale de 23.527,80 euros correspondant au capital restant dû et à la clause pénale.
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier.
Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).
Il convient de dire que la somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, en l’absence de remise à personne de tout acte valant mise en demeure, sans la majoration de l’article L313-3 du code monétaire et financier.
Sur la demande en paiement du compte courant n°[XXXXXXXXXX01]
Les dispositions du chapitre II Crédit à la consommation du Code de la consommation s'appliquent aux opérations de crédit dont le montant total est égal ou supérieur à 200 euros (article L 312-1 du même code).
Il ressort des éléments produits que le compte courant n°[XXXXXXXXXX01] n’a pas fonctionné normalement en présentant un solde débiteur à compter du 8 novembre 2022, de sorte que la forclusion n’est pas encourue, l’assignation ayant été délivrée le 11 octobre 2023.
En l’espèce, les relevés produits montrent que le solde du compte est devenu débiteur le 8 novembre 2022, sans jamais redevenir créditeur jusqu’à la clôture du compte.
[U] [O] sera dès lors condamné à payer la somme de 971,12 euros, déduction faite des frais et intérêts de retard appliqués au titulaire du compte n° [XXXXXXXXXX01] s’élevant à la somme de 171,41 euros, en l’absence de justification de l’opposabilité de ces frais au défendeur. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision en l’absence de remise à personne de tout acte valant mise en demeure.
Sur la capitalisation des intérêts
La capitalisation des intérêts, dite encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L.312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité, ni aucun frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.
La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée, et les condamnations ne pourront porter que sur les seules sommes précédemment fixées.
Sur les demandes accessoires
Le défendeur, partie perdante, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société anonyme BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. Elle sera donc déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL au titre du crédit renouvelable souscrit par [U] [O] le 9 mai 2022, à compter de cette date ;
RÉDUIT l'indemnité sollicitée par la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL au titre de la clause pénale à 1 euro ;
ÉCARTE l'application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;
CONDAMNE en conséquence [U] [O] à verser à la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 23.527,80 euros au titre du capital restant dû et de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, sans application de la majoration légale de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;
CONDAMNE [U] [O] à verser à la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL la somme de 971,12 euros, au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX01], avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
DEBOUTE la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL du surplus de ses demandes, notamment de capitalisation des intérêts ;
CONDAMNE [U] [O] aux dépens ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la société anonyme CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Le greffier Le juge des contentieux de la protection