TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Francois GODFRIN
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Charlotte MOCHKOVITCH
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/06947 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2VDE
N° MINUTE :
1 JCP
JUGEMENT
rendu le vendredi 30 août 2024
DEMANDERESSE
S.A. SOCIETE GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 2]
représentée par Me Charlotte MOCHKOVITCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #L0056
DÉFENDEUR
Monsieur [Z] [N], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3]
comparant, assisté de Me Francois GODFRIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D1035
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Audrey BELTOU, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 18 juin 2024
JUGEMENT
contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 30 août 2024 par Romain BRIEC, Juge assisté de Aline CAZEAUX, Greffier
Décision du 30 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/06947 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2VDE
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [Z] [N] a ouvert un compte de dépôt auprès de la SA SOCIETE GENERALE sans facilité de caisse.
Suite à des incidents de paiement, la SA SOCIETE GENERALE a mis en demeure Monsieur [Z] [N] le 5 août 2022 d'avoir à régulariser le solde dans le délai de 60 jours, sous peine de clôture du compte. Faute de régularisation, elle a procédé à la clôture du compte le 25 octobre 2022.
La SA SOCIETE GENERALE a obtenu le 21 mars 2023 du tribunal judiciaire de Paris une ordonnance d'injonction de payer la somme de 1962,13 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2022, à l'encontre de Monsieur [Z] [N], qu'elle a fait signifier par acte de commissaire de justice du 24 avril 2023. Monsieur [Z] [N] a formé opposition par lettre recommandée reçue le 16 mai 2023.
Après plusieurs renvois, l'affaire a été appelée et retenue à l’audience du 6 mai 2024.
A cette audience, la SA SOCIETE GENERALE, représentée par son conseil, a fait viser des conclusions soutenues oralement, par lesquelles elle a demandé que l’opposition soit déclarée irrecevable, au fond, la confirmation de l’ordonnance d’injonction de payer, le rejet des demandes de Monsieur [Z] [N] et sa condamnation à lui payer 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Au soutien de sa demande, la SA SOCIETE GENERALE fait valoir que le compte bancaire a fonctionné de manière irrégulière et qu'elle a été contrainte de procéder à la clôture du compte de dépôt le 25 octobre 2022. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 30 avril 2022 et que sa créance n'est ainsi pas forclose. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (découvert en compte pendant plus de 3 mois dans présentation d'une offre préalable de crédit) et légaux ont été mis dans le débat d'office, sans que le demandeur ne présente d'observations supplémentaires sur ces points.
Monsieur [Z] [N] a été assisté par son conseil à l’audience du 6 mai 2024 et a déposé des conclusions soutenues oralement. Il a sollicité à titre principal l’annulation de l’ordonnance d’injonction de payer la somme de 2050,64 euros, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire devant le service des saisies rémunérations du tribunal judiciaire de Paris et le rejet de la demande adverse au titre des frais irrépétibles. Monsieur [Z] [N] a également sollicité oralement à l’audience en cas de condamnation le bénéfice de délais de paiement.
L’affaire a ensuite fait l’objet d’une réouverture des débats à l’audience du 18 juin 2024 pour permettre à la SA SOCIETE GENERALE de communiquer le contrat de compte et l’historique du compte.
Les pièces utiles ont effectivement été versées à cette audience du 18 juin 2024, sans plus amples débats.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 30 août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire il sera rappelé que l'ensemble des demandes des parties qui ne tendent pas à ce que soit tranché un point litigieux et qui se trouvent dépourvu de tout effet juridictionnel, telles que par exemples celles visant à voir « dire et juger » ou « constater » ou « donner acte », ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile. Il ne sera pas statué sur celles-ci dans le présent jugement et elles ne donneront pas davantage lieu à mention dans le dispositif.
Par ailleurs, il convient de préciser que conformément aux prescriptions de l'article 446-2 du code de procédure civile relatives à la structuration des écritures, il ne sera pas tenu compte des moyens figurant dans le dispositif pas plus que des prétentions figurant dans la discussion des conclusions des parties mais non reprises dans le dispositif.
Sur la recevabilité de l'opposition
L'opposition est portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l'ordonnance portant injonction de payer.
Aux termes de l’article 1416 du code de procédure civile, l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur. En l'espèce l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à étude à Monsieur [Z] [N] le 24 avril 2023. L’opposition a été formée le 16 mai 2023.
Si la SA SOCIETE GENERALE sollicite qu’elle soit déclarée irrecevable au motif qu’elle n’a pas été adressée au juge des contentieux de la protection mais au juge de l’exécution, il sera relevé que l’acte de commissaire de justice du 24 avril 2023 de signification de l’injonction de payer, dont elle est à l’initiative, reprend les dispositions de l’article 1415 du code de procédure civile précitées et désigne la juridiction compétente comme étant « monsieur le juge de l’exécution, tribunal judiciaire de Paris ». C’est donc par une application rigoureuse de l’acte de signification que Monsieur [Z] [N] a effectué son opposition auprès du juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris. Dès lors, la SA SOCIETE GENERALE ne saurait tirer bénéfice de sa propre erreur.
En conséquence, l’opposition formée dans le délai réglementaire d'un mois est recevable. Il convient de statuer à nouveau sur les demandes de la SA SOCIETE GENERALE, le présent jugement se substituant à l'ordonnance d'injonction de payer en application de l'article 1420 du code de procédure civile.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience utile.
Il sera procédé à une vérification de l'absence de forclusion de la créance et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, remarque faite que Monsieur [Z] [N] n’a jamais contesté être le détenteur du compte bancaire litigieux.
Sur la forclusion
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d’instance dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Ainsi, le prêteur est forclos pour l'intégralité de sa créance, dès lors que deux ans se sont écoulés depuis la première échéance impayée et non régularisée.
En l'espèce, au regard de l’historique du compte produit, il n'apparaît pas qu'un délai de plus de deux ans se soit écoulé à l'issue du délai de trois mois obligeant le prêteur à proposer une offre de crédit sur le solde débiteur non régularisé du 30 avril 2022, de sorte que la signification de l’injonction de payer en date du 24 avril 2023 est intervenue avant que la créance soit atteinte par la forclusion.
Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d’un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires.
Aux termes des articles L.312-92 et L.312-93 du code de la consommation, dans le cas d'un dépassement significatif qui se prolonge au-delà d'un mois, le prêteur est tenu d'informer l'emprunteur, sans délai, par écrit ou sur un autre support durable, du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui sont applicables et par ailleurs, lorsque le dépassement se prolonge au-delà de trois mois, le prêteur propose sans délai à l'emprunteur un autre type d'opération de crédit au sens du 4° de l'article L. 311-1 (ou lui adresser une mise en demeure de régulariser la situation à peine de résiliation du compte, mise en demeure qui fait courir le préavis de deux mois prévu par l'article L.312-1-1 du code monétaire et financier, délai au terme duquel la résiliation prendra effet avec virement du solde au contentieux), et ce à peine de déchéance du droit aux intérêts et des frais de toute nature applicables au titre du dépassement (article L.341-9).
Il sera également rappelé qu'aux termes de l'article L.311-1 13° du code de la consommation, le « dépassement » est le « découvert tacitement accepté en vertu duquel un prêteur autorise l'emprunteur à disposer de fonds qui dépassent le solde de son compte de dépôt ou de l'autorisation de découvert convenue », ce qui correspond au cas d'espèce faute de facilité de caisse expressément prévue.
En l'espèce, l'historique du compte montre que le solde débiteur s'est prolongé au delà de ces délais sans justification des prescriptions ci-dessus rappelées.
En ces conditions le prêteur ne peut qu'être déchu totalement du droit aux intérêts.
Sur le montant de la créance
En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu’il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ni au titre des frais de dépassement.
En outre, si Monsieur [Z] [N] allègue dans ses écritures que le solde de son compte bancaire est indûment débiteur et que l’organisme bancaire l’aurait reconnu, le débiteur n’apporte aucun élément pour l’étayer.
Par suite, au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la SA SOCIETE GENERALE à hauteur de la somme de 1272,65 euros au titre du capital restant dû (1962,13–689,48), avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2022.
Sur les délais de paiement
En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
En l'espèce, dans un courrier du 12 juin 2023, Monsieur [Z] [N] justifie percevoir des prestations sociales avec sa compagne en avril 2023 à hauteur de 748,27 euros. Le revenu fiscal de référence du couple sur les revenus de 2021 est de 599 euros, pour 2,50 parts.
Compte tenu de ces éléments, Monsieur [Z] [N] sera autorisé à se libérer du montant de sa dette selon les modalités qui seront rappelées au dispositif. Il n’y a dès lors pas lieu en l’état de renvoyer l’affaire devant le service des saisies rémunérations du tribunal judiciaire de Paris.
Il convient néanmoins de prévoir que tout défaut de paiement d'une mensualité justifiera de l'exigibilité totale de la somme due.
Sur les demandes accessoires
Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande de n'allouer aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en dernier ressort,
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA SOCIETE GENERALE au titre du compte bancaire souscrit par Monsieur [Z] [N] ;
ÉCARTE l'application de l'article L.313-3 du code monétaire et financier ;
CONDAMNE en conséquence Monsieur [Z] [N] à verser à la SA SOCIETE GENERALE la somme de 1272,65 euros au titre du capital restant dû, avec intérêts au taux légal à compter du 25 octobre 2022 ;
AUTORISE Monsieur [Z] [N] à s’acquitter des sommes susvisées en 24 mensualités d’au moins 50 euros, le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette ;
DIT qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible,
CONDAMNE Monsieur [Z] [N] aux dépens ;
REJETTE le surplus des demandes ;
RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Le greffier Le juge des contentieux de la protection