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29/08/2024 | FRANCE | N°24/03869

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 29 août 2024, 24/03869


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Henri-joseph CARDONA


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Mathilde ANDRE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 24/03869 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4SED

N° MINUTE :
10-2024






JUGEMENT
rendu le jeudi 29 août 2024


DEMANDERESSE
S.C.I. LUNA BAHIA, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Mathilde ANDRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0480


FENDEUR
Monsieur [S] [M], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Henri-joseph CARDONA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D1533


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Henri-joseph CARDONA

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Mathilde ANDRE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/03869 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4SED

N° MINUTE :
10-2024

JUGEMENT
rendu le jeudi 29 août 2024

DEMANDERESSE
S.C.I. LUNA BAHIA, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Mathilde ANDRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0480

DÉFENDEUR
Monsieur [S] [M], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Henri-joseph CARDONA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D1533

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection, assistée de Audrey BELTOU, Greffière lors de l’audience, et de Antonio FILARETO, Greffier lors du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 24 avril 2024
Délibéré le 29 août 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 29 août 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Antonio FILARETO, Greffier

Décision du 29 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/03869 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4SED

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat signé le 13 juillet 2011, M. [X] [B] a loué à M. [S] [M] une studette meublée au [Adresse 1] pour une durée d’un an renouvelable tacitement moyennant un loyer mensuel de 580 euros.

A la suite d’un dégât des eaux touchant l’appartement de l’étage en dessous, signalé le 26 février 2024, de l’intervention d’un plombier le 28 février 2024 et d’un constat des lieux dressé par huissier le 29 février 2024, il était décelé un engorgement des réseaux d’évacuation d’eau dans le logement occupé par M. [S] [M] qui continuait à utiliser ses équipements malgré débordements.

Faute de répondre à la mise en demeure du 1er mars 2024 lui enjoignant de nettoyer les lieux et de déclarer le sinistre à son assureur, le conseil de la société SCI LUNA BAHIA a fait assigner M. [S] [M] par acte de commissaire de justice en date du 27 mars 2024 devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- le prononcé de la résiliation judiciaire du bail en date du 13 juillet 2011,
- l'expulsion du logement de M. [S] [M] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier si besoin,
- la séquestration des objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux dans le garde-meubles de son choix,
- la condamnation à une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer en cours à compter de la décision et jusqu'à la libération définitive des lieux,
- la condamnation du défendeur à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens et frais engagés en cas d’exécution forcée de la décision à intervenir.

Au soutien de ses demandes, le bailleur évoque au titre du défaut de jouissance paisible de son locataire : les désordres constatés dans l’appartement du dessous et la studette voisine de celle de M. [S] [M] ainsi que l’absence d’entretien et l’état d’abandon du logement qui caractérisent selon la demanderesse un manquement aux obligations contractuelles justifiant la résiliation du bail et l’expulsion de M. [S] [M].

Appelé à l'audience du 24 avril 2024, à une date rapprochée accordée en raison de la nature de l’affaire, le dossier a été renvoyé à la demande du défendeur puis retenu le 28 mai 2024.

A cette audience, la SCI LUNA BAHIA a comparu représentée par son conseil qui en réponse à l’irrecevabilité du demandeur non visé au contrat de location soulevée par le défendeur a sollicité la transmission du contrat de vente du logement par note en délibéré. Sur le fond, elle s’en est référée aux termes de l’assignation et a repris les demandes telles que figurant à l’acte.

M. [S] [M] représenté par son conseil a soulevé l’irrecevabilité de la SCI LUNA BAHIA, M. [X] [B] étant le signataire du bail de M. [S] [M] du 13 juillet 2011. Sur le fond, il a relevé que la cause du dégât des eaux n’était pas déterminée, que l’eau courante avait été coupée chez son client et qu’aucune expertise avec les assurances n’avait pu se tenir de sorte que le lien de causalité avec les désordres constatés dans l’appartement de M. [S] [M] ni la négligence de ce dernier n’étaient caractérisés. A titre reconventionnel, il sollicite la condamnation du bailleur à faire procéder aux travaux de réparation et à réparer le trouble de jouissance subi par le locataire.

Conformément à l’article 467 du Code de procédure civile, le jugement à intervenir sera contradictoire.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour, par mise à disposition au greffe, en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.
Par note en délibéré autorisée, le conseil de la défenderesse a adressé le 28 mai 2024 l’acte de vente de la studette n°340 en date du 6 mars 2006 au bénéfice de la SCI LUNA BAHIA représentée par M. [X] [B] agissant en qualité de gérant et le conseil de M. [S] [M] par courriel du 29 mai 2024 a maintenu sa fin de non-recevoir, constatant que le signataire du bail était M. [X] [B] et non la SCI LUNA BAHIA.

Les compléments de pièces adressés par la demanderesse dans un courriel du 5 juin 2024 n’ayant pas été autorisés par le président seront exclus des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’action de la SCI LUNA BAHIA
Il résulte du contrat de vente produit que la SCI LUNA BAHIA est propriétaire de la studette 340 au [Adresse 1] depuis le 6 mars 2006, soit antérieurement au contrat de location des lieux à M. [S] [M] signé le 13 juillet 2011.

L’intérêt à agir de celle-ci est donc certain et le fait que le contrat de location ait été signé de M. [X] [B], dès lors qu’il résulte de l’acte de vente qu’il a la qualité de gérant de la SCI ne saurait priver cette dernière de tout intérêt à agir.

La fin de non-recevoir soulevée par M. [S] [M] sera donc rejetée.

Sur le prononcé de la résiliation judiciaire
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Enfin, il sera rappelé qu'en vertu de l'article 7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé :
b) D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;
d) De prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission nationale de concertation. Lorsque les organismes bailleurs mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ont conclu avec les représentants de leurs locataires des accords locaux portant sur les modalités de prise en compte de la vétusté et établissant des grilles de vétusté applicables lors de l'état des lieux, le locataire peut demander à ce que les stipulations prévues par lesdits accords soient appliquées ;

Le contrat de bail reprend aux conditions générales les obligations de jouissance paisible et d’entretien incombant au locataire.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux, étant rappelé qu'aux termes de l'article 1382 du code civil, les présomptions qui ne sont pas établies par la loi, sont laissées à l'appréciation du juge, qui ne doit les admettre que si elles sont graves, précises et concordantes.

En l’espèce il résulte des photos produites aux débats que le coin cuisine du logement est dans un état de saleté extrême le rendant inutilisable et que les canalisations de la douche sont bouchées alors qu’il résulte du décret n°87-712 du 26 août 1987 pris en application de l'article 7 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 que le dégorgement des canalisations d’eau relève des réparations locatives à la charge du locataire.

Par ailleurs, il n’est pas contesté du défendeur qu’il continue d’utiliser la douche pourtant engorgée et ce alors même que l’eau se répand sur le sol de l’appartement. Il ressort ainsi des mesures opérées par le plombier et lors du constat d’huissier en date du 29 février 2024 que le sol de la salle de bain et le mur des toilettes sont gorgés respectivement de 100% et 80% d’humidité.

M. [S] [M] ne saurait opposer à titre reconventionnel un préjudice de jouissance et solliciter la condamnation du bailleur à procéder aux travaux dès lors que les manquements caractérisés relèvent de l’obligation d’entretien mise à la charge de locataire ; qu’il ne justifie pas de circonstances relevant de la force majeure ni d’une faute du bailleur dans les détériorations constatées alors que le défendeur ne l’en avait pas tenu informé.

Ces manquements graves dans l’entretien et la jouissance paisible des lieux justifient le prononcé de la résiliation judicaire du bail et l’expulsion de M. [S] [M] dans les termes prévus au dispositif ci-après.

Sur l’indemnité d’occupation
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

Il sera par conséquent fait droit à la demande de la SCI LUNA BAHIA quant à la condamnation de M. [S] [M] à lui verser, à compter de la présente décision, une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges qui auraient été dues si le bail s’était poursuivi et ce jusqu’à la libération effective des lieux par départ volontaire ou exécution forcée.

Sur le sort du dépôt de garantie
Selon l'article 22 alinéa 3 de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés par le locataire, déduction faite le cas échéant des sommes restant dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées.

La SCI LUNA BAHIA sera par conséquent déboutée de sa demande, puisque prématurée, en conservation du dépôt de garantie.

Sur les demandes accessoires
M. [S] [M] partie perdante sera condamné aux dépens. Le recours à l’exécution forcée étant encore à ce stade hypothétique, il n’y a lieu de mettre spécialement ses frais au demeurant non chiffrés à la charge du défendeur dans la présente décision.

L’équité justifie de ne pas faire droit à la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire est de droit et sera rappelée.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement et en premier ressort, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe,

DECLARE recevable en son action la SCI LUNA BAHIA ;

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat en date 13 juillet 2011 conférant à M. [S] [M] un bail d’habitation de la studette meublée au [Adresse 1] ;

ORDONNE en conséquence à M. [S] [M] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de huit jours à compter de la signification du présent jugement ;

DIT qu’à défaut pour M. [S] [M] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, SCI LUNA BAHIA pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

CONDAMNE M. [S] [M] au paiement d'une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'ils auraient été dus si le contrat s'était poursuivi à compter de la présente décision et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE M. [S] [M] au paiement des dépens ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 24/03869
Date de la décision : 29/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-29;24.03869 ?
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