TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
■
1/4 social
N° RG 23/05838
N° Portalis 352J-W-B7H-CZQFW
N° MINUTE :
Admission partielle
P.R
Assignation du :
21 Avril 2023
JUGEMENT
rendu le 27 Août 2024
DEMANDERESSE
Madame [K] [B] épouse [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Alassane SY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0476
DÉFENDERESSE
FRANCE TRAVAIL (nouvelle dénomination de Pôle Emploi depuis le 1er janvier 2024)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0010
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Catherine DESCAMPS, 1er Vice-Président
Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-présidente
Paul RIANDEY, Vice-président
assistés de Elisabeth ARNISSOLLE, Greffier,
Décision du 27 Août 2024
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N° RG 23/05838
N° Portalis 352J-W-B7H-CZQFW
DÉBATS
A l’audience du 28 Mai 2024 tenue en audience publique devant Paul RIANDEY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Le délibéré initialement fixé au 23 Juillet 2024 a été prorogé au 27 Août 2024
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
De 2011 à 2016, Mme [X] a été employée en tant que vacataire par la Direction des Affaires Scolaires de la ville de [Localité 5] en qualité de surveillante d’interclasse. Son contrat de travail a pris fin le 21 juin 2016. Elle s’est inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi, et a sollicité le bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).
France Travail lui a alors notifié le 26 janvier 2017 un refus d’attribution de l’ARE au motif que cet examen devait être effectué par son ancien employeur public, à savoir la Ville de [Localité 5].
Après une décision de cessation d’inscription en date du 29 mai 2017 lié à un congé maladie ou un congé maternité, Mme [X] s’est réinscrite en qualité de demandeur d’emploi le 4 décembre 2017.
Dans le cadre de cette réinscription, Pôle Emploi a prononcé une nouvelle décision de rejet motivée par l’absence de justification par la requérante d’une fin de contrat de travail dans les douze mois précédant immédiatement la dernière inscription.
Par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 6 novembre 2021, Mme [X] a demandé à France Travail de réexaminer son dossier. Elle a ensuite saisi le 30 décembre 2021 le Médiateur auprès de Pôle Emploi.
Par un courrier en date du 17 mai 2022, le Médiateur a invité Pôle Emploi à revenir vers lui afin de l’informer des motivations de refus de prise en charge d’indemnités de chômage au profit de Mme [X]. Le Médiateur a ensuite constaté l’échec de la médiation.
Par acte de commissaire de justice du 17 avril 2023, Mme [X] a assigné Pôle Emploi de [Localité 5] Genevoix devant le tribunal judiciaire de céans.
Décision du 27 Août 2024
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Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2023, elle demande au tribunal de :
- DECLARER recevable Madame [K] [X] en ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence,
- CONDAMNER Pôle Emploi de [Localité 5] Genevoix à verser à Madame [K] [X] la somme de 11 600 euros correspondant à l’allocation d'aide au retour à l'emploi des 36 mois précédant la fin de son contrat de travail, assortie des intérêts de retard au taux légal ;
- CONDAMNER Pôle Emploi de [Localité 5] Genevoix au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER Pôle Emploi de [Localité 5] Genevoix au paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- CONDAMNER Pôle Emploi de [Localité 5] Genevoix aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA) le 25 septembre 2023, France Travail demande au tribunal de :
IN LIMINE LITIS,
• JUGER que l’action de Madame [B] épouse [X] est prescrite faute d’avoir été intentée dans le délai légal de 2 ans ;
Si par extraordinaire, la Juridiction de céans n’estimait pas la demande prescrite, au fond :
• DEBOUTER Madame [B] épouse [X] de l’ensemble de ses demandes visant l’agence POLE EMPLOI de Genevoix, faute pour elle de détenir la personnalité juridique nécessaire ;
• JUGER que Madame [B] épouse [X] n’était pas éligible au bénéfice de l’ARE ;
En conséquence :
• JUGER que POLE EMPLOI n’a commis aucune faute dans la gestion du dossier de Madame [B] épouse [X] ;
• DEBOUTER Madame [B] épouse [X] de l’ensemble de ses demandes ;
• CONDAMNER Madame [B] épouse [X] à payer à POLE EMPLOI la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé plus ample des prétentions et moyens soutenus.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la nature de la décision
L’ensemble des parties est représenté à l’instance. La décision sera donc contradictoire.
II) Sur les exceptions de nullité ou fins de non-recevoir
France Travail soutient que l’action est irrecevable au regard de la prescription biennale prévue à l’article L.5422-4 du code du travail et ce que soit prise en considération l’inscription du 13 décembre 2016 ou celle du 4 décembre 2017.
En outre, rappelant sa nature d’établissement public national unique ayant son siège à [Localité 5], elle considère mal fondée l’action délivrée à Pôle Emploi de [Localité 5] Genevoix, entité qui n’a pas la personnalité juridique.
Mme [X] fait valoir que le point de départ de la prescription de l’action en paiement est le 16 novembre 2021 correspondant à la date de notification de la décision prise par France Travail de sorte que la prescription n’est pas acquise.
S’agissant de la qualité du défendeur, elle précise que la notification ou signification destinée à un établissement public de droit administratif est faite au lieu de cet établissement ou en la personne de l’un de ses membres habilité à la recevoir.
Réponse du tribunal
En application de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure ou fins de non-recevoir à moins qu’elles ne se soient révélées postérieurement à son dessaisissement.
En l’espèce, France Travail en se prévalant d’un délai de prescription ayant expiré dans les deux années de l’inscription à Pôle Emploi en décembre 2016 ou décembre 2017 avait connaissance de la cause de cette fin de non-recevoir avant que le juge de la mise en état ne clôture l’instruction et ne renvoie l’affaire au tribunal.
Il s’ensuit que la fin de non-recevoir tirée de la prescription est irrecevable.
Par ailleurs, France Travail dans le corps de ses conclusions soulève “à titre liminaire” l’irrecevabilité (sic) de l’assignation au motif qu’elle a été délivrée à l’antenne régionale [Localité 5] Genevoix et non à l’établissement public France Travail, et en déduit que le tribunal doit rejeter les demandes faites à l’encontre de cette agence “puisqu’il s’agit manifestement d’une simple erreur de plume”.
En revanche, le dispositif de ses conclusions demande au tribunal de débouter Madame [X] de ses demandes dirigées contre l’antenne France Travail [Localité 5] Genevoix “faute pour elle de détenir la personnalité juridique nécessaire”.
France Travail ne semble pas fixé sur la nature du moyen soulevé, exception de nullité pour vice de forme ou fin de non recevoir pour défaut de qualité à défendre.
Qu’il s’agisse d’une exception de procédure ou d’une fin de non recevoir, sa cause était connue avant le prononcé de la clôture de l’instruction, France Travail est dès lors irrecevable à la soulever en application des dispositions de l’article précité.
Décision du 27 Août 2024
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En tout état de cause, il résulte de l’argumentation développée par les parties qu’il ne fait aucun doute dans leur esprit que le défendeur à la présente action est l’établissement public France Travail, nonobstant la terminologie maladroite employée par Madame [X].
Il s’ensuit que l’exception de nullité et la fin de non-recevoir sont irrecevables.
III) Sur le fond
Mme [X] soutient qu’elle a apporté toutes les preuves démontrant qu’elle a perdu involontairement son travail, ce qui a d’ailleurs été confirmé par la Direction des affaires sociales de son employeur de l’époque, son dernier emploi ayant seulement été non renouvelé ; qu’il revient à France de Travail de rapporter la preuve de ce départ volontaire en vertu de l’article 9 du code de procédure civile, ne pouvant démontrer un fait négatif, soit l’absence de démission.
France Travail fait valoir qu’il repose sur un système déclaratif et qu’il revient à Mme [X] de prouver son préjudice et l’exécution de l’obligation qui lui est due ; que le contrat de travail sur lequel s’appuie Mme [X] pour solliciter sa condamnation au paiement d’une somme au titre de l’ARE est celui ayant fait l’objet de deux décisions de rejet d’ARE prononcées par France Travail et par la Ville de [Localité 5] ; que Mme [X] ne justifie pas d’un autre contrat de travail servant de support à une indemnisation ARE, ni d’éléments attestant que la privation de son emploi auprès de la ville de [Localité 5] était bien involontaire, condition sine qua none de l’éligibilité à l’ARE ; que le dernier refus d’allocation ARE du 7 décembre 2017 est fondé sur le non-respect du délai maximum de douze mois suivant la fin du dernier contrat de travail de Mme [X], qui se serait inscrite le 4 décembre 2017 alors que son contrat de travail avait pris fin le 21 juillet 2016 ; que les refus précédents étaient légitimes car ils se fondaient d’une part sur l’incompétence de Pôle Emploi au profit de l’ex employeur de Mme [X], et d’autre part sur le départ volontaire du dernier emploi ; que la demanderesse omet également le fait qu’elle a fait l’objet d’une radiation le 29 mai 2017, ayant indiqué qu’elle n’était plus à la recherche d’emploi.
Réponse du tribunal
A titre liminaire, il doit être constaté que France Travail vient aux droits de Pôle Emploi et que l’assignation délivrée dans l’un des établissements de Pôle Emploi vise bien France Travail.
En application de l’article L.5422-1 dans sa version issue de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 et de l’article 1er du règlement général annexé à la convention d’assurance chômage du 14 mai 2014, le demandeur d’emploi doit justifier avoir été privé involontairement d’emploi et être à la recherche effective et permanente d’un emploi. Les salariés privés d’emploi ne doivent pas avoir quitté volontairement leur emploi.
En outre, selon l’article L.5422-4 du code du travail, la demande en paiement de l’allocation de retour à l’emploi doit être déposée dans un délai de deux ans à compter de la demande d’inscription comme demandeur d’emploi.
En l’espèce, il est justifié d’un refus d’allocation du 26 janvier 2017, ce dont il se déduit que la demande de versement a été faite moins de deux ans après l’inscription comme demanderesse d’emploi, celle-ci étant intervenue au 13 décembre 2016.
Pour établir son droit à ouverture à l’assure chômage, Mme [X] verse aux débats l’attestation d’employeur destinée à Pôle Emploi établie le 13 janvier 2017 par la Ville de [Localité 5]. Selon ce document, le dernier emploi constituait un contrat à durée déterminée se rapportant à la période du 1er septembre 2015 au 5 juillet 2016 et son motif de rupture coché correspond au cas suivant : « fin de contrat à durée déterminée ». Il est également produit une attestation du pôle ressources humaines de la Ville de [Localité 5] précisant que l’intéressée n’exerce plus ses fonctions en tant qu’animatrice vacataire depuis le 5 juillet 2016.
Certes, France Travail se prévaut d’une attestation de la Mairie de [Localité 5], précisant que le service indemnisation de la Mairie a fermé définitivement le 31 octobre 2017 et selon laquelle : « Mme [X] a déposé une demande d’allocation chômage en date du 13 décembre 2016. Une notification de rejet de la demande lui a été transmise pour le motif suivant : Mme [X] n’a pas été sous contrat pendant au moins 91 jours (ou 455 heures) depuis sa dernière démission non légitime le 21 juillet 2016. De ce fait la condition de perte involontaire d’emploi n’était pas remplie. ».
Or, aucune démission n’a pu intervenir le 21 juillet 2016, alors que le dernier emploi était un contrat à durée déterminée dont le terme était survenu le 5 juillet 2016.
Par ailleurs, si Mme [X] a été provisoirement retirée de la liste des demandeurs d’emploi à compter du 17 mai 2017, ce n’est qu’en raison d’un arrêt maladie ou d’un congé maternité, étant précisé qu’elle a été de nouveau réinscrite à compter du 4 décembre 2017. Il ne peut ainsi lui être opposé ni l’absence de déclaration de sa nouvelle situation ni une radiation pour méconnaissance de ses obligations.
Ainsi, Mme [X] est fondée à réclamer le paiement de l’allocation de retour à l’emploi au titre de la période d’emploi ayant expiré le 5 juillet 2016.
Celle-ci réclame le paiement d’une somme de 11.600 euros portant sur 36 mois d’indemnisation au titre de l’allocation de retour à l’emploi, sans préciser le moindre fondement juridique ni mentionner le moindre calcul. France Travail ne fournit aucun décompte subsidiaire.
A défaut de contestation sur ce point, il convient de fixer la période d’indemnisation sur la période maximale de 730 jours visée à l’article 9 du règlement annexé à la convention du 14 mai 2014 (le règlement).
Le salaire de référence (articles 11 et 12 du règlement) correspond aux rémunérations des 12 mois civils précédant le dernier jour de paie, soit ceux versés entre le 1er juillet 2015 et le 30 juin 2016. Il s’élève à une somme de 3 505,69 euros selon le cumul des salaires indiquées à l’attestation employeur destinée à Pôle Emploi. Le nombre de jours d’appartenance à la Ville de [Localité 5] au titre desquels les salaires ont été versés correspondant à la période du 1er septembre 2015 au 30 juin 2016, soit 300 jours, de sorte que le salaire journalier de référence est de 11,69 euros (article 13 du règlement).
Le calcul de l’allocation journalière est égal à 40,4 % du salaire de référence (4,72 euros en l’espèce) et une partie fixe de 11,64 euros, devant toutefois être réduite proportionnellement à l’horaire de l’intéressée lorsque celui-ci est inférieur à la durée légale (27,62 heures en l’espèce, soit correspondant à 18,21 % d’un temps plein), soit une partie fixe de 2,12 euros ; le calcul de l’allocation de retour à l’emploi est en principe de 6,84 euros (articles 14 et 15 du règlement).
Cette allocation est bien supérieure à l’allocation minimale de 28,38 euros, prise dans la proportion de la durée du travail de l’intéressée (18,21 %), soit 5,17 euros (articles 14 et 15 du règlement).
L’allocation journalière de retour à l’emploi est donc de 6,84 euros, somme inférieure au plafond de 75 % du salaire journalier de référence, soit 8,76 euros (article 16 du règlement).
Mme [X] est donc fondée à obtenir le paiement d’allocations de retour à l’emploi d’un montant de 4.993,20 euros.
Cette somme produit intérêt au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation, à défaut d’une mise en demeure préalable interpellant Pôle Emploi sur le montant réclamé.
IV) Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
France Travail, qui succombe, sera condamné aux dépens de la présente procédure.
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
L'équité commande de condamner France Travail à verser à Mme [K] [E] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En application de l’article 514 du code de procédure civile, il est rappelé que la présente décision est exécutoire de droit, étant précisé qu’aucune des parties ne demande d’en écarter l’application.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevable France Travail en son exception de nullité pour défaut de capacité du défendeur et sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action,
Condamne France Travail à verser à Mme [K] [X] verser la somme de 4.993,20 euros avec intérêts au taux légal courant à compter du 17 avril 2023,
Déboute Mme [K] [E] du surplus de ses demandes,
Condamne France Travail aux entiers dépens,
Condamne France Travail à verser à Mme [K] [E] une somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que la présente décision est exécutoire par provision.
Fait et jugé à Paris le 27 Août 2024
Le Greffier Le Président