TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 23/08/2024
à : Maître Françoise MALEMPRÉ
Copie exécutoire délivrée
le : 23/08/2024
à : Maître Philippe DE LA GATINAIS
Pôle civil de proximité
PCP JCP référé
N° RG 24/03848
N° Portalis 352J-W-B7I-C4R6F
N° MINUTE : 4/2024
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 23 août 2024
DEMANDEURS
Madame [S] [R] [X] [K] épouse [F], demeurant [Adresse 1]
Monsieur [A] [C] [V] [K], demeurant [Adresse 3]
représentés par Maître Philippe DE LA GATINAIS de la SELEURL CABINET DLG, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #C2028 substituée par Maître Clara MAGNAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #C2028
DÉFENDEURS
Monsieur [U] [B] [L], demeurant [Adresse 2]
Madame [D] [T] [W] épouse [L], demeurant [Adresse 2]
représentés par Maître Françoise MALEMPRÉ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0135
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 juin 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 23 août 2024 par Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 09 mars 2006, Madame [G] [K], aux droits de laquelle sont venus Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K], a donné à bail à usage d'habitation à Madame [D] [L] et à Monsieur [U] [L] (ci-après, les époux [L]) un appartement et une cave situés [Adresse 2], pour une durée de 03 ans renouvelable, moyennant un loyer annuel de 16 632 euros, payable mensuellement.
Par acte de commissaire de justice en date du 08 juin 2023, Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] ont fait signifier aux époux [L] un congé pour reprise à effet au 08 mars 2024 à minuit.
Déplorant leur maintien dans les lieux au-delà de cette date, Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] les ont fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- la validation du congé,
- leur expulsion sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours après signification de l'ordonnance à intervenir,
- l'autorisation de transporter et de séquestrer les meubles et objets mobiliers garnissant le logement dans un garde-meubles de leur choix,
- leur condamnation solidaire au paiement d'un indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer actuel, outre les charges,
- le condamnation solidaire au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
A l'audience du 20 juin 2024, à laquelle l'affaire a été retenue, Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions qu'ils ont soutenues oralement et aux termes desquelles ils maintiennent les demandes formées dans leur acte introductif d'instance, élèvent leur demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 4 000 euros et demandent le débouté de toutes les demandes formées par les époux [L], notamment, de leur demande de délais.
Il exposent, au visa de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, qu'ils ont valablement fait délivrer à leurs locataires un congé pour reprise au profit de Madame [S] [F] elle-même et que le maintien de Madame [D] [L] et de Monsieur [U] [L] dans les lieux au-delà de la date d'effet du congé est constitutif d'un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée leur expulsion du logement, alors qu'ils en sont occupants sans droit ni titre depuis le 09 mars 2024. Au surplus, ils font valoir une certaine urgence, au visa de l'article 834 du code de procédure civile, puisque Madame [S] [F] est menacée d'expulsion de son propre logement.
Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L], représentés par leur conseil, soutiennent que la demande formée par Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] se heurte à une contestation sérieuse et demandent que non-lieu à référé soit prononcé s'agissant de leur demande de validation du congé. A défaut, ils sollicitent que la nullité de ce congé soit prononcée. Subsidiairement, ils demandent un délai d'un an pour quitter les lieux. En tout état de cause, ils sollicitent leur condamnation au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Décision du 23 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03848 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4R6F
Les défendeurs estiment que Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] ne rapportent pas la preuve du caractère réel et sérieux du congé délivré, Madame [S] [F] n'ayant jamais déféré aux sommations de communiquer les revenus de son ménage et ne justifiant ainsi pas de la nécessité de rependre le logement donné à bail. Subsidiairement, ils font valoir que le marché locatif parisien est particulièrement tendu, que leur fille est en situation de handicap et que dès lors, ils ont besoin de délais pour quitter les lieux afin de trouver un nouveau logement.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 23 août 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de validation du congé et ses conséquences
Selon les articles 834 et 835 1 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Ils peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.
Selon l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.
(…)
En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.
Toutefois, si le juge des référés peut constater la validité du congé à fin de reprise, l'annulation d'un tel congé excéderait ses pouvoirs.
En l'espèce, les défendeurs sollicitent l'annulation du congé délivré par Madame [S] [F] et Madame [D] [L]. Or cette demande dépasse les pouvoirs du juge des référés, juge de l'évidence. Non-lieu à référé sera ainsi ordonné.
S'agissant de la demande de validation du congé, il convient de relever que le bail consenti à Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] le 09 mars 2006, a été renouvelé à plusieurs reprises, pour expirer le 08 mars 2024 à minuit.
Le congé délivré le 08 juin 2023, à effet au 08 mars 2024 à minuit a donc été régulièrement délivré plus de six mois avant l'échéance précitée.
Il a été délivré à raison de la " reprise pour habiter " par Madame [S] [F], , domiciliée [Adresse 1], eu égard à la nécessité de " faire l'économie d'un loyer devenant trop élevé compte-tenu de ses moyens financiers ".
Il respecte ainsi les prescriptions de l'article 15 susmentionné.
Les époux [L] soutiennent toutefois que les bailleurs ne justifient pas du caractère réel et sérieux de leur décision de reprise et notamment, des difficultés financières de Madame [S] [F].
Cette dernière verse au débat le contrat de bail la liant, avec son époux, à [Localité 4] HABITAT-OPH ainsi qu'un avis d'échéance du mois de mai 2024 portant sur la somme de 1 207,44 euros. Elle atteste d'un courrier de [Localité 4] HABITAT OPH datée du 15 mars 2024 mettant en demeure Monsieur et Madame [F] de régler la somme de 1289,77 euros. Par ailleurs, elle produit ses fiches de paye du mois de décembre 2023 au mois d'avril 2024, laissant apparaître un salaire moyen de 2000 euros et justifie, depuis avril 2024, percevoir la somme de 555 euros de retraite. Enfin, elle atteste de ce qu'elle bénéficie d'une reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapée jusqu'à 2025.
Dès lors, il est justifié du caractère réel et sérieux de la reprise et les défendeurs ne sauraient arguer, à titre de contestation sérieuse que Madame [S] [F] pourrait continuer à travailler au delà du seuil à compter duquel elle peut faire valoir ses droits à la retraite, afin de percevoir une retraite à taux plein.
De même, la contestation tenant au montant que Madame [S] [F] devra verser nécessairement à son frère, propriétaire indivis du bien, au titre de l'indemnité d'occupation n'est pas sérieuse, Monsieur [A] [K] étant lui-même demandeur à la présente instance.
Par conséquent, le congé délivré par Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] est valide et l'occupation sans droit ni titre de Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L], au-delà de la date d'effet du congé, est constitutive d'un trouble manifestement illicite auquel le juge des référés a tout pouvoir de mettre un terme, en l'absence de contestation sérieuse.
Leur expulsion, ainsi que celle de tous les occupants de leur chef, sera donc ordonnée selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.
Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, dont l'application relève, en cas de difficulté de la compétence du juge de l'exécution.
Le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] à quitter les lieux, il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte, les demandeurs obtenant par ailleurs une indemnité d'occupation.
Décision du 23 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03848 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4R6F
Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Les articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d'exécution permettent au juge d'accorder des délais renouvelables, compris entre un mois et un an, aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions. Cette disposition n'est pas applicable lorsque le propriétaire exerce son droit de reprise dans les conditions prévues à l'article 19 de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement, lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire ou lorsque ce dernier est de mauvaise foi.
Les deux premiers alinéas du présent article ne s'appliquent pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.
En l'espèce, les défendeurs ne justifient de leur recherche de logement que dans le 16ème arrondissement et ne démontrent donc pas de leurs difficultés réelles à trouver un nouveau logement. Toutefois, il est incontestable que leur fille présente un état de santé dégradé justifiant que leur soient octroyés des délais pour quitter les lieux au regard du besoin de stabilité dont il est fait état aux termes des certificats médicaux produits.
Les demandeurs disposent d'un logement et leur situation permet ainsi de faire face à ces délais qui seront accordés jusqu'au 31 janvier 2025 aux défendeurs.
Sur la provision au titre de l'indemnité d'occupation
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.
Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] seront ainsi condamnés solidairement, au paiement à titre provisionnel d'une indemnité mensuelle d'occupation pour la période courant du 09 mars 2024 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi.
Sur les demandes accessoires
Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L], parties perdantes, supporteront les dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande qu'ils soient condamnés à verser à Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'exécution provisoire de la décision est de droit et ne peut être écartée en application de l'article 514-1 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé et par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire, en premier ressort,
DISONS n'y avoir lieu à référé concernant la demande formée par Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] aux fins d'annulation du congé délivré par Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K],
CONSTATONS que le congé délivré par Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] le 08 juin 2023 à effet au 08 mars 2024 à minuit, portant sur le logement et la cave donnés à bail à Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] le 09 mars 2006, situés [Adresse 2], est valide,
ACCORDONS à Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] un délai pour quitter les lieux jusqu'au 31 janvier 2025,
DISONS qu'à défaut pour Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] pourront, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
RAPPELONS que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
DÉBOUTONS Madame [S] [F] et Monsieur [A] [K] de leur demande d'astreinte,
CONDAMNONS solidairement Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] à verser à Madame [S] [F] et à Monsieur [A] [K] une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 09 mars 2024 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés,
CONDAMNONS in solidum Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] au paiement d'une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS in solidum Madame [D] [L] et Monsieur [U] [L] aux dépens,
RAPPELONS que l'exécution provisoire est de droit ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et la Greffière susnommés.
La Greffière, La Juge des contentieux de la protection,