TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 23/08/2024
à : Maître Catherine HENNEQUIN
Copie exécutoire délivrée
le : 23/08/2024
à : Maître Pierre BOUAZIZ
Pôle civil de proximité
PCP JCP référé
N° RG 24/01827
N° Portalis 352J-W-B7I-C4AVC
N° MINUTE : 2/2024
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 23 août 2024
DEMANDERESSE
Société PARIS HABITAT - OPH, dont le siège social est sis [Adresse 3] - [Localité 5]
représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0483
DÉFENDERESSE
Madame [E] [W] [F], demeurant [Adresse 1] - [Localité 4]
comparante en personne assistée de Maître Pierre BOUAZIZ de la SCP BOUAZIZ BENAMARA & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0215
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 juin 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 23 août 2024 par Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière
Décision du 23 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/01827 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AVC
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 04 juin 1998, l'EPIC PARIS HABITAT - OPH (anciennement dénommé OPAC de PARIS) a donné à bail à Madame [E] [W] [F] un logement situé [Adresse 2], [Localité 4], soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.
En raison de travaux de réhabilitation dans son logement, Madame [E] [W] [F] a été relogée dans un logement situé [Adresse 1], [Localité 4].
Déplorant le maintien dans les lieux de Madame [E] [W] [F] après l'achèvement des travaux au sein de son logement, l'EPIC PARIS HABITAT - OPH l'a fait assigner, par acte de commissaire de justice en date du 25 janvier 2024, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS statuant en référé afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- son expulsion et celle de tous occupants de son chef, des lieux situés [Adresse 1] [Localité 4],
- la suppression du délai légal de deux mois prévu par l'artciel L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution et deu bénéfice de la trêve hivernale prévue par l'article L 412-6 du code des procédures civiles d'exécution,
- sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant de 35 euros par jour à compter du 22 mai 2023 ou, subsidiairement à compter du 18 août 2023 jusqu'à libération complète des lieux,
- en conséquence, sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 8 400 euros ou subsidiairement de 5 320 euros au titre des arriérés d'indemnité d'occupation selon décompte arrêté au 17 janvier 2024,
- sa condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 10 000 à titre de dommages et intérêts ,
- sa condamnation au paiement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Lors de l'audience du 20 juin 2024 à laquelle l'affaire a été retenue, l'EPIC PARIS HABITAT - OPH, représenté par son conseil, a déposé des conclusions, soutenues oralement, aux termes desquelles il demande, outre le bénéfice de son acte introductif d'instance, que le juge des contentieux de la protection se déclare incompétent s'agissant de la demande formée par Madame [E] [W] [F] concernant l’attribution du logement litigieux et le débouté de l'ensemble des demandes formées par la défenderesse. Il actualise la somme provisionnelle sollicité au titre des indemnités d'occupation échues à 13 825 euros ou, subsidiairement, 10 745 euros, montant arrêté au 20 juin 2024.
L'EPIC PARIS HABITAT - OPH fait valoir que la convention d'occupation temporaire signée le 26 octobre 2021, en vertu de laquelle le logement litigieux a été mis à la disposition de Madame [E] [W] [F] a expiré, que l'occupation sans droit ni titre qui en résulte lui cause un trouble manifestement illicite justifiant que soit ordonnée son expulsion ainsi que sa condamnation au paiement de l'indemnité forfaitaire d'occupation prévue par la convention, à défaut de libération du logement dans les délais.
Madame [E] [W] [F], représentée par son conseil, a déposé des conclusions, soutenues oralement, aux termes desquelles elle demande :
- à titre principal renvoyer l'EPIC PARIS HABITAT - OPH à mieux se pourvoir,
- à titre subsidiaire, ordonner la passerelle sur le fondement de l'article 837 du code de procédure civile et dans ce cadre :
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par l'EPIC PARIS HABITAT - OPH,
- débouter l'EPIC PARIS HABITAT - OPH de toutes des demandes
- à titre reconventionnel :
- ordonner à l'EPIC PARIS HABITAT - OPH, sous astreinte de 500 euros par jours, le juge des contentieux de la protection se réservant le pouvoir de la liquider, de lui remette le contrat de location portant sur le logement litigieux,
- subsidiairement, lui attribuer définitivement ledit logement et lui remettre le contrat de location correspondant,
- à titre infiniment subsidiaire, lui remettre le dossier devant être soumis à la CALEOL
- condamner l'EPIC PARIS HABITAT - OPH à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens.
Madame [E] [W] [F] indique, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, que la demande de l'EPIC PARIS HABITAT - OPH se heurte à une contestation sérieuse justifiant que les parties soient renvoyées à mieux se pourvoir devant le juge du fond, compte-tenu du congé qui lui a été délivré portant sur le logement initialement occupé en application de l'article 12 de la loi du 1er septembre 1948, de l'article 13 de cette même loi qui ne prévoit qu'un droit à la réintégration dans l'ancien logement et, en aucun cas, une obligation, ce que rappelle expressément la convention.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par chacune des parties, il sera renvoyé aux écritures qu'elles ont soutenues oralement à l'audience du 20 juin 2024, conformément aux dispositions de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.
La décision a été mise en délibéré au 23 août 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'expulsion et les demandes subséquentes
Les articles 834 et 835 du code de procédure civile disposent que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
En application de ces dispositions, le trouble manifestement illicite peut se définir comme " toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit, proche de la voie de fait.
Décision du 23 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/01827 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4AVC
Les articles 12, 13 et 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 prévoient que le droit au maintien dans les lieux ne peut être opposé au propriétaire qui avec l'autorisation préalable du ministre chargé de la reconstruction et de l'urbanisme ou de son délégué effectue des travaux tels que surélévation ou addition de construction ayant pour objet d'augmenter la surface habitable, le nombre de logements ou le confort de l'immeuble, et qui rendent inhabitable ce qui est nécessaire au logement de l'occupant et de sa famille.
Il en est de même lorsque le propriétaire effectue des travaux nécessitant l'évacuation des lieux compris dans un secteur ou périmètre prévu à l'article 3 de la loi n° 62-903 du 4 août 1962 et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues audit article.
Le propriétaire doit donner à chaque occupant un préavis de six mois pour quitter les lieux loués. Les travaux doivent être commencés dans les trois mois du départ du dernier occupant.
Les personnes évincées en application des articles 11 et 12 bénéficient, si elles ne sont pas relogées dans un local remplissant les conditions prévues à l'article 13 bis ci-dessous, du droit à réintégration dans un des locaux situés dans les immeubles ayant fait l'objet des travaux visés auxdits articles et peuvent s'y maintenir dans les conditions prévues par la présente loi.
Dès l'achèvement des travaux, le propriétaire devra, par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par acte extrajudiciaire, les mettre en demeure de lui faire connaître, dans le délai d'un mois et dans la même forme, s'ils entendent user de ce droit. La notification devra mentionner, à peine de nullité, la forme et le délai de la réponse.
Le local mis à la disposition des personnes évincées, en application des articles 11 et 12, doit satisfaire aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas de l'article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 et correspondre à leurs besoins personnels ou familiaux et, le cas échéant, professionnels, et à leurs possibilités. Il doit en outre être situé :
Dans le même arrondissement ou les arrondissements limitrophes ou les communes limitrophes de l'arrondissement où se trouve le local, objet de la reprise, si celui-ci est situé dans une commune divisée en arrondissements ;
Dans le même canton ou dans les cantons limitrophes de ce canton inclus dans la même commune ou dans les communes limitrophes de ce canton si la commune est divisée en cantons ;
Dans les autres cas sur le territoire de la même commune ou d'une commune limitrophe, sans pouvoir être éloigné de plus de 5 km.
A titre liminaire, il convient de préciser qu'il n'est pas contesté que le bail consenti à Madame [E] [W] [F] est soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.
La défenderesse produit un congé qui lui a été délivré le 27 novembre 2020 avec un préavis de 6 mois et qui se réfère aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, en particulier, aux articles 12, l'article 13 et l'article 13 bis.
Ainsi, il est incontestable qu'un congé a été délivré à Madame [E] [W] [F] s'agissant du logement que l'EPIC PARIS HABITAT - OPH souhaite qu'elle réintègre, sans qu'il ne soit fait allusion à un quelconque caractère temporaire de ce congé.
Par ailleurs, certes la convention d'occupation temporaire signée le 26 octobre 2021 prévoit que le local objet de la convention n'a pas vocation à satisfaire aux exigences de l'article 13 bis de la loi du 1er septembre 1948 et qu'il ne peut être considéré que comme un relogement provisoire. Toutefois, elle n'écarte pas l'application de l'article 13 de la loi du 1er septembre 1948 qui entérine un droit à réintégration dans l'ancien logement et en aucun cas, une obligation.
Au contraire, il est clairement stipulé, dans cette convention, que " le logement constitue un relogement provisoire donnant droit à Madame [E] [W] [F] à un droit à réintégration dans son logement d'origine après l'achèvement des travaux et aux conditions prévues par la loi ".
Ainsi, en dépit de la clarté des dispositions de la convention faisant obligation à la locataire de quitter les lieux à l'achèvement des travaux, il existe une ambiguïté incontestable tenant au congé qui a été délivré à Madame [E] [W] [F] de son ancien logement d'une part et à l'absence de toute obligation de le réintégrer d'autre part.
La demande d'expulsion et les demandes subséquentes se heurtant ainsi à une contestation sérieuse et l'EPIC PARIS HABITAT - OPH n'établissant pas, avec l'évidence requise en référé, la violation manifeste d'une règle de droit, non-lieu à référé sur l'ensemble de ses demandes sera prononcé.
Sur la demande de passerelle
L'article 837 du code de procédure civile dispose qu' à la demande de l'une des parties et si l'urgence le justifie, le juge du contentieux de la protection, saisi en référé, peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond (...).
En l'espèce, la partie défenderesse sollicite la mise en œuvre du principe dit de la " passerelle ".
Celle-ci n'ayant pas initié la procédure, elle ne démontre aucune urgence à ce que le dossier soit évoqué au fond.
Elle indique ainsi qu'elle sollicite la mise en œuvre de ce dispositif compte-tenu du fait qu'elle est " prête à se défendre ".
En conséquence, la demande de passerelle formée par Madame [E] [W] [F] sera rejetée ainsi que l'ensemble des demandes qu'elle a formées dans ce cadre.
Sur les demandes accessoires
L'EPIC PARIS HABITAT - OPH, partie perdante, sera condamné aux dépens, par application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité commande qu'il soit condamné à verser à Madame [E] [W] [F] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l'article 514-1 du code de procédure civile, la présente décision est assortie, de plein droit, de l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant après débats en audience publique, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
DISONS n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par l'EPIC PARIS HABITAT - OPH,
DÉBOUTONS Madame [E] [W] [F] de sa demande formée au titre de l'article 837 du code de procédure civile,
DÉBOUTONS, par conséquent, Madame [E] [W] [F] de l'ensemble de ses demandes,
CONDAMNONS l'EPIC PARIS HABITAT - OPH à verser à Madame [E] [W] [F] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS l'EPIC PARIS HABITAT - OPH aux dépens,
RAPPELONS que la présente ordonnance est assortie de droit de l'exécution provisoire.
La greffière, La juge du contentieux et de la protection,