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21/08/2024 | FRANCE | N°23/09957

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 21 août 2024, 23/09957


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître LENGLEN


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître FAGE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/09957 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TIM

N° MINUTE :
6 JCP






JUGEMENT
rendu le mercredi 21 août 2024

DEMANDEURS
Monsieur [I] [C],
demeurant [Adresse 2]

Madame [N] [C],
demeurant [Adresse 3]

représentés par Maître FAGE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E0051


DÉFENDEUR
Monsieur [R] [M],
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître LENGLEN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #B1155


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Yasmine WALDMANN, Juge des co...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître LENGLEN

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître FAGE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/09957 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TIM

N° MINUTE :
6 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 21 août 2024

DEMANDEURS
Monsieur [I] [C],
demeurant [Adresse 2]

Madame [N] [C],
demeurant [Adresse 3]

représentés par Maître FAGE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E0051

DÉFENDEUR
Monsieur [R] [M],
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître LENGLEN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #B1155

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Yasmine WALDMANN, Juge des contentieux de la protection
assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 31 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 21 août 2024 par Yasmine WALDMANN, Juge assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 21 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/09957 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3TIM

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé prenant effet le 01/07/2013, [I] [C] et [N] [C] ont consenti un bail d’habitation meublé à [R] [M] sur une maison individuelle sise [Adresse 1], moyennant le paiement d’un loyer mensuel initial de 5750 euros et d’une provision pour charges de 250 euros.

Par courrier recommandé daté du 01/02/2023, [R] [M] donnait congé avec préavis de trois mois.

Les parties faisaient établir un état des lieux de sortie contradictoire par procès-verbal de commissaire de justice en date du 04/05/2023.

Par acte de commissaire de justice délivré à étude le 12/09/2023, [I] [C] et [N] [C] ont saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour sa condamnation au remboursement des dégradations locatives.

L’affaire était appelée à l’audience du 02/02/2024 et faisait l’objet d’un renvoi avant d’être examinée à l’audience du 31/05/2024.

[I] [C] et [N] [C], représentés par leur conseil, sollicitent en vertu de leurs dernières conclusions reprises oralement et au visa des articles 1134, 1104, 1730, 1731, 1732, 1755, 1347, 1147, 1875, 1877, 1878 du code civil, de voir :
- les déclarer bien fondés en leurs demandes ;
- juger que [R] [M] a engagé, en sa qualité de locataire, sa responsabilité contractuelle du fait de la disparition des meubles et du défaut d’entretien dépassant le stade de l’usure et de la vétusté normale ;
- condamner [R] [M] au paiement de la somme de 46105 euros pour les meubles disparus, 39908,40 euros pour les travaux de remise en état, 18000 euros pour l’indemnité d’immobilisation pour réaliser les travaux ;
- ordonner la compensation entre le montant du dépôt de garantie en possession du bailleur et le montant de l’entier préjudice subi ;
- débouter le défendeur de l’intégralité de ses demandes ;
- le condamner au paiement du surplus après compensation entre le dépôt de garantie de 5750 euros et le montant total du préjudice subi par les consorts [C], soit la somme de 98263,40 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation ;
- condamner [R] [M] au paiement de la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi par les concluants suite à la disparition de tous leurs meubles ;
- condamner le même au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, au paiement des dépens en ce compris le coût de l’assignation ;
- ordonner l’exécution provisoire.

[R] [M], représenté par son conseil, sollicite en vertu de ses dernières conclusions soutenues oralement à l’audience de voir :
- in limine litis :
- constater la prescription des demandes liées à la facture de réparation de la pompe de relevage du 13/11/2014 ;
- constater la prescription des commandements de payer produits aux débats par les demandeurs ;
- écarter des débats les pièces adverses 6, 12, 14, 15 à 22, 29 ;
- débouter [I] [C] et [N] [C] de l’intégralité de leurs demandes ;
- à titre principal :
- constater l’absence de faute contractuelle imputable à [R] [M] ;
- constater l’absence de préjudice subi par les demandeurs qui serait imputable à [R] [M] ;
- débouter les demandeurs de l’intégralité de leurs demandes ;
- constater le caractère non locatif des dépenses de remise en état des locaux ;
- à titre subsidiaire :
- cantonner l’indemnisation maximale susceptible d’être allouée au titre des meubles manquants à la somme de 3993,45 euros avec application du coefficient de vétusté sur des prix moyens ;
- cantonner l’indemnisation maximale susceptible d’être allouée au titre des travaux de rénovation à la somme de 3648,85 euros avec application du coefficient de vétusté sur le devis produit par le défendeur ;
- à titre infiniment subsidiaire :
- cantonner l’indemnisation maximale susceptible d’être allouée au titre des meubles manquants à la somme de 12429 euros avec application du coefficient de vétusté sur des prix moyens ;
- cantonner l’indemnisation maximale susceptible d’être allouée au titre des travaux de rénovation à la somme de 4188,24 euros avec application du coefficient de vétusté sur le devis produit par le défendeur ;
- à titre encore plus subsidiaire :
- cantonner l’indemnisation maximale susceptible d’être allouée au titre des meubles manquants à la somme de 12841,85 euros avec application du coefficient de vétusté sur des prix moyens ;
- cantonner l’indemnisation maximale susceptible d’être allouée au titre des travaux de rénovation à la somme de 4188,24 euros avec application du coefficient de vétusté sur le devis produit par le défendeur ;
- en tout état de cause :
- constater le caractère infondé de la demande d’indemnité d’immobilisation ;
- ordonner la déduction du dépôt de garantie d’un montant de 5750 euros de toute condamnation prononcée ;
- condamner les demandeurs à payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;
- condamner les mêmes à payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens ;
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.

Il sera référé aux écritures des parties soutenues oralement et déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 21/08/2024 par mise à disposition au greffe.

Le conseil de [I] [C] et [N] [C] était autorisé à transmettre en cours de délibéré les photographies de la plaque figurant sur la façade des lieux. Il transmettait contradictoirement ces éléments par courriel du 03/06/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande reconventionnelle au titre de la prescription de la facture du 13/11/2024, pièces des consorts [C] numéro 14

[R] [M] sollicite que soit constatée la prescription de la facture et que la pièce soit écartée. Toutefois, les consorts [C] ne formulent aucune demande de remboursement au titre de cette pièce, il n’y a donc aucune prétention à ce titre et la prescription de la demande ne peut donc être relevée car elle est sans objet. La demande de prescription de la facture en elle-même n’a pas de fondement légal. Il n’y a pas lieu d’écarter cette pièce, qui est un élément à valeur de renseignement versé aux débats contradictoirement par les demandeurs qu’il conviendra d’examiner.

Sur la demande reconventionnelle au titre de la prescription des commandements de payer, pièces des consorts [C] numéro 17, 18 et 19

[R] [M] sollicite que soit constatée la prescription des trois commandements de payer et que les pièces soient écartées. Toutefois, les consorts [C] ne formulent aucune demande de paiement au titre de ces pièces, il n’y a donc aucune action et la prescription de la demande ne peut donc être relevée car elle est sans objet. Il n’y a pas lieu d’écarter ces pièces, qui constituent un élément à valeur de renseignement versé aux débats contradictoirement par les demandeurs.

Sur la demande reconventionnelle tendant à voir écarter des débats les pièces adverses 6, 12, 14, 15 à 22, 29

Ces demandes ne sont pas motivées par le défendeur, qui, à la lecture des conclusions, conteste en réalité la crédibilité de ces pièces et non leur versement contradictoire ou leur légalité.
Aussi, l'article 202 du code de procédure civile dispose que « l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. »
Toutefois, ces formes ne sont pas prescrites à peine de nullité et les juges du fond apprécient souverainement si les attestations produites présentent suffisamment de garanties pour être retenues.

L’évaluation des pièces contradictoires des consorts [C] n°6, 12, 14, 15 à 22, 29, correspondant à des devis et factures de réparation ou d’achat, sera donc effectuée dans l’analyse des moyens des parties.

Il n’y a pas lieu de les écarter des débats.

Sur la demande principale en remboursement des réparations locatives

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En application des dispositions de l'article 7 c et d de la loi du 6 juillet 1989, le preneur est tenu d'une part, de répondre des dégradations et des pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive à moins qu'il ne prouve qu'elles n'ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement et, d'autre part, de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'État du 26 août 1987, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure.

La preuve de la vétusté incombe au locataire mais c’est au bailleur de rapporter la preuve de l’existence de dégradations locatives. Les dégradations sont notamment établies par comparaison entre l'état des lieux d'entrée et l'état des lieux de sortie lorsqu'ils sont établis contradictoirement. La vétusté, c'est à dire l'usure et l'obsolescence dues au simple écoulement du temps, s'apprécie notamment par la prise en compte de la durée d'occupation du logement.

En l'espèce, il est constant et non contesté que [R] [M] a occupé les lieux pendant 10 ans.

[I] [C] et [N] [C] versent aux débats :
- le contrat de bail ;
- l’état des lieux d’entrée par procès-verbal de commissaire de justice contradictoire du 09/07/2013 :
- l’état des lieux de sortie par procès-verbal de commissaire de justice contradictoire du 04/05/2023 ;
- le courrier de congé par [R] [M] daté du 01/02/2023 ;
- un devis CREA CONCEPT daté du 07/07/2023 évaluant le mobilier manquant du logement à un montant total de 33250 euros TTC ;
- un devis de la SARL ABACALYS INTERNATIONAL daté du 18/07/2023 portant sur des éléments de décors floraux et des pots d’un montant total de 2160 euros TTC ;
- un devis de RICHARD CAHOURS DE VIRGILE daté du 05/07/2023 pour le nettoyage et vernissage du piano pour un montant de 1200 euros TTC ;
- une évaluation du 17/07/2023 de la GALLERI NICOLAI WALLNER portant sur les tableaux manquants mis à disposition d’un montant total de 6000 euros ;
- des captures d’écran d’un micro-ondes gril d’une valeur de 1470 euros, d’une imprimante d’un montant de 509 euros, d’une peau de vache d’un montant de 249 euros, d’un fassane vertical de 1267 euros, d’une comparaison de prix de micro-ondes et fours ;
- un devis de FULL BAT’RENOV du 24/06/2023 de rénovation des revêtements de sols/muraux d’un montant total de 38258,40 euros TTC et une attestation estimant la durée de travaux à trois mois ;
- un devis n°210124 de la société FULL BAT’RENOV portant sur la dépose plafond rétroprojecteur et remise en état du plafond d’un montant total de 1650 euros TTC;
- un courrier de la SARL NICOLAS LESAGE daté du 21/11/2014 portant sur le débouchage des toilettes de la maison et une facture de réparation du 13/11/2014 ;
- une attestation de [A] [U] pour la société CREA CONCEPT de 20/01/2024, le répertoire SIREN de [A] [U] en date du 11/12/2022 et du 01/02/2024 ;
- les KBIS de SOFRADOM et FULL BAT RENOV du 24/04/2024 ;
- une facture ROCHEBOBOIS du 17/05/2010 portant sur des chaises, banquettes, canapé, lit et sommiers d’un montant de 18130 euros;
- une facture de la GALERIE SABINE VAZIEUX de 2000 euros portant sur deux tableaux encre de Chine paysage ;
- deux factures CHAHAN du 15/12/2009 et 31/03/2010 portant sur des fauteuils et un pouf d’un montant de 1100 euros et 3289 euros ;
- une facture de [T] [K] [H] d’une applique en plâtre de 1650 euros du 05/03/2012 ;
- une attestation de vente de [P] [F] d’une table en verre et d’un tréteau bois hêtre d’un montant de 2200 euros le 03/02/2010 ;
- un reçu de la GALERI MEYER de 2200 euros du 16/03/2012 portant sur une chaise africaine, un tabouret léopard et un tapis de peau de bête ;
- une facture BAZAR LUMIERE de 1130 euros TTC du 14/06/2010.

[R] [M] conteste le principe et le montant des sommes réclamées, estimant avoir bien entretenu le logement, que les demandeurs ne justifient pas de la valeur des biens meubles et du bien fondé des travaux allégués. Il ajoute qu’un coefficient de vétusté doit être appliqué sur l’ensemble des demandes en cas de condamnation.

Il produit au soutien de ses demandes et au surplus des pièces adverses:
- sept factures d’intervention au niveau du velux du salon, des radiateurs, des gouttières, des revêtements des sols et de la peinture entre le 13/01/2021 tet le 25/04/2022 par AJC VOLET , WILLIAM PLOMBERIE, la société DAHENSY ;
- un devis de rénovation du 15/04/2023 de la société DAHENSY ;
- sept factures d’intervention au niveau des toilettes, de la chaudière, du lave-linge, de trois interrupteurs, entre novembre 2020 et avril 2022 ;
- une grille de vétusté ;
- des tableaux récapitulatifs des demandes des consorts [C] avec application du taux de vétusté et des captures d’écran de comparaison de prix en ligne sur l’ensemble des meubles ;
- un devis de la société TRAVAUX ET SERVICES TES daté du 10/01/2024 concernant la rénovation des sols et murs de la maison individuelle pour un montant total de 27951 euros ;
- un devis de la société TRAVAUX ET SERVICES TES daté du 27/01/2024 concernant la rénovation du plafond et démontage du rétro-projecteur d’un montant de 9356 euros TTC.

Avant toute analyse des pièces, il convient de relever que les deux états des lieux ont été effectués de manière contradictoire et détaillée à l’entrée et à la sortie du locataire, avec prises de photographies couleurs et description des pièces et du mobilier présent.
[R] [M] soutient que l’utilisation d’un degré de détail différent entre l’entrée des lieux et la sortie des lieux lui est préjudiciable. Néanmoins, il lui appartenait de contester le procès-verbal du commissaire de justice ou de solliciter de plus amples constatations lors de l’entrée des lieux, ce qu’il n’a pas fait.

Sur le remboursement des meubles

[R] [M] ne conteste pas avoir retiré du logement la plupart des meubles des consorts [C] présents à l’entrée des lieux. Il s’oppose cependant au remboursement de certains meubles, estimant que la preuve de la valeur n’est pas apportée par les demandeurs et qu’un coefficient de vétusté doit être appliqué.

En l’espèce, il résulte de l’analyse des pièces et notamment des états des lieux d’entrée et de sortie que la liste des meubles manquants telle que sollicitée par les consorts [C] est justifiée.

S’agissant de l’application d’un taux de vétusté sur la valeur initiale de ces meubles comme le demande le défendeur, il convient d’écarter cette prétention. En effet, [R] [M] n’a pas usé des biens meubles au cours des dix années d’occupation, ce qui aurait provoqué leur usure naturelle, mais s’en est entièrement débarrassé sans autorisation des propriétaires. Or, ces biens meubles ne lui appartenaient pas.

[R] [M] a eu un comportement fautif et a violé ses obligations locatives en se débarrassant des meubles des propriétaires sans les en informer et sans leur autorisation. Il n’y a pas lieu d’appliquer un taux de vétusté, ces biens n’ayant pas été usés au cours du temps mais tout simplement jetés.

S’agissant de la preuve de la valeur de ces biens, et donc du dommage subi par les demandeurs, ces derniers produisent de nombreuses factures et devis, dont la valeur probante doit être analysée.

[A] [U], exerçant sous l’enseigne CREA CONCEPT, a produit un devis d’évaluation de la plus grande partie des biens mobiliers manquants. [R] [M] conteste le caractère probant de cette attestation de valeur, estimant que la société CREA CONCEPT a cessé son activité, que la qualité de [A] [U] est opaque, que la méthode d’évaluation n’est pas déterminée et qu’il s’agit en réalité d’une attestation de complaisance.

Toutefois, les demandeurs produisent de nombreuses factures corroborant l’attestation de [A] [U] quant à la présence des biens dans la maison, mais également leurs valeurs. Les pièces infogreffe produites démontrent que [A] [U] a bien exercé son activité sous l’enseigne CREA CONCEPT dans le domaine de l’ameublement.

Le devis de la société CREA CONCEPT OO435 sera donc utilisé comme base pour calculer le dommage subi par les demandeurs.

Au regard des factures et des devis produits susvisés, il apparaît que les consorts [C] justifient du montant demandé pour chaque meuble à l’exception de la poubelle en aluminium, du lustre noir, de la planche en bois sur mesure, du parasol, de la maquette de bateau, de deux pots en terre, de la table en bois, du canapé en tissu beige, du repose papier, du petit meuble en bois, de la chaise de bureau, de la table de chevet, du tissu bleu, de la lampe sur pied, du lit une place, du petit tabouret, du canapé vert, des deux tables de chevet, du miroir, de l’encadrement couloir, du tableau fond jaune.

En effet, et contrairement à ce qu’invoque le défendeur, l’adresse de facturation ou des devis au domicile de [N] [C] ne signifie pas que les meubles n’étaient pas destinés à être installés dans la maison individuelle mise en location meublée. Les photographies à l’entrée des lieux et la description mettent en évidence la présence des meubles décrits dans l’attestation de CREA CONCEPT et achetés selon les factures produites, notamment les décorations florales, le tapis en peau de bête, les fauteuils et poufs, les deux tableaux en encre de Chine, les illustrations BRIAN.

Le coût de remplacement de deux tapis en peau de bête et du radiateur mural sera évalué à de plus justes proportions, soit respectivement 250 euros et 500 euros.

Par conséquent, [R] [M] sera tenu au paiement de la somme totale de 32617,91 euros au titre du remboursement des meubles.

Sur le remboursement des travaux de rénovation

Il convient de rappeler que le preneur est tenu des dégradations intervenues pendant la location, ainsi que des réparations locatives. Cette obligation ne s’étend pas à la remise à neuf des plafonds, peintures et revêtements de sol, atteints pat la vétusté après plusieurs années d’occupation.

En l’espèce, il résulte de l’état des lieux d’entrée qu’à l’arrivée du locataire, la maison individuelle était en bon état général. Les revêtements de l’entrée sont en état neuf. Le plafond et les murs de la cuisine sont en état neuf, le sol est en bon état. Le plafond et les murs des toilettes sont en bon état, des traces d’humidité sont visibles sur le sol et les murs. Les murs de la cage d’escalier et du sous-sol sont en bon état. Le plafond et les murs de la première chambre gauche sont en état neuf, le sol en parquet flottant est en bon état. Le plafond et les murs de la seconde chambre sont en bon état, le sol en parquet flottant est en état neuf. Les revêtements de la salle d’eau sont en bon état. Les revêtements du local débarras sont en état d’usage. Les revêtements de dressing et de la lingerie sont en bon état. Les plafonds et murs du salon sont en bon état à l’exception des murs verts présentant de traces, le sol est en bon état pour la partie visible. Le toit et les murs de la mezzanine sont en bon état, le sol en parquet est en état d’usage. La chambre commune avec la salle de bain présente des revêtements en bon état. Les murs et plafonds de la chambre de droit sont en état neuf, le sol est en bon état. Les revêtements des toilettes de l’étage sont en état neuf. Le plafond et les murs de la chambre de gauche sont en état neuf, le sol est en état d’usage. Les plafonds et murs du couloir et la chambre parentale sont en état neuf, le sol est en état d’usage. Les murs de la salle de bain sont en bon état, le sol est en état d’usage.

La partie extérieure n’a pas été décrite dans l’état des lieux d’entrée et [R] [M] ne produit aucune pièce ou photographie attestant de l’état des carreaux extérieurs à son arrivée. Il convient de présumer que les revêtements étaient en bon état, comme le prévoit l’article 1731 du code civil.

Selon l’état des lieux de sortie, les carreaux extérieurs sont dégradés, certains manquants. Les revêtements de l’entrée sont en état d’usage. Les revêtements du salon sont en état d’usage, des plaques sont tombées et laissent apparaître des traces d’infiltration. Les revêtements de la salle à manger sont en état d’usage. Un rétroprojecteur est accroché au plafond. Les revêtements de la cage d’escalier sont écaillés. Les revêtements des WC sont en état d’usage, les peintures sont parties en plaques. Les revêtements de la cuisine sont tâchés et usagés, avec des traces d’humidité et d’infiltrations. Les revêtements du sous-sol, de l’escalier, et de l’ensemble des pièces à l’étage sont en état d’usage. Les peintures des WC de l’étage présentent des traces d’infiltration.

La comparaison de l’entrée dans les lieux et de la sortie met en évidence des dégradations au niveau de l’ensemble des revêtements de l’habitation, à l’exception des sols de l’étage qui étaient en état d’usage à l’entrée. La remise en état de ces revêtements est à la charge du locataire. S’agissant des dégradations des carreaux extérieurs, la réparation des carreaux cassés est à la charge du locataire.

[R] [M] estime avoir entretenu le logement au cours de son occupation, et ne pas être responsable des problématiques d’infiltration et d’humidité. S’il ressort des factures qu’il produit qu’il a respecté l’obligation d’entretien courant en procédant à des réparations dans le logement (chaudière, colonne, velux, toilettes, gouttières et toit), il ne démontre pas avoir informé ses bailleurs et son assurance des infiltrations d’eau dans le logement, causant des chutes de plaques au niveau de certains murs et plafonds et des nombreuses traces noires. Or, c’est au locataire d’informer les propriétaires-bailleurs de la survenance de dégâts des eaux ou d’une problématique d’humidité afin que ceux-ci puissent faire intervenir leur assurance ou un professionnel. En l’absence d’information donnée par le locataire, il ne peut y avoir de mise en cause des assurances, et le bien ne peut que continuer à se détériorer. Il sera également relevé qu’à l’entrée dans les lieux, il n’y a que dans les toilettes du bas que des traces d’humidité sont remarquées, ce qui ne peut suffire à révéler l’existence d’un dégat des eaux antérieur à l’arrivée de [R] [M] dans l’appartement.

Aussi, l’absence de défaut d’entretien courant n’exonère pas le locataire de sa responsabilité au titre des réparations locatives dues en fin de bail.
Les consorts [C] produisent un devis de la société FULL BAT’RENOV pour solliciter le paiement de la somme de 38258,40 euros au titre notamment de la remise en état des murs/plafonds du logement, et des sols de la chambre du haut, du rez-de-chaussée et des escaliers. Ils produisent également un devis de 1650 euros pour la dépose du rétroprojecteur.

[R] [M] produit un devis TRAVAUX ET SERVICES TES de 27951 euros comprenant la reprise des revêtements extérieurs et la réparation des carreaux, le reprise des sols d’un chambre et du rez-de-chaussée, la reprise des murs et plafond du logement, la reprise des joins des salles de bain et des plinthes de la cuisine. Il produit également un devis de la même société pour le retrait du rétroprojecteur et le rebouchage des trous du plafond d’un montant de 850 euros. Néanmoins, ces devis ont été rédigés après le départ de [R] [M] des lieux, et ne peuvent donc avoir été effectués en prenant compte de la réalité de l’état du logement.

Afin de calculer le préjudice des consorts [C], il convient ainsi de se baser sur les devis de la société FULL BAT’RENOV, dont le KIBS et le numéro SIREN sont produits.

Compte-tenu de la durée de l’occupation des lieux de dix années, un coefficient de vétusté sera appliqué sur l’ensemble des prix prévus par le devis D-240623-00160, tel que calculé par le défendeur dans son tableau en pièce 15.1.

[R] [M] est donc redevable de la somme de 4188,24 euros après application du coefficient de vétusté au titre de la rénovation des revêtements intérieures et extérieurs, des plinthes et des joints.

S’agissant de la dépose du rétroprojecteur, la réparation du dommage sera fixée à de plus justes proportions, soit à la somme de 1000 euros.

[R] [M] sera donc condamné au paiement de la somme de 5188,24 euros au titre des réparations locatives.

En conséquence, [R] [M] sera tenu au versement aux consorts [C] de la somme totale de 37806,15 euros au titre des réparations locatives, avec intérêt aux taux légal à compter de l’assignation.

Sur la demande principale au titre du préjudice d’immobilisation et du préjudice moral

[I] [C] et [N] [C] sollicitent les sommes de 18000 euros au titre du préjudice d’immobilisation du bien le temps des travaux et 5000 euros au titre du préjudice moral causé par la perte de leurs meubles.

[R] [M] conteste ces demandes, estimant que l’existence d’un dommage n’est pas démontrée.

En l’espèce, et s’agissant du préjudice d’immobilisation, les consorts [C] produisent seulement une attestation de la société FULL BAT’RENOV estimant le temps des travaux à trois mois. Cependant, et comme le soulève le défendeur, cette attestation n’est pas datée ni signée, et est particulièrement imprécise. La seule référence à la date du devis des travaux de rénovation ne peut suffire à apporter une valeur probante suffisante à cette attestation.

La demande au titre du préjudice d’immobilisation n’est donc pas fondée, les demandeurs ne démontrant pas l’existence d’un dommage réel et certain.

S’agissant du préjudice moral, si les demandeurs ne produisent pas de pièces venant démontrer de l’existence d’un attachement ou d’un lien particulier avec les meubles présents dans le logement, il est manifeste que la perte de la plus grande partie de son mobilier entraîne nécessairement un préjudice moral lié notamment aux démarches et procédures causées par cette perte. Aussi, les consorts [C] justifient du prêt et d’achats de certaines œuvres auprès de deux galeries d’art, démontrant du caractère unique de ces pièces et ainsi de la réalité du dommage causé par leur perte.

[R] [M] sera ainsi condamné au paiement de la somme de 3000 euros à [I] [C] et [N] [C] en réparation de leur préjudice moral.

Sur la demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive

La demande de [R] [M] au titre de la procédure abusive est mal fondée compte tenu de la présente décision prononçant sa condamnation en paiement.

Sur la demande de compensation

Les parties s’accordent sur le prononcé de la compensation des sommes dues au titre du dépôt de garantie de 5750 euros conservé par les propriétaires-bailleurs et de la condamnation au titre des réparations locatives.

Ainsi, la compensation des sommes sera prononcée et [R] [M] sera redevable de la somme de 32056,15 euros.

Sur les demandes accessoires

[R] [M], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande par ailleurs de faire droit à hauteur de 800 euros à la demande de [I] [C] et [N] [C] concernant les frais irrépétibles prévus par l’article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire de la présente décision sera prononcée de plein droit.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

REJETTE les demandes reconventionnelles de prescription et de retraits de pièces ;

CONDAMNE [R] [M] à payer à [I] [C] et [N] [C] la somme de 32056,15 au titre des réparations locatives, déduction faite du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

CONDAMNE [R] [M] à payer à [I] [C] et [N] [C] la somme de 3000 euros au titre du préjudice moral ;

REJETTE la demande au titre du préjudice d’immobilisation ;

CONDAMNE [R] [M] à payer à [I] [C] et [N] [C] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [R] [M] au paiement des entiers dépens comprenant le coût de l’assignation ;

REJETTE les plus amples demandes ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la décision s’applique de plein droit.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe et signé par la juge et la greffière susnommées.

La greffière La juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/09957
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;23.09957 ?
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