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21/08/2024 | FRANCE | N°23/06522

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 21 août 2024, 23/06522


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître SYAN
Monsieur
[NI]


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître HENNEQUIN

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/06522 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2SOF

N° MINUTE :
2 JCP






JUGEMENT
rendu le mercredi 21 août 2024

DEMANDERESSE
Société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS,
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 7]
représentée par Maître HENNEQUIN, avo

cat au barreau de Paris, vestiaire #P483

DÉFENDEURS
Monsieur [O] [H] [V],
représenté par Maître SYAN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E1281
Monsieur [J] [NI],
non compara...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître SYAN
Monsieur
[NI]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître HENNEQUIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/06522 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2SOF

N° MINUTE :
2 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 21 août 2024

DEMANDERESSE
Société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS,
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 7]
représentée par Maître HENNEQUIN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P483

DÉFENDEURS
Monsieur [O] [H] [V],
représenté par Maître SYAN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E1281
Monsieur [J] [NI],
non comparant, ni représenté
demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
représenté
Madame [W] [H] [V],
demeurant [Adresse 4] - [Localité 6]
représentée par Maître SYAN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E1281

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Yasmine WALDMANN, Juge des contentieux de la protection
assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 31 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 21 août 2024 par Yasmine WALDMANN, Juge assistée de Laura JOBERT, Greffier
Décision du 21 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/06522 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2SOF

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 01/05/1980, la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS a consenti à [O] [H] [V] un bail à usage d’habitation portant sur des locaux situés [Adresse 3], [Localité 5].

Le 25/04/1983, la RIVP donnait l’autorisation par courrier à [O] [H] [V] d’utiliser une pièce de l’appartement à titre professionnel, pour exercer son activité d’avocat.

[O] [H] [V] concluait un contrat de collaboration professionnelle avec [W] [H] [V], avocate, le 27/09/2004.

Par actes de commissaire de justice remis à personne le 24/07/2023, à personne le 25/07/2023 et à étude le 25/07/2023, la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS a respectivement fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS [J] [NI], [W] [H] [V] et [O] [H] [V] aux fins notamment de résiliation du contrat de bail et prononcé de l’expulsion.

L’affaire était appelée à l’audience du 05/10/2023 et faisait l’objet de deux renvois avant d’être examinée à l’audience du 31/05/2024.

La REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS, représentée par son conseil, sollicite en vertu de ses dernières écritures soutenues oralement, de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
- débouter [W] [H] [V] et [O] [H] [V] de l’ensemble de leurs demandes ;
- prononcer la résiliation du bail du 01/05/1982 pour inoccupation à titre de résidence principale, exercice d’une activité professionnelle et sous-location illicite du logement ;
- constater que [J] [NI], [W] [H] [V] et [O] [H] [V] sont occupants sans droit ni titre des lieux ;
- ordonner l’expulsion de [J] [NI], [W] [H] [V] et [O] [H] [V], et de tout occupant de leur chef, des lieux, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est ;
- dire et juger que le sort des meubles sera régi par les dispositions légales ;
- supprimer le délai de deux mois prévu par l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;
- condamner in solidum [J] [NI], [W] [H] [V] et [O] [H] [V] à verser une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer outre les charges, à compter de la date de résiliation et jusqu’à la libération effective des lieux ;
- condamner [O] [H] [V] à régler la somme de 58100 euros au titre des fruits civils ;
- condamner in solidum [W] [H] [V] et [O] [H] [V] à verser la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens, lesquels comprendront le coût du procès-verbal de constat.

[W] [H] [V] et [O] [H] [V], représentés par leur conseil, sollicitent en vertu de leurs dernières écritures soutenues oralement, de voir :
- déclarer le juge des contentieux de la protection incompétent au profit du tribunal judiciaire en matière de baux mixtes ;
- à titre principal : ordonner la production des échanges entre la RIVP et [J] [NI] et des pièces prétendument remises au commissaire de justice, débouter la RIVP de ses demandes et mettre hors de cause [W] [H] [V] compte tenu de sa qualité de collaboratrice et non de locataire ;
- à titre subsidiaire en cas de résiliation : débouter la RIVP de ses demandes, accorder aux consorts [H] [V] les plus amples délais pour quitter le slieux et écarter l’exécution provisoire de la décision ;
- débouter la RIVP de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamnation à leur verser la somme de 2500 euros sur ce fondement, ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

[J] [NI], régulièrement avisé, ne comparait pas et n’est pas représenté.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 21/08/2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence du juge des contentieux de la protection

En vertu des articles R. 211-4 et R. 221-38 du code de l'organisation judiciaire et d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge des contentieux de la protection est compétent en matière de baux mixtes d’habitation et professionnel.

Par conséquence, et contrairement aux dires des défendeurs, il n’y a pas lieu de se déclarer incompétent pour connaitre de ce litige et l’action sera déclarée recevable.

Sur la demande reconventionnelle d’injonction à produire les échanges entre la RIVP et [J] [NI] et des pièces prétendument remises au commissaire de justice

[O] [H] [V] et [W] [H] [V] n’expliquent pas cette demande dans le corps de leurs conclusions.

Il convient par ailleurs de relever que la RIVP a produit plusieurs échanges avec [J] [NI], les pièces-jointes attachées aux courriels, et que le constat par commissaire de justice du 23/05/2023 ne fait pas état de pièces remises par [J] [NI].

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande.

Sur la résiliation judiciaire pour non-respect du contrat de bail

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

Selon l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, les dispositions relatives aux rapports bailleur-locataire sont d'ordre public et s'appliquent aux locations de locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur. La résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.

Conformément à l’article 8 de loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le locataire ne peut sous-louer le logement sauf avec l'accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l'autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours.

En vertu du contrat de bail conclu et produit par les parties dans le présent litige, le locataire doit occuper le bien à titre de résidence principale et ne dispose pas d’une autorisation pour sous-louer entièrement ou partiellement le bien.

La RIVP sollicite la résiliation du bail pour trois violations : l’absence d’occupation personnelle du bien par [O] [H] [V] à titre d’habitation, l’utilisation du bien pour exercer une activité professionnelle et la sous-location illégale du bien à [J] [NI].

Pour en justifier, elle produit :
- le contrat de location du 01/05/1982 ;
- un courriel de [J] [NI] à la RIVP du 26/03/2023 ;
- les pièces envoyées par [J] [NI] via ce courriel, soient un pacte de colocation (non signé, non daté) entre [O] [H]-[V] et [J] [NI], des captures d’écran d’échanges SMS entre ces deux entre le 03/10/2016 et le 01/03/2022 ;
- les fiches avocats de [W] [H] [V] et [O] [H] [V] mentionnant une adresse professionnelle au [Adresse 3], [Localité 5] ;
- un courriel de [J] [NI] à la RIVP du 02/02/2024 ;
- les pièces envoyées par [J] [NI] via ce courriel, soient des courriels du 06/09/2016 du site APPARTAGER et des échanges de même jour avec [O] [H] [V] et [NN] [A], des photographies, les avis d’imposition sur els revenus de [J] [NI] entre 2017 et 2023, des échanges sur les réseaux sociaux entre [E] [P] er [J] [NI] au sujet de l’appartement [Adresse 3], [Localité 5] et des possibilités de relogement ;
- un procès-verbal de constat par commissaire de justice du 23/05/2023.
[O] [H] [V] conteste avoir sous-loué le bien à [J] [NI], et affirme occuper les lieux à titre principal avec sa fille. Il conteste exercer son activité professionnelle de manière illicite dans le bien, indiquant avoir eu une autorisation du bailleur et de fait de la Préfecture.
Il produit pour justifier de ses dires :
- une autorisation préfectorale de 1983 et un courrier de la RIVP du 24/04/1983 ;
- le contrat de collaboration professionnelle avec [W] [H] [V] ;
- les avis d’impositions sur les revenus 2021 et 2022 ;
- une attestation d’assurance-vie pour [DI] [A]-[H] du 23/05/2023 ;
- un devis du 30/10/2012 pour la réfection de la cuisine du [Adresse 3], [Localité 5] ;
- des attestations de [C] [G], [LN] [M], [T] [EE], [C] [Z], [L] [S], [K] [F], [B] [X], [N] [Y], [U] [IA], [EF] [SI], [I] [UD], [R], [D] ;
- une attestation de scolarité de [DI] [A]-[H] au collège [8], [Adresse 2], [Localité 5] du 09/11/2023 ;
- un procès-verbal de constat par commissaire de justice du 10/11/2023 ;
- une attestation manuscrite de [NN] [A] ;
- les relevés de compte bancaire HSBC de [O] [H] [V] entre août et octobre 2016 ;
- des échanges courriels et messages entre [J] [NI] et [O] [H] [V] au sujet du mémoire de master II de [J] [NI] en 2021 ;
- une attestation d’hébergement faite par [NN] [A] pour [J] [NI] en novembre 2022 ;
- un certificat médical de [DI] [A]-[H] ;
- un arrêt de travail de [O] [H] [V] du 02/05/2024 ;
- un courrier de la RIVP du 17/01/2022 sur le calcul du surloyer après recensement ;
- un certificat de dépôt de plainte de [O] [H] [V] contre [J] [NI] le 05/02/2024.

En l’espèce, il résulte de l’analyse de ces pièces que [O] [H] [V] a violé les obligations légale et contractuelles liées à son contrat de bail.
En effet, s’agissant de l’interdiction d’exercer une activité professionnelle, s’il justifie d’une autorisation pour exercer son activité professionnelle d’avocat dans une partie du logement en produisant la décision du Bureau du logement de la Préfecture du 01/03/1983 et le courrier validant cette autorisation de la RIVP le 23/04/1982, il ne démontre pas que cette autorisation s’étendait à sa sœur, [W] [H] [V]. L’autorisation est pourtant donnée « à titre personnel » et est incessible, comme cela est indiqué clairement dans le courrier de la RIVP. Or, les défendeurs ne produisent pas l’existence de cette autorisation.

[O] [H] [V] a donc violé ses obligations légales et contractuelles en accordant à un tiers l’occupation à titre professionnel du bien loué à la RIVP, et ce sans autorisation.

S’agissant des autres violations, [O] [H] [V] peine à démontrer le respect de son obligation de résider à titre principal dans le logement huit mois par an et de l’interdiction de sous-louer intégralement ou partiellement le logement.

Pour contester la réalité de la sous-location à [J] [NI], [O] [H] [V] affirme que la présence de celui-ci dans le logement était purement professionnelle et pédagogique, afin de l’aider à rédiger son mémoire de Master II puis à exercer son activité de consultant.

Si la plus grande partie des attestations produites évoque une présence seulement en journée de [J] [NI] dans le bien pour étudier avec [O] [H] [V], ou alors la seule présence de ses plantes ou de ses chats, ces personnes ont toutes entendues parler de lui comme le protégé de [O] [H] [V] ou un étudiant nécessitant un hébergement entre 2018 et 2022. Aucune d’elle n’atteste avoir vu effectivement une habitation des lieux par [O] [H] [V] et sa fille [DI] [A] [H].

Certaines attestations ([C] [Z], [C] [G], [EF] [SI]) relatent une présence de [J] [NI] en soirée à plusieurs reprises, un hébergement pendant la période du COVID ou encore un comportement de [J] [NI] dans l’appartement comme s’il était « chez lui ».

En outre, les éléments contenus dans les attestations concordent avec les déclarations par courriel de [J] [NI] et les échanges de SMS qu’il produit. En effet, il est évoqué dans un SMS la présence de [O] [H] [V] dans la pièce lui servant de cabinet de manière parfois tardive avec des clients, alors même que le pacte de colocation ne prévoyait la présence qu’en journée de [O] [H] [V]. Cet évènement est également relaté dans l’attestation de [C] [Z].

Aussi, [J] [NI] déclare dans son courriel à la RIVP qu’il réglait un loyer soit par virement sur le compte bancaire de l’ex-femme de [O] [H] [V], [NN] [A], soit directement par espèces « sous l’ordinateur » depuis septembre 2016. Cette déclaration est corroborée par l’attestation de [NN] [A] qui évoque un « arrangement » entre [J] [NI] et son ex-mari, par les SMS qui sont échangés entre les deux où les termes de « colocation gracieuse », « loyers » « virement » sont utilisés à plusieurs reprises par l’un ou l’autre, par le courriel du 06/09/2016 du site APPARTAGER mentionnant « [O] » et les échanges courriels avec [O] [H] [V] du 07/09/2016 au sujet de l’envoi du RIB de [NN] [A] et du pacte de colocation.

[O] [H] [V] déclare que les échanges avec [J] [NI] étaient purement professionnels et produit pour en justifier des échanges de messages entre avril et mai 2024 au sujet d’un mémoire de master II. Or, force est de constater que la période de ces messages est très restreinte par rapport aux captures de SMS transmises par [J] [NI], et ne peuvent révéler la nature des relations entre 2016 et 2023.

De ce fait, les dires de [J] [NI] apparaissent crédibles.

Aussi, [J] [NI] transmet à la RIVP des pièces de domiciliation chez l’ex-femme de [O] [H] [V] en 2021 et 2022. Ses chats et ses plantes sont au domicile de [O] [H] [V]. Il produit de nombreuses photographies de lui-même dans l’appartement de [O] [H] [V], parfois en tenue légère. Lors de la venue du commissaire de justice le 23/05/2023, [J] [NI] est seul dans le logement. Ces éléments viennent corroborer l’occupation des lieux par [J] [NI] dans le cadre d’une sous-location illicite.

Enfin, et s’agissant de l’absence d’occupation du bien par [O] [H] [V] à titre de résidence principale, les pièces produites par ce dernier sont soit des pièces de domiciliation sans preuve d’habitation réelle des lieux, soit des pièces datées de 2023 ou 2024, soit postérieurement au début de la procédure et au courriel de dénonciation de [J] [NI] à la RIVP en mars 2023. Aucun des éléments produits par le défendeur ne vient corroborer une habitation réelle et continue des lieux par [O] [H] [V] entre 1982 et 2023.

Cette absence d’occupation à titre d’habitation ressort également des échanges de SMS produits par [J] [NI] où [O] [H] [V] déclare par exemple devoir garder « un accès permanent » aux lieux, ou indique qu’il viendra au cabinet « en soirée » et explique les raisons quant [J] [NI] répond qu’il ne doit normalement être présent qu’en « journée ».

Il convient de relever que les constats par commissaire de justice produits par les parties n’apportent aucun élément objectif permettant d’établir l’occupation des lieux par [O] [H] [V] et sa fille : les photographies ne mettent pas en évidence de vêtements ou d’affaires dans les placards ou sur les meubles tel qu’il est pourtant inscrit dans le constat du 10/11/2023. Le constat du 23/05/2023 ne contient aucune photographie et peu de description, et n’est ainsi pas probant.

Le projet de réfection de la cuisine par [O] [H] [V], et la dénonciation de sous-location à la RIVP par [J] [NI] ne sont pas des éléments de nature à écarter l’existence d’une sous-location du bien, en ce qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’existence d’une sous-location.

Par conséquent, et au regard de l’ensemble des éléments, la résiliation du contrat de bail du 01/05/1982 sera prononcée aux torts exclusifs de [O] [H] [V].

Sur l’expulsion

Eu égard à la résiliation judiciaire du contrat de bail, il convient, en l'absence de départ volontaire, d'ordonner l'expulsion de [O] [H] [V] et de tous occupants de son chef, notamment [W] [H] [V] et [J] [NI], des lieux loués, selon les modalités prévues au dispositif ci-après.

Sur la demande de suppression du délai de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution

Aux termes de l’article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L412-3 à L412-7. Le délai prévu au ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

En l’espèce, [O] [H] [V] ne démontre pas occuper le bien à titre d’habitation principale et a sous-loué de manière illicite ce bien à [J] [NI]. Ce comportement est constitutif de mauvaise foi, dans le sens de l’article susvisé.

Les défendeurs affirment que l’expulsion des lieux causerait un préjudice important en raison de l’installation de leur cabinet professionnel dans une des pièces du logement. Toutefois, [O] [H] [V] a violé pendant de nombreuses années ses obligations légales et contractuelles, et ne peut se prévaloir aujourd’hui de sa situation professionnelle pour être exonéré des conséquences de ces violations.

Il y a lieu de constater l’absence d’application du délai de deux mois prévu par le texte susvisé.

Sur la demande reconventionnelle d’octroi d’un délai supplémentaire pour quitter les lieux

En vertu des articles L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d’exécution, le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions. La durée des délais ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

En l’espèce, [O] [H] [V] et [W] [H] [V] sollicitent des délais supplémentaires pour quitter les lieux. Néanmoins, tel que motivé précédemment, il y a lieu de rejeter cette demande compte-tenu de l’absence de bonne volonté dans l’exécution du contrat de bail. Il n’est pas non plus fait état de difficulté de relogement par les défendeurs.

Il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur l’indemnité d’occupation

Le maintien dans les lieux malgré la déchéance du droit d'occupation constitue une faute civile ouvrant droit à réparation. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'une indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

Compte tenu des circonstances et de la nature des lieux, l'indemnité d'occupation sera fixée au montant du loyer qui aurait été payé si le contrat de bail s’était poursuivi, outre les charges récupérables.

[W] [H] [V], occupante sans droit ni titre des lieux du fait du contrat de collaboration conclu avec [O] [H] [V] sans autorisation de la bailleresse, est également tenue au paiement des indemnités d’occupation. En effet, seul [O] [H] [V] bénéficiait d’une autorisation pour exercer son activité professionnelle dans le logement. En occupant une pièce pour son activité professionnelle personnelle, [W] [H] [V] est donc partie au litige et tenue à la réparation du préjudice subi par la RIVP.

[J] [NI], [W] [H] [V] et [O] [H] [V] seront condamnés in solidum au paiement des indemnités d’occupation à compter de la résiliation du contrat de bail et jusqu'à la libération effective des lieux.

Sur le remboursement des sommes issues de la sous-location illicite

Conformément à l’article 546 du code civil, la propriété d’une chose soit mobilière soit immobilière donne droit sur tout ce qu’elle produit et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement soit artificiellement ; ce droit s’appelle droit d’accession.
En application de l’article 547 du code civil, les fruits civils appartiennent au propriétaire par droit d’accession.

En l’espèce, et compte tenu des éléments précédemment analysés, [O] [H] [V] a perçu des sommes d’argent à titre de loyer de sous-location entre le 07/09/2016 et le 23/05/2023, date du constat par commissaire de justice.

[J] [NI] déclare au commissaire de justice et à la RIVP avoir réglé la somme de 900 euros par mois en virement bancaire, puis 800 euros et enfin 700 euros par mois en espèces.

La RIVP sollicite le remboursement de la somme de 58100, correspondant à 83 mois à 700 euros. Elle produit les échanges de SMS où [J] [NI] indique à [O] [H] [V] en octobre 2016 effectuer deux virements de 900 euros pour les deux prochains mois, et où les deux évoquent une enveloppe sous le bureau à plusieurs reprises au cours des années. [NN] [A] mentionne une somme de 700 euros dans son attestation. Ces éléments corroborent les déclarations de [J] [NI].

Il y a donc lieu de condamner [O] [H] [V] au paiement de la somme de 50400 euros, correspondant aux loyers de 700 euros perçus entre septembre 2016 et mai 2023 inclus.

Il ressort en effet des pièces produites par les parties, des déclarations de [J] [NI] par courriel du 06/02/2024, que celui-ci a quitté le logement en juin 2023.

En conséquence, [O] [H] [V] sera condamné à verser la somme de 50400 euros à la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS au titre du remboursement des fruits civils indûment perçus, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu de condamner [O] [H] [V] aux entiers dépens, conformément aux prévisions de l’article 696 du code de procédure civile, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 23/05/2023.

L’équité commande également de condamner [O] [H] [V] à prendre en charge une partie des frais irrépétibles, et il sera condamné à verser à la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la nature du litige, de son ancienneté, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la décision.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant après débats en audience publique par jugement réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

REJETTE l’exception d’incompétence matérielle ;

PRONONCE la résiliation du bail conclu entre la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS et [O] [H] [V] le 01/05/1982 portant sur les locaux situés [Adresse 3], [Localité 5], à compter de la présente décision et aux torts exclusifs de [O] [H] [V] ;

ORDONNE l'expulsion de [O] [H] [V] et celle de tous occupants de son chef, notamment [W] [H] [V] et [J] [NI], des lieux situés [Adresse 3], [Localité 5], avec l'assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin est ;

CONSTATE l’inapplicabilité du délai de deux mois après la signification du commandement de quitter les lieux prévu par l'article L412-1 du code des procédures civiles d’exécution ;

REJETTE la demande reconventionnelle de [O] [H] [V] et [W] [H] [V] d’octroi d’un délai supplémentaire pour quitter les lieux ;

REJETTE la demande reconventionnelle en production de pièces ;

RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant les lieux sera réglé conformément aux articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

CONDAMNE in solidum [O] [H] [V], [W] [H] [V] et [J] [NI] à payer à la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer révisé qui aurait été payé si le bail s’était poursuivi, outre les charges récupérables, à compter du lendemain de la résiliation du bail et jusqu'au départ effectif des lieux constitué par la remise des clefs ou un procès-verbal d’expulsion ou de reprise ;

CONDAMNE [O] [H] [V] à payer à la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS la somme de 50 400 euros au titre du remboursement des fruits civils indument perçus de septembre 2016 inclus à mai 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation ;

CONDAMNE [O] [H] [V] à verser à la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE [O] [H] [V] aux entiers dépens, en ce compris le coût du procès-verbal de constat du 23/05/2023 ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jours mois et an susdits.

La greffière La juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/06522
Date de la décision : 21/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-21;23.06522 ?
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