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20/08/2024 | FRANCE | N°23/07291

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 20 août 2024, 23/07291


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Julie CONVAIN


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Catherine HENNEQUIN

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07291 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2YR3

N° MINUTE : 1







JUGEMENT
rendu le 20 août 2024


DEMANDERESSE
S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 4],
[Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU G

IORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [B] [J],
[Adresse 2] - [Adresse 6] - [Localité 5]

comparant en personne assisté de Me Julie CONVAIN...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Julie CONVAIN

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Catherine HENNEQUIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07291 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2YR3

N° MINUTE : 1

JUGEMENT
rendu le 20 août 2024

DEMANDERESSE
S.A. REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 4],
[Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [B] [J],
[Adresse 2] - [Adresse 6] - [Localité 5]

comparant en personne assisté de Me Julie CONVAIN, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Marie-Laure KESSLER, Vice-Présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 21 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 20 août 2024 par Marie-Laure KESSLER, juge des contentieux de la protection assistée de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 20 août 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/07291 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2YR3

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 5 janvier 2017, la société RIVP a consenti un bail d’habitation à M. [B] [J] sur des locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 5], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 493,33 euros.

Par acte de commissaire de justice du 17 mai 2023, la bailleresse a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme principale de 2 734,91 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [B] [J] le 22 mai 2023.

Par assignation du 4 septembre 2023, la société RIVP a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisée à faire procéder à l’expulsion de M. [B] [J] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,4 214,90 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 4 septembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 5 septembre 2023, mais aucun diagnostic social et financier n'est parvenu au greffe avant l'audience.

Prétentions et moyens des parties

À l'audience du 21 mai 2024, la société RIVP maintient l'intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 21 mai 2024, s'élève désormais à 11 466,68 euros après déduction de la créance effacée par la commission de surendettement. La société RIVP indique qu'il n'y a pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l'audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989.

M. [B] [J] expose qu’il vit des minima sociaux et de l’AAH, souffrant de problèmes de santé l’empêchant de travailler, et qu’il ne perçoit plus ses aides à la suite d’un problème renouvellement de son titre de séjour. Du fait du blocage de sa situation administrative, il n’a plus de revenus et ne peut pas honorer le paiement du loyer.

M. [B] [J] sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.

En application de l'article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.

M. [B] [J] a indiqué avoir bénéficié d’une procédure de rétablissement personnel ayant entraîné l’effacement d’une partie de sa dette de loyer.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail

1.1. Sur la recevabilité de la demande

La société RIVP justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Elle justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

1.2. Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail a été signifié au locataire le 17 mai 2023. Or, d’après l'historique des versements, la somme de 2 734,91 euros n’a pas été réglée par ce dernier dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

La bailleresse est donc bien fondée à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 18 juillet 2023.

Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l'exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l'espèce, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience, que les revenus du foyer de M. [B] [J] ne lui permettent pas d’assumer régulièrement le paiement du loyer actuel ni, à plus forte raison, d'envisager un plan d'apurement de la dette.

Dans ces conditions, il convient de rejeter la demande de délais de paiement.

Compte tenu de sa situation financière, M. [B] [J] n’a pas pu reprendre le paiement intégral du paiement du loyer avant l’audience de sorte que le juge des contentieux de la protection n’a pas le pouvoir d’ordonner la suspension de la clause résolutoire.

Il convient, en conséquence, d’ordonner au locataire ainsi qu’à tous les occupants de son chef de quitter les lieux, et, pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, d’autoriser la société RIVP à faire procéder à l’expulsion de toute personne y subsistant.

Cependant, dès lors qu'aucune circonstance ne justifie la réduction du délai prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, il convient de rappeler que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance au locataire d'un commandement de quitter les lieux.

2. Sur la dette locative

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, la société RIVP verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 21 mai 2024, M. [B] [J] lui devait la somme de 4 278,71 euros, après déduction par le bailleur de la somme de 6 316,30 euros correspondant à la dette de loyer effacée par la commission de surendettement et déduction par le juge des contentieux de la protection du SLS facturé depuis janvier 2024 sans justification du respect de la procédure applicable en la matière.

M. [B] [J] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, il sera condamné à payer cette somme à la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2023 sur la somme de 2734,91 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 1479,99 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.

3. Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera fixé à la somme mensuelle de 489,83 euros.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 18 juillet 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à la société RIVP ou à son mandataire.

4. Sur les frais du procès et l'exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. [B] [J], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

En revanche, compte tenu de sa situation économique, il n'y a pas lieu de le condamner à une quelconque indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 17 mai 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 5 janvier 2017 entre la société RIVP, d’une part, et M. [B] [J], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 5] est résilié depuis le 18 juillet 2023,

DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à M. [B] [J], sans préjudice des délais qui pourraient lui être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement,

ORDONNE à M. [B] [J] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 2] à [Localité 5] ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d'exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

CONDAMNE M. [B] [J] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 489,83 euros (quatre cent quatre-vingt-neuf euros et quatre-vingt-trois centimes) par mois,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 18 juillet 2023, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés à la bailleresse ou à son mandataire,

CONDAMNE M. [B] [J] à payer à la société RIVP la somme de 4 278,71 euros (quatre mille deux cent soixante-dix-huit euros et soixante-et-onze centimes) au titre de l’arriéré locatif arrêté au 21 mai 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 17 mai 2023 sur la somme de 2 734,91 euros, à compter de l'assignation sur la somme de 1 479,99 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,

RAPPELLE que l’exécution provisoire de droit de la présente décision est de droit,

DÉBOUTE la société RIVP de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [B] [J] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 17 mai 2023 et celui de l'assignation du 4 septembre 2023.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 20 août 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/07291
Date de la décision : 20/08/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-20;23.07291 ?
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