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08/08/2024 | FRANCE | N°23/10073

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 08 août 2024, 23/10073


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Caroline JEANNOT et Mme [U] [Z]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Christophe BORE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/10073 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3T24

N° MINUTE :



JUGEMENT
rendu le jeudi 08 août 2024
DEMANDERESSE
Madame [O] [L]
demeurant [Adresse 3] - [Localité 7], et domiciliée chez son mandataire, ORALIA FAY ET CIE, dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 5]
représe

ntée par Me Christophe BORE, avocat au barreau du Val-de-Marne

DÉFENDEURS
Monsieur [N] [P]
demeurant [Adresse 4] - [Localité 8]

Monsieur [M] [P]
demeur...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me Caroline JEANNOT et Mme [U] [Z]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Christophe BORE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/10073 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3T24

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le jeudi 08 août 2024
DEMANDERESSE
Madame [O] [L]
demeurant [Adresse 3] - [Localité 7], et domiciliée chez son mandataire, ORALIA FAY ET CIE, dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 5]
représentée par Me Christophe BORE, avocat au barreau du Val-de-Marne

DÉFENDEURS
Monsieur [N] [P]
demeurant [Adresse 4] - [Localité 8]

Monsieur [M] [P]
demeurant [Adresse 2] - [Localité 6]

représentés par Me Caroline JEANNOT, avocat au barreau de Paris

Madame [U] [Z]
demeurant [Adresse 4] - [Localité 8]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Juge des contentieux de la protection : Pascale GAULARD
Greffière : Jihane MOUFIDI

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 29 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 août 2024 par Pascale GAULARD, Juge des contentieux de la protection, assistée de Jihane MOUFIDI, Greffière.
Décision du 08 août 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/10073 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3T24

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 14 novembre 1995, Mme [O] [L] a consenti un bail d’habitation relatif à un logement situé [Adresse 4] à [Localité 8], à M. [M] [P] et à M. [R] [P], pour un loyer mensuel s’élevant en juillet 2023 à 645.01 euros outre 60 euros de provision sur charges.

Par actes de commissaire de justice des 14 et 18 septembre 2023, Mme [O] [L] a fait assigner M. [M] [P], M. [N] [P] et Mme [U] [Z] aux fins de voir :
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail,
- ordonner l’expulsion de tout occupant avec au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier,
- condamner in solidum les défendeurs au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale à 900 euros jusqu’à libération effective des lieux par la remise des clés,
- condamner M. [M] [P] au paiement de la somme de 32400 euros provisoirement arrêtée au mois de juillet 2023, à titre de remboursement des sommes perçues par lui à raison de la sous-location illicite,
- condamner in solidum les défendeurs au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
- rappeler l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.

A l’audience du 29 mai 2024, Mme [O] [L], représentée par son conseil, soutient les termes des conclusions qu’elle dépose.

M. [M] [P] et M. [N] [P], représentés par leur conseil, soutiennent les termes des conclusions qu’ils déposent.

Mme [U] [Z], régulièrement assignée par procès-verbal de recherche en application de l’article 659 du code de procédure civile, n’est ni présente ni représentée

Par application de l’article 455 du code de procédure, il est procédé au visa des conclusions de Mme [O] [L] et de M. [M] [P] et M. [N] [P] déposées et débattues à l’audience du 29 mai 2024.

MOTIVATION

Sur le désistement des demandes de Mme [O] [L] à l’encontre de Mme [U] [Z]

Il convient de constater que Mme [O] [L] se désiste de ses demandes à l’encontre de Mme [U] [Z] dès lors que celle-ci a quitté les lieux fin juillet 2023.

Sur la résiliation judiciaire du bail et ses conséquences

Aux termes de l’article 1224 du Code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. L’article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l’article 1228 du Code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Par ailleurs, l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 prévoit que le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

En l’espèce, il ressort du constat d’huissier du 20 juillet 2023, que l’appartement loué par Mme [O] [L] à M. [M] [P] et à M. [N] [P] est occupé par Mme [U] [Z] depuis août 2020, laquelle reconnaît qu’elle a signé un bail avec M. [M] [P], ce dernier lui ayant déclaré être propriétaire du bien, contre un loyer mensuel de 900 euros, charges locatives incluses. Mme [U] [Z] précise qu’elle a rencontré M. [M] [P] sur internet via les réseaux sociaux et qu’il lui a ensuite proposé le bien.

Pour justifier cette sous-location, M. [M] [P] et M. [N] [P] prétendent qu’ils ont pensé en toute bonne foi ne pas faire mal en mettant à disposition ce logement devenu vacant, car non adapté à leurs activités, de manière provisoire, à la « fille d’amis » ; qu’ils n’ont à l’évidence pas réalisé qu’il s’agissait d’une sous-location qui aurait dû être autorisée par le bailleur ; que le montant de 900 euros incluait en réalité l’abonnement internet orange, les consommations électriques et le gaz ; que cette situation s’est prolongée en raison de la période de la crise sanitaire liée à la Covid et du confinement.

Il convient de considérer que la version présentée par M. [M] [P] et par M. [N] [P] est en contradiction avec celle de Mme [U] [Z]. Il apparaît en effet que les défendeurs n’ont pas entendu rendre service « à la fille d’amis » mais procéder en toute connaissance de cause à une sous-location génératrice de profit, M. [M] [P] n’hésitant pas à se présenter comme propriétaire des lieux. Il s’avère que la sous-location s’est prolongée pendant trois ans et n’a pris fin qu’en raison de l’intervention de l’huissier de justice à la demande de la bailleresse.

Le manquement aux obligations légales et contractuelles des preneurs, tenant à la sous-location illicite du bien, est ainsi avéré. Cette violation est suffisamment grave et répétée pour entraîner le prononcé de la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs du preneur. Il sera donc fait droit à la demande de résiliation judiciaire du bail et d’expulsion selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Sur l’indemnité d’occupation 

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu’elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l’occupation indue de son bien l’a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l’indemnité d’occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

M. [M] [P] et M. [N] [P] seront condamnés in solidum au paiement d’une indemnité mensuelle d’occupation qui sera limitée au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, et soumise à indexation dans les mêmes conditions que le loyer initial, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux.

Sur la demande en paiement au titre des fruits de la sous-location illicite

Les articles 546 et 547 du Code civil prévoient, d’une part que la propriété immobilière donne droit sur tout ce qu’elle produit, et d’autre part, que les fruits civils appartiennent au propriétaire. Il résulte de ces articles que les loyers perçus par un locataire au titre de la sous-location sont des fruits civils de la propriété et appartiennent de facto au propriétaire. Le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière, cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci. Selon l’article 549 du Code civil, le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi

En l’espèce, il est établi que M. [M] [P] a sous-loué l’appartement sans l’autorisation de la bailleresse. Comme évoqué ci-dessus, M. [M] [P] ne peut sérieusement soutenir qu’il a voulu rendre service à la « fille d’amis » alors que Mme [Z] expose l’avoir rencontré sur le net et qu’il s’est présenté à elle comme propriétaire des lieux ; la sous-location n’a pris fin qu’avec l’intervention de l’huissier de justice mandaté par la bailleresse. Il ne peut donc être considéré qu’il est possesseur des fruits de bonne foi.

Il n’est pas contesté que M. [M] [P] a perçu d’août 2020 à juillet 2023 la somme totale de 32.400 euros.

En conséquence, M. [M] [P] est redevable de la somme de 32.400 euros au titre de l’intégralité des fruits civils. Il sera condamné au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Sur les autres demandes

M. [M] [P] et M. [N] [P], partie perdante, seront condamnés in solidum aux dépens.

En outre, M. [M] [P] et M. [N] [P], tenu aux dépens, seront condamnés in solidum à payer à Mme [O] [L] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l’article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que Mme [O] [L] se désiste de ses demandes à l’encontre de Mme [U] [Z],

PRONONCE la résiliation du contrat de bail conclu le 14 novembre 1995 entre Mme [O] [L], bailleresse, et M. [M] [P] et M. [N] [P], locataires, relatif à un logement situé [Adresse 4] à [Localité 8], aux torts des preneurs à la date du présent jugement,
ORDONNE en conséquence à M. [M] [P] et à M. [N] [P] de libérer les lieux et de restituer les clés,

DIT qu’à défaut pour M. [M] [P] et M. [N] [P] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés, Mme [O] [L] pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi par les articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d’exécution,

CONDAMNE M. [M] [P] et M. [N] [P] in solidum à payer à Mme [O] [L] une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu’il aurait été dû si le contrat s’était poursuivi, à compter de la résiliation du contrat de bail et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l’expulsion),

CONDAMNE M. [M] [P] à payer la somme de 32.400 euros à Mme [O] [L] au titre des sous-loyers perçus entre août 2020 et juillet 2023,

CONDAMNE in solidum M. [M] [P] et M. [N] [P] à payer la somme de 1000 à euros à Mme [O] [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. [M] [P] et M. [N] [P] au paiement des entiers dépens qui comprendront le coût du constat d’huissier du 6 juin 2023,

RAPPELLE l’exécution provisoire de la présente décision. 

La Greffière, Le Juge des contentieux de la protection,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/10073
Date de la décision : 08/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 17/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-08;23.10073 ?
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