La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/08/2024 | FRANCE | N°24/55074

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 02 août 2024, 24/55074


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




N° RG 24/55074

N° Portalis 352J-W-B7I-C5LOY

N° : 1

Assignation du :
17 juillet 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 02 août 2024


par Nadja GRENARD, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.



DEMANDERESSE

La S.A.S. COLUNI
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Pierre

-Edouard LAGRAULET de l’AARPI LAGRAULET - DE PLATER, avocats au barreau de PARIS - E0395



DEFENDEUR

Le Syndicat des copropriétaires de l’Immeuble sis [Adresse 1], agissant poursui...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/55074

N° Portalis 352J-W-B7I-C5LOY

N° : 1

Assignation du :
17 juillet 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 02 août 2024

par Nadja GRENARD, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La S.A.S. COLUNI
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Pierre-Edouard LAGRAULET de l’AARPI LAGRAULET - DE PLATER, avocats au barreau de PARIS - E0395

DEFENDEUR

Le Syndicat des copropriétaires de l’Immeuble sis [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son syndic en exercice, la S.A.S MONTFORT & BON, dont le siège social est sis
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Laurent MEILLET de l’AARPI TALON MEILLET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #A0428

DÉBATS

A l’audience du 29 juillet 2024, tenue publiquement, présidée par Nadja GRENARD, Vice-présidente, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,

Nous, Président, après avoir entendu les parties représentées par leur conseil, avons rendu la décision suivante :

EXPOSE DU LITIGE

Le terrain sis [Adresse 2] situé à Paris dans le [Localité 4] a été divisé en deux lots dans les années 1970. Les immeubles de la résidence dénommée “[Adresse 6]” numérotés par la suite aux 57 bis, 59, 61, 63 , 65 et [Adresse 1] à Paris ont été placés sous le statut de la copropriété.

La SAS Coluni est copropriétaire du lot 1 constitué d’un immeuble entier sis [Adresse 2] se situant à l’arrière de la résidence “[Adresse 6]”, en retrait du boulevard, ainsi que de lots secondaires situés dans le lot 2 se situant lui directement sur le [Adresse 5].

Compte tenu de la situation d’enclave du lot n°1, ne bénéficiant pas d’accès direct à la voie publique, le lot n°1 a été grevé d’une servitude perpétuelle de passage au profit du lot n°2 par acte authentique du 23 juin 1976.

En 2004, l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence “[Adresse 6]” à la demande de la société Coluni a autorisé l’installation de grilles de clôure pour sécuriser les espaces collectifs de la résidence.

Se plaignant de la présence de véhicules stationnant sous le porche reliant le lot 1 au [Adresse 5], le 9 février 2023, l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence “[Adresse 6]” a voté, aux termes de la résolution n°19, en faveur de la réalisation de travaux de fermeture de l’emplacement sous le porche occupé par les 2 roues.

La société Coluni a engagé une action au fond visant à solliciter la nullité de cette résolution devant le Tribunal judiciaire de Paris.

De son côté, le syndicat des copropriétaires a assigné en référé la société Coluni aux fins de l’enjoindre à faire respecter l’interdiction de tout stationnement de véhicules sous le porche de l’immeuble.

Suite au vote de la résolution n°19, une note d’information a été affichée afin d’indiquer que les travaux de clôture de la zone située sous le porche allait être réalisée le 10 juillet 2014.

Se plaignant de l’atteinte à l’exercice de sa servitude de passage et de la modification des conditions de sécurité incendie de l’immeuble situé sur le lot 1, la SAS Coluni a été autorisée par ordonnance du 11 juillet 2024 rendue par le président du Tribunal judiciaire de Paris, à assigner à heure indiquée le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] Paris dans le 16ème arrondissement et au plus tard le 18 juillet 2024.

Par exploit d’huissier du 17 juillet 2024, la SAS COLUNI a ainsi assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] dans le 16ème arrondissement, dénommé résidence “[Adresse 6]”, représenté par son syndic en exercice, la SASU Montfort & Bon (ci-après le syndicat des copropriétaires), devant le président du Tribunal judiciaire de Paris statuant en référé aux fins de voir :

ordonner la remise en état du porche de l’immeuble par la suppression des chaînes de clôture du passage mises en oeuvre par le syndicat des copropriétaires;
condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 10 000€ au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Le dossier a été appelé et retenu à l'audience du 29 juillet 2024.

A l’audience, la société demanderesse, représentée par son conseil, actualisant ses demandes, sollicite, par conclusions visées et développées oralement, de voir, par décision assortie de l’exécution provisoire :

ordonner la remise en état du porche de l’immeuble par la suppression des poteaux et chaînes de clôture du passage mis en œuvre par le syndicat des copropriétaires dans le délai de cinq jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir et assortir cette condamnation d’une astreinte de 1.500 € par jour de retard;
condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 10 000€ au titre des frais irrépétibles et aux dépens;
rejeter les demandes reconventionnelles formées par le syndicat des copropriétaires;
le déclarer dispensé de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires, conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
A l'appui de ses prétentions, la société demanderesse expose, au visa de l’article 835 du Code de procédure civile, justifier d’un trouble manifestement illicite se caractérisant par une atteinte au droit de passage du fonds dominant sur le fond servant en violation des articles 639 et 701 du Code civil dès lors que :

- le lot n°2 bénéficie d’une servitude conventionnelle de passage pour piétons et véhicules sur le lot 1,

- le syndicat des copropriétaires a voté et fait réaliser des travaux de clôture du passage qui obstruent l’usage de la servitude et porte une atteinte directe au principe de fixité de la servitude;

- la clôture installée par le syndicat des copropriétaires ne vise pas à clore sa propriété dès lors qu’elle se situe en plein milieu du passage et a pour unique effet de venir restreindre le passage;

- les travaux de clôture réalisés par le syndicat des copropriétaires portent atteinte à la règlementation relative à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite à laquelle son établissement recevant du public de catégorie 4, qui se situe sur le lot n°1, est soumis et sont de nature à entraîner la fermeture de son établissement scolaire;

- les travaux de clôture portent également atteinte à la règlementation relative à l’accessibilité des services d’incendie et de secours en ce qu’ils empêchent l’accès des secours au lot n°1 et entraînent la mise en danger des personnes fréquentant l’établissement public.

Sur les demandes reconventionnelles formées par le défendeur, elle indique que :

- la demande indemnitaire formée par le défendeur n’est fondée ni en droit ni en fait;

- elle refuse de transmettre les clés de la porte fermant le passage de la zone centrale située entre les voies « pompiers » et « piétons ».

*

Le syndicat des copropriétaires, représenté par son conseil, sollicite, par conclusions visées et développées oralement à l’audience et après s’être désisté de sa demande relative au retrait de tout véhicule garé sous le porche, de voir :

A titre principal,

dire n’y avoir lieu à référé;
rejeter l’ensemble des demandes formées par la société Coluni;
A titre reconventionnel, si le Président du Tribunal ordonnait que soient enlevées les chaînes posées :

ordonner à la société Coluni de lui remettre la clé de la porte fermant le passage de la zone centrale située entre les voies « pompiers » et « piétons » sous astreinte de 50 € par jour à compter de la signification de la décision à intervenir pour une période de trois.
En toutes hypothèses :

condamner la société Coluni au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts;
condamner la société COLUNI à lui verser la somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Laurent Meillet.
Au soutien de sa défense, le syndicat des copropriétaires expose que :

- en application de l’article 702 du Code civil, les droits du propriétaire du fonds dominant sont strictement encadrés de sorte qu’il ne peut aggraver la charge réelle pesant sur le fonds dominant, en autorisant notamment le stationnement de véhicules sur l’assiette de la servitude destinée uniquement au passage de véhicules et de piétons nécessaires aux besoins de son exploitation;

- la société Coluni ne peut lui reprocher de mener des actions pour faire cesser les violations à sa servitude de passage par la présence de véhicules se stationnant sous le porche lesquelles gènent l’accès pompiers et générent un risque d’incendie en raison de la présence sous le porche de nombreux fumeurs;

- il n’est démontré aucune entrave au droit de passage de la société Coluni suite à la pose des chaînes cadenassées dont les clés ont été mises à la disposition de la société Coluni et qui sont uniquement destinées à faire obstacle aux stationnements génants des 2 roues à moteur obstruant le passage ni d’atteinte à l’accessibilité des personnes à mobilité réduite contrairement à la présence de deux roues débordant sur les accès;

- la pose des chaînes participe au droit de se clore auquel la société coluni ne peut s’opposer dès lors qu’il est démontré la nécessité et l’utilité pour le fonds servant et que la seule gêne en résultant pour la société Coluni est l’impossibilité de pouvoir laisser des visiteurs ou usagers du lot n°1 de stationner sur la servitude de passage;

- l’action en justice diligentée par la société Coluni constitue un exercice abusif de son droit d’agir en ce qu’elle est dilatoire et déloyale et vise uniquement à lui octroyer un droit de faire stationner des véhicules sur la servitude de passage et à s’accaparer un droit de propriété sur la zone se situant entre l’espace pompiers et piéton.

La décision a été mise en délibéré au 2 août 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d’injonction de faire

Aux termes de l’article 835 alinéa 1 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L’article 701 du Code civil dispose que le propriétaire du fonds servant, tenu par la servitude ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage, ou à la rendre plus incommode.

L'entrave apportée à l'exercice d’une servitude conventionnelle conformément au titre constitue un trouble manifestement illicite.

Au cas présent, il est établi par les actes authentiques produits aux débats, notamment par l’acte du 23 juin 1976, que la société Coloni, en sa qualité de copropriétaire du lot n°1, bénéficie d’une servitude conventionnelle de passage sur le lot n°2.

Aux termes de cet acte, reproduit dans le règlement de copropriété, la servitude est ainsi décrite: “Pour permettre aux propriétaires du lot numéro 1 d’accéder sur son lot, M. [S] concède [...] sur son lot n°2 au profit du lot n°1 à titre de servitude rélle et perpétuelle le droit de passage pour piétons, et véhicule avec passage double pour ces véhicules en conformité de la règlementation des pompiers et au permis de construire n° 39157. Ce droit de passage s’exercera sur une bande de terrain repris sous liseré orange des plans 01 et HS [...].

Cette bande de terrain débouchera directement sur le [Adresse 5] et aboutira jusqu’à la limite séparative des lots numéro 1 et 2".

Au vu des éléments du dossier, notamment des plans et constat d’huissier du 10 juillet 2014, il ressort que :

- le lot n°1 est desservi par deux voies d’accès , une voie d’accès pour véhicules (notamment véhicules de secours) et une voie d’accès pour piétons débutant au niveau du [Adresse 5];

- selon constats d’huissier des 9 juin 2022, 24 novembre 2022 et 16 octobre 2023 effectués à l’initiative du syndicat des copropriétaires, des deux roues (scooter, motos, vélos) stationnent le long d’une ligne droite délimitant la voie d’accès piéton et dans l’espace séparant la voie d’accès piéton à la voie d’accès véhicules;

- par décision de l’assemblée générale des copropriétaires du 9 février 2023, les copropriétaires ont voté en faveur de la réalisation des travaux de fermeture de l’emplacement occupé par les 2 roues sous le porche;

- le 10 juillet 2024, la société Coluni a diligenté un commissaire de justice qui a constaté la pose de 5 poteaux verticaux métalliques allant du sol au plafond et de chaînes métalliques avec cadenas dans l’espace existant entre les deux accès véhicules de secours/piéton;

- par courriels des 10 et 11 juillet 2024, le syndicat des copropriétaires, par l’intermédiaire de son syndic, a informé Mme [I] en sa qualité de représentante de la société Coluni de la mise à disposition des clés des cadenas des chaînes nouvellement installées auprès du gardien de l’immeuble.

Au vu des photos et constat produit, il s’ensuit que les poteaux et chaînes ont été posés le long d’une ligne jaune délimitant la voie d’accès piéton et à l’intérieur de l’espace séparant l’autre voie d’accès destinée aux véhicules.

Il s’ensuit qu’il n’est nullement démontré que les chaînes portent atteinte au droit de passage tant des piétons que des véhicules.

S’agissant du dommage imminent lié aux risques pesant sur les occupants et le risque de fermeture des établissements recevant du public situés sur le lot n°1 eu égard à l’atteinte qui serait portée à la règlementation relative à l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite et à la règlementation incendie, il y a lieu de constater que le non-respect de ces règlementations n’est ici nullement démontré faute pour la société Coluni d’indiquer clairement les dispositions qui ne seraient pas respectées du fait de la pose desdites chaînes et dès lors que les voies d’accès ne sont nullement obstruées.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, en l’absence de démonstration d’un trouble manifestement illicite ou d’un dommage imminent, il n’y a dès lors pas lieu à référé.

Compte tenu du rejet de la demande principale formée par la société demanderesse, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande reconventionnelle formée par le syndicat des copropriétaires aux fins de remise des clés s’il était fait droit à la demande de la société Coluni.

II. Sur la demande au titre de la procédure abusive

En application de l’article 1240 du Code civil, l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équivalente au dol.

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires ne rapporte la preuve ni de la mauvaise foi ni de l'intention de nuire de la société Coluni dès lors que le simple désaccord des parties sur le respect de la servitude de passage ou son exercice ne peut suffire à l’établir.

Sur les demandes accessoires

La société Coluni, succombant dans ses prétentions, sera condamnée aux dépens de la présente instance et à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il convient de rappeler enfin que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé ;

Rejetons les demandes formées par la société Coluni,

Rejetons la demande de dommages-intérêts formée par le syndicat des copropriétaires pour procédure abusive;

Condamnons la SAS COLUNI à payer au syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 1] à Paris dans le [Localité 4], dénommé résidence “[Adresse 6]”, représenté par son syndic en exercice, la SASU Montfort & Bon la somme de 2 500 euros (deux mille cinq euros) au titre des frais irrépétibles;

Condamnons la SAS COLUNI aux dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maître Laurent Meillet;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Fait à Paris le 02 août 2024.

Le Greffier, Le Président,

Arnaud FUZAT Nadja GRENARD


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/55074
Date de la décision : 02/08/2024
Sens de l'arrêt : Dit n'y avoir lieu à prendre une mesure en raison du défaut de pouvoir

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-02;24.55074 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award