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02/08/2024 | FRANCE | N°23/01096

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 02 août 2024, 23/01096


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/01096 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZAIP

N° MINUTE : 1/2024







JUGEMENT
rendu le 02 août 2024


DEMANDERESSE
PARIS HABITAT OPH, [Adresse 2]
représenté par Me Carole BERNARDINI, avocat au barreau de Paris, [Adresse 4], Toque E0399

DÉFENDERESSES
Madame [L] [C], demeurant [Adresse 1], représentée par

Me LAOUAFI Karim, avocat au barreau de Paris, [Adresse 3], Toque P 526, Madame [V]-[C] [F], [Adresse 1], représentée par Me LAOUAFI Karim, avocat au barreau de Paris, [Adresse 3...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/01096 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZAIP

N° MINUTE : 1/2024

JUGEMENT
rendu le 02 août 2024

DEMANDERESSE
PARIS HABITAT OPH, [Adresse 2]
représenté par Me Carole BERNARDINI, avocat au barreau de Paris, [Adresse 4], Toque E0399

DÉFENDERESSES
Madame [L] [C], demeurant [Adresse 1], représentée par Me LAOUAFI Karim, avocat au barreau de Paris, [Adresse 3], Toque P 526, Madame [V]-[C] [F], [Adresse 1], représentée par Me LAOUAFI Karim, avocat au barreau de Paris, [Adresse 3], Toque P 526

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, juge des contentieux de la protection
assisté de Nicolas RANA, Greffier lors des débats et de CROUZIER Caroline, greffier lors du délibéré

DATE DES DÉBATS : 31 octobre 2023

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé le 02 août 2024 par Frédéric GICQUEL, juge des contentieux de la protection assisté de CROUZIER Caroline, Greffier

Décision du 02 août 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/01096 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZAIP

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er août 2005 LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES VIE (MMA) ont donné à bail à Madame [L] [C] un appartement à usage d'habitation (bâtiment C, escalier 21, 3ème étage, logement n° 331) ainsi qu'une cave (n°55) et un parking (n° 92) dans un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] pour un loyer mensuel de 1 956 euros et une provision sur charges de 171 euros.

Par acte notarié du 18 décembre 2008 PARIS HABITAT-OPH a procédé à l'acquisition de l'immeuble et une convention a été conclue avec l'État le 18 décembre 2008 transformant les logements de l'immeuble dont celui de Madame [L] [C] en logement financé par des prêts locatifs à usage social (PLUS).

Conformément à la réglementation en vigueur, les revenus de Madame [L] [C] dépassant les plafonds de ressources des logements sociaux, le montant du loyer n'a pas été modifié.

Par courrier du 26 juillet 2021, la locataire faisant état d'une baisse importante de ses revenus a sollicité la révision du montant de son loyer puis à la suite du refus de PARIS HABITAT-OPH de faire droit à sa demande a cessé de régler ses loyers.

Par acte d'huissier de justice du 24 mai 2022 PARIS HABITAT-OPH a fait signifier un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 14 591 euros à la suite duquel Madame [L] [C] a réglé le 30 juin 2022 une somme de 6 090 euros puis chaque mois une somme de 870 euros correspondant au montant du loyer dû selon elle.

Par lettre du 12 juillet 2022 Madame [L] [C] a sollicité l'indemnisation des préjudices subis en lien avec l'apparition d'odeurs d'humidité en 2018 et d'un dégât des eaux survenu en mai 2020. Cette demande a également été rejetée.

Par acte de commissaire de justice du 25 janvier 2023, PARIS HABITAT-OPH a assigné Madame [L] [C] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris.

À l'audience du 31 octobre 2023 à laquelle l'affaire a été retenue, PARIS HABITAT-OPH, représenté par son conseil, a demandé sous le bénéfice de l'exécution provisoire de :
- débouter Madame [L] [C] et Madame [F] [V]-[C] de leurs demandes,
- valider le commandement de payer du 24 mai 2022 et constater la résiliation de plein droit du bail par l'effet de la clause résolutoire, subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du bail,
- ordonner l'expulsion de Madame [L] [C] et de tous occupants de son chef en particulier de sa fille Madame [F] [V]-[C] avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin,
- ordonner que le sort des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux soit régi par les dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 et R.433-1 à R.433-7 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner Madame [L] [C] à payer la somme de
37 232,32 euros arrêtés au 21 octobre 2023, échéance du mois de septembre 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 14 591 euros et de l'assignation pour le surplus, ainsi qu'à une indemnité d'occupation équivalente au loyer contractuelle indexé majoré des charges et taxes jusqu'à la libération des lieux,
- condamner Madame [L] [C] à payer la somme de
3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Madame [L] [C], représentée par son conseil, a sollicité:

À titre principal :

- le débouté de l'ensemble des demandes de PARIS HABITAT OPH,

À titre subsidiaire :

- la suspension des effets de l'acquisition de la clause résolutoire avec l'octroi d'un échéancier de paiement comme suit : 1 123,52 euros pour la première mensualité, 1 123,20 euros pour les 2ème à 10ème mensualités, 1 000 euros pour les 11ème à 36ème mensualités,
- le rejet des autres demandes,

À titre reconventionnel :

- la condamnation de PARIS HABITAT-OPH sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir à réviser le montant du loyer à la somme mensuelle de 871,56 euros charges comprises,
- la condamnation de PARIS HABITAT-OPH à lui verser les sommes suivantes :
- 2 950,82 euros au titre du surplus des loyers acquittés en octobre et novembre 2021,
- 2 446,95 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance,
- 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,

En tout état de cause :

- la condamnation de PARIS HABITAT-OPH à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Madame [F] [V]-[C], représentée par son conseil, est intervenue volontairement à la procédure et a demandé de :
- déclarer son intervention volontaire recevable,
- condamner PARIS HABITAT-OPH à lui verser la somme de 5 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,
- condamner PARIS HABITAT-OPH à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions visées à l'audience pour l'exposé des moyens des parties à l'appui de leurs prétentions.

La décision a été mise en délibéré au 17 janvier 2024 puis a dû être prorogée à plusieurs reprises à raison notamment de l'arrêt maladie du magistrat pour être définitivement rendue ce jour.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la demande en résiliation de bail et en expulsion

Une copie de l'assignation a été notifiée à la préfecture de Paris par la voie électronique le 26 janvier 2023, soit plus de deux mois avant l'audience, conformément aux dispositions de l'article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Par ailleurs, PARIS HABITAT-OPH justifie avoir saisi la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) également par la voie électronique le 25 mai 2022, soit deux mois au moins avant la délivrance de l'assignation, conformément aux dispositions de l'article 24 II de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

L'action en résiliation de bail et en expulsion est donc recevable.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire

Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention est recevable lorsqu'elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

L'article 329 dispose que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

En l'espèce, Madame [F] [V]-[C] sollicite l'indemnisation du préjudice personnel qu'elle déclare avoir subi à raison des manquements contractuels imputés à PARIS HABITAT-OPH par sa mère, locataire d'un logement qu'elle occupe depuis la signature du bail.

Il existe donc à la fois un lien suffisant entre son intervention et l'objet du présent litige et un intérêt à agir pour Madame [F] [V]-[C].

Son intervention volontaire est donc recevable.

Sur les demandes de diminution du loyer, de renégociation du contrat et de remboursement des loyers

A titre préalable, il convient de rappeler que la législation sur les logements locatifs conventionnés s'applique dès l'entrée en vigueur de la convention conclue entre l'État le bailleur et vient régler les rapports entre propriétaire et locataires desdits logement, dans la mesure où elle déroge à la législation en vigueur (article L.353-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation).

La convention fixe les plafonds de ressources des locataires, ainsi que les plafonds de loyers dont ceux-ci pourront bénéficier dans les logements conventionnés.

Lorsqu'un locataire déjà présent dans les lieux lors du conventionnement dépasse les plafonds de ressources des logements sociaux, il ne peut bénéficier du loyer plafonné et le montant de son loyer initial est maintenu (article 9 bis).

Tel a été le cas en l'espèce pour Madame [L] [C] lors du conventionnement de l'immeuble où est situé son appartement.

Par ailleurs, la convention conclue entre l'État et le bailleur prévoit que tout locataire a la possibilité de signaler à n'importe quel moment au bailleur la baisse pérenne de ses revenus et de solliciter que lui soit appliqué le loyer conventionné, dont le montant est plafonné selon la catégorie de conventionnement de son logement. Cette démarche doit prendre la forme d'une demande expresse formulée auprès du bailleur, accompagnée de la présentation de ses justificatifs de revenus (article 10 bis).

S'agissant du mode de justification des ressources, selon les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 29 juillet 1987 relatif aux plafonds de ressources des bénéficiaires de la législation sur les habitations à loyer modéré :
"pour apprécier la situation de chaque ménage requérant au regard du plafond de ressources défini en annexe au présent arrêté, le montant des ressources à prendre en considération au cours d'une année correspond à la somme des revenus fiscaux de référence figurant sur les avis d'imposition de chaque personne composant le ménage établi au titre de l'avant-dernière année précédant celle de la signature du contrat de location.
Toutefois, les revenus perçus au titre de la dernière année civile sont pris en compte sur la demande du ménage requérant qui justifie que ses revenus sont inférieurs d'au moins 10 % aux revenus mentionnés au premier alinéa du présent article."

Lorsque la demande du locataire est fondée, la convention conclue entre l'État le bailleur prévoit que l'application du loyer conventionné intervient à compter du mois suivant la réception de la demande complète par le bailleur, sans rétroactivité.

En outre, il sera rappelé en application des articles 1103 et 1104 (anciennement 1134) du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi, ces dispositions étant d'ordre public.

En l'espèce, Madame [L] [C] sollicite la révision du contrat et la diminution du loyer, par référence aux loyers pratiqués dans l'immeuble pour des appartements de même surface, à la somme de 871,56 euros par mois avec effet rétroactif au 20 octobre 2021, date de présentation de ses justificatifs de revenus.

Elle demande en outre le remboursement des loyers et charges qu'elle aurait acquittés à tort depuis cette date.

À cet effet, elle invoque l'absence de prise en compte de sa fille comme personne vivant au foyer pour le calcul des plafonds de ressources, la baisse de ses revenus, ainsi que l'opacité quant aux modalités de détermination de la surface utile du logement servant de base de calcul du loyer.

Elle ajoute que la baisse de ses ressources à la suite de son départ à la retraite constitue une circonstance imprévisible, au sens de l'article 1195 du code civil, rendant l'exécution du contrat excessivement onéreuse et justifiant sa renégociation.

Il convient donc d'examiner ces différents moyens successivement.

S'agissant de l'absence de prise en compte de Madame [F] [V]-[C] comme personne vivant au foyer pour le calcul des plafonds de ressources :

L'article L.412-12 du code de la construction et l'habitation précise que "sont considérées comme personnes vivant au foyer au titre des articles L. 441-1, et L. 441-4 :
- le ou les titulaires du bail
- les personnes figurant sur les avis d'imposition du ou des titulaires du bail,
- le concubin notoire du titulaire du bail,
- le partenaire lié par un pacte civil de solidarité au titulaire du bail,
- les personnes réputées à charge au sens des articles 194, 196, 196 A bis et 196 B du code général des impôts,
- les enfants qui font l'objet d'un droit de visite et d'hébergement."

La liste des personnes assimilées à des personnes vivant au foyer présente un caractère limitatif (Cass. civ. 3ème, 3 juin 2021,19-16.045).

Les autres personnes habitant le logement ne peuvent être considérées comme " personnes vivant au foyer" et leur présence ne peut être prise en compte pour le calcul du plafond de ressources.

Il en est ainsi des enfants majeurs qui font l'objet d'une imposition distincte et ne sont pas réputés à charge au sens des articles précités du code général des impôts (cf. notamment titre d'exemple Cour d'appel de Paris, 28 février 2019, n° 16-22810).

En l'espèce, il est constant que Madame [F] [V]-[C], fille de la locataire âgée de 30 ans ne figure plus sur l'avis d'imposition de sa mère.

De plus, Madame [L] [C] reconnaît que sa fille ne répond pas aux conditions de handicap fixées par l'article 196 A du code général des impôts pour être rattachée fiscalement à son foyer.

C'est donc à juste titre que pour le calcul du loyer PARIS HABITAT-OPH n'a pas pris en compte la présence de la fille de la locataire dans le logement loué.

S'agissant de la baisse des revenus de Madame [L] [C]:

L'article 1 de l'arrêté du 29 juillet 1987 précité rappelle que les plafonds de ressources sont fixés pour l'ensemble des personnes vivant au foyer au sens de l'article L.442-12 du code de la construction et de l'habitation, en fonction de la catégorie du ménage ainsi que de la région d'implantation du logement.

L'article 2 définit les catégories de ménage en fonction du nombre de personnes considérées comme vivant au foyer et en l'espèce la catégorie applicable est au vu de ce qui précède la catégorie n°1 ("une personne seule").

L'annexe I de l'arrêté du 29 juillet 1987 dans sa version à jour au 24 décembre 2020 fixe le plafond de ressources annuelles imposables applicable aux logements, autres que ceux mentionnés au II de l'article R.331-1 du code de la construction et de l'habitation, notamment les logements "PLUS", en catégorie 1, à Paris et à ses communes limitrophes, à 24 116 euros par an.

Or, il ressort des avis d'imposition sur le revenu versés aux débats que Madame [L] [C] a déclaré pour 2020 un revenu fiscal de référence de 37 083 euros et en 2021 de 34 008 euros, soit au-dessus du plafond de ressources (étant observé que l'avis d'imposition établi en 2023 sur les revenus 2022 n'est pas produit).

Il s'ensuit que Madame [L] [C] ne remplit pas les conditions ressources pour pouvoir prétendre à une diminution de son loyer.

S'agissant des modalités de détermination de la surface utile du logement servant de base de calcul du loyer :

L'article R. 353-16 du code de la construction de l'habitation, dans sa version applicable au jour du conventionnement, dispose que :
"1° Le loyer maximum applicable aux logements conventionnés, ainsi que les conditions de son évolution sont fixées par les conventions.
2° Pour les conventions conclues postérieurement au 1er juillet 1996, y compris celles conclues lors de l'acquisition des logements, le loyer maximum de chaque logement est le produit des trois éléments suivants:
a) La surface utile du logement ;
b) Le prix au mètre carré applicable à l'ensemble des logements de l'immeuble ou de l'ensemble immobilier qui fait l'objet de la convention, établi en tenant compte des caractéristiques de ce dernier, notamment de sa localisation, de la qualité de sa construction et de la taille moyenne des logements ;
c) Le coefficient propre au logement, établi en tenant compte notamment de sa taille et de sa situation dans l'immeuble ou l'ensemble immobilier.
La surface utile est égale à la surface habitable du logement, telle qu'elle est définie à l'article R. 111-2, augmentée de la moitié de la surface des annexes définies par un arrêté du ministre chargé du logement. (…)".

L'article R.111-2 du même code dans sa version en vigueur au jour du conventionnement dispose que :
" La surface habitable d'un logement est la surface de plancher construite, après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d'escaliers, gaines, embrasures de portes et de fenêtres ; le volume habitable correspond au total des surfaces habitables ainsi définies multipliées par les hauteurs sous plafond.
Il n'est pas tenu compte de la superficie des combles non aménagées, caves, sous-sols, remises, garages, terrasses, loggias, balcons, séchoirs extérieurs au logement, vérandas, volumes vitrés prévus à l'article R. 111-10, locaux communs et autres dépendances des logements, ni des parties de locaux d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre ".

L'article 9 de la convention précise le montant maximum du loyer et ses modalités de révision.

Au regard des pièces versées aux débats notamment du décompte de surface produit par PARIS HABITAT-OPH (pièces 4 et 19), il apparaît que la surface utile du logement, de 103,75 m², a été calculée conformément aux dispositions précitées, en ajoutant à la surface habitable (98,90 m²) la moitié de la surface des annexes (cave et loggia pour 4,85 m²).

En outre, le logement de Madame [L] [C], qui a fait l'objet d'une nouvelle numérotation lors du conventionnement (lot n°0062), est bien visé en page 30 de la convention.

Il s'ensuit que les modalités de détermination de la surface utile du logement servant de base de calcul du loyer ne sont pas opaques.

S'agissant de la renégociation du contrat pour imprévision :

L'article 1195 du code civil dispose que :
"Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe".

Madame [L] [C] explique qu'au regard de la baisse de ses revenus et de la nécessité de prendre en charge sa fille [F] qui est handicapée, l'application de cette disposition lui permet de demander la réduction du montant du loyer à 871,56 euros par mois, charges comprises.

Cependant, comme le fait valoir à juste titre PARIS HABITAT-OPH, le régime juridique des logements locatifs conventionnés, qui déroge à la réglementation des baux d'habitation, est spécialement réglementé dans le code de la construction et de l'habitation, de sorte que cette disposition générale n'apparaît pas devoir s'appliquer.

En outre, Madame [L] [C] n'a pas continué à exécuter ses obligations puisqu'elle a cessé de procéder au règlement intégral de son loyer. À supposer donc que cette disposition soit applicable, la locataire ne peut en revendiquer le bénéfice.

Au vu de ces éléments, il y a lieu de débouter Madame [L] [C] de ses demandes de diminution du loyer et de renégociation du contrat de bail ainsi que par voie de conséquence de sa demande de remboursement de la somme de 2950,82 euros au titre des loyers et charges réglés entre octobre et novembre 2021.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'une des obligations essentielles du preneur d'un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En matière de bail, l'article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dans sa version applicable dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au contrat du bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer, l'existence de cette mauvaise foi devant s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

En l'espèce, il ressort des pièces de la procédure que par acte d'huissier de justice délivré le 24 mai 2022, rappelant expressément la clause résolutoire stipulée au contrat de bail (article 13), PARIS HABITAT-OPH a fait commandement à Madame [L] [C] de lui régler la somme de 14 591 euros en principal, représentant le montant des loyers et des charges demeurant impayés au 20 mai 2022.

Ce commandement de payer est demeuré infructueux, ses causes n'ayant pas été réglées dans les deux mois de la délivrance du commandement (seule une somme de 6 960 euros a été réglée dans le délai).

Alors qu'il résulte de ce qui précède que le montant des loyers réclamés a été correctement calculé et que Madame [L] [C] reconnaît avoir volontairement cessé tout paiement à la suite du refus de PARIS HABITAT-OPH d'accéder à sa demande de révision du loyer, s'exposant ainsi au risque d'une procédure d'expulsion, elle ne peut raisonnablement soutenir que ce commandement de payer lui aurait été délivré de mauvaise foi.

En conséquence, il y a lieu de constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail sont réunies à la date du 25 juillet 2022.

Sur le montant de l'arriéré locatif et l'indemnité d'occupation

Madame [L] [C] est redevable des loyers et des charges impayés en application des articles 1728 du code civil et 7 de la loi du 6 juillet 1989.

Par ailleurs, son maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l'espèce, PARIS HABITAT-OPH produit un décompte faisant apparaître que Madame [L] [C] est redevable de la somme de 37 232,32 euros, terme de septembre 2023 inclus, dont 384,88 euros de frais de contentieux (209,69 euros le 16 juin 2022 et 175,19 euros le 2 février 2023).

La demande de diminution de loyer a été rejetée et Madame [L] [C] ne fait pas état de règlements autres que ceux pris en compte par le bailleur.

Madame [L] [C] sera par conséquent condamnée au paiement de la somme de 36 847,44 euros (37 232,32 euros - 384,88 euros) au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation selon décompte arrêté au 21 octobre 2023, terme de septembre 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer sur la somme de 14 591 euros et à compter de l'assignation sur la somme de 8 202,13 euros (23 002,82 euros -14 591 euros - 209 69 euros) conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Elle sera également condamnée au paiement à compter de l'échéance d'octobre 2023 d'une indemnité mensuelle d'occupation qu'il convient de fixer au montant du loyer qui aurait été dû en l'absence de résiliation et des charges mensuelles dûment justifiées et ce jusqu'à la libération effective des lieux, soit actuellement la somme de 2 530,74 euros.

Sur les délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire

Les articles 24 V et VII de la loi du 6 juillet 1989 dans sa version en vigueur depuis le 29 juillet 2023 disposent que le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d'office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu'il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais accordés par le juge.

En l'espèce, Madame [L] [C] n'ayant pas repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l'audience, il est strictement impossible de lui accorder des délais de paiement suspendant les effets de la clause résolutoire.

Madame [L] [C] étant sans droit ni titre depuis le 25 juillet 2022, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction.

Sur les demandes d'indemnisation pour préjudice de jouissance et préjudice moral

Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.
Le bailleur est obligé :
a) de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement (…),
b) d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus
c) d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

En outre, l'article 1719 du code civil oblige le bailleur à faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail.

Le manquement du bailleur à ces obligations peut être sanctionné, si le preneur démontre l'existence d'un trouble de jouissance, par sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, évalués en fonction de la gravité, de l'intensité et de la durée du trouble.

En l'espèce, il est constant et non contesté qu'un dégât des eaux affectant l'une des chambres de l'appartement donné à bail est survenu le 25 mai 2020, occasionnant d'importantes dégradations sur les murs et plafonds de cette pièce.

PARIS HABITAT-OPH établi avoir mandaté une entreprise pour que soit réalisée une recherche de fuite le 1er juin 2020 puis mettre un terme à ce sinistre le 22 septembre 2020, les travaux de rénovation ayant été exécutés courant mars 2021.

Le bailleur ne peut s'exonérer de sa responsabilité au prétexte qu'il a supprimé la fuite d'eau à l'origine du sinistre dans un délai raisonnable et que l'exécution des travaux de rénovation a été retardée par les confinements successifs dus à la COVID-19 et à l'attaque informatique dont il déclare avoir été victime en octobre 2020.

En effet, au regard des principes rappelés ci-avant, ce sinistre caractérise un manquement du bailleur à son obligation de résultat d'assurer une jouissance paisible à sa locataire et engage de fait la responsabilité de PARIS HABITAT-OPH.

La présence de désordres résultant de ce dégât des eaux sur les murs et les plafonds de cette chambre, utilisée à usage de bureau, et qui ont été fortement dégradés, ainsi que relevé selon procès-verbal de constat du 17 mars 2021, caractérise un trouble de jouissance en ce que la locataire n'a pu jouir normalement et intégralement de cette pièce.

Il convient cependant de relever que Madame [L] [C] n'établit pas qu'en raison de ces désordres, elle s'est trouvée dans l'incapacité totale d'utiliser cette chambre, pas plus qu'elle n'établit la présence dans cette pièce ni d'ailleurs dans le reste de l'appartement de moisissures et champignons marrons (le commissaire de justice fait mention d'importantes marques de cette couleur sans autre précision).

Au vu de l'ensemble de ces observations, étant rappelé que la pièce concernée est d'une surface de 9,70 m² pour un appartement d'une surface utile totale de 103,75 m² comprenant quatre pièces principales avec un loyer de 2 176,23 euros jusqu'en janvier 2021 réindexé ensuite à 2 190,59 euros, le trouble de jouissance sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 1 700 euros, ce qui représente environ 70 % du loyer de cette pièce durant 10 mois.

Madame [L] [C] allègue en outre d'un préjudice moral à raison d'odeurs persistantes d'humidité, de moisissures et de salpêtre et ce depuis 2017.

À cet effet, elle verse uniquement aux débats des échanges de SMS avec la société UTB pour des rendez-vous fixés les 26 avril 2019, 15 juillet 2019 et 1er juin 2020, sans indication des motifs de ces rendez-vous, ainsi qu'une attestation du père de sa fille, Monsieur [N] [V], qui est irrecevable puisque ne comportant pas de copie de sa pièce d'identité.

En l'absence de clichés photographiques, de procès-verbal de constat et même de la moindre réclamation écrite au bailleur avant la délivrance du commandement de payer, ces documents sont très largement insuffisants à justifier de la réalité des nuisances alléguées.

Madame [L] [C] sera par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

La demande indemnitaire formulée par sa fille Madame [F] [V]-[C] reposant sur les mêmes motifs sera également rejetée.

Sur les demandes accessoires

Madame [L] [C] et Madame [F] [V]-[C], parties perdantes, seront condamnées aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui comprendront notamment le coût du commandement de payer, de l'assignation et de sa notification à la préfecture.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de PARIS HABITAT-OPH les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 2 000 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à laquelle Madame [L] [C] sera condamnée.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de Madame [F] [V]-[C],

DÉCLARE l'action en résiliation de bail et en expulsion recevable,

CONSTATE que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 1er août 2005 entre LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES VIE (MMA) aux droits de laquelle vient PARIS HABITAT-OPH d'une part et Madame [L] [C] d'autre part concernant l'appartement à usage d'habitation (bâtiment C, escalier 21, 3ème étage, logement n° 331), ainsi que la cave (n°55) et le parking (n° 92) dans un immeuble situé [Adresse 1] à [Localité 5] sont réunies à la date du 25 juillet 2022,

DÉBOUTE Madame [L] [C] de ses demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire,

ORDONNE en conséquence à Madame [L] [C] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement,

DIT qu'à défaut pour Madame [L] [C] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, PARIS HABITAT-OPH pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef et en particulier celle de Madame [F] [V]-[C] conformément à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

DÉBOUTE Madame [L] [C] de ses demandes de diminution du loyer, de renégociation du contrat de bail et de remboursement de la somme de 2950,82 euros au titre des loyers d'octobre et novembre 2021,

CONDAMNE Madame [L] [C] à verser à PARIS HABITAT-OPH la somme de 36 847,44 euros (décompte arrêté au 21 octobre 2023, incluant la mensualité de septembre 2023), correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation, avec intérêts au taux légal sur la somme de 14 591 euros à compter du 24 mai 2022 et sur la somme de 8 202,13 euros à compter du 25 janvier 2023,

RAPPELLE que les paiements intervenus postérieurement au décompte viennent s'imputer sur les sommes dues conformément à l'article 1342-10 du code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées,

CONDAMNE Madame [L] [C] à verser à PARIS HABITAT-OPH une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter de l'échéance d'octobre 2023 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),

CONDAMNE PARIS HABITAT-OPH à verser à Madame [L] [C] la somme de 1 700 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance,

DÉBOUTE Madame [L] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

DÉBOUTE Madame [F] [V]-[C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,

CONDAMNE Madame [L] [C] à payer à PARIS HABITAT-OPH la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE Madame [L] [C] et Madame [F] [V]-[C] aux dépens comme visé dans la motivation,

RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le Greffier, Le Juge des contentieux de la protection.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/01096
Date de la décision : 02/08/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-02;23.01096 ?
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