TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 01/08/2024
à : [R] [B]
Copie exécutoire délivrée
le : 01/08/2024
à : Maitre Cosima OUHIOUN
Pôle civil de proximité
PCP JCP référé
N° RG 24/02644
N° Portalis 352J-W-B7I-C4HJJ
N° MINUTE : 2/2024
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 30 août 2024
DEMANDEUR
Monsieur [G] [L], représenté par son tuteur, l’UDAF de [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représenté par Maitre Cosima OUHIOUN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0517
DÉFENDEUR
Madame [R] [B], demeurant [Adresse 1]
non comparant, ni représenté
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Alexandrine PIERROT, Greffière, lors des débats, de Delphine VANHOVE, Greffière, lors de la mise à disposition
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 avril 2024
ORDONNANCE
réputée contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 30 août 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge, juge des contentieux de la protection assisté de Alexandrine PIERROT, Greffière, lors des débats, de Delphine VANHOVE, Greffière, lors de la mise à disposition
Décision du 30 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/02644 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4HJJ
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [G] [L] est locataire d'un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 1]) à [Localité 3] ainsi que d'une cave en vertu d'un contrat de bail signé avec l'OFFICE PUBLIC D'AMÉNAGEMENT ET DE CONSTRUCTION DE [Localité 2] (OPAC de [Localité 2]) désormais dénommé [Localité 2] HABITAT pour un loyer mensuel initial de 982,80 francs hors charges locatives.
Monsieur [G] [L] est sous mesure de protection judiciaire depuis près de 30 ans et a été placé sous tutelle par jugement du tribunal d'instance de Paris du 20 septembre 2019, l'UDAF de Paris étant désignée en qualité de tuteur.
Informée le 30 mai 2022 par l'aide à domicile de Monsieur [G] [L] que ce dernier hébergerait un couple d'amis fumant des substances illicites, l'UDAF de [Localité 2] a par courrier signifié à étude le 8 novembre 2023 mis en demeure Madame [R] [B] de quitter les lieux puis a porté plainte pour violation de domicile le 18 septembre 2023.
Par ordonnance sur requête du 5 décembre 2023 l'UDAF de [Localité 2] a obtenu la désignation d'un commissaire de justice qui selon procès-verbal du 1er février 2024 a constaté la présence dans les lieux de Madame [R] [B].
Par acte de commissaire de justice du 17 février 2024, Monsieur [G] [L] représenté par son tuteur l'UDAF de Paris a assigné en référé Madame [R] [B] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir son expulsion avec l’assistance de la force publique, la suppression du délai de deux mois et du bénéfice de la trêve hivernale prévus par les articles L.412-1 et L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution, sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 1er mai 2022 ainsi qu'à celle de 3 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et nuisances subies outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Au soutien de ses demandes, Monsieur [G] [L] fait valoir que Madame [R] [B] a profité de sa vulnérabilité et de son instabilité psychiatrique pour s'introduire dans les lieux et s'y maintenir, ce qui est constitutif d'une voie de fait et caractérise un trouble manifestement illicite au sens des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, lui causant un préjudice financier considérable puisque résidant désormais dans un établissement pour personnes âgées, il est contraint de payer deux loyers.
À l'audience du 4 avril 2024, Monsieur [G] [L] sous tutelle de l'UDAF de [Localité 2], représenté par son conseil, a réitéré les termes de son assignation, sauf à préciser que la demande au titre de l'indemnité d'occupation était formulée à titre provisionnel.
Assignée à étude, Madame [R] [B] n'a pas comparu, ni personne pour elle. En application de l'article 473 du code de procédure civile, la décision étant susceptible d'appel, il sera statué par ordonnance réputée contradictoire.
La décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 22 mai 2024 avait été prorogée au 30 août 2024 puis rendue par anticipation au 01 août 2024.
MOTIFS
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande d'expulsion en raison de l'occupation illicite du logement
En application de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
En vertu de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un tel trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats notamment du procès-verbal de constat du 1er février 2024 que Madame [R] [B] occupe le logement litigieux à des fins d'habitation et s'y maintient en dépit de la mise en demeure qui lui a été signifiée le 8 novembre 2023, cette dernière n'ayant pas hésité à faire preuve de violences à l'encontre de Monsieur [G] [L] lorsqu'il a souhaité accéder à son domicile, faits pour lesquels une plainte a été déposée le 28 juin 2023.
Or, Madame [R] [B] ne dispose d'aucun droit sur ce logement qu'il s'agisse d'un prêt à usage au sens des articles 1875 et 1876 du code civil ou d'un contrat de sous-location, ces deux actes portant sur le logement du majeur protégé nécessitant le concours de l'UDAF de [Localité 2] et l'autorisation préalable du juge des tutelles conformément à l'article 426 du code civil.
Dès lors, l'occupation des lieux par Madame [R] [B] est établie, de même que le défaut de tout droit ou titre d'occupation, ce qui caractérise de manière non sérieusement contestable un trouble manifestement illicite.
Il convient donc d'ordonner son expulsion, selon les modalités détaillées dans le dispositif de la présente décision.
Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.
Sur la demande de suppression du délai de deux mois suivant le commandement d'avoir à quitter les lieux
Selon l'article L.412-1 du code des procédures civile d'exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L.412-3 à L.412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L.442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate la mauvaise foi de la personne expulsée ou que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Le fait de prendre possession d'un local sans y être autorisé par le propriétaire et sans avoir été induit en erreur ou abusé sur l'étendue de ses droits, constitue incontestablement une voie de fait, même en l'absence d'effraction ou de dégradation des lieux occupés.
Décision du 30 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/02644 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4HJJ
En l'espèce, en s'introduisant puis en se maintenant dans l'appartement de Monsieur [G] [L] contre sa volonté au point d'exercer des violences à son encontre, Madame [R] [B] a profité de sa vulnérabilité et de son instabilité psychiatrique, déficiences qu'elle ne pouvait ignorer puisque le demandeur sous mesure de protection depuis plusieurs années a été placé sous tutelle en 2019 et qu'il bénéficiait jusqu'à ce qu'il quitte le logement du passage d'une aide à domicile qui a dénoncé sa présence qui contrariait sa prise en charge.
Il y a lieu en conséquence de considérer que la défenderesse s'est introduite puis maintenue dans l'appartement par voie de fait, laquelle n'a en tout état de cause pas besoin d'être caractérisée pour que le délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux soit supprimé.
Or, en l'espèce la suppression de ce délai s'impose au regard des risques pour la sécurité des résidents de l'immeuble et de la détérioration de l'état de l'appartement résultant de la présence dans les lieux d'une personne consommant de façon intensive des stupéfiants ainsi que relevé par le commissaire de justice dans son procès-verbal du 1er février 2024, ainsi que de la nécessité pour Monsieur [G] [L] de pouvoir enfin résilier son bail et cesser ainsi de s'acquitter d'un loyer pour un appartement qu'il n’occupera plus puisque vivant depuis juillet 2023 dans un établissement pour personnes âgées, soit depuis maintenant un an.
Il convient en conséquence de supprimer le délai de deux mois prévu à l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Sur la demande de suppression du sursis prévu à l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution
L'article L.412-6 du code des procédures civile d'exécution dispose que, nonobstant toute décision d'expulsion passée en force de chose jugée et malgré l'expiration des délais accordés en vertu de l'article L.412-3, il est sursis à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l'unité et les besoins de la famille.
Par dérogation au premier alinéa de l'article L.412-6 du code des procédures civile d'exécution, ce sursis ne s'applique pas lorsque la mesure d'expulsion a été prononcée en raison d'une introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.
Le juge peut supprimer ou réduire le bénéfice du sursis mentionné au même premier alinéa lorsque les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans tout autre lieu que le domicile à l'aide des procédés mentionnés au deuxième alinéa de l'article L.412-6.
Compte tenu de ce qui précède sur l'entrée dans les lieux de Madame [R] [B] par voie de fait et la nécessité de faire cesser sans délai le trouble manifestement illicite, il n'y a pas lieu de faire bénéficier à la défenderesse du sursis susvisé.
Sur la provision au titre de l'indemnité d'occupation
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
Le montant de la provision allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée, que le juge des référés fixe discrétionnairement à l'intérieur de cette limite la somme qu'il convient allouer au requérant.
Décision du 30 août 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/02644 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4HJJ
Le maintien dans les lieux en dépit de la volonté du locataire constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le locataire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.
En l'espèce, afin de préserver les intérêts de Monsieur [G] [L], il convient de dire que Madame [R] [B] sera redevable à son égard d'une indemnité mensuelle d'occupation qu'il convient de fixer à titre provisionnel au montant du loyer réglé à [Localité 2] HABITAT-OPH majoré des charges à compter de l’échéance de mai 2022 date à laquelle sa présence dans les lieux a été dénoncée par l'aide à domicile à l'UDAF de [Localité 2], et ce jusqu'à libération effective des lieux.
Sur la provision au titre de l'indemnisation du préjudice moral et des nuisances subies
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
Si le juge des référés n'a pas le pouvoir de fixer le montant des dommages et intérêts, il peut allouer une provision au créancier si l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.
En l'espèce, aucun élément notamment médical n'est produit de nature à établir la réalité du préjudice moral et des nuisances alléguées.
De même, aucun devis n'est communiqué permettant de chiffrer les dégradations constatées par le commissaire de justice, lesquelles ne peuvent être imputées de façon certaine à Madame [R] [B] en l'absence de précision de l'état du logement avant son entrée dans les lieux.
La demande provisionnelle de dommages et intérêts sera par conséquent rejetée.
Sur les mesures accessoires
Madame [R] [B], partie perdante, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, qui comprendront le coût de signification de la mise en demeure du 8 novembre 2023 et de l'ordonnance sur requête du 1er février 2024, ainsi que le coût du procès-verbal de constat du 1er février 2024.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [G] [L] les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 200 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé, publiquement, après débats en audience publique, par ordonnance réputée contradictoire mise à disposition au greffe en premier ressort,
Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent,
CONSTATONS que Madame [R] [B] est occupante sans droit ni titre de l'appartement à usage d'habitation [Adresse 1] et de la cave située [Adresse 1] à [Localité 3],
ORDONNONS en conséquence à Madame [R] [B] de libérer les lieux à réception de la signification de la présente ordonnance,
DISONS qu'à défaut pour Madame [R] [B] d'avoir volontairement libéré les lieux dans ce délai, Monsieur [G] [L] représenté par l'UDAF de [Localité 2] pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, conformément à l'article L.411-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,
PRÉCISONS que les dispositions de l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution relatives à la trêve hivernale n'ont pas lieu à s'appliquer, de même que le délai de deux mois de l'article L.412-1 du même code,
RAPPELONS que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
CONDAMNONS Madame [R] [B] à verser à Monsieur [G] [L] représenté par l'UDAF de [Localité 2] une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges réglés à [Localité 2] HABITAT-OPH à compter de l’échéance de mai 2022 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),
DÉBOUTONS Monsieur [G] [L] représenté par l'UDAF de [Localité 2] de sa demande provisionnelle de dommages et intérêt pour préjudice moral et nuisances subies,
CONDAMNONS Madame [R] [B] à verser à Monsieur [G] [L] représenté par l'UDAF de [Localité 2] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNONS Madame [R] [B] aux dépens comme visé dans la motivation,
RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et la greffière susnommés.
La Greffière, Le Juge des contentieux de la protection.